L'Interne - Intégrale - Emily Chain - E-Book

L'Interne - Intégrale E-Book

Emily Chain

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Beschreibung

DÉCOUVREZ L'INTÉGRALE DE LA CÉLÈBRE SAGA L'INTERNE !

Alors que Julia mène une vie bien rangée avec son fiancé à Los Angeles, une simple rencontre vient semer le doute...

Devoir déménager pour accompagner son fiancé, jeune avocat à l’avenir prometteur ? Pas facile. Mais que dire quand, en plus, on apprend que l’on est stérile ? Le cauchemar pour Julia, qui avait déjà imaginé sa vie de famille… Elle décide donc de reprendre ses études et de se lancer à corps perdu dans son internat dans l’un des plus grands hôpitaux de Los Angeles. Le petit bémol ? Ce médecin, Dean, rencontré par hasard quelques jours avant, qui hante ses rêves les plus chauds… Tant que ce ne sont que des rêves, ça va... non ?

Julia parviendra-t-elle à étouffer ses fantasmes les plus secrets ? Laissez-vous emporter par cette romance palpitante et plongez dans une histoire d'amour impossible entre un médecin et une interne !


EXTRAIT
— Elles sont ravissantes, comme leur mère.
La voix roucoulante du nouvel arrivant m’exaspère. Draguer une femme, sûrement épouse, entourée de ses enfants… Certes, cette belle rousse aux cheveux ondulés est l’incarnation de nombreux désirs masculins, mais tout de même.
— Merci.
Le ton froid de cette dernière me déclenche un petit rire satisfait.
L’ascenseur s’arrête une nouvelle fois. La famille sort en trombe et je vérifie l’étage. Deuxième. Encore un.
Je ne prête pas attention au dragueur, jusqu’au moment où je me sens observée.
La première chose que je constate, c’est qu’il porte une blouse blanche. Ma tension monte. Serait-ce un de mes professeurs de cette année ? Un de ceux qui pourraient m’apprendre à sauver des…
Mes pensées s’arrêtent quand mon regard remonte son torse.
Ses dents, blanches et parfaites, me liquéfient.
— Une aussi belle compagnie pour un ascenseur… murmure-t-il en scannant mon corps de haut en bas.
Je suis pétrifiée. Mes cils clignent plusieurs fois pour être sûrs de bien voir ce que j’ai sous les yeux.
— Vous…
— Oui ? me coupe-t-il en se rapprochant de moi.
Ses yeux sont bleus… Moi qui n’arrivais pas à me les imaginer depuis plusieurs semaines. Sa barbe est un peu plus courte que lors de notre première rencontre. Son eau de Cologne est identique. Je referme la bouche en me rendant compte que je bave devant lui.
— Rien, rien.
Son attitude me laisse penser qu’il ne se souvient pas de moi. Sûrement l’alcool.

 
CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

L'écriture est fluide, les scènes médicales sont très bien décrites, les scènes de sexes sont subtiles, ce qui change d'autre romances, ce que j'ai beaucoup aimé. - CindyR, Babelio


À PROPOS DE L'AUTEURE

Âgée de 21 ans, Emily Chain écrit depuis toujours et dans des styles assez diversifiés : des récits fantastiques aux thrillers en passant bien sûr par la romance. Elle s'intéresse à des personnages auxquels les lecteurs peuvent s'identifier facilement, comme Julia.

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Couverture

Tome 1 : Première année

Chapitre 1

Newark — 2016

— Tu as mis quoi là-dedans ? Ça pèse une tonne… ronchonne James, en soulevant difficilement l’immense caisse métallique, qui renferme la moitié de ma bibliothèque murale, désespérément vide, devant moi.

Trois mois que je tente de me faire à l’idée… Newark n’est plus mon chez-moi à partir de ce soir. Une boule à la gorge, je retiens difficilement les larmes qui menacent de s’échouer sur mes joues. Des années que je suis ici…

— Où est-elle ?

La voix de ma mère me tire de la contemplation des étagères vides, mon visage s’illumine en voyant son air jovial.

— Ta mine est affreuse, s’exclame-t-elle, tout sourire.

Je fais mine de m’offusquer avant d’exploser de rire. Elle me rejoint en gloussant, zigzaguant entre les différents cartons du déménagement.

— Le grand jour, ma chérie !

Elle me prend dans ses bras en disant ça. Je me mords les lèvres pour ne pas m’effondrer au contact rassurant de son étreinte. Sa présence va tellement me manquer.

— On ne pleure pas… me chuchote-t-elle, alors qu’un premier sanglot s’échappe de mes lèvres.

J’acquiesce d’un petit hochement de tête, encore dans ses bras.

Elle pose une main réconfortante dans mon dos avant de s’écarter de mon emprise.

Mes yeux ont rougi, mais aucune larme ne vient gâcher mon léger maquillage.

— Tu viendras me voir, hein ?

Mon ton est plaintif. Sereine, ma mère me répond doucement :

— Mais oui, ma chérie. Los Angeles ce n’est pas si loin de Boston tout de même.

Elle lève les yeux au ciel pour appuyer sa remarque, ce qui m’arrache un sourire.

Los Angeles… Cela me paraît si loin.

— Les filles, si vous voulez m’aider, c’est avec plaisir, lance James à l’entrée de l’appartement.

