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L'île de Karlion est une contrée fantastique, au centre de laquelle réside la majorité de l'humanité, entourée de peuples mystérieux. Sous le joug de la Nation, les humains développent technologie et armement, afin de s'attaquer à leurs voisins qu'ils craignent depuis des siècles. Chris Sanderson, un jeune soldat de la Nation, victime de la tyrannie du régime, est envoyé dans les contrées Sud, au désert de Sunpray pour observer un évènement surnaturel qui s'est produit non loin des frontières de la dictature humaine. Cette grande découverte entrainera l'avènement de Kinshlak, le héros d'une ancienne prophétie de l'Ile des Dieux, et obligera l'ensemble des habitants de Karlion à faire face à des légendes et à des mythes depuis longtemps oubliés. L'Avènement de Kinshlak est le premier tome de la Trilogie du Soleil.
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Seitenzahl: 529
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Carte de Karlion
Prologue
1. La Nation
2. Le Temple du Soleil
3. La Prison d’Hardikan
4. Les Protectors
5. Le Début de la Rébellion
6. La Ville Sacrée
7. La Prêtresse du Soleil
8. La Déclaration de Guerre
9. La Bataille de Luminaras
10. La Libération d’Hardikan
11. L’éveil de la Déesse
12. Le Déchu
13. L'Usurpatrice
14. La Chute du Léviathan
15. La Naissance de Kinshlak
16. La Naissance de la Rebellion
17. Le Procès du Général Veilsun
18. Le Plan de Sauvetage
19. L’Éxécution
20. Un Nouveau Départ
Épilogue
Selon la légende de La Nation, la grande cité des humains, Karlion, autrement nommée l'Île des Dieux, fut créée au milieu de l'océan Infini par cinq divinités, appelées les Kar. Elles la dirigèrent durant l'Ère des Kar, qui fut l'âge d'or de ce continent : chaque divinité possédait un pays et vivait en symbiose avec ses créations. Pourtant, pour une obscure raison et après un terrible affrontement, elles se retirèrent de ce monde il y a un millénaire de cela pour laisser place à leurs créations, les privant de leur illustre présence. Cette île, surélevée de plusieurs dizaines de mètres du niveau de la mer, se sépare en des contrées distinctes, tant en climat qu’en peuple.
La Nation est le pays central de Karlion, et le territoire des Humains. Leur soif de richesse et de pouvoir, associée aux progrès technologiques, les conduisit à puiser dans toutes les ressources, pourtant abondantes, de leurs terres. Utopia, nom d'origine de ce pays, fut rebaptisée La Nation, une ville-pays, qui concentre aujourd’hui l'ensemble de ses richesses dans les environs du Fort de Cristal, appartenant à l'Empereur, et dernière merveille de ces contrées. Les humains, dans leur course effrénée pour le pouvoir et l'armement, tournèrent le dos aux dieux et saccagèrent leur terre qui était autrefois la plus belle de Karlion. Ils héritèrent alors du surnom de Disgracieux. Ils divisèrent leur population en deux quartiers inégaux en privilèges, rassemblant toutes les richesses derrière de grandes fortifications et délimitant la capitale. Ils rendirent la majorité de leur pays inhabitable, créant un No Man's Land d'une superficie bien plus grande que leur Empire. Seules les Montagnes Arides au sud-ouest du pays permirent de contrebalancer la monotonie des terres humaines.
Au Sud de La Nation, se trouve Sunpray, le pays du soleil et du sable. Ce désert ne possède, en dehors du long fleuve Volop, que de rares plans d'eau. Il est peuplé d'hommes qui ont fui l'attrait de leurs frères pour le métal, afin de vénérer la divinité du soleil. La population de Sunpray a rapidement été divisée en deux : au sud du pays, les nobles Préhiens se sont installés dans des châtelleries proches de la Tempête Éternelle. Cette tornade, présente à quelques kilomètres du rivage sud de Karlion, apporte une fraicheur agréable pour ces habitants du désert.
L’or et l'eau de ces sept châteaux sont considérables ainsi que la répugnance qu'éprouvent ces nobles pour l’autre partie du peuple : les nomades, qui errent dans les déserts et qui se sont installés à proximité du Volop. De nombreux clans nomades cherchent encore aujourd'hui à redécouvrir le Temple du Soleil, dernière demeure de leur divinité : le mythe raconte qu'il fut enseveli par des tempêtes de sable un millier d'années auparavant.
Au Nord se trouve Icestorm, un glacier aux températures mortelles pour la majorité des habitants de Karlion. Les quelques êtres vivants qui s’accommodent de ce climat demeurent un mystère pour les humains. Ce pays a rarement été visité par les hommes de La Nation, en raison de la pauvreté de ses sols, mais surtout, de son climat insoutenable.
À l'Ouest, Fireland est une terre volcanique au sous-sol richissime regorgeant de pierres précieuses, d'or, mais surtout de pétrole et de charbon. C’est la terre sacrée des Préliaths, des êtres rocheux de magma vénérant les volcans, qui représentent pour eux la manifestation de leur dieu sur terre. Cette race est l'ennemi principal de La Nation : l'Empire de la lignée des Marksen a toujours été avide de s'enrichir en exploitant leur terre, mais aucun humain n’a pu mettre un pied dans les terres volcaniques sans subir le courroux de ses habitants. La force de ce peuple, conjuguée au mystère de sa puissance et de son armement, a toujours été supérieure à celle des hommes. Malgré les progrès technologiques considérables réalisés par ces derniers, si une confrontation devait avoir lieu, la victoire de La Nation serait loin d'être certaine.
Et enfin à l'Est, se trouve l'Axone, le pays des minotaures et des dragons, constitué de vastes forêts et d’immenses montagnes. L'Axone est aussi considéré comme le berceau de la magie, ses créatures, bien que puissantes, ne s'aventurent que rarement en dehors de leur territoire. Durant le dernier millénaire, les minotaures ont farouchement gardé la muraille qui sépare d’une part la Forêt d'Errance et d’autre part le Val Sauvage, demeure des dragons. Les guerriers cornus, dans leur exil, ne cessèrent de s'employer à évoluer en devenant des soldats encore plus redoutables, attendant avec patience que la guerre ne mette un terme à ces longs siècles marqués par l’isolement des cinq pays.
Car en ces temps de l'an 1013 de L'Ère des Créations, les événements déclenchés par la découverte du Temple du Soleil de Sunpray et l'avènement de l'élu : Kinshlak, vont venir bouleverser le monde tel qu'il existait, dévoilant la vérité sur la disparition des Kar, provoquant ainsi un conflit long et sanglant, qui verra l'ensemble des races s’affronter et qui scellera à jamais le sort de Karlion !
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Christopher Sanderson était un jeune homme issu du Quartier de Fer de La Nation, il avait entendu parler de ces légendes et partageait le scepticisme de son pays concernant l’existence des dieux. Quant aux autres contrées, il n'avait jamais quitté ses bidonvilles au sud de la capitale, jusqu'à ce qu'il soit recruté au sein de la grande armée de La Nation : un privilège rare, une chance incroyable pour un gamin n'ayant connu que la misère de son quartier.
Il observa les murs qui l'entouraient désormais avec une profonde ironie et une rage envers la prétendue générosité de l'Empire des Marksen. Son visage était sale, ses courts cheveux bruns gras, et les vêtements bleus qu'il portait tout aussi répugnants que sa cellule : elle était toute de pierre, et entièrement vide mis à part un trou servant de toilette et un matelas moisi en guise de lit, il s'approcha de la lourde porte en fer verrouillée, incapable de la faire céder.
Le jeune garçon inspira profondément, se tenant debout, serrant les poings, envahi par ses sentiments et ne parvenant que difficilement à retenir ses larmes. La drogue qu'on lui avait administrée finit par le faire plier, il s'assit sur son matelas en plongeant son visage entre ses mains : incapable de contenir sa peine et hanté par les raisons de sa présence ici.
