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L'histoire de Bakary est celle de milliers d'immigrés africains qui n'hésitent pas à entreprendre le voyage de la peur pour arriver à la porte du paradis. Folle espérance trop souvent déçue. la réalité de la vie fera vite place au désenchantement. A chacun son karma. Bakary n'échappera pas au sien.
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Seitenzahl: 167
Veröffentlichungsjahr: 2025
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La couverture a été réalisée par l’auteur :
Peinture à l’huile sur toile : H : 0,36 x L 0,28
(Droits réservés)
Remerciements à Catherine Bancillon
pour sa collaboration
NOVEMBRE 2023
NOUS VIVONS UNE ÉPOQUE FORMIDABLE
NOVEMBRE 2023
Depuis quelques jours la pluie s’était mise à tomber. Ce matin encore des grosses gouttes jouaient des claquettes sur les dalles de la terrasse.
Mathis buvait sa tasse de café. Il tenait son bol entre ses mains pour se les réchauffer. On allait entrer dans l’hiver, les premiers froids arrivaient, la nuit précédente le mercure du thermomètre avait marqué six degrés. Il dit à voix haute "il faut que je pense à protéger les plantations du jardin" !
La ville de M... où habitait Mathis se situait au bord de mer de la méditerranée et les températures, plutôt clémentes en plein hiver, descendaient rarement audessous de zéro.
Il écoutait distraitement la radio, le speaker relatait les derniers événements, la guerre en Ukraine. Le conflit interminable entre l’État d’Israël et la Palestine avait fait, la veille, plusieurs centaines de morts dans les rangs palestiniens.
Enfin, un bateau d’immigrés venait au petit matin de chavirer au large de la plage du village, les secours n’avaient pu sauver qu’une dizaine de passagers.
Il se disait que sa profession avait de l’avenir, les sujets sur l’histoire en général n’étaient pas près de se tarir.
À l’âge de vingt-cinq ans, il avait intégré, en tant que professeur d’histoire et géographie, le lycée technique "Jacques Brel" de la commune.
Quarante ans après, il ne regrettait pas, il s’y trouvait bien, les relations avec le directeur de l’établissement et ses collègues de travail ne souffraient d’aucun embarras. Il attendait paisiblement la retraite qu’il devait prendre au printemps, dans quelques mois.
Célibataire endurci, il menait une vie simple. Il habitait, à huit cents mètres de son lieu de travail, un petit pavillon hérité de ses parents entouré d’un jardin conséquent de plus d’un hectare.
Il vivait seul, la solitude ne lui pesait pas. Il pensait sincèrement qu’il n’y avait de vie intellectuelle que dans la solitude. Il s’intéressait peu aux femmes, le célibat ne le dérangeait pas, il traversait l’existence sans elles et s’en accordait au quotidien. Plus jeune, il avait eu tout de même quelques aventures, mais sans lendemain.
À dire vrai, il avait vécu quelque temps avec une femme au doux prénom de Sidonie, "la citadelle des mers" selon la Bible. Elle était heureuse de s’appeler ainsi et lorsqu’on lui faisait une remarque sur son petit nom, il est vrai, peu usité, elle répétait à l’envi que Colette et Sidney Bechet, portaient également ce prénom.
Elle travaillait à la mairie. Secrétaire de direction, elle s’occupait de la culture. Elle avait créé une modeste compagnie de théâtre qui se produisait dans la région. C’était une belle fille, intelligente, très courtisée.
Curieux de nature, Mathis l’accompagnait dans ses déplacements. Il éprouvait une grande fierté et un immense plaisir de se retrouver avec elle. Un béguin grandissant se manifesta, des rapprochements s’opérèrent. La jeune femme répondait favorablement à ses avances et suivait Mathis lors des conférences qu’il animait à propos de la civilisation précolombienne et plus particulièrement celle des Mayas dont il était passionné.
Des rapports au départ affectifs devinrent très vite sexuels. Mais chacun vivait chez lui, ils se rencontraient au gré de leurs humeurs, faut dire que juste deux rues séparaient leur résidence respective.
Cette idylle dura trois années et petit à petit, leur libido au début voluptueuse s’effrita assez rapidement. Chacun, semblait-il, avait fait le tour de son partenaire. Alors, sans heurt, sans chicane, chacun reprit son ancienne vie et ses activités, elle le théâtre, lui ses dossiers sur les pyramides.