Immédiatement, ma mère prend un carton dans les bras et s’avance vers lui. Culpabilisant de ne rien faire, je l’imite avec un carton un peu moins gros. Une odeur de cannelle s’en échappe et je ne peux m’empêcher de l’ouvrir pour en comprendre l’origine.

J’avance de quelques pas pour le poser sur le comptoir de la cuisine. Le scotch récemment apposé sur le carton se soulève facilement. Je découvre de nombreuses variétés d’objets. Je comprends rapidement que c’est le reste de l’appartement que James a dû considérer comme inclassable.

Je n’ai pas beaucoup aidé à l’emballage ces derniers temps, trop prise dans les examens de fin d’année. Même si je ne compte pas m’inscrire dès notre arrivée à Los Angeles dans une école de médecine pour terminer mon internat, louper les examens après trois ans d’externat me paraissait impensable.

Le petit objet marron clair dégageant de l’odeur de cannelle est une petite bougie que la petite sœur de James a ramenée de l’un de ses nombreux voyages en Inde. Une vraie Yogiste passionnée, au grand dam de son frère.

— Julia, tu ne vas pas commencer à déballer nos cartons…

Le ton exaspéré de James me fait piquer un fard. Je ne suis pas la meilleure aide de camp apparemment.

— Tu ne veux plus partir ?

Sa voix est différente. Je me retourne vers lui, les sourcils froncés. Son expression est bien moins confiante que d’habitude, sa mâchoire tremble.

— Mais non, bien sûr que non… le rassuré-je.

Il se crispe. Je ris.

— Enfin, oui… Tu sais bien… Je veux partir avec toi au soleil !

Je lui saute au cou en disant ça, provoquant un de ses fameux sourires qui, plusieurs années auparavant, m’avaient chamboulé dans un bar de New York.

— Tu es toujours aussi beau, roucoulé-je.

Il pose ses lèvres sur les miennes avant de retirer mes mains de sa nuque.

— On a du boulot, mademoiselle !

Je fais la moue, contrariée d’être repoussée ainsi.

— Plus vite on finit là, plus vite je te ferai passer la porte de notre nouveau chez nous, me susurre-t-il, avant d’embarquer le carton de vracs hors de l’appartement.

Je rougis, lançant doucement :

— On ne fait ça qu’après un mariage.

— Je prends un an d’avance alors ! répond-il, déjà dans les escaliers.

L’allusion à notre prochain mariage me fait oublier la peine que je ressens à l’idée de quitter cette ville et ce loft où tant de souvenirs sont rattachés.

Deux ans que James avait déboulé un peu ivre dans cet appartement, en soutenant une de mes amies de l’école de médecine.

— Je la pose où ? m’avait-il demandé en soutenant le regard froid de son collègue de débauche, un peu déçu de jouer les chaperons pour demoiselles en détresse.

— Ici, je vais m’occuper d’elle. Merci de m’avoir aidée… Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans vous.

J’avais gloussé, l’alcool jouant également sur mes capacités. Mon amie s’était allongée sur le canapé, s’endormant au bout de quelques secondes.

Le ronflement de cette dernière avait fini de nous plonger dans l’embarras.

— Un dernier verre, m’avait proposé James alors que son collègue le tirait déjà par la manche pour sortir de l’appartement.

En temps normal, j’aurais dit non. Mais l’alcool et son attitude chevaleresque avaient eu raison de moi. Trois mois plus tard, il emménageait ici, avec moi.

— Et le dernier !

Le cri de soulagement de James me tire de mes pensées.

— Carole, votre fille est une véritable déménageuse, dis donc…

Son ton ironique n’échappe pas à ma mère qui lui lance un clin d’œil appuyé. Ils s’entendent merveilleusement bien. Que pouvais-je rêver de mieux ? Ne pas partir à l’autre bout du pays ? Oui, c’est vrai. Mais James a l’occasion de devenir associé dans un immense cabinet d’avocats de Los Angeles, c’est une offre qu’on ne refuse pas. Hors de question de gâcher son talent. Des Écoles de médecine, il y en a partout et fonder une famille ici ou ailleurs, peu importe.

— Je déballerai les affaires là-bas, promis !

Ma mère et James partagent un éclat de rire et je tente de l’ignorer, susceptible de nature.

— Bon, je vous remercie Carole. Vraiment !

La voix de James est plus sérieuse. Il utilise ce ton lors de ses plaidoiries face au jury. Cela le rend atrocement sexy. Je rougis une nouvelle fois, mais ma mère est trop occupée à serrer son futur gendre dans les bras.

— N’hésitez pas à venir souvent nous voir.

Elle répond d’un sourire. James ne se force même pas avec elle. Parfois d’extérieur, on pourrait se demander lequel de nous deux est son enfant.

Je m’avance tandis qu’il sort de l’appartement pour nous laisser un peu d’intimité. C’est une autre de ses qualités. James est toujours prévenant.

— Tu m’appelles quand votre avion est arrivé ? Si tu as quoi que ce soit, s’il te manque un…

— Maman, la coupé-je. Tout va bien se passer… Tu viens me rendre visite en novembre pour la robe de mariée. Et même avant, si tu le souhaites.

Le visage de ma mère s’illumine.

— Alors, c’est bon ? Vous avez décidé la date…

Je soupire face à l’excitation qui se dégage de cette femme à la simple évocation de notre futur mariage.