Un matin d'hiver, Chris se réveilla avec une vraie joie dans le cœur. Il se leva de sa couchette et se rapprocha de la cheminée le plus silencieusement possible pour ne pas réveiller l'occupant du lit qui se trouvait au-dessus du sien. La chambre qu'il occupait se trouvait au pied des fortifications. Cette pièce possédait pour uniques meubles une table et deux chaises en bois. Chris se dirigea vers la seule fenêtre de la chambre et contempla le Quartier de Fer avec une nostalgie, qui le surprit luimême. Ce midi, il passerait de l'autre côté des fortifications et pourrait enfin retrouver son frère John, et surtout un confort qui lui avait été étranger pendant ses vingt premières années.
La Nation avait toujours été divisée en deux : Le Quartier de Cristal s'était construit autour de la merveille qu'était le Fort de Cristal, symbole du règne millénaire de la lignée Marksen. Cette construction unique et indestructible venait illuminer le centre de leur capitale. Les habitations, qui entouraient ce chef-d’œuvre, étaient réservées à l'élite de ce peuple déjà privilégié par rapport aux pauvres habitants du Quartier de Fer, qui étaient péjorativement appelés les Ferreux.
Lorsqu'on s'éloignait du cœur de la ville, le Quartier de Cristal se divisait en quatre secteurs : le sud était le domaine des militaires, milices de La Nation telles que la Brigade Anti-Terrorisme chargée de protéger le Quartier de Cristal et de s’assurer de la soumission des Ferreux en dehors de leurs fortifications. Le second visage du pouvoir de la Nation, après l’empereur, était le Chancelier, Gérard Rufford, qui était à la tête des généraux de ce corps militaire, symbole de la fière culture belliqueuse de l'empire.
L'est était le centre politique de la ville : le Sénat épaulait la dictature de l'Empereur en maintenant une illusion de démocratie. Chargée de proposer des lois autant que de garantir la justice, cette instance était souvent brocardée par les Ferreux qui la jugeaient hypocrite et complètement assujettie à la domination du régime totalitaire de l'actuel Empereur Adrian Marksen.
Le nord de la ville était dédié aux entreprises, laboratoires et usines, qui se consacraient aux progrès technologiques, et à la médecine. Les Sociétés Stevens étaient à l'origine de découvertes révolutionnaires dans le domaine de l'armement : de nouvelles armes à feu standardisées, des blindés, des navettes de transport avaient vu le jour au nom de "la protection de La Nation".
Et enfin, l'ouest représentait le centre commercial de l'empire, où les banques, les marchés et les commerces étaient regroupés, en particulier pour favoriser la concurrence. La loi de l'argent était maîtresse dans ces domaines qui s'occupaient de conseiller et de faire appliquer les lois du Sénat sur l'économie du Quartier de Fer, en calculant la misère imposée à ses habitants, qu’ils jugeaient « acceptable » pour assurer le succès économique de la capitale. Le tout en minimisant les émeutes, qui, si elles se produisaient, finissaient immanquablement par être dissipées par la vaste armée de La Nation.
Pour être accueilli dans le Quartier de Cristal lorsque vous étiez né Ferreux, il fallait devenir membre de l'armée, qui était le principal métier de cette capitale, où le statut social dépendait du grade ou de celui de ses parents. Seuls les métiers de l'informatique, de la science, de la médecine et de l'armement y étaient acceptés. Les autres professions, étaient destinées à servir les favorisés, les enrichir et à rendre confortable leur vie. Elles étaient exercées au détriment des habitants du Quartier de Fer, avec une répartition des labeurs, à l’intérieur comme à l'extérieur des fortifications délimitant le Quartier de Cristal.
Si le ciel de La Nation semblait être perpétuellement gris avec de rares éclaircies et de nombreuses averses, le Quartier de Fer était à la merci des féroces climats des pays voisins. Les habitants du nord glacial travaillaient comme main-d’œuvre primaire pour les usines et industries qui prospéraient de l'autre côté du mur : le travail y était le plus abondant, mais les conditions de vie étaient extrêmement dures, car les températures chutaient drastiquement durant l'hiver.
Le temps plus doux de l'Axone permettait aux Ferreux de l'est de développer l'élevage et l'agriculture tandis que sous un ciel assombri et orageux, ceux de l'ouest se terraient jusqu'aux frontières de Fireland pour s'enfoncer dans des mines de pierre précieuses, de charbon et d'or pour enrichir le luxe de La Nation, alors que le cuivre était l'unique monnaie acceptée au sein de ces pauvres terres.
Chris pour sa part, avait vécu toute sa vie dans les bidonvilles boueux privés d'électricité ou d'eau courante du Quartier de Fer sud. La principale activité de ces contrées était l’exploitation des carrières sous un soleil de plomb dû à la proximité de Sunpray. Cette jonction avec l'unique autre royaume des hommes entraînait une immigration des populations nomades, qui était contrôlée avec férocité et violence par l'armée, très présente dans ce quartier.
Chris dut attendre ses dix-huit ans pour voir sa vie changer : son grand frère John fut remarqué comme Espoir de La Nation par le prodige de l'armement lui-même : Adrian Stevens. Grâce à ce poste, John put financer les entraînements militaires de Chris et de leur ami d'enfance Will, qui était également leur frère adoptif. Ces formations étaient très coûteuses et sélectives, ainsi en deux ans, seulement cinq candidats avaient pu en bénéficier en totalité, et sur ces cinq, seulement trois avaient été engagés.
Chris était impatient de retrouver leur capitaine, qui testerait enfin leur compétence sur le terrain, et de découvrir le monde de la technologie qui se trouvait de l'autre côté du mur. Il entendit du bruit derrière lui et vit Will émerger enfin de sa couchette.
- Bien dormi ? demanda-t-il, j'espère que tu as bien profité de ta dernière nuit de ce côté du mur ?
Will grommela une réponse incompréhensible qui semblait vouloir dire non et s'assit près de la cheminée. Les deux hommes étaient de la même taille et de la même corpulence. Chris était blanc avec de courts cheveux bruns, coiffés en arrière, et sa pilosité était inexistante ; Will était noir, avec le crâne complètement rasé et une petite barbichette qu'il affichait fièrement malgré les plaisanteries incessantes de Chris. Les deux hommes étaient un peu plus grands et musclés que la moyenne, leurs visages, bien que jeunes et relativement beaux, étaient marqués par les années de travail, et leurs regards étaient ceux d'enfants grandis trop vite. Ils avaient depuis longtemps abandonné leur résidence, qui s’était écroulée en ruines à la mort de leurs parents. Ils résidaient dans ces quartiers pour les recrues depuis bientôt deux ans, et allaient parcourir une dernière fois leur ancien quartier avant de retrouver leur capitaine devant l'entrée du Quartier de Cristal.
Ils se dirigèrent vers la maison en tôle de leur vieil ami Elias Blake. Mais au lieu de leur ami, ce fut une jeune fille de sept ans qui vint leur ouvrir la porte. Ses cheveux bruns étaient gras et sales et sa mine pâle laissait transparaître une profonde dépression. Elle reconnut les deux jeunes hommes sans exprimer la moindre expression.
Chris s'agenouilla à sa hauteur, lui parlant sur un ton rassurant.
- Bonjour Katie, saurais-tu où se trouve Elias ?
L'enfant se contenta de secouer la tête et retourna jouer dans son coin, les laissant entrer dans la modeste demeure de leur ami. Will fixa la jeune fille amorphe avec culpabilité en regardant Chris, qui essayait en vain d'échanger avec elle. Une voix rauque et débordante de vie vint les surprendre dans leur dos.
- Mes deux traîtres préférés ! s'exclama Elias en ouvrant chaleureusement ses bras.
C’était un homme d'une musculature impressionnante même pour ses deux amis qui avaient pourtant suivi l’entraînement de La Nation. Il avait effectué la première année de formation avec eux, avant d'arrêter la seconde année, incapable de concevoir de travailler avec le Quartier de Cristal. Chris leva les yeux au ciel, agacé par cette remarque, tandis que Will eut un sourire amusé.