Ils leur arrivaient de se croiser, dans le village où à l’occasion à la mairie quand Mathis allait rendre visite à son ami Richard, le maire de la commune.
Elle gardait de cette période exaltante un agréable souvenir. Ils s’échangeaient des sourires, s’inquiétaient mutuellement sur leur santé en toute bonne foi. Pour Mathis, il lui restait de ce court moment de vie une plaisante impression, aucune amertume palpable ne venait le déstabiliser, il ne regrettait pas du tout cette période de sa vie à la fois épisodique et intense.
Aujourd’hui, proche de la retraite, il consacrait sa vie entre ses cours au collège, le montage des films de ses voyages et la peinture à l’huile qu’il pratiquait avec enthousiasme, mais sans toutefois montrer aux autres ce qu’il réalisait.
Le dimanche matin, quand les conditions atmosphériques le permettaient, il enfourchait sa bicyclette et parfois, en compagnie de quelques copains, il roulait sur les petites routes environnantes.
L’entretien de la maison et de la parcelle du terrain lui prenait pas aussi pas mal de temps.
Mais sa véritable passion restait le site de Teotihuacan, proche de Mexico qui abrite une des plus grandes pyramides méso-américaines du continent.
Il y a quelques années, il s’était rendu sur le site.
Ce fut pour lui une véritable révélation et dès son retour en France il ne cessa de s’informer sur cet emplacement originel des civilisations aztèque et maya.
Les années passaient et son engouement pour les sites archéologiques mayas du Mexique ne cessait de le captiver.
Il avait, une collection de livres, de documents et de photos de Teotihuacan incroyables, les murs de toutes les pièces de la maison étaient recouverts d’affiches, de peintures et de photos de Palenque, de Chichén Itzá, d’Uxmal, de Calakmul.
Mais c’est Teotihuacan qui le fascinait le plus, à cause de l’étendue de la ville, un grand complexe résidentiel avec, côté est, sa pyramide de la Lune et un peu plus bas celle du Soleil d’une dimension prodigieuse.
Pour lui, cela ne faisait aucun doute, il attendait la retraite pour retourner et gravir, à nouveau, les hautes marches de cette pyramide et ressentir ce trouble immense qui l’avait envahi une fois parvenu au sommet.
Pour l’instant, il se contentait de rêver et de garnir sa bibliothèque de livres, de revues, sa vidéothèque scientifique, sur le sujet, était à l’unisson.
Il travaillait seul et arpentait les médiathèques des principales villes de son département. Avide de découvrir, il fouillait les rayons des librairies, petites et grandes, tout y passait ! Une véritable boulimie intellectuelle qui ne le quittait pas.
Depuis, il était devenu un spécialiste du site.
Son savoir accru au fil du temps l’autorisa à faire des conférences dans les villages alentours, le peu d’intérêt suscité par les habitants l’avait fortement déçu et il avait, à regret, abandonné ses ateliers de discussions.
Au lycée, lors de ses cours, il avait même essayé d’initier ses élèves aux civilisations aztèques et mayas. Peine perdue, les gamins ne le prenaient pas au sérieux.
Replié sur lui-même, mais toujours captivé par le sujet, Mathis continuait à se tenir au courant de l’évolution des fouilles archéologiques qui se poursuivaient sur le site.
* * *
La pendule de la cuisine marquait sept heures trente, il était temps de s’habiller et de quitter la maison. Un quart d’heure de marche le séparait du lycée.
Le jour commençait à se lever, la lumière du lampadaire qui bordait le trottoir de la villa tremblotait. Il se promit d’en parler ce soir à Richard, Richard Lebon, le maire du village et ami de longue date.
En fermant le portail, il crut apercevoir une lueur dans le cabanon, une construction à l’entrée de la parcelle qui servait autrefois d’atelier à son père. Un effet d’optique ? Un reflet trompeur ? Il était de toute façon trop tard pour aller vérifier.
Au lycée, en ce début d’année scolaire, il s’ingéniait à intéresser ses élèves sur la dynastie des rois mérovingiens, ce n’était pas une mince affaire que de traiter le sujet des monarques de France à de futurs professionnels du bâtiment.