— Non, pas encore, mais nous aimerions que cela soit l’été prochain. Il faut voir ça là-bas…

J’ai moi-même du mal à garder un visage neutre. Mon rêve de petite fille se réalise. Un mari aimant, un beau mariage, deux ou trois enfants… Une vie de famille comblée et paisible.

— Je suis heureuse que tu aies trouvé James, ma chérie.

Elle me prend dans ses bras une dernière fois. Cette fois-ci, ce sont ses larmes qui coulent sur le bord de mon petit gilet.

— Tu as grandi si vite…

Je ris. N’est-ce pas là, la réflexion que chaque fille entend à son départ du cocon familial ?

— Maman, tu étais déjà à plusieurs heures de route de chez moi, lui chuchoté-je en retenant mes propres sanglots.

Elle se recule en essuyant d’un revers de la main ses larmes.

— Je sais bien, c’est idiot, mais je ne verrai pas mes petits enfants chaque soir en venant les chercher à l’école…

Sa mine déconfite me fend le cœur.

— Mais ils viendront passer de longues et merveilleuses vacances chez leur grand-mère préférée, la rassuré-je.

Elle secoue la tête, un faible sourire sur le visage.

— Tu vas être une mère incroyable, me souffle-t-elle, avant de se moucher dans un petit morceau de tissu en papier.

— Essayons déjà d’être une bonne épouse…

Le clin d’œil malicieux que je lui adresse vainc ses larmes.

Le bruit du camion de déménagement attire notre attention.

— Je dois y aller. Mes affaires sont déjà en route, plus qu’à prendre l’avion pour le soleil.

Le soleil se trouve aussi à Newark aujourd’hui. C’est d’ailleurs le plus dur… J’aurais aimé que la pluie soit avec nous, pour montrer à quel point je manquerai à cette ville autant qu’elle me manquera.

— Bronze bien, me lance-t-elle, alors que je quitte l’appartement.

Ma mère reste pour rendre les clés, tandis que je monte dans le taxi que James a commandé. Il jette un dernier coup d’œil à la façade et me rejoint.

Cette ville lui manquera aussi.

— Nous avons vécu de belles années ici, marmonné-je sur le point de m’effondrer.

Il relève mon menton du bout des doigts.

— Celles qui nous attendent le seront encore plus, m’assure-t-il.

Son regard me réconforte, tandis que nous quittons notre vie ici.

Chapitre 2

Los Angeles — 2019

Il pleut.

J’ai été étonnée de voir à quel point la pluie est fréquente ici. Moins que sur la côte Est bien sûr, mais tout de même, il pleut. Le signal du déclenchement automatique du répondeur me tire de mes rêveries :

Vous avez un nouveau message… Bonjour, James, ici Jacob Morow. Auriez-vous un moment à m’accorder dans l’après-midi ? Rappelez-moi.

La voix de l’homme m’est inconnue, comme la plupart de ceux qui laissent un message sur notre répondeur. Je l’ignore et retourne à mon activité. Tout du moins, si tenter de trouver une journée de libre dans l’emploi du temps de James peut s’appeler une occupation. Le petit calendrier qui trône devant moi est rempli de traces noires. Par endroit, l’encre a coulé, effaçant des jours de la deuxième semaine de juillet.

— Qu’importe, soupirai-je. Il ne sera pas là.

J’accompagne mon murmure grognon d’une nouvelle barre foncée. Cet après-midi figure encore dans les rescapés de mon stylo vengeur. Je laisse la mine au-dessus, sans me décider.

La porte d’entrée claque et je manque de peu d’étaler l’encre sur la totalité du mois.

— Chérie ?

La voix de James est étouffée par l’étage qui nous sépare. Ce loft a beau être extrêmement moderne, l’obligation de descendre et monter sans cesse m’exaspère.

— En haut…

Ma voix ne porte pas beaucoup, mais James semble m’entendre. Ses pieds tapent un à un les marches de l’escalier en fer forgé qui mène à mon bureau.

— Désolé d’être parti tôt ce matin, minaude-t-il en s’approchant de moi.

Je reste stoïque sur mon grand siège de bureau en cuir noir. Hors de question que je me laisse attendrir aussi facilement.

— Je sais comment me faire pardonner, continue-t-il en posant ses mains chaudes sur mes épaules.

En temps normal, je me plains de cette chaleur moite qui se dégage continuellement de son corps, mais le temps pluvieux me provoque des frissons et son contact est rassurant.

Il penche sa tête vers la mienne espérant un baiser de ma part.

Immobile, je fixe l’épaisse averse qui s’acharne sur la vue normalement splendide que notre loft nous offre chaque matin.

James soupire, tirant le fauteuil vers lui avant de le faire pivoter. Malgré moi, je me retrouve face à lui, les sourcils froncés.

— Ne sois pas fâchée, mon ange…

Sa moue peinée parvient presque à me faire changer d’avis. Comment puis-je en vouloir à cet homme aimant… Mais la date sur le calendrier me revient en mémoire et ma mâchoire se contracte.

Il le voit.

— Comment me faire pardonner ? Un dîner rien que toi et moi ? Un voyage ? Une sortie… Un film… Une soirée ici, tranquille… Dis-moi…

Il me supplie maintenant.

— Nos 5 ans, James… articulai-je péniblement en tentant de ne pas m’effondrer sous des torrents de larmes, comme semble le vouloir mère nature.