Elias vint les prendre tous les deux dans ses bras, lorsque la jeune Kate intervint, perturbée par cette soudaine activité.
- Je vais jouer dehors, Monsieur Elias !
- Bien sûr, ma grande ! encouragea-t-il avec bienveillance.
Les trois hommes l'observèrent sortir et Chris fut le premier à interroger leur ami.
- Comment t'en sors-tu avec elle ?
Elias grimaça en soupirant tristement.
- Son amnésie semble irréversible, mais je réussis à lui arracher des sourires de temps en temps.
Will posa une main réconfortante sur l'épaule de son ami.
- C'est un bon début !
Elias approuva avant de les inviter à s’asseoir au centre de l'unique pièce de son chez-lui. Il sortit quelques aliments pour composer un petitdéjeuner appétissant bien que minimaliste et refusa que ses invités ne le ménagent. Chris et Will avaient accès à des rations bien plus importantes en tant que jeunes recrues, mais Elias demeura intraitable et voulut à toutes fins les inviter.
Au cours de leur discussion, Will lui jeta un coup d'œil perçant et demanda avec nonchalance :
- Comment ça se passe avec Morph ?
Leur hôte les observa en fronçant les sourcils, ignorant la question. Morph était réputé dans toute La Nation comme le premier terroriste à tenir tête à la tyrannie de l'Empereur Marksen et les deux frères savaient que leur ami de longue date l'avait rejoint après avoir abandonné sa formation, ainsi qu’une grande partie de leurs amis de quartier.
- Je ne peux vous en parler ! répliqua-t-il sèchement.
- Uniquement parce que nous rejoignons l'armée de La Nation ? s'énerva Chris. Nous nous connaissons depuis plus de dix ans, penses-tu réellement que nous te trahirions ?
Elias détourna les yeux devant la vraie déception de Chris. Leur hôte avait été un proche de la famille depuis toujours, aussi bien avec ses deux invités qu’avec leur aîné John qui l'avait aidé financièrement pour rejoindre la formation qu'il avait ensuite abandonnée. Si Will s'était toujours montré neutre, Chris et Elias ne cessaient d'argumenter, défendant chacun leur vision sur l'amélioration de leur pays : Chris aspirait à le changer de l'intérieur, là où leur hôte ne voyait comme unique voie, après tant de crimes perpétrés par l’empereur, que la rébellion. Mais Elias n'avait pas la force de tenir tête à ses amis alors que c’était leur dernière rencontre de ce côté-ci de la frontière, il posa une main affectueuse sur l'épaule de Chris, avec nostalgie :
- Nous suivons chacun nos instincts, mon ami ! Je ne peux que vous souhaiter de réussir à changer La Nation de l'intérieur, mais je suis convaincu que nous ne serons toujours que des Ferreux pour eux... rien d'autre !
Chris décida également de faire un geste vers son ami en le rassurant avec détermination.
- Et pour cela, ils auront raison ! Si tu as besoin de quoi que ce soit, on sera là pour vous !
Will sourit, rassuré de les voir ne pas entamer une énième dispute, et confirma les dires de son frère. Ils parlèrent de sujets moins sensibles avant de partir vers le Quartier de Cristal. Elias les salua, ému, en leur demandant de saluer John de sa part une fois de l'autre côté.
L'heure attendue arriva peu de temps après leur retour : Chris et Will prirent leurs affaires et sortirent de leur chambre pour se rendre devant la porte Sud de la fortification. Un autre jeune homme les attendait, il était plus petit, mais plus musclé que les deux arrivants, son hygiène était déplorable et son visage était couvert de cicatrices dues aux différentes maladies qu'il avait contractées durant son enfance. Chris et Will avaient été très chanceux de n'avoir aucune vraie séquelle physique de leur vie dans le Quartier de Fer.
- Alors Ramirez ce dernier repas avec la famille s'est bien passé ? demanda Will.
- Ouais, ils n'en reviennent toujours pas que je franchisse ce mur de malheur, mon salaire va pouvoir enfin les faire sortir de cette vie pitoyable que ces chiens de La Nation nous imposent ! répondit-il avec un visage plein de haine, qui étant donné le manque de réaction de ses deux camarades, devait être celui qu’il affichait constamment.
Chris grimaça devant ce discours rempli de haine et regarda son concitoyen avec agacement.
- Tu devras feindre un autre discours de l'autre côté si tu ne veux pas faire l'aller-retour le plus rapide de l'armée de La Nation, répliqua-t-il.
Ramirez lui lança un regard noir et s’apprêta à répondre quand Will lui fit signe de se taire.
La porte Sud s'ouvrit doucement et une garnison de soldats armés et menaçants en sortit. Ces grandes portes d'acier étaient marquées par le symbole de La Nation, un losange rouge entourant une couronne de la même couleur. Elles étaient rarement gardées pour la simple et bonne raison que les portes étaient bien plus solides que les fortifications de pierre. Une trentaine de soldats forma un périmètre et un homme ayant un insigne de capitaine se rapprocha des jeunes recrues qui le saluèrent. Le Capitaine James Krigan avait toujours impressionné Chris et Will : une démarche assurée, une carrure imposante, le crâne rasé hormis une crête de cheveux noir en son milieu et une barbe de quelques jours, il devait être au milieu de sa trentaine. Il leur avait tout appris, et avait fait preuve d'une compassion, d'une générosité et d'un respect admirable à leur égard pour un habitant du Quartier de Cristal, alors que la majeure partie des résidents avait l'habitude de mépriser les habitants de l'autre côté de la fortification.
- Repos soldats, voici le jour que vous attendiez depuis bientôt deux ans. Christopher Sanderson, William Binrama, et Jack Ramirez, vous faites maintenant partie de l'armée de La Nation. Préparez-vous à rentrer dans la ville.
Une fois la porte franchie, les quatre hommes entrèrent dans une jeep et s'enfoncèrent dans le Quartier de Cristal. Chris fut subjugué par le confort et la taille des immeubles et maisons qu'il voyait, bien qu’après toutes ses années à imaginer cette ville tant convoitée, il s'avoua déçu par son absence de beauté. Le voyage d'une heure vers leur nouvelle demeure se déroula dans un silence absolu, les trois jeunes hommes étaient muets devant le sentiment d'immensité qui émanait de cette ville. La prédominance du béton et de l'acier au détriment de paysages verdoyants fut une autre désillusion aux yeux de Chris. Le Capitaine Krigan rompit enfin le silence.
- Nous sommes presque arrivés, vous allez rejoindre des logements temporaires, nous irons ensuite faire une mission de reconnaissance pour tester vos compétences sur le terrain et vous vous répartirez dans les différentes équipes d'intervention. Je me renseignerai auprès des généraux pour savoir quelle mission nous a été assignée, et je vous retrouverai demain matin dans votre baraquement pour un briefing avec vos armes et vos équipements.
La jeep s'arrêta devant un baraquement, Chris et Will saluèrent le capitaine et se rendirent à l'intérieur, suivis de près par Ramirez. Ils s'installèrent chacun sur un lit très confortable comme le confirmèrent les exclamations de Will. Leur entraînement militaire leur avait appris à utiliser toutes sortes d’appareils électriques, tels que les radios ou les ordinateurs, merveilles de technologie, qui étaient inexistants dans le Quartier de Fer. Ils avaient aussi appris à piloter les premiers véhicules volants de nouvelle technologie : les navettes.
Chris et Will ne restèrent que peu de temps dans leur baraquement, ils avaient un rendez-vous pressant avec leur frère qu'ils n'avaient pas revu depuis deux ans. Ils se dirigèrent vers le restaurent en croisant de jeunes militaires qui s'amusaient dans un bar, et des promeneurs, dont certains faisaient les magasins dans cette ambiance de sérénité et de paix qui leur était inconnue. Will se tourna vers Chris en soupirant, une once de colère dans la voix.
