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Ce roman nous conte, dans un style autobiographique, la découverte et l'initiation à l'amour d'un jeune homme, depuis son enfance, ses espérances, ses désespoirs, ses errances...
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Veröffentlichungsjahr: 2018
Camille Lemonnier, né à Ixelles, Belgique le 24 mars 1844 et mort dans sa ville natale le 13 juin 1913, est un écrivain belge particulièrement fécond. Ce Brabançon, fils d'un avocat wallon et d'une Flamande, vint à la littérature par le détour de la critique d'art. Il effectue ses études secondaires à l'Athénée Royal de Bruxelles. En 1863, Lemonnier publie à compte d'auteur le Salon de Bruxelles et commence à fréquenter le monde artistique. Il se distingue immédiatement par son désir de défendre l'art réaliste contre l'académisme, et la liberté de l'artiste contre les institutions d'État. En 1870, Lemonnier parcourt le champ de bataille de Sedan avec son cousin Félicien Rops (peintre et dessinateur). Son roman-reportage Sedan relate ses impressions : « une odeur de terre, de pourriture, de chlore et d'urine mêlés ». Cet ouvrage réaliste sera repris sous le titre Les Charniers qui précède La Débâcle d'Émile Zola. Lemonnier commence à être reconnu dans le milieu naturaliste. Il collabore d'ailleurs à des revues françaises où il fait connaître les peintres belges. C'est avec son roman Un Mâle (1881) qu'il atteint la notoriété. Le scandale provoqué par la parution de ce livre est tel que la jeune génération (les poètes rassemblés autour de la revue la Jeune Belgique) organise un banquet de « réparation » à leur aîné en 1884 pour lui témoigner son appui face aux foudres de la critique traditionnaliste des « perruques » et de certains journalistes catholiques. On a souvent surnommé Lemonnier le « Zola belge » bien qu'il ait affirmé que cette étiquette ne lui convenait pas. En fait, l'auteur du Mâle est trop soucieux de son style (qu'on nommait « macaque flamboyant ») et de recherche de néologismes et d'archaïsmes pour être rangé parmi les naturalistes. La filiation avec le naturalisme français s'arrête, en effet, à l'influence du milieu, et plus précisément de la vie animale, sur le comportement des personnages. Dans des romans tels Le Possédé, La Fin des bourgeois ou L'homme en amour, Lemonnier se rattache davantage au courant dit « décadent », représenté en France par J.-K. Huysmans, Péladan, Lorrain ou Rachilde ; la préciosité de son style, son obsession pour le thème de la femme fatale, la névrose et la perversion peuvent être considérés comme une contribution originale à l'esthétique décadente. Si, dans ces romans des années 1890, Lemonnier se rapproche davantage de Félicien Rops, il n'en demeure pas moins que les chapitres du Mâle qui décrivent la kermesse ou la vie à la ferme renvoient davantage à la tradition flamande et aux tableaux de Pieter Bruegel l'Ancien. Portrait de Camille Lemonnier par Emile Claus Le Prix quinquennal de littérature lui est attribué en 1888 pour son ouvrage La Belgique, illustré de gravures dessinées, entre autres, par Constantin Meunier. En 1905, il publie La Vie belge et deux ans avant sa mort, Une vie d'écrivain, son autobiographie. Dans ces trois œuvres, Lemonnier rend hommage à sa terre natale, souhaitant présenter au lecteur la vie et la culture de son pays. Ce « témoin au passé », selon sa propre expression, relate, avec un talent de conteur, la naissance des lettres belges: « La Jeune Belgique avait frappé le roc aride et à présent les eaux ruisselaient. » Parfois lyrique, épique et excessif, Lemonnier laisse cependant un document historique très instructif. En définissant le talent du peintre belge comme la capacité de « suggérer des correspondances spirituelles par un chromatisme expressif et sensible » (La Vie belge), il parle aussi de son propre style: il s'agit de frapper l'imagination par la couleur et les images. En cela, il s'oppose à l'imitation du réel et rejoint un symbolisme universel tout en restant proche de l'instinct et de la spontanéité en même temps que de la tradition baroque de ses ancêtres (Rubens, Jacob Jordaens, David Teniers). Paix à son âme… Sa maison abrite actuellement le siège de l'Association Belge des Écrivains Belges de langue française.
Le médecin jouait avec son crayon d’or et m’a dit : « Un régime sédatif… » Non, ce n’est pas cela, ce n’est pas le mal qu’ils croient. Les nerfs sont pris, l’esprit aussi. Je ne l’ignore pas, et pourtant il y a autre chose.
Dans la rue j’ai haussé les épaules et déchiré l’ordonnance. Et puis une jolie enfant a passé. Elle m’a regardé. Je ne la connais pas, je ne l’ai jamais vue ; cependant celle-là sait mieux que les médecins le mal que j’ai.
Peut-être je suis un homme très vieux. Je porte en mes os l’homme que j’étais déjà dans les lointains de la race. Oui, alors déjà j’étais possédé de ce mal ; mon sang âcrement brûlait. Et j’ai à peine trente ans.
Il y avait à la maison un beau vieillard vert, une espèce de géant qui touchait le plafond en levant les bras. Tout l’hiver il maillait des filets là-haut dans sa petite chambre sans feu. C’était un homme très doux qui aimait la pêche et la chasse. Vers le temps de l’automne, il s’en allait à notre maison des bois. Nous avions toujours du gibier en abondance. Et un jour j’entendis rire une des servantes. « Le vieux encore une fois est allé faire un enfant. » Je n’ai compris que plus tard.
Le Vieux rentrait un peu honteux quand commençaient à tomber les premières neiges. Mon père lui parlait rudement, très rouge, et tout de suite se taisait à l’approche de mon pas. Ma mère déjà était partie vers les stèles, à l’autre extrémité de la ville.
Avec le temps les voix s’apaisèrent. Je revois le beau vieillard me caressant avec les grandes mains dont il nouait ses cordes à filets.
Mes souvenirs ne vont pas plus avant. J’étais un petit garçon ; j’avais une sœur, de huit ans mon aînée. Elle quitta la maison pour se marier. Ce fut un trouble inexprimable pour moi. Je passai toute une nuit roulé dans son lit en pleurant et respirant l’odeur de ses cheveux. Elle ne fut plus qu’une femme et je me sentis jaloux de mon beau-frère. Alors nous vécûmes à trois un peu de temps, le Vieux, mon père et moi. Quelquefois, pendant l’absence de celui-ci, un bruit étrange venait de la chambre là-haut. Le Vieux riait d’un rire que je n’ai entendu à personne, un rire comme le hennissement d’un cheval à la saison d’amour. Et tantôt l’une tantôt l’autre des servantes descendait en criant une injure.