Sans attendre, il m’enserre de ses bras.

— Je suis tellement désolé d’avoir dû partir aujourd’hui… Mais je te promets que le reste de la journée est pour nous.

Je ravale la réflexion cinglante qui me brûle les lèvres. Il ne sait pas encore pour le message sur le répondeur.

— Écoute le répondeur.

Je peine à garder un semblant de contenance. Il m’observe sans comprendre, mais obtempère.

Ses mouvements sont gracieux sous sa chemise bleu ciel, assez cintrée pour mettre sa fine musculature en valeur. Son chino marron clair lui colle un peu plus que la plupart de ses pantalons de costume.

Sa tenue est le seul élément qui prouve qu’aujourd’hui n’était pas une journée de travail normale.

— Tu étais où ?

Mon ton suspicieux ne manque pas de lui faire hausser les sourcils de surprise. Je ne suis pas une femme jalouse, mais la colère parle en cet instant.

— Avec les associés, nous avions…

Ses doigts appuient machinalement sur le bouton du répondeur et il s’arrête en plein milieu de sa phrase pour écouter la voix de Jacob Morow déblatérer sa demande de rendez-vous.

Comme je m’y attendais, James grimace.

Je suis une nouvelle fois en train de perdre face à son métier.

Depuis trois ans, je ne le vois quasiment plus. Nos anniversaires de rencontres sont passés comme celui-ci, à la poubelle.

— Je peux ne pas y aller, mais…

Je me pince les lèvres, quand une larme s’échappe de mon œil droit. Les dés sont jetés.

— Mais cela pourrait impacter ton avenir en tant qu’associé senior… finis-je.

Je connais cette phrase, je l’entends depuis son premier jour de travail ici.

— Chérie, ce n’est pas simple pour moi, tu sais…

J’explose. Comme à chaque fois que nous avons cette conversation.

— Pas simple ? James, tu repousses notre mariage depuis trois ans à cause du manque de temps ! Tu oublies mon anniversaire, notre anniversaire… Et, sans ta sœur, tu aurais oublié le tien par la même occasion. Réveille-toi, tu passes à côté de la vie là.

Mon énervement se dissipe aussitôt ma tirade sortie. La tête me tourne et je me rends compte que je me suis brusquement levée de mon fauteuil pour lui dire ses quatre vérités. Il m’observe les yeux ronds. Cette fois-ci, mes mots ont été plus rudes.

— Je… Si c’est vraiment important, je peux… balbutie-t-il en m’observant, soufflé par ma réaction disproportionnée.

Elle l’est. Je m’en rends compte. Mais je deviens folle entre ces quatre murs la moitié du temps, seule. Heureusement que j’ai réussi à trouver des occupations extérieures.

— Je n’en peux plus, James…

Ma voix n’est plus qu’un murmure.

Il s’avance, l’air désemparé.

Je me défile face à ses bras ouverts, il accuse le coup sans un mot.

— Ne me quitte pas, Julia, je t’en prie. Je vais faire mieux, on va trouver une solution.

— Promets-moi de ne plus repousser le mariage, l’implorai-je en m’asseyant sur le lit qui trône au milieu de la pièce, à quelques mètres de mon bureau.

Il me suit, prenant mes mains dans les siennes.

— Je te promets qu’on sera mariés dans un an.

Ses yeux plongent dans les miens et je me persuade qu’il est sincère.

— D’accord… vas-y, soufflé-je, tandis qu’il approche son visage du mien.

Son baiser est doux et hésitant au début. J’entrouvre les lèvres pour lui faire comprendre que je ne suis pas fâchée. Pas trop. Sa réaction est immédiate. Il plaque ses deux mains sur mon visage, s’avançant plus près de moi. Son contact se fait plus passionné, mon corps bascule sur le lit. Il m’accompagne, de plus en plus entreprenant. Je ne peux m’empêcher de sourire entre deux baisers. Il couvre mon cou de baisers, me susurrant des « Je t’aime ». Ses doigts courent le long de mes hanches dans l’idée de m’enlever mon haut quand le téléphone sonne.

Il se relève d’un coup et je ris de bon cœur. Sa chemise débraillée et ses cheveux en bataille me rappellent notre vie à Newark. Plus spontanée et passionnée. La nostalgie s’empare de moi, mais je la chasse en me relevant aussi rapidement que lui.

Mon état est aussi débraillé. Mon chignon est complètement défait laissant mes longs cheveux châtains tomber en cascade dans mon dos.

— Ravissante, me souffle-t-il en décrochant le téléphone.

Il fronce les sourcils, avant de cacher le micro de sa main.

— Tu avais un rendez-vous gynécologique aujourd’hui ?

Je lui fais non de la tête, avant de tendre la main pour prendre l’appel. Il hausse les épaules et obtempère, se laissant tomber à nouveau sur le lit.

Je m’efforce de ne pas le regarder, la chemise à moitié ouverte, couché sur notre lit, pour comprendre ce que la voix suraiguë au téléphone tente de me dire.

— Si je suis libre aujourd’hui pour avancer mon rendez-vous de mardi prochain… Oui, oui, bien sûr. Il y a un problème ?