- Combien de personnes ici seraient prêtes, à ton avis, à sacrifier la moitié de leur richesse pour rendre la vie des nôtres juste médiocre ?
- Tu te souviens de ce que disait John, une fois que tu as connu la vie en dehors des fortifications, tu ne peux te sentir chez toi ici, la culture du Quartier de Cristal est de nous mépriser. Et les rares d'entre nous qui franchissent les fortifications, reçoivent un salaire trop bas pour subvenir aux besoins de leurs amis, qui restent coincés de l'autre côté. John est une exception.
Une expression fière et reconnaissante se dessina sur le visage des deux frères traduisant l’admiration qu'ils ressentaient pour leur aîné.
- Oui, c'est vrai qu'il a bien réussi, l'intello, sourit Will. En tout cas, je suis content que nous soyons ici tous les trois désormais, nous allons enfin pouvoir réaliser notre rêve !
- Notre rêve de nous battre pour un empire qui nous méprise et que nous détestons, ironisa Chris sceptique en repensant aux réserves d'Elias concernant leurs ambitions.
- Exactement, répliqua Will avec un sourire, on peut désormais essayer de rendre ce monde meilleur même si pour cela, on fait un pacte avec le diable !
Le jeune militaire approuva avec amertume en poussant un soupir.
- C'est dommage néanmoins que ce soit ce con de Ramirez qui ait été choisi avec nous, et non Elias, déclara Chris.
- Oui ! Elias était le meilleur. Et je sais que tu ne peux pas voir Ramirez, mais il a plus souffert que nous de l'autre côté. Il a perdu des êtres chers.
Chris se figea en entendant cela, se tournant vers son ami d'enfance.
- On en a tous perdu, chuchota-t-il sombrement.
Will regarda brièvement Chris qui vérifiait les horaires du train qu'ils devaient prendre, et décida de changer de sujet.
Il était bientôt trois heures de l'après-midi, John attendait ses frères debout devant un restaurant, il était aussi grand qu'eux, mais plus mince, avec de longs cheveux châtains frisés et décoiffés, et bien que de deux ans plus âgé que lui, il ressemblait beaucoup à Chris. Il reconnut au loin les silhouettes des deux jeunes hommes avec qui il avait grandi et qui semblaient complètement perdus dans cette ville. Il leur fit signe, et les retrouvailles que chacun d'entre eux avait attendues depuis deux ans, furent à la hauteur de leurs espérances. Chris et Will oublièrent vite le sentiment de malaise que cette ville leur inspirait.
- JOHN ! s'écria Will en le serrant fort dans ses bras, comment vastu depuis le temps ? Tu nous as manqué !
- La question se pose plutôt à vous, répondit John en relâchant l'étreinte de Will pour recevoir celle de Chris.
- Nos deux meilleures années grâce à toi, lui confia ce dernier. John eut un sourire gêné en fixant la mégalopole les entourant.
- Pour moi aussi, mais ça ne doit pas trop vous surprendre, confia-t-il avant de les inviter avec empressement, j'ai quelqu'un à vous présenter.
Chris et Will lui emboîtèrent le pas et ils furent salués par une jeune femme mince, ses longs cheveux brun clair attachés en une queue de cheval, avec le sourire le plus chaleureux qu'ils n'aient jamais vu, qui lui plissait ses beaux yeux marron. Elle était bien plus jeune que John, même peut-être plus jeune qu'eux.
- Bonjour, dit-elle timidement; je m'appelle Amanda Aldriane, mais mes amis m'appellent Amy.
Elle grimaça, embarrassée, par cette formulation un peu maladroite, se serrant à John qui passa une main autour de ses épaules. Chris et Will échangèrent un regard amusé avant que ce dernier ajoute en feignant la discrétion.
- Je t'avais dit qu'il nous aurait gardé des filles de côté, provoqua-t-il avec malice.
Le visage d'Amy jusqu'alors si chaleureux prit une expression d'incompréhension, elle leva les yeux vers John qui sourit et la rassura.
- C'est l'humour de Will, il faut le connaître pour l'apprécier... ou être sourd, rétorqua l'aîné provoquant l'hilarité des jeunes militaires. Ils ont compris que nous étions ensemble.
Amy fut très soulagée, John lui avait beaucoup parlé de ces deux frères qu'il avait laissés dans le Quartier de Fer, et elle voulait absolument faire bonne impression. Le groupe s'installa à sa table et pendant que Will était captivé par la carte des plats, demandant à Amy la signification d'un mot sur trois, Chris questionna son frère :
- Alors John, qu'est-ce que ça fait de travailler pour le grand Stevens ? Est-il si formidable que ce que l'on en dit ?
Chris observa John qui déclara avec une profonde admiration, qu'il n’essayait nullement de masquer.
- Il révolutionne simplement toute La Nation depuis des années maintenant, s’enthousiasma-t-il sans détours. Il a aussi bien créé les nouvelles technologies d'espionnage, d'aéronautique, qu’il a perfectionné l'automobilisme et les armures et armes pour les soldats. Si La Nation est entrée dans la révolution industrielle après la Guerre Civile des Marksen, je ne saurais comment appeler celle qu’a réalisée Monsieur Stevens de son vivant !
Chris fut impressionné par le respect que son aîné montrait envers son mentor, tandis que Will le fixa étonné.
- Tu sais, un oui aurait suffi, répliqua-t-il en se tournant vers Amy. Je me méfierais de ce Stevens si j'étais toi, Amy !
La remarque ironique du jeune homme allégea encore davantage ses retrouvailles remplies d'émotion. La jeune femme explosa d'un rire amusé en entrant dans leur jeu.
- Cela expliquerait pourquoi John dirige sa filiale informatique, déclara-t-elle avec un air de fausse suspicion.
Chris et Will ravalèrent toutes les vannes qu'ils s'apprêtaient à balancer et regardèrent John qui échangeait un regard complice avec Amy, si fière de lui.
Après s'être remis de ses émotions et avoir entamé un repas succulent selon les standards des Ferreux, Chris demanda à son frère et à Amy de les mettre au courant de ce qui se passait dans le Quartier de Cristal et à sa grande surprise, la réponse de John fut bien différente de celle à laquelle il s'attendait.
- La Nation est au bord de la crise, l'ensemble des richesses naturelles telles que le gaz ou le pétrole ont disparu de notre sol, les quelques puits de pétrole situés dans le Désert Noir de Sunpray sont exploités pour le soulèvement de l'ensemble de l'armée de La Nation, l'électricité fonctionne toujours grâce aux centrales nucléaires, mais les nappes phréatiques fournissant l'eau pour notre survie sont presque épuisées : nous devons aller récolter l'eau nécessaire en Icestorm. Monsieur Stevens pense que La Nation va bientôt tester sa puissance militaire pour prendre le contrôle de Fireland, le pays des Préliaths, pour pouvoir puiser leurs ressources que l'on dit presque infinies en pétrole et gaz, et prouver sa force qui perd en crédibilité depuis l'affaire Morph. De plus, les nouvelles générations préfèrent ouvrir des boutiques ou des restaurants plutôt que de s'enrôler. L’Empereur espère qu’une fois les seuls "opposants" de l'empire vaincus, La Nation pourra se lancer dans la conquête totale de Karlion.
Chris savait que la formation militaire qu’il avait effectuée était, avant tout, l’un des nombreux moyens de contrôle de La Nation sur les Ferreux : leur donner l’espoir de pouvoir traverser les fortifications qui les séparaient à travers une formation coûteuse et dont la difficulté était absurde. Cette nouvelle ambition belliqueuse était peut-être la raison du professionnalisme qu'avait montré le Capitaine Krigan à leur égard : si La Nation voulait bientôt se lancer dans la conquête de l'Île des Dieux, ils auraient besoin de tous les renforts nécessaires.
- Que sait-on des Préliaths ? demanda Will, sont-ils aussi puissants qu'on le prétend ?
