L'histoire des Gadsby - Rudyard Kipling - E-Book

L'histoire des Gadsby E-Book

Rudyard Kipling

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Beschreibung

PAUVRE CHÈRE MAMAN
LE MONDE EXTÉRIEUR
LES TENTES DE CÉDAR
PAR AUCUNE CRAINTE
LE JARDIN D’ÉDEN

Das E-Book L'histoire des Gadsby wird angeboten von Librorium Editions und wurde mit folgenden Begriffen kategorisiert:
fiction, contes, littérature

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Veröffentlichungsjahr: 2024

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            RUDYARD KIPLING

L’Histoire des Gadsby

CONTE SANS INTRIGUE

TRADUIT PARLOUIS FABULET et ARTHUR AUSTIN-JACKSON

© 2024 Librorium Editions

ISBN : 9782385747381

 

 

 

 

L’Histoire des Gadsby

PAUVRE CHÈRE MAMAN

LE MONDE EXTÉRIEUR

LES TENTES DE CÉDAR

PAR AUCUNE CRAINTE

LE JARDIN D’ÉDEN

MADAME BARBE-BLEUE

LA VALLÉE DE L’OMBRE

LE DÉBORDEMENT DU JOURDAIN

 

 

 

PAUVRE CHÈRE MAMAN

L’épervier sauvage au ciel balayé de vent,

Le cerf à la plaine salubre,

Le cœur d’un homme au cœur d’une fille

Comme c’était au temps d’antan.

(Chanson bohémienne.)

DÉCOR : — Chambre de MISS MINNIE THREEGAN à Simla. MISS THREEGAN dans l’embrasure de la fenêtre, en train de fouiller dans un tiroir plein de toutes sortes de choses.

MISS EMMA DEERCOURT, amie de cœur, qui est venue passer la journée, assise sur le lit, en train d’agencer le corsage d’une robe de bal et une touffe de muguet artificiel. Cinq heures trente, par un chaud après-midi de mai.

MISS DEERCOURT. — Et il a dit : « Je n’oublierai jamais cette danse », et, naturellement, j’ai répondu : « Oh, comment pouvez-vous être sot à ce point ! » Penses-tu, chérie, qu’il avait une intention ?

MISS THREEGAN (sortant du fouillis un long bas de soie lavande). — Tu le connais mieux que moi.

MISS D. — Oh, tâche d’être sympathique, Minnie ! Je suis sûre qu’il a une intention. Au moins j’en serais sûre s’il n’était pas toujours à monter à cheval avec cette odieuse Mrs. Hagan.

MISS T. — Je le suppose. Comment diable s’arrange-t-on, lorsqu’on danse, pour passer à travers ses talons les premiers ? Regarde-moi cela, si ce n’est pas honteux ? (Elle tend le talon du bas sur sa main ouverte pour en faire l’inspection.)

MISS D. — Ne t’en occupe pas ! Impossible à raccommoder. Aide-moi à arranger ce maudit corsage. J’ai passé le lacet comme ceci, je l’ai passé comme cela et je ne peux pas arriver à mettre le bombé en place. Et cela, où le mettrais-tu ? (Elle montre les muguets.)

MISS T. — Aussi haut sur l’épaule que possible.

MISS D. — Suis-je assez grande ? Je sais que cela fait paraître May Olger bancale.

MISS T. — Oui, mais elle n’a pas tes épaules. Les siennes ressemblent à une bouteille à vin du Rhin.

LE PORTEFAIX (frappant à la porte). — Le capitaine sahib est là.

MISS D. (se levant avec effarement, et se mettant à la recherche de son corset qu’elle a banni eu égard à la chaleur du jour). — Le capitaine sahib ? Quel capitaine sahib ? Oh, bonté divine, et je ne suis qu’à demi vêtue ! Eh bien, tant pis, je ne me dérangerai pas.

MISS T. (avec calme). — Inutile, en effet. Ce n’est pas pour nous. C’est le capitaine Gadsby. Il s’en va faire une promenade à cheval avec maman. Il vient en général cinq jours sur sept.

VOIX D’ANGOISSE (d’une chambre intérieure). — Minnie, cours donner du thé au capitaine Gadsby, et dis-lui que je serai prête dans dix minutes ; et, écoute, Minnie, viens ici un instant, tu serais si gentille !