Ma voix est un peu tendue. J’ai été voir ma gynécologue il y a quelques semaines, car je ressentais des nausées à répétition ces derniers mois. Même si elle n’a pas été alarmante, elle a préféré me faire passer certains tests. James gagne excessivement bien sa vie, je n’ai donc pas longtemps hésité avant de les faire.

La jeune assistante m’assure que c’est courant et raccroche après avoir vérifié une nouvelle fois mes disponibilités de milieu d’après-midi.

— Un problème ? demande James, un coude appuyé sur le lit prêt à se relever.

Je lui souris faiblement, ne voulant pas l’inquiéter outre mesure, ne sachant pas de quoi il peut bien s’agir.

Il tend un bras vers moi et je m’approche assez pour qu’il m’attrape par les hanches. Ma chute sur le lit est accompagnée d’un de mes petits cris stridents qui lui déclenche un gloussement.

Il se jette sur moi pour me bombarder de chatouilles. Mon hurlement rejoint des larmes de rire… Nous roulons sur le côté, le sourire aux lèvres et j’en oublie les désagréments des dernières années. James et moi, nous nous aimons. Il doit travailler dur pour nous assurer un avenir, à nous et à notre famille.

Dans quelques mois, cela ne sera qu’un mauvais souvenir.

Chapitre 3

— Je peux te rejoindre, m’interroge James tandis que l’eau coule à flots dans la douche.

La vapeur sur les parois vitrées qui m’entourent m’empêche de le voir, mais j’imagine aisément le sourire salace qui se promène sur ses lèvres.

— Tu veux être en retard ? renchéris-je

Je l’entends soupirer.

— Pourquoi les femmes ont-elles toujours raison ?

Je passe ma tête à travers l’entrebâillement des deux portes, offrant un espace parfait pour qu’un air glacé s’introduise dans ma bulle de chaleur. Je frissonne légèrement. James est dans l’encadrement de la porte qui donne sur la chambre. Son attitude racoleuse me fait rougir.

Ses doigts s’activent à insérer la lanière de cuir de sa montre dans la boucle prévue à cet effet. Son regard braqué sur moi, habillé de l’un de ses plus beaux costumes, je regrette d’avoir parlé d’un potentiel retard.

— On peut toujours faire vite, minaudé-je.

Il rit en secouant la tête négativement. Ses yeux pourtant répondent l’inverse. Je sens la passion dans ses pupilles dilatées. Un seul mouvement de ma part et je ne serais plus seule dans cette douche XXL. La situation est tentante, mais j’ai moi-même un rendez-vous et la peur qui l’accompagne bloque ma montée de libido.

Sagement, je referme la porte et retourne sous l’eau. La chaleur qui glisse sur ma peau arrive à détendre en partie les nœuds à l’estomac que m’a provoquée ce changement inattendu de rendez-vous. Après une dizaine de minutes, j’arrive à me convaincre que cela ne doit être qu’une annulation de rendez-vous parmi tant d’autres et que j’ai la chance de passer plus rapidement.

Une serviette blanche autour de mon corps humide, je traverse la chambre. Plus aucun signe de James. Une moue contrariée vient se loger sur mon visage en voyant un léger bout de papier échoué sur le lit refait par ses soins.

À ce soir, je t’aime. On fêtera nos 5 ans, je te le promets.

Je m’étonne encore de voir à quel point son écriture est ronde et appliquée pour un homme.

Je pousse un soupir et pose le papier sur mon bureau. L’écran de veille de l’ordinateur m’apprend que la matinée est déjà bien avancée. James mangera sûrement pendant son rendez-vous. Je m’habille sans hésiter d’une combinaison fluide pour me sentir à l’aise et me déshabiller facilement arrivée chez la gynécologue. Le tissu bleu foncé glisse à chacun de mes mouvements.

Le réfrigérateur est quasiment vide et je décide de sortir manger dehors avant mon rendez-vous dans un peu moins de deux heures.

Par réflexe, je prends mon téléphone et compose le numéro de Tara, ma seule vraie amie ici, à Los Angeles.

Vous êtes bien sur le répondeur de Ta… Peu importe. Si vous me connaissez, envoyez un texto.

Sa messagerie m’arrache un sourire pour la énième fois. Ce ton suspicieux est un des traits de caractère qui nous a amenées à devenir amies. À notre arrivée, poussée par James, j’ai entrepris plusieurs activités. Le yoga, pour faire plaisir à sa petite sœur adorée, ce fut un terrible échec quand ma patience s’est révélée inexistante. La course en groupe, la marche, le basket, le surf… Les activités d’occupation s’étaient toutes retrouvées largement ennuyantes. Mon dernier espoir a été la poterie. Une idée de ma mère que j’ai tentée sans grande conviction. J’aurais d’ailleurs arrêté immédiatement si je n’étais pas tombée sur Tara. Un petit rayon de soleil qui illumine mes moments de déprime, assez présents dans ma vie depuis quelques mois.

Le vibreur de mon téléphone portable m’oblige à fouiller dans mon sac à main, là où je viens à peine de lancer le petit appareil tactile.

— Oui, dis-je, décrochant à peine.

— Ah enfin ! s’exclame la voix de Tara.

Je lève les yeux au ciel face à l’impatience chronique de mon amie.

— Tu m’as appelée ?

J’ignore sa question rhétorique.

— Tu veux manger un bout avec moi ?