- C'est un peuple beaucoup plus évolué que nous selon Monsieur Stevens, contrairement à ce que veulent nous faire croire l'Empereur et le Chancelier. Malheureusement, leur culture et leur armement demeurent un mystère. Tous les êtres non Préliath ayant posé les pieds sur leur terre sacrée sans y être conviés ont connu le même funeste sort !
Cette annonce fit froid dans le dos à Chris à l'idée de se mesurer à un tel adversaire.
- J'ai connu des gens plus évolués que ça, intervint Will espiègle.
Chris soupira, rassuré de voir l'humour de son frère surmonter chaque épreuve pour réussir à toujours détendre l'atmosphère. Ils finirent leur repas et s’aperçurent avec stupeur que la Nation n’avait qu’une connaissance extrêmement limitée concernant leurs voisins, à l'exception des Préhiens de Sunpray.
Ils se rendirent ensuite dans l'appartement de John, qui bien que gigantesque pour des habitants du Quartier de Fer, semblait ridiculement petit pour un logement du Quartier de Cristal. Chris comprit que le financement des entraînements militaires avait obligé John à vivre bien en dessous de ce que son salaire lui aurait permis. L'appartement se résumait en un grand salon où se trouvait une cuisine équipée de toute la technologie nécessaire, un canapé blanc pouvant accueillir deux personnes devant une télévision de taille raisonnable. Les autres pièces étaient une salle de bain et une chambre dans laquelle se trouvait un ordinateur suréquipé qui laissa Chris et Will perplexes, ces nouvelles technologies n'étant point encore présentes, même dans le foyer de chaque habitant du Quartier de Cristal.
- Un cadeau de mon patron, répondit John devant les regards interrogatifs qui se posaient sur lui, j'ai la base de données de l'entreprise Stevens.
- Il est presque impossible de les séparer, ajouta Amy d’un ton désespéré. J'ai dit presque, continua-t-elle avec un petit sourire malicieux devant le regard de Will.
Will jeta un coup d'œil amusé à son aîné, un peu gêné de l'intervention de sa petite amie.
- Bien joué, la technique de te faire désirer, chuchota Chris à son frère en ajoutant un clin d'œil discret.
- Bref ! interrompit John, je peux lancer une recherche sur votre capitaine si vous voulez, comment s'appelle-t-il ?
- Capitaine James Krigan, affirma Chris reprenant son sérieux.
Amy eut une réaction des plus étranges qui n'échappa pas à Chris.
- Tu le connais ? demanda-t-il.
- Juste de nom, répondit Amy hésitante.
Il vit qu'elle était mal à l'aise et ne préféra pas insister. John entra le nom sur son ordinateur, mais à sa grande surprise, le dossier des états de services du Capitaine Krigan était confidentiel
- Impressionnant, s'exclama John, si son dossier est confidentiel pour les Sociétés Stevens, cela signifie que votre capitaine est un sacré soldat, c'est d'ailleurs bizarre qu'il doive s'occuper de simples recrues, enfin sans vous vexer, ajouta-t-il avec un grand sourire. Par contre ! continua-t-il avant toute protestation, il y a des références pour une médaille du courage pour un certain Sergent James Krigan, il y a cinq ans de ça, c'est la plus haute récompense pour les militaires et elle est donnée par l'Empereur lui-même.
Chris observa Amy qui semblait en savoir davantage sur leur formateur, mais elle garda le silence et laissa entrevoir une once de gêne. Malgré la curiosité que cela provoqua chez les jeunes militaires, l'enthousiasme de leurs retrouvailles finit par prendre le dessus sur leur curiosité et ils parlèrent de longues heures jusqu'à ce qu'il soit temps pour Chris et Will de rentrer chez eux.
Le chemin de retour fut bien plus calme que l'aller, la ville était paisible, un silence total régnait dans les rues de La Nation, avant que Chris ne vienne le rompre.
- J'ai l'impression que notre John est amoureux ! constata-t-il.
- Ça ne durera pas longtemps, lâcha Will d'un ton pessimiste. Chris regarda son frère avec insistance.
- Quoi ? se défendit-il, je dis ce que je pense ! Elle est jeune, elle en pince pour un génie du Quartier pauvre, mais ils se connaissent à peine... Cela fait combien de temps qu'ils sont ensemble ?
- Un an et demi ! rétorqua Chris en haussant les sourcils, amusé de voir Will encaisser la nouvelle qui n'allait absolument pas dans son sens.
- Il n'a pas traîné dis donc, souligna-t-il, ce que je dis, c'est juste qu'ils ne viennent pas du même monde...
Chris dévisagea son frère avec un sourire bienveillant et répondit.
- Et pourtant la seule chose que j'entends, ce sont les remords de quelqu'un qui vient tout juste d'abandonner celle qu'il aimait de l'autre côté du mur...
Le visage de Will devint impassible. Ses yeux croisèrent ceux de Chris qui poursuivit.
- Après tout ce temps Will, crois-tu vraiment pouvoir me cacher quelque chose ?
- Je suis allé la voir il y a deux jours, avoua-t-il démasqué.
- Je sais, comment allait-elle ? demanda-t-il.
Will haussa les épaules comme si la réponse n’était pas importante.
- Bien. Tu sais que Jasmine et moi ne sommes plus ensemble depuis quelque temps...
Chris s'arrêta et posa une main réconfortante sur son épaule.
- Je suis désolé, dit-il.
Will le remercia sincèrement et ils reprirent leur marche jusqu'à ce que Will passe son bras autour du cou de Chris avec un sourire.
- Je t'aime, mon vieux ! déclara-t-il.
Un jeune homme marchant devant eux se retourna pour les dévisager et s'attarda un peu trop au goût de Will.
- Tu as un problème ? demanda-t-il au passant d'un ton menaçant. Tu veux notre photo ?
- Ou notre adresse ? surenchérit Chris en ajoutant un clin d'œil, pour essayer de calmer le jeu.
Le marcheur pressa le pas sous les rires amusés des deux frères. Will relâcha Chris qui le regarda, désespéré.
- Tu te souviens quand le Capitaine Krigan nous a demandé de ne pas nous attirer d'ennuis ?
- C'est plus fort que moi ! répondit Will, je ne connais que trop ce regard ! Tu ne peux pas comprendre !
Chris s'arrêta en l'observant, confus.
- On a grandi ensemble, on a quasiment vécu ensemble, je pense pouvoir...
- Tu n'es pas noir ! coupa Will.
Chris fronça les sourcils ne comprenant vraiment pas où voulait en venir son frère.
- Et ?
- Toi qui as grandi avec moi comme frère et Elias comme meilleur pote, tu ignores les préjugés et les regards de mépris que j'ai dû supporter même au Quartier de Fer, venant de certains de nos voisins ! La Nation les abrutit avec ce qui se passe dans les clans nomades de Sunpray...
Chris écouta attentivement Will en s'arrêtant pour observer la ville lumineuse et éclairée malgré la nuit, affichant son immensité et un sentiment d'oppression qu'elle venait de faire naître au sein du cœur de Chris. Il avait passé sa jeunesse avec Will et tout partagé à l'exception de cette discrimination que son frère de couleur avait subie de la part même des Ferreux aussi misérables et opprimés qu'eux. Il avait observé la population de cette nouvelle ville depuis un jour et des doutes venaient déjà l'assaillir. Et Will, qui était tiraillé entre la vision de ses frères et celle d'Elias, devait également partager ceux-ci.
- Tu penses que nous avons commis une erreur en rejoignant La Nation ? demanda-t-il vulnérable.
Will haussa les épaules à la grande surprise de son frère.
- Que ce soit Elias ou toi, vous avez des visions qui, bien qu'éloignées, ont toujours été guidées par le bien-être des Ferreux ! confia-t-il. Retrouver John a été suffisant pour faire pencher la balance vers La Nation !
Chris observa cette terrifiante cité qui l'entourait aussi merveilleuse technologiquement que laide esthétiquement en soupirant avec désolation.
- Cela est loin de la ville contée par les récits de nos parents ! Cette mégalopole qui s'est construite sur leur dos !