Il continuait de commettre les mêmes erreurs que ses propres professeurs lui avaient inculquées. Les rois n’étaient pas aussi bons et chaleureux que ce que l’on en disait. Ses pieux mensonges demeuraient un lubrifiant social essentiel, c’est pour cette raison qu’il ne cessait d’édulcorer cette époque pas si glorieuse que ça de l’histoire de France.
Quant à la religion, quelle qu’elle soit, depuis longtemps il n’y faisait jamais allusion. Au début de sa carrière il avait tenté plusieurs fois d’entretenir une causerie avec ses élèves, les choses prenant une mauvaise tournure, il n’avait pas insisté et depuis il se gardait bien d’entamer une quelconque discussion sur les croyances en général.
L’assassinat, deux ans auparavant, du professeur d’histoire et géographie Samuel Paty par des intégristes musulmans, n’avait fait que renforcer la détermination de Mathis de rester muet sur le sujet. Ce type avait payé de sa vie pour avoir montré des images à la fois satiriques et parodiques sur la religion musulmane.
Ne voulant pas tenter le diable, Mathis assumait cette position pusillanime. Les quelques élèves de confession musulmane dans sa classe avaient plusieurs fois essayé de le provoquer, sans succès.
Il tenait tout simplement à la vie.
Aujourd’hui était la plus rude journée de la semaine, il n’aimait pas le lundi, il restait trop de temps au lycée. Il commençait à huit heures et terminait en fin d’après-midi à dix-sept heures avec une coupure de deux heures pour la pause déjeuner, qu’il prenait la plupart du temps à la cantine de l’établissement. Les heures de classe se succédaient avec plus ou moins de bonheur, dans le lot il y avait des groupes déterminés à apprendre et d’autres qui voyaient l’histoire comme une matière tout à fait superfétatoire.
Mathis avait pourtant tenté de les faire participer. L’année dernière il avait même organisé, en fin d’année, une visite du château de Versailles. Cela avait tourné au cauchemar, à part les jardins qui avaient retenu un peu leur attention. Le reste ne fut que bâillements, réflexions désobligeantes et intempestives, courses effrénées dans les couloirs, disputes infinies. Il disait à qui voulait bien l’entendre qu’il n’y a rien de plus terrible que de voir l’ignorance agissante, aveugle et brailleuse.
* * *
Grâce à un fort vent du nord, la pluie du matin avait fait place à un temps plus serein. Après ces heures de cours, en sortant du lycée, il se rendit à la mairie. L’air vif et une lumière tamisée de fin d’après-midi se prêtaient volontiers à une marche salutaire.
Son ami le maire absent, il indiqua à sa secrétaire les défaillances du réverbère situé à proximité de son habitation en lui laissant le soin d’en parler à qui de droit, puis il rentra chez lui.
Arrivé au portail, il constata une nouvelle fois le mauvais fonctionnement du lampadaire, non content d’être resté allumé toute la journée, il clignotait de plus belle.
En pénétrant dans l’allée, au passage devant la remise, il crut entrevoir une faible lumière. Il s’approcha de la fenêtre et aperçut des ombres fugitives se dessiner au travers des carreaux de verre épais d’une saleté repoussante.
Prudent, Mathis se dirigea vers la porte, tendit l’oreille et perçut un bruit de voix étouffé.
Il saisit la poignée et s’introduisit dans la pièce unique.
Ce qu’il trouva le sidéra.
Une famille d’immigrés avait investi la place. Deux adultes et un adolescent assis par terre, surpris par l’entrée subite de Mathis, se levèrent d’un bon. L’homme, un noir de forte corpulence, s’avança les mains au niveau des épaules en signe d’apaisement. Une femme, visiblement éprouvée, se recoucha sur une couverture posée à même le sol.
L’enfant resté en retrait était sur la défensive. Mathis garda ses distances et demanda :
- Que faites-vous là ?
C’est l’adolescent qui répondit dans un français impeccable.
- Nous sommes des réfugiés, nous venons du Centre Afrique. Nous avons débarqué, hier soir, d’un bateau en provenance de Libye. Épuisés par le trajet, nous avons marché jusqu’ici. On a été pris de court, il pleuvait, la nuit commençait à tomber.