— James t’a encore laissé tomber pour votre anniversaire…

Son ton désolé me serre le cœur. Mon amie a l’air de plus se soucier de cette date que l’intéressé.

— Non, on a décidé de le fêter ce soir.

Le demi-mensonge que je sors n’a pas l’air de prendre du côté de mon amie, mais elle ne dit rien.

— Spaghettis ? lance-t-elle, après un temps de réflexion.

Sa question ne cherche pas de réponse, nous mangeons toujours au même endroit, lieu où la saveur des pâtes dépasse l’entendement.

— Dans un quart d’heure ?

— J’y suis dans cinq minutes, je m’apprêtais à sortir, m’informe-t-elle.

Je grimace.

— Je ne te coupe pas dans tes plans au moins ?

Je me maudis de lui faire un coup pareil cinq minutes avant, je ressemble à une fille désespérée.

— Mais non, ma belle, je suis toujours là si besoin, tu le sais.

Je marmonne quelque chose avant de comprendre qu’elle a déjà raccroché pour ne pas que je décommande par culpabilité.

J’attrape les clés de l’appartement et sors, ne prenant pas la peine de noter à James que je suis partie plus tôt. Il ne reviendra pas avant moi de toute manière.

Je fixe un instant le cabriolet garé devant mon entrée, puis je décide de faire le chemin à pied. Le restaurant n’est qu’à 800 mètres de chez nous et la pluie s’est arrêtée, laissant place à un ciel plutôt dégagé.

Après plusieurs minutes de marche, j’aperçois la terrasse du restaurant, vide ou presque. Tara est assise en tailleur sur l’une des chaises, en pleine contemplation de l’océan.

Le fait que la table soit mouillée ne semble pas la perturber plus que ça.

Je continue d’avancer observant cette jeune femme insouciante au carré blond platine virevolter sous une brise assez fraîche pour faire frissonner ses bras découverts.

Après un instant, elle me repère et saute sur ses pieds pour m’accueillir. Sa tenue est originale, comme d’habitude. Une sorte de salopette raccommodée de plusieurs tissus colorés. Un vrai patchwork vivant et si représentatif de sa personnalité haute en couleurs.

— Comment vas-tu, ma belle ? Tu es resplendissante !

La voix enjouée de Tara me redonne un peu de baume au cœur. Elle est vraiment ce remontant dont j’avais besoin.

— Bien…

Elle fronce les sourcils.

— Tu devrais apprendre à mentir un peu mieux, s’esclaffe-t-elle en se rasseyant sur la chaise, toujours en tailleur.

Je m’assois en face d’elle sans faire attention à l’humidité qui traverse ma fine combinaison.

— C’est James, lance Tara en m’observant par-dessus ses longs cils couverts de mascara.

Je secoue la tête.

— Pas vraiment. Il m’a contrariée, mais rien d’insurmontable…

— Alors quoi ? s’étonne mon amie.

Je me balance de droite à gauche sur ma chaise avant de me lancer, soudain honteuse de stresser pour une chose aussi insignifiante qu’un rendez-vous changé.

— Ma gynécologue… Elle a avancé le rendez-vous à cet après-midi.

— Tu ne devais pas la voir la semaine prochaine ?

La question de mon amie ne trahit aucune inquiétude.

— Si, justement. Ça m’inquiète.

Tara ne semble pas comprendre et réplique aussitôt.

— Ça doit être une histoire de désistement. Profite, plus vite ça passe ce genre de chose et mieux on se porte.

J’acquiesce en silence, toujours un peu perplexe sur un potentiel désistement et une chance de mon côté. Son air désinvolte, sans me surprendre, ne me rassure pas.

— Je ne t’ai pas raconté l’autre soir, ce Matthew…

Elle se met à glousser en me racontant ses dernières conquêtes. Je l’écoute d’une oreille distraite, plaçant ci et là des onomatopées lui permettant de croire que je m’intéresse avidement à ses exploits de célibataire.

Notre repas se passe sans encombre, retraçant pas à pas les dernières aventures de mon amie. Sa présence m’aide à relativiser, mais je suis tout de même soulagée de voir l’heure de mon rendez-vous arriver.

— Tu me tiens au courant, me lance Tara en s’éloignant pour rejoindre le taxi qui l’attend.

Je ne demande pas où elle compte aller. Même si nous sommes amies, je ne partage pas son point de vue sur la manière dont une vie doit être vécue avant trente ans.

Cette éternelle célibataire est loin de rêver de mariage et d’enfants, comme je le fais depuis toujours.

Le cabinet où j’ai rendez-vous n’est pas très loin, je décide donc de poursuivre à pied. Le ciel devient à nouveau menaçant lorsque je m’engouffre dans le hall aseptisé de l’immeuble de ma médecin.

Docteur Eva Meniosa, gynécologue

J’appelle l’ascenseur et attends un moment. Deux hommes entrent bruyamment dans le hall, ni l’un ni l’autre ne semble remarquer ma présence.

— Eva n’appréciera pas de savoir que la soirée est annulée ! s’exclame le premier.

— Elle est toujours aussi…

— Bien, mieux encore qu’à l’école de médecine, mon pote !

Le premier vocifère comme un homme ayant trop bu. Par réflexe, je me retourne pour leur faire face.

— Tu es qui, toi ?

Ils reculent d’un pas, l’air interloqué.

— Tu étais où ?

Je lève les yeux au ciel.