MISS T. — Oh, zut ! (A haute voix.) Fort bien, maman.

Elle sort et réapparaît au bout de cinq minutes, les joues rouges et en se frottant les doigts.

MISS D. — Comme tu es rouge ! Qu’est-il arrivé ?

MISS T. (chuchotant de toutes ses forces). — Vingt-quatre pouces de taille, et il faut que tout rentre. Où sont mes porte-bonheur ? (Elle fouille sur la table de toilette, et se passe, dans l’intervalle, la brosse sur les cheveux.)

MISS D. — Qui est ce capitaine Gadsby ? Je ne pense pas l’avoir jamais rencontré.

MISS T. — Oh si, pour sûr. Il est du clan Harrar. J’ai dansé avec lui, mais je ne lui ai jamais parlé. C’est un grand garçon jaune, absolument un poussin frais éclos, avec une é-norme moustache. Il marche comme ceci (elle imite la démarche de la cavalerie), et il fait « Ha-hmm ! » du fin fond de la gorge lorsqu’il ne trouve rien à dire. Maman le goûte. Pas moi.

MISS D. (distraitement). — La cire-t-il, cette moustache ?

MISS T. (occupée avec la houppe à poudrer). — Oui, je le pense. Pourquoi ?

MISS D. (se penchant sur le corsage et cousant avec ardeur). — Oh, rien… seulement…

MISS T. (sévèrement). — Seulement quoi ? Allons, dis, Emma.

MISS D. — Eh bien, May Olger — elle est fiancée à Mr. Charteris, tu sais — disait… — Tu me promets de ne pas le répéter ?

MISS T. — Oui, je te le promets. Qu’a-t-elle dit ?

MISS D. — Que… que d’être embrassée (tout d’un élan) par un homme qui ne cirait pas sa moustache, c’était… comme si l’on mangeait un œuf sans sel.

MISS T. (du haut de sa grandeur, avec un mépris écrasant). — May Olger est une horreur, et tu peux le lui répéter. Je suis heureuse qu’elle ne fasse pas partie de mon clan… Il faut que j’aille donner à manger à cet homme. Ai-je l’air présentable ?

MISS D. — Oui, parfaitement. Fais vite et passe-le à ta mère, pour que nous puissions causer. Moi, je vais écouter à la porte pour entendre ce que tu lui dis.

MISS T. — Pour ce que je m’en soucie. Je t’assure que je n’ai pas peur du capitaine Gadsby.

Comme preuve, elle pénètre dans le salon d’un grand pas masculin suivi de deux petits pas écourtés, ce qui produit l’effet d’un cheval rétif entrant. Elle manque LE CAPITAINE GADSBY, lequel est assis dans l’ombre du rideau, et elle jette tout alentour un regard désespéré.

LE CAPITAINE GADSBY (à part). — La pouliche, mâtin ! doit avoir pigé cette allure à l’étalon. (Haut, se levant.) Bonsoir, miss Threegan.

MISS T. (ayant conscience qu’elle rougit). — Bonsoir, capitaine Gadsby. Maman m’a chargée de vous dire qu’elle sera prête dans quelques minutes. Ne prendriez-vous pas du thé ? (A part.) J’espère que maman va se dépêcher. Qu’est-ce que je vais bien dire à ce grand animal-là ? (Haut et brusquement.) Du lait et du sucre ?

LE CAP. G. — Pas de sucre, me-erci, et fort peu de lait. Ha-hmmm.

MISS T. (à part). — S’il fait cela, je suis perdue. Je vais rire. Je sais que je vais rire !

LE CAP. G. (tirant sur sa moustache et la regardant de côté, au bas de son nez). — Ha-hmmm. (A part.) Me demande ce dont la petite bécasse peut parler. Faut risquer le coup cependant.

MISS T. (à part). — Oh ! mais, c’est une torture ! Il faut que je dise quelque chose.

TOUS LES DEUX ENSEMBLE. — Êtes-vous allé…

LE CAP. G. — Je vous demande pardon. Vous alliez dire…

MISS T. (qui est restée à regarder la moustache avec une fascination pleine de respect). — Ne prendriez-vous pas des œufs ?