Il montra d’une main la femme couchée :
- Ma mère est malade.
Aussitôt, il ajouta :
- Nous serait-il possible de nous reposer quelque temps pour récupérer ?
Cherchant à comprendre la conversation, la tête de l’adulte allait du garçon à Mathis. Il guettait la moindre réaction.
- Vous ne pouvez pas rester ici, ce n’est pas raisonnable, on n’entre pas chez les gens comme cela, avant de s’installer, on demande.
Mathis avait parlé sans colère, son regard se posa sur la femme étendue, elle paraissait souffrir. Ses yeux fiévreux trahissaient une angoisse sourde, le visage blême elle s’était levée sur un coude et attendait.
L’homme se dandinait sur ses jambes, signe infaillible d’une grande incertitude.
Le jeune garçon insista :
- S’il vous plaît monsieur, on peut rester jusqu’à demain matin ?
Que faire devant un tel dénuement.
- Oui, mais demain vous débarrassez le plancher !
- Merci !
L’adolescent traduisit avec force gestes à l’appui, la réponse à sa mère et au bonhomme. Si c’était son père il ne lui ressemblait pas du tout, le gamin plutôt gringalet, avait le teint moins basané et surtout pas du tout frisé.
Le colosse opina, un sourire en devanture. Une question incongrue et inopportune traversa la tête de Mathis. Pourquoi les Africains avaient toujours une dentition impeccable ? À quoi cela était-il dû ?
Mathis retrouva ses esprits et fit le tour à l’intérieur de la cabane pour voir s’il n’y avait pas des choses fragiles à mettre de côté.
Il n’avait pas pénétré dans cette pièce depuis plusieurs mois et se rendit compte de la vétusté des lieux.
Ce soir-là il ferma la porte d’entrée de sa maison à clef et en vérifia la bonne fermeture.
Après un frugal repas, il s’installa devant le poste de télévision. Il était vingt heures et il ne manquait jamais le moment des informations.
Il écoutait les journalistes.
Et pourtant, il ne les portait pas dans son coeur, tous des vendus au même titre que les politiques. Il était fasciné par la façon naturelle avec laquelle ils commentaient l’actualité. Cette papelardise teintée de condescendance le mettait dans des états de vive excitation et d’une humeur peccante. C’était plus fort que lui et il se demandait jour après jour jusqu’où iraient ces camelots de l’information. Pour lui ce n’était pas des journalistes, mais des influenceurs.
Ils ne manquaient pas de sujets ? Jamais pris à défaut ni au dépourvu, ils possédaient tous une imagination des plus réactive et quand ils en étaient dépourvus, sans vergogne, ils en fabriquaient !
Ce soir c’était l’abondance, entre les faits divers bien scabreux, la covid, la guerre en Ukraine, les problèmes énergétiques, le pouvoir d’achat, le prix de l’essence, etc. certains en bafouillaient de plaisir.
Mathis zappait, écoutant un tel, une telle, raconter leurs chroniques, leurs fines analyses, leurs statistiques recueillies, allez savoir où, tout ceci, à grand renfort de superlatifs. Il s’agissait avant tout d’inquiéter la plèbe et faire pleurer dans les chaumières.
À un moment, il était resté en arrêt sur une chaîne.
Celle-ci parlait des immigrés, de leur périple cauchemardesque pour accéder à la terre promise.
Fallait-il qu’ils soient malheureux pour en arriver à tenter cette dangereuse aventure, traverser la mer méditerranée.
La semaine avait été catastrophique, le bilan était lourd, un bateau avait chaviré au large de la Sicile, les secours n’avaient pu recueillir que dix personnes sur les cinquante naufragés. Quid de ce qui s’était passé sur la plage de M.... ? Et mes trois immigrés, se disait-il, d’où viennent-ils exactement, le gamin avait parlé du Centre Afrique.
Ce soir-là, il eut du mal à s’endormir. Cette famille hébergée dans la cabane à outils lui pesait sur la conscience. Il avait beau se dire qu’il ne pouvait pas les retenir dans son abri pourri, mais d’un autre côté les mettre à la rue l’indisposait.
La nuit porte conseil dit-on ! Au matin devant sa tasse de café la décision de garder quelques jours de plus la famille d’immigrés lui parut plus raisonnable.