— Là. Depuis le début, répondis-je.

Tin (bruit d’ascenseur)

Le bruit d’ouverture des portes de l’ascenseur me détourne d’eux et je m’insère sans plus attendre dans la cage. Les deux hommes semblent hésiter.

— Prenez les escaliers, cela vous fera le plus grand bien, annonçai-je froidement en appuyant sur la fermeture des portes.

Hébétés, ils m’observent disparaître derrière les deux battants gris de l’ascenseur.

La mention de leur école de médecine couplée d’un état d’ébriété avancé ne fait qu’augmenter le ressentiment que j’éprouve à leur égard.

C’est furieuse que je sors de la cage d’ascenseur pour me retrouver face à une jeune secrétaire, l’air un peu perdue.

— Bonjour, Julia Relwood, vous m’avez appelée pour avancer mon rendez-vous.

L’idée que l’appel de ce matin soit un canular est aussi dans les scénarios que j’ai envisagés tout au long du repas.

— Bien entendu, je préviens le docteur que vous êtes là. Allez vous installer en salle d’attente.

J’acquiesce sans un mot, suivant la direction qu’elle m’indique d’un mouvement de tête.

Je ne suis venue que très peu de fois dans son cabinet. Nos rendez-vous se passaient à l’hôpital, c’était plus pratique pour elle comme pour moi.

Les hôpitaux me rassurent tandis que des immeubles froids tels que celui-ci me provoquent des sueurs froides.

À peine mes fesses posées sur l’une des nombreuses chaises à disposition dans la salle d’attente, j’entends les deux rires des idiots enivrés du hall.

— On aimerait voir Eva si possssssible…

Sa manière d’appuyer sur le S me donne un haut-le-cœur. Au vu du visage de la secrétaire, elle n’en pense pas moins.

— Je suis désolée, mais elle ne pourra pas vous recevoir avant un moment.

Le plus grand, celui qui vociférait comme un veau, semble ne pas apprécier la réponse.

— Comment ça attendre un moment ! Elle est où ?

Au même moment, la porte du bureau du docteur Meniosa oblige les deux hommes à se retourner et se taire. D’où je suis assise, je ne vois qu’une partie de la scène, bien assez pour comprendre qu’ils se font remettre les pendules à l’heure.

— Venez me chercher à 19h et pas avec 3 grammes dans chaque bras.

La voix de la femme s’élève sans qu’aucun des deux hommes ne réponde.

— Madame Relwood ?

Elle m’appelle d’une voix forte pour couvrir les murmures des deux hommes, encore un peu soufflés par la violence des réponses d’Eva Meniosa.

Telle une automate, je me lève et me dirige vers la docteur. Elle me salue d’un hochement de tête, je l’imite. Son regard froid se pose une dernière fois sur les deux hommes avant qu’elle ne referme la porte de son bureau.

— Excusez-moi, ce sont des amis de médecine… On ne sait jamais vraiment ce que c’est avant de le vivre.

Je me mords l’intérieur de la joue pour me retenir d’être désagréable.

Elle s’assoit derrière son bureau sans un regard pour moi. Puis, elle relève la tête et m’indique d’un mouvement de main la chaise devant elle. Je m’y installe sans broncher.

— Madame Relwood… Comment allez-vous ?

Ses yeux ne passent qu’un instant sur mon visage un peu blanc. La nervosité gagne petit à petit chacun de mes membres.

— Bien, je crois… répondis-je, sans grande conviction.

Elle relève les yeux de ce que je pense être mon dossier médical. Ses coudes se posent doucement sur le bureau. J’observe ses mains se nouer l’une à l’autre pour soutenir son menton.

Cette position de penseur, je la connais. Durant mon externat, j’ai vu des médecins la prendre.

Je déglutis.

— C’est mauvais ?

Elle se racle la gorge avant de me répondre.

— Il y a deux poids, deux mesures concernant le terme « mauvais ». Si votre question porte sur votre santé, alors non. Vous êtes en parfaite santé, tout du moins concernant les examens que nous avons effectués…

— Mais… la pressé-je.

Elle m’offre un sourire contrit. Mes nerfs sont sur le point d’exploser quand elle reprend.

— Les examens ont révélés quelque chose. Cela peut être anodin, mais à mon sens nous devrions explorer un peu plus cette piste.

— Cette piste, répétai-je sans comprendre.

— Il se pourrait que vous soyez stérile.

Le couperet tombe sur ma nuque sans m’y attendre. Je toussote un instant. Je peine à récupérer un semblant de contenance. Des larmes me montent aux yeux.

— Sté… stérile, balbutiai-je.

Elle m’observe sans un mot, attendant que l’hébétude de l’annonce passe.

J’inspire plusieurs fois en essayant de retenir la vague de sanglots qui m’envahit.

— Rien n’est encore officiel. Nous allons devoir faire d’autres tests, mais il est important que vous compreniez les enjeux d’une telle annonce…

Je reste muette. Que je comprenne les enjeux… Comment peut-elle dire ça ? Ma vie entière se résume aux vœux d’avoir des enfants. Je n’ai rien d’autre.

— Quand ?

Ma gynécologue encaisse mon ton froid.

— Maintenant, moins d’une semaine assurément. Voulez-vous que je vous explique comm…

— Non, la coupé-je.