LE CAP. G. (regardant d’un air effaré la table à thé). — Des œufs ! (A part.) Diable ! c’est l’heure où elle fait quelque dînette. Je suppose qu’on lui a essuyé la bouche pour me l’envoyer tandis que la mère est en train de mettre ses frusques. (Haut.) Non, merci.

MISS T. (pourpre de confusion). — Oh ! ce n’est pas cela que je voulais dire. Je ne pensais pas pour un instant à des mou — à des œufs. Je voulais dire du sel. Ne prendriez-vous pas du s… des bonbons ? (A part.) Il va me prendre pour une folle furieuse. Je voudrais bien que maman arrive.

LE CAP. G. (à part). — C’était bien une dînette, et elle en a honte. Mâtin, elle n’a pas l’air si mal, lorsqu’elle rougit comme cela. (Haut, en puisant lui-même dans l’assiette.) Avez-vous vu ces nouveaux chocolats chez Péliti ?

MISS T. — Non, j’ai fait ceux-ci moi-même. De quoi ont-ils l’air ?

LE CAP. G. — Ceux-ci !… Dé-licieux. (A part.) Et c’est un fait.

MISS T. (à part). — Oh, zut ! il va croire que je suis en quête de compliments. (Haut.) Non, ceux de Péliti, naturellement.

LE CAP. G. (avec enthousiasme). — Pas à comparer avec ceux-ci. Comment les faites-vous ? Je ne peux arriver à ce que mon khansamah[1] comprenne la plus simple chose en dehors du mouton et du poulet.

[1] Cuisinier indigène.

MISS T. — Oui ? Je ne suis pas un khansamah, vous savez. Peut-être que vous lui faites peur. Il ne faut jamais faire peur à un domestique. Il perd la tête. C’est de très mauvaise politique.

LE CAP. G. — Il est d’une si effroyable bêtise.

MISS T. (se croisant les mains sur les genoux). — Il faudrait l’appeler tout tranquillement et lui dire : « O khansamah jee ! »

LE CAP. G. (commençant à s’intéresser). — Oui ! (A part.) Imaginez ce petit poids-léger disant : « O khansamah jee » à mon farouche Mir Khan !

MISS T. — Puis vous lui expliqueriez le dîner, plat par plat.

LE CAP. G. — Mais je ne sais pas parler le langage du pays.

MISS T. (d’un air protecteur). — Vous devriez passer l’examen des langues orientales et essayer.

LE CAP. G. — Je l’ai fait, mais il ne semble pas que j’en sois plus habile pour cela. Et vous ?

MISS T. — Je n’ai jamais passé l’examen. Mais le khansamah est très patient avec moi. Il ne se fâche pas quand je parle de topees (chapeaux) de mouton, alors que je veux dire des têtes, ou que je commande des maunds (tonnes) de grain, alors que je veux dire des livres.

LE CAP. G. (à part, avec une forte indignation). — Je voudrais voir Mir Khan se montrer grossier vis-à-vis de cette petite ! Allons, allons ! ne nous emballons pas. (Haut.) Et vous y entendez-vous aussi pour ce qui est des chevaux ?

MISS T. — Un peu… pas beaucoup. Je ne sais pas les médicamenter, mais je sais ce qu’il faut qu’ils mangent, et c’est moi qui suis chargée de l’écurie.

LE CAP. G. — Vraiment ! Vous pourriez m’aider, alors. Qu’est-ce qu’on doit donner à son saïs[2], dans les montagnes ? Mon brigand dit huit roupies parce que tout est si cher.

[2] Palefrenier.

MISS T. — Six roupies par mois, et une roupie de supplément à Simla… Ni plus ni moins. Et un coupeur d’herbe gagne six roupies, cela vaut mieux que d’acheter l’herbe au bazar.

LE CAP. G. (avec admiration). — Comment savez-vous ?

MISS T. — J’ai essayé l’un et l’autre.

LE CAP. G. — Vous montez donc beaucoup à cheval ? Je ne vous ai jamais vue sur le Mall ?

MISS T. (à part). — Je ne l’ai pas croisé plus de cinquante fois. (Haut.) Presque tous les jours.

LE CAP. G. — Sapristi ! Je ne savais pas cela. Ha-hmmm ! (Il tire sur sa moustache et reste silencieux l’espace de quarante secondes.)