Will approuva, conscient du début de tristesse qui naissait dans le cœur de Chris.
- Je dois tout à vos parents ! Ils m'ont adopté comme l'un des leurs, et malgré mon amour pour eux, je n'ai jamais compris cette fierté qu'ils éprouvaient pour cette tyrannie ! Cet attachement qu'ils vous ont communiqué pour La Nation : pour moi cela restera toujours la tyrannie qui a fait déporter et exécuter mes parents sur le simple fait d'être nomades !
Chris regarda autour de lui, alarmé d'entendre son frère exprimer ainsi ses origines, et rassuré que personne ne soit suffisamment proche pour entendre cela. Chris prit son frère par les épaules avec compassion, lui arrachant un sourire.
- Mais malgré tout cela, je pense aujourd'hui avec conviction que tu avais raison en venant ici ! compléta Will en regardant les immeubles les entourant. Malgré ses différences, John arrive à s’intégrer, à être plus heureux que je ne l'ai jamais vu ! Nous ne changerons jamais une telle ville, mais nous ferons de notre mieux pour défendre nos convictions... et cela sera déjà suffisant !
Chris sourit et acquiesça, remerciant son frère pour ce témoignage. Ils atteignirent leur baraquement, où Ramirez dormait déjà. La fatigue de la journée ainsi que des lits plus confortables que jamais l'emportèrent sur la volonté des deux jeunes recrues de rester éveillées et de se remémorer leur belle journée.
Le lendemain matin, le Capitaine Krigan les réveilla aux premières lueurs du soleil, il leur fournit leurs équipements, leurs armes et leurs gilets. Il les conduisit ensuite dans une salle de briefing. Les trois recrues s'assirent, et le Capitaine Krigan prit la parole ; Chris était profondément anxieux, bien que la présence de ses frères la veille l'ait grandement revigoré après les doutes que l'arrivée dans cette ville avait suscités.
- Nous nous rendons à Sunpray, en mission de reconnaissance. Certaines stations pétrolières de la région sous le contrôle de La Nation ont détecté un rassemblement nomade au niveau de ces coordonnées. Le périmètre de la mission va bien au-delà des opérations de reconnaissance entreprises jusqu’ici par La Nation, les températures seront extrêmement élevées, vérifiez que vous avez assez d'eau pour l'aller-retour. Des questions ?
Les trois recrues firent non de la tête, suivant leur chef qui les mena à une navette. Les navettes étaient les moyens de transport des militaires ainsi que de certains luxueux privilégiés, elles ressemblaient à de petits wagons volants à des vitesses impressionnantes, mais dépourvus d'armement, d'hélices, ou d'ailes : seuls des propulseurs placés sous et derrière le wagon réussissaient à le faire décoller, consommant une énergie démesurée. S’il existait des immenses batteries pour alimenter ces machines, celles-ci ne pouvaient permettre un déplacement sur une longue distance.
- Monsieur, que nous attendons-nous à découvrir ? demanda Will.
- Les nomades se déplacent vers les oasis les plus proches, il se peut qu'ils en aient trouvé une qui pourrait satisfaire de nombreux clans nomades, cependant nous allons tout de même jeter un coup d'œil ! Cela demeure une intervention minime, Binrama, vous devriez vous en sortir ! sourit-il rassurant.
Will se retint de faire une remarque puérile à son supérieur qui avait tendance à apprécier son comportement turbulent. Il le remercia pour la préoccupation sincère qu'il ressentait chez le capitaine, tout en le fixant avec curiosité en repensant à la découverte qu’ils avaient faite la veille avec John.
Le vol en navette fut long : le stress et l'attente de leur première opération rendaient Chris et Will nerveux. Ramirez, quant à lui, montrait peu d'intérêt pour tout ce qui concernait La Nation depuis leur arrivée hier, il attendait juste avec impatience sa paie. Alors que le paysage de sable à perte de vue devenait lassant, Chris observa au loin de nombreux humains se rassembler vers ce qui semblait être un château, ou un temple. Le bâtiment était situé sur une montagne de pierre blanche, qui devait bien être la seule de ces contrées. Une ville était construite aux pieds de cette montagne, entourée de fortifications où les nomades se rassemblaient. Le Capitaine Krigan laissa échapper un juron, impressionné par ce magnifique spectacle et posa la navette derrière une colline de sable à une bonne distance du temple. Il prit ensuite sa radio pour contacter La Nation.
- Ici le Chancelier Rufford, que se passe-t-il, Capitaine ?
Chris et Will se fixèrent, impressionnés de voir leur mentor pouvoir s'entretenir directement avec le Chancelier lui-même pour une simple mission.
- Chancelier, je pense que les nomades ont découvert le Temple du Soleil, quels sont vos ordres, Monsieur ?
Un long silence s’ensuivit, le Chancelier devait sûrement s'entretenir avec ses conseillers avant de finalement répondre.
- Frayez-vous un chemin à l'intérieur du temple et découvrez ce que manigancent les clans nomades, et revenez ensuite à La Nation me faire votre rapport, Capitaine.
- Bien monsieur, répondit Krigan en mettant fin à leur communication pour se tourner vers ses soldats. Préparez-vous les bleus, on infiltre ce temple au coucher du soleil.
Ramirez surveillait la navette, Chris et Will admiraient le Temple du Soleil grâce à leurs jumelles. Sa beauté était extrême, le temple se trouvait en hauteur, au sommet de cette petite montagne de pierre blanche, et malgré la ville fortifiée de pierre se trouvant au pied de la montagne, le Temple du Soleil apaisait le cœur des hommes qui le contemplaient.
- Ce temple est vraiment..., commença Chris d'une voix émue.
- Mortel ! finit Will.
Une voix calme et grave vint les interpeller dans leur dos.
- Je pense que même le Fort de Cristal ne rivalise pas en beauté, ajouta le Capitaine Krigan qui avait surgi derrière eux.
- J'ai entendu dire que peu de soldats le voyait, vous y êtes allé pour que l'Empereur vous remette la médaille du courage, c'est ça, monsieur ? demanda Will en faisant un clin d'œil à Chris, désespéré par la curiosité de son ami.
Krigan explosa d'un rire amusé, même s’il fut intrigué par la remarque de sa recrue.
- Vous vous êtes renseignés sur moi, répondit le capitaine avec un sourire, connaissant La Nation, ne pas l'avoir fait aurait été stupide.
- Nous nous demandions juste pourquoi un soldat ayant gagné de telles récompenses s'occupait de recrues dans notre genre, continua Chris.
L'humeur du capitaine s'assombrit, il vint se poser sur un mince rocher, s’enfermant dans la nostalgie et dit avec une once de colère qui n’était nullement dirigée vers les jeunes militaires :
- J'ai gagné cette médaille, car j'ai été le seul de mon escouade à être sorti vivant d'une expédition sur Fireland, dit Krigan d'une voix terriblement attristée que Chris aurait préféré ne jamais entendre. Mon capitaine de l'époque m'a ordonné de partir avec les informations concernant la morphologie des êtres de magma, abandonnant mes frères à une mort certaine. Depuis, je préfère m'occuper des recrues que de suivre les ordres de généraux corrompus dont l'ambition prime sur la survie de leurs hommes. Le Général Rufford était en charge de cette opération, et il fut promu Chancelier juste après.
- Pourtant, ça ressemble à un fiasco, sans vous manquer de respect à vous et à vos hommes, s'excusa Will devant le regard atterré de Chris.
Le capitaine ne ressentit aucune insulte et poursuivit avec rancœur.
- Le savoir et la prétendue grandeur de La Nation sont plus importants que la vie de ses hommes, expliqua Krigan, venant du Quartier de Fer, vous devriez le savoir.
Chris allait parler au moment où son capitaine le coupa :
- Le soleil est couché, l'opération Tempête de Sable est lancée, suivez mes instructions et tout se passera bien. Ramirez, apporte les armes !