Aujourd’hui même, il se rendra à la mairie pour rencontrer Richard Lebon, le maire du village. Il lui parlera du lampadaire, mais surtout de cette famille. Peut-être aura-t-il une solution plus adéquate pour leur porter secours.
En sortant, il prit soin de bien fermer la maison à clef, ce qui n’était pas toujours le cas.
Quand il passa devant la cabane, il frappa à la porte, le garçon apparu les cheveux en broussaille.
- Je vous donne quarante-huit heures de plus pour vous reposer, restez tranquilles, ne mettez surtout pas le nez dehors. Je reviendrai vous voir ce soir, je vous apporterai de la nourriture, dit Mathis.
* * *
Assis derrière son bureau, il regardait ses élèves plancher sur un sujet d’histoire, une interrogation écrite sur la Révolution française !
Il pensait à ce jeune qui lui avait parlé hier soir. Il s’était exprimé dans un bon français.
Qu’allait-il devenir ?
Ses chances de réussite n’étaient pas les mêmes que ces adolescents qu’il avait sous les yeux. En avaientils seulement conscience de leur opportunité d’être éduqué, d’avoir un toit, une famille ?
Les questionner, leur faire toucher du doigt les conditions d’existence catastrophiques des immigrés ?
Pourquoi pas, l’éducation nationale est là pour apporter de la lumière. Cela devrait faire l’objet de discussion animée et constructive, de la même façon la visite annuelle du camp de concentration d’Auschwitz par les élèves du second cycle s’avérait indispensable à leur éducation morale, basée sur la lutte contre l’ignorance, le fascisme, le terreau des religions, ces obstacles à l’intégration.
Mais tout cela n’était que des mots. Il doutait de plus en plus dans l’exercice de son métier, un des plus beaux du monde, paraît-il ! Passer du temps auprès de la jeunesse leur inculquer le savoir, cela ne le faisait plus vibrer.
À l’approche de la retraite, il exerçait son talent sans grande motivation. Blasé par le peu d’attention que suscitait l’histoire, auprès des élèves.
Il n’était pas le seul en cause, ses confrères réagissaient de manière identique, lâchés depuis de nombreuses années par l’administration, les gouvernements successifs, mais également la plupart des parents.
Tout allait à vau-l’eau.
La France et le monde en général étaient en plein abâtardissement. Mathis assistait, en spectateur impuissant, à une lente décadence d’une société qui implose.
Il était bien placé pour savoir que l’histoire de l’humanité était parsemée de ces cycles transitoires, que chaque civilisation, à un moment où à un autre, subissait des épreuves, des traumatismes qui les menaient au déclin et ensuite à la ruine.
Les Civilisations mayas, Les Aztèques, les Incas, les Romains, les Arabes, les Grecs et d’autres encore avaient connu ce phénomène. S’en étaient suivi de longues périodes de guerre accompagnées de grandes disettes puis l’humanité avait repris le cours normal des choses.
Alors, une nouvelle et belle histoire recommençait pour en arriver à chaque fois au même résultat, le tourbillon de la vie avec ces incertitudes, ces altérations, ces déchéances successives et inévitables.
C’est la sonnerie de la fin de l’heure de classe qui le sortit de ses pensées. Il ramassa les copies les déposa dans son cartable et fila dans la salle des professeurs.
Encore une heure de travail puis il irait à la mairie.
Quand il quitta le lycée, le ciel était couleur zinzolin, un rouge cuivré tapissait l’horizon, nous allions vers les journées un peu plus longues.
Il monta la fermeture éclair de sa veste, releva son col et fila en direction de l’hôtel de ville où il avait pris rendez-vous avec Richard Lebon.
Le bureau du maire était ouvert, il passa devant celui de Sidonie, ne la vit pas, mais sentit les effluves capiteux de son parfum. À la porte du bureau de Richard, il aperçut son ami en train de téléphoner. Le maire lui fit signe d’entrer et d’un hochement de tête lui indiqua de s’asseoir sur un des deux fauteuils qui faisaient face au sien.
C’était un personnage à la figure et au corps ronds, aux manières séduisantes, il attirait la sympathie comme la source fait sourdre l’eau.
Le maire expédia son interlocuteur et s’adressa à Mathis :
- Qu’est-ce qui t’amène Mathis !