MISS T. (éperdument, et se demandant ce qui va arriver). — Elle est très bien. A votre place je n’y toucherais pas. (A part.) C’est la faute à maman qui n’est pas venue plus tôt. Je vais être grossière !

LE CAP. G. (se bronzant sous le hâle, et ramenant sa main très promptement). — Hein ! Quo-oi ! Oh, oui ! Ha ! ha ! (Il rit d’un air gêné.) (A part.) Ah ! bien, elle en a un sacré toupet ! Je n’ai jamais encore vu une femme me dire cela. Ce doit être une mâtine, sans quoi… Ah ! cette dînette !

VOIX SORTANT DE L’INCONNU. — Tchk ! tchk ! tchk !

LE CAP. G. — Bonté divine ! Qu’est-ce que c’est que cela ?

MISS T. — Le chien, je crois. (A part.) Emma écoutait, et je ne le lui pardonnerai jamais !

LE CAP. G. (à part). — Ils n’ont pas de chien. (Haut.) On n’eût pas dit un chien, n’est-ce pas ?

MISS T. — Alors, ce devait être le chat. Allons dans la verandah. Quel délicieux après-midi !

Elle pénètre dans la verandah et regarde au loin dans les montagnes en plein soleil couchant. Le capitaine suit.

LE CAP. G. (à part). — Des yeux superbes ! Je m’étonne de ne les avoir jamais encore remarqués. (Haut.) Il doit y avoir un bal au palais vice-royal mercredi. Pouvez-vous me réserver une danse ?

MISS T. (brièvement). — Non ! Je n’ai pas besoin de vos danses par charité. Vous ne m’invitez que parce que maman vous a dit de le faire. Je saute et je bouscule. Vous le savez bien !

LE CAP. G. (à part). — C’est vrai, mais ce n’est pas aux petites filles à comprendre ces choses-là. (Haut.) Non, sur ma parole, je ne le sais pas. Vous dansez à merveille.

MISS T. — Alors pourquoi vous arrêtez-vous toujours après une demi-douzaine de tours ! Je croyais que dans l’armée les officiers ne contaient jamais de craques.

LE CAP. G. — Ce n’était pas une craque, croyez-moi. Je sollicite réellement le plaisir d’une danse avec vous.

MISS T. (avec malice). — Pourquoi ? Est-ce que maman ne veut plus danser avec vous ?

LE CAP. G. (plus vivement que ne le réclament les circonstances). — Je ne pensais pas à madame votre mère. (A part.) Petite poison, va !

MISS T. (regardant toujours par la fenêtre). — Hein ? Oh, je vous demande pardon. Je pensais à autre chose.

LE CAP. G. (à part). — Eh bien ! je me demande ce qu’elle va pouvoir dire encore. Je n’ai jamais vu une femme me traiter de la sorte. Autant être — le diable m’emporte, — autant être sous-lieutenant d’infanterie. (Haut.) Oh ! je vous en prie. Je n’en vaux pas la peine. Madame votre mère n’est-elle pas encore prête ?

MISS T. — Je pense que oui ; mais promettez-moi, capitaine Gadsby, que vous ne ferez plus faire deux fois de suite le tour du Jakko à ma pauvre chère maman. Cela la fatigue tant !

LE CAP. G. — Elle prétend qu’aucun exercice ne la fatigue.

MISS T. — Oui, mais elle souffre après. Vous ne savez pas, vous, ce que c’est que les rhumatismes, et vous ne devriez pas la retenir dehors si tard, quand il se met, le soir, à faire frais.

LE CAP. G. (à part). — Les rhumatismes ! Il me semblait aussi qu’elle descendait de cheval un peu tout d’une pièce. Huuuou ! On s’instruit tous les jours. (Haut.) Je suis fâché de l’apprendre. Elle ne m’en a pas parlé.

MISS T. (troublée). — Naturellement non. La pauvre chère maman ne l’eût pas fait. Et il ne faut pas non plus aller raconter que je vous l’ai dit. Promettez-moi que vous ne le répéterez pas. Oh, capitaine Gadsby, promettez-le-moi !

LE CAP. G. — Je suis muet, ou… je le serai dès que vous m’aurez accordé cette danse, et une autre… si vous voulez bien prendre la peine de penser une minute à moi.

MISS T. — Mais cela ne vous plaira pas le moins du monde. Vous le regretterez affreusement ensuite.