La marche vers le temple fut silencieuse. Les quatre hommes en tenue de camouflage rampaient, couraient et passaient au travers des nomades qui contemplaient ce magnifique temple doré. Chris aurait pensé qu'une nuit d'hiver à Sunpray ne serait pas si fraiche, étant donné la chaleur présente dans ces contrées le jour. Si l’absence de la chaleur étouffante était la bienvenue, parcourir une telle distance dans le sable avec le poids de son équipement n’en demeurait pas moins difficile. Ils arrivèrent enfin le long de la muraille, le Capitaine Krigan utilisa un grappin pour accrocher une corde en haut du mur. Le capitaine fut le premier à arriver au sommet et assomma le garde nomade le plus proche, qui faisait le guet.
Tous le rejoignirent, Ramirez s'approcha d'un air menaçant du garde inconscient en sortant un couteau. Son bras fut agrippé violemment avant qu'il n’arrive à proximité de sa future victime.
- Je pense que si le capitaine le voulait mort, il le serait déjà, dit Chris sans relâcher sa prise sur le bras de Ramirez.
- Lâche-moi tout de suite, Sanderson ! aboya Ramirez le visage, comme à son habitude, ravagé par la colère, c'est l'ennemi que tu défends !
Le jeune militaire supporta le regard de son coéquipier sans flancher.
- Capitaine, quels sont vos ordres ? demanda-t-il calmement.
- Pas de mort inutile soldat, ordonna Krigan, Will, prends ses vêtements et continue à patrouiller ici, un bon nombre de nomades sont noirs. Ramirez, va cacher ce corps, et ne le tue pas ! Chris, avec moi, on escalade cette montagne blanche pour atteindre le temple. La route d'accès doit sûrement être protégée. Gardez le silence radio, on se retrouve ici dans trois heures.
Seul Chris et John le savaient, mais Will venait d'une famille de nomades que les guerres de clan avaient forcée à fuir vers la frontière de La Nation. Les nomades de Sunpray, étaient encore plus méprisés par les habitants de La Nation que ne l'étaient ceux du Quartier de Fer, la croyance envers les dieux était la pire abomination aux yeux du Quartier de Cristal, or, tous les habitants de l'immense désert au sud de La Nation vouaient un culte passionné à la Déesse du Soleil. L'Empereur ne prêtait d'ailleurs attention à ce qui se passait de l'autre côté du mur que lorsqu'il apprenait l'existence d'une famille nomade y résidant. Ainsi les parents de Will furent officiellement déportés, et probablement exécutés, deux ans après leur arrivée. Avant leur arrestation, ils confièrent leur enfant de sept ans à leurs voisins, les Sanderson, qui l'élevèrent comme leur fils. Bien qu’étant redevable à vie à cette famille et leur vouant un amour immense, William avait toujours voulu honorer ses parents et avait gardé son nom.
Will prit les vêtements du garde et Ramirez emmena la silhouette inconsciente dans le poste de garde juste en dessous de la partie du mur gardée par Will. Le Capitaine Krigan vérifiait l'état des cordes, des poulies ainsi que des grappins pour l'escalade. Une fois les préparations terminées, Chris s'apprêta à suivre son capitaine lorsqu’une main lui prit l'épaule, il se retourna et vit au travers de la tenue de nomade et du turban entourant sa tête, les yeux de son ami avec qui il avait grandi et qu’il n'avait jusqu'alors jamais quitté.
- Bonne chance mon vieux, dit doucement Will.
- À toi aussi, répondit Chris en posant sa main sur le bras de Will qui lui tenait l'épaule.
Les deux hommes se séparèrent et Chris entreprit avec Krigan l’ascension de cette montagne, l'un accroché à l'autre par une corde.
Après une bonne heure d'escalade, en évitant les chemins qui permettaient l'ascension de cette montagne, ils arrivèrent au sommet. Chris fut submergé par la splendeur de cet endroit : une végétation magnifique recouvrait le terrain anormalement plat de la Montagne Blanche. Des courants d'eau ainsi que des bassins transformaient ce sommet isolé dans une contrée désertique en un jardin luxuriant. Le temple qui paraissait déjà magnifique de loin, était à couper le souffle lorsqu'on était à proximité : les colonnes dorées et les sculptures représentant des soleils, des aigles et des dragons étaient d'une beauté indéfinissable pour Chris. Il vit Krigan lui faire un signe de pouce vers le haut indiquant un balcon à peu près à trois mètres du sol qui permettait de pénétrer à l'intérieur du temple. Il prit son élan et s'appuya sur son capitaine pour atteindre le rebord avec une détente impressionnante. Il envoya ensuite une corde à Krigan resté en bas, ce qui lui permit de le rejoindre rapidement. Ils s'enfoncèrent dans les profondeurs luxueuses du temple et se postèrent à un étage qui donnait sur une salle du trône.
Le trône d'or était incrusté de plus de pierres précieuses que Chris n’en connaissait, avec pour appui-tête un soleil illuminant à lui seul la pièce. Cependant, il ne fit pas trop attention à la beauté du trône, car celle qui y était assise l’envoûtait bien davantage. La jeune fille d'une vingtaine d'années avait de longs cheveux noirs et des yeux d'un bleu si profond qu'il les apercevait de son étage. Elle portait une robe blanche, une couronne d'or représentant des soleils et un collier qui brillait. Chris prit des jumelles pour mieux voir et constata que ce collier représentait un croissant de lune en argent. Chris tendit les jumelles au capitaine et lui chuchota :
- Capitaine, regardez son collier, savez-vous pourquoi la reine du Temple du Soleil porterait un collier représentant la Lune ?
- Non, répondit le capitaine en esquissant un sourire, mais je comprends pourquoi tu t'y intéresses autant, et ce n'est pas la reine, mais la Grande Prêtresse du Soleil. Rapprochons-nous pour mieux voir et entendre ce qui se passe.
Les deux soldats descendirent furtivement l'étage et se cachèrent chacun derrière une colonne d'or massif dans la salle du trône. Chris remarqua que la pièce était gigantesque, elle était fabriquée de telle sorte que les croyants puissent venir s'asseoir ou se mettre à genoux devant la prêtresse. L'idée de la religion lui était étrangère, il continua à dévisager la salle lorsque les portes s'ouvrirent.
Un vieil homme au teint bronzé entra dans la salle, il était d'une taille raisonnable et très en forme pour quelqu'un de son âge, il était totalement chauve avec une longue barbe grise. Portant fièrement une armure rouge et or, il s'inclina devant la jeune prêtresse. Il était suivi de quatre hommes massifs dans des armures or et blanc, un soleil représenté sur le torse.
Chaque homme était deux fois plus large que le vieil homme et avait une tête de plus.
- Général Tyrrus, que me vaut le plaisir ? s'exprima la prêtresse d'un ton impérieux et désinvolte.
- La majorité des clans nomades du Volop se joignent à nous et s'installent autour du temple. Voulez-vous vous adresser à la foule ? demanda le vieux général.
La prêtresse fixa son conseiller, entendant comme Chris une demande qui ressemblait plutôt à un ordre.
- Oui, répliqua-t-elle essayant d'appuyer sur la conviction de son choix. Je suppose que si notre Divinité a annulé le mirage qui protégeait la découverte du temple cela signifie qu'elle est prête à accueillir de nouveaux partisans. Avez-vous autre chose à ajouter, Général ? demandat-elle alors que Tyrrus ne faisait pas mine de disposer.
Chris sentait que le ton et l'attitude de la prêtresse surcompensaient grandement son manque d'autorité sur le vieux général.
- Majesté, je dois insister sur le besoin d'envoyer des diplomates négocier avec l'Empereur Marksen, qui en échange des puits de pétrole du Désert Noir qu'il contrôle déjà, s'engagerait à nous laisser exercer notre culte en paix, expliqua le Général Tyrrus, je connais ces Disgracieux, ils ne respectent que ceux qui peuvent leur apporter un bénéfice.
- Très bien, Général, vous êtes l'expert en ce qui concerne La Nation, mais je dois vous rappeler...
La jeune prêtresse n'eut pas le temps de finir sa phrase : un garde arriva en courant dans la salle de trône et après s'être incliné brièvement devant la jeune prêtresse, il s'écria :
- Des Disgracieux se trouvent dans la ville sacrée et ils sont en train de piller notre salle du trésor, nous avons réussi à en capturer un, mais son complice s'est enfui !
- Gardes ! hurla le Général Tyrrus, trouvez-le ! Je m'occuperai personnellement d'exécuter notre prisonnier !
La Grande Prêtresse se leva d'un bond et toute l'assurance et l'arrogance qu'elle dégageait jusqu'alors disparurent.
- Général, balbutia-t-elle, ne devrions-nous pas plutôt nous contenter de les emprisonner ?
Les gardes se ruaient déjà vers la ville sans prêter attention à leur prêtresse, le général se tourna vers elle, le regard mauvais et répliqua :
- Le conseil Soleiuus a peut-être fait de vous la Grande Prêtresse du Soleil, il y a deux ans de cela, Princesse Helena Omorfia, il n'en reste pas moins que je suis gardien de ce temple depuis trente ans. Je n'ai pas d'ordre à recevoir d'une gamine de vingt ans sur la façon de protéger la ville sacrée qu'est Luminaras.
Il se retourna et sortit du temple. La Prêtresse Helena, humiliée par les propos du général, se précipita vers ses quartiers.
Chris et le Capitaine Krigan venaient juste de partir escalader la montagne, Will patrouillait en haut des murailles, et eut une pensée pour son ami de longue date. Bien sûr, il s'inquiétait pour lui, car pour la première fois de leur vie, ils ne pouvaient pas veiller l'un sur l'autre. Il se souvint alors que Chris n’avait jamais été un grand adepte du vide, il aurait tellement aimé être avec eux juste pour voir la tête de son frère à deux cents mètres du sol. Une bonne demi-heure s'était écoulée depuis la séparation du groupe d'intervention, et Will n'avait eu aucun problème jusque-là à se faire passer pour un garde nomade. Pourtant, il crut apercevoir une silhouette se déplacer vers le centre de la ville, et il fut persuadé que cet homme mystérieux lui avait jeté un coup d'œil furtif.
Will se précipita en bas des murs pour prévenir Ramirez, et lorsqu'il entra dans le poste de garde, l'homme assommé par le capitaine était étendu sur une chaise, vivant, mais violemment torturé. C'est alors que deux gardes entrèrent, armés de leurs cimeterres, l'un d’eux prit la parole.
- Un habitant a entendu des gémissements en passant devant ce poste, qui a osé faire une chose pareille, que devons-nous faire ? dit l'un des gardes en s'adressant à Will.
- C'est évident, répondit l'autre, va prévenir le temple et je vais chercher d'autres gardes pour fouiller la ville et toi, ajouta-t-il à l'adresse de Will, occupe-toi de notre frère blessé.
Alors que les deux hommes s'apprêtaient à quitter la pièce, Will qui leur tournait le dos depuis leur arrivée prit la parole avec une profonde hésitation.
- Attendez ! cria-t-il
Les deux hommes le regardèrent, et avec une rapidité impressionnante, il se précipita vers les gardes pour les neutraliser : appliquant l'enseignement de Krigan, il parvint à les assommer, mais le bruit de son intervention réveilla en sursaut le garde qui était mourant sur sa chaise. Il s'adressa faiblement à Will qui observa, avec une terrible nausée, l'état épouvantable et indescriptible dans lequel Ramirez avait laissé son prisonnier.
- Je suis désolé mon frère, je nous ai trahis, il m'a forcé à lui révéler où se trouvait la salle du trésor et comment y rentrer, pitié, pardonnezmoi, implora-t-il, les larmes se joignant au sang et aux multiples blessures présentes sur son visage.
- Ne t'inquiète pas mon frère, rassura Will sa compassion surmontant le dégoût qu'il ressentait devant les actions de Ramirez, repose-toi et indique-moi quel est le chemin qu'il a pris.
Le garde tendit la main vers la direction que devait prendre Will. Dans sa soif de richesse, Ramirez avait laissé derrière lui des traces faciles à suivre. Il arriva rapidement devant un grand bâtiment en pierre, soutenu par des colonnes et dont la porte dorée était ouverte : deux gardes gisaient morts sur son seuil. Dès que Will passa le seuil de la porte, il entendit une détonation et sentit ses côtes gauches se casser sous l'impact de la balle amortie par son gilet. Il voulut sortir son arme, mais Ramirez fut plus rapide, et une deuxième balle vint se loger dans son bras. La douleur força Will à mettre un genou à terre et il dévisagea son ancien coéquipier qui s'avançait vers lui avec des sacoches remplies d'or et de pierres précieuses.
- Tu as eu tort de me suivre Will, dit-il d'un ton froid avant de l'assommer d'un coup violent sur la tête.
La dernière vision de Will fut la fuite de son ancien confrère, avant que, ne pouvant soutenir la douleur plus longtemps, il ne s'évanouisse sur la scène du crime.
Lorsque Will reprit conscience, le soleil l'aveuglait, la chaleur et la perte de sang lui faisaient bouillir le cerveau. Le lever du soleil validait ce que Will avait redouté, il s'était écoulé plusieurs heures depuis sa confrontation avec Ramirez. Il était allongé, les mains liées dans le dos, dépourvu de son équipement militaire, au milieu de ce qui semblait être une place de marché. De nombreuses questions lui rongeaient l'esprit : qu'était-il arrivé à Chris et au capitaine ? Qu’allait-il lui arriver ? Il entendit des bruits de pas se rapprocher, il n'avait qu'à tendre l'oreille pour obtenir des réponses.
- Réveille-toi servant de La Nation, dit une voix grave et agressive.
Un vieil homme au crâne rasé et à la barbe grise prit Will par la gorge, le mit sur ses genoux avec une force étonnante, et dégaina son épée au manche vert écaille.
- Nous avons fermé les accès à la ville, tes complices se cachent comme des lâches dans notre ville sacrée, Luminaras, reprit-il, ton exécution publique devrait leur faire comprendre ce qu'il en coûte de bafouer le Temple du Soleil en volant ses richesses.
Will sentit l'acier lui brûler la nuque, l'épée de son futur exécuteur était extrêmement bien aiguisée, son seul contact l’avait coupé.
- À présent, moi le Général Tyrrus, protecteur de Sa Divinité et de ses croyants, vais achever l'existence de ce Disgracieux.
L'épée ne touchait plus son cou, le cœur de Will battait à toute vitesse, s’il n'était pas l'homme courageux qu'il avait toujours été, il aurait laissé ses larmes couler, pas uniquement sur la fin de ses jours, mais aussi pour avoir à les finir en ignorant le sort de son frère et meilleur ami. Il regarda en l'air et aperçut le Temple du Soleil, et tout à coup, il fut prêt : contempler cette merveille avait apaisé son cœur. Après tout, il y avait de bien pire endroit pour mourir.
- Est-ce que le prisonnier a une dernière volonté ? cria Tyrrus.
- Moi, j'en ai une, Général, répondit une voix derrière eux.
Tyrrus se retourna et vit alors le Capitaine Krigan debout sur le toit d'une maison voisine, le fusil bloqué sur son épaule et son œil dans le viseur. De nombreux gardes offrirent leur corps en tant que protection au général. Ce dernier se retourna et fixa l'homme qui osait le défier.
- Qui êtes-vous jeune homme ? demanda le général qui semblait maîtriser parfaitement la situation.
- Celui qui vous fera exploser la cervelle si vous ne faites pas exactement ce que je vous dis, menaça Krigan.
Dans le vacarme que suscita cette provocation, Will sentit un garde le soulever lentement et lui couper ses liens. Il reconnut tout de suite Chris qui lui chuchota :
- Peux-tu courir ?
- Toujours plus vite que toi, répondit Will avec un sourire que Chris lui rendit.