J’ai encore en tête mes cours de médecine. Même si la gynécologie ne m’a jamais attirée, j’en sais suffisamment.

— J’ai fait médecine, lui appris-je en soutenant son regard froncé.

Elle hausse les sourcils, avant de baisser les yeux sur mon dossier.

Je sais qu’elle pense que je suis ici parce que j’ai raté mes examens de fin d’année et que trouver un mari riche était plus simple que de travailler plus pour obtenir le diplôme.

Mon téléphone sonne et je me détourne de la doctoresse pour décrocher.

— James, je suis encore en rendez-vous.

Ma voix est faible, mais aucun sanglot ne s’y introduit. Il débite des mots avec nervosité. J’apprends que notre soirée en amoureux risque de ne pas être si intime que cela.

— Ils partiront à 19h, c’est promis. Je dois simplement aborder un point avec eux et…

— C’est parfait, soufflai-je. Je dois parler à ma mère de toute manière, tu n’auras qu’à t’installer en bas.

Il laisse un silence, puis reprend.

— Tu es sûre ?

Je ricane. Il pose la question pour la forme, mais je joue le jeu.

— Bien sûr, chéri. Le travail, c’est important.

De biais, j’aperçois la gynécologue lever les yeux au ciel. C’est définitif, je suis une femme vénale qui n’en veut qu’à l’argent de son mari, sauf que ce n’est même pas mon mari.

L’idée qu’il ne veuille plus de moi après l’annonce de ma stérilité me frappe. Je n’y avais même pas pensé. Pourrait-il ne plus vouloir de moi ?

Pétrifiée, je l’entends déblatérer une nouvelle fois des excuses avant de raccrocher. Je me retourne vers la spécialiste, dont un sourire flotte sur les lèvres.

— Alors, allons-y, lançai-je un peu trop gaiement pour être naturel.

En sortant du cabinet de la gynécologue, je me sens sale et nulle, autant par le regard désapprobateur d’Eva Meniosa tout le long de la consultation que par l’éventualité d’être stérile.

Je déambule dans la rue sans vraiment trop faire attention. L’itinéraire m’est trop familier pour que je puisse m’attarder sur un détail nouveau.

J’insère mes clés dans ma porte d’entrée et soupire de soulagement en constatant que James n’est pas encore rentré.

Envoyant valser ma paire de sandales dans l’étagère de l’entrée, je me dirige directement vers l’étage. À peine arrivée sur le seuil de mon bureau, j’entreprends de tirer le rideau métallique pour m’isoler du reste de la maison. Cette technique, un peu barbare, c’est une idée de James pour ne pas m’obliger à écouter leur réunion jusqu’au beau milieu de la nuit. Même si esthétiquement ce rideau métallique détonne dans la décoration de notre étage, il s’avère être très efficace.

Après avoir fermé les loquets qui le maintiennent, je m’affale sur le lit.

Les yeux rivés au plafond, je m’attends à ce que les larmes coulent. Mais rien. Rien n’apparaît.

Je reste stoïque et seule.

Je me relève pour attraper mon ordinateur et faire ce qu’il ne faut pas faire… rechercher sur internet.

Mes yeux se posent sur différents forums de femmes stériles. Elles déblatèrent sur leur chemin parcouru, divorce, dépression, suicide…

À l’évocation de ce dernier, je ferme le navigateur. Je ne suis pas désespérée tout de même.

Dans un moment de courage, j’attrape le téléphone fixe et compose le numéro de ma mère. Après plusieurs sonneries, j’entends sa voix m’annonçant que je peux laisser un message.

J’hésite avant de raccrocher. Comment lui annoncer une telle nouvelle par messagerie… La porte d’entrée s’ouvre. Je n’entends pas la conversation qui doit battre son plein en bas, mais je sais que la réunion vient de commencer dans mon salon.

Je soupire, soulagée de ne pas devoir affronter James tout de suite.

Je m’allonge sur le lit, le téléphone dans la main.

Des enfants passent devant mes yeux. Au début, ils ressemblent à James et moi, puis une autre femme les appelle et ils changent de visage. Le petit garçon est toujours la copie de mon fiancé, mais la petite fille est maintenant une brune aux cheveux lisses, les yeux en amandes, comme l’inconnue qui leur sourit et… Elle embrasse doucement James sous le regard des enfants écœurés de voir leurs parents se faire des baisers. Des larmes coulent sur mes joues quand le bruit de la sonnerie du téléphone me réveille.

Je sursaute, un peu désorientée.

Le voyant du fixe clignote vert, m’indiquant que la communication est déjà prise en bas. J’appuie sur le bouton vert et entends la voix de James, chaleureuse.

— Je suis désolé, Carole, elle doit dormir en haut et…

— Salut, maman, marmonnai-je. Tu peux retourner travailler, c’est bon…

James ne dit rien et raccroche de son côté, me laissant seule avec ma mère.

— Ma chérie, tu dormais à cette heure-là ? Tu es malade ? Pourquoi m’appeler si tôt, tu sais bien que je suis avec Richard avant 18 heures.

Son ton est presque un reproche. Je retiens difficilement mes larmes.

Richard… L’homme qu’elle a épousé juste avant mon départ pour Los Angeles, deux mois plus tard, s’est retrouvé victime d’un accident de la route, l’immobilisant pour le reste de sa vie.

Ma mère a fait des pieds et des mains pour lui trouver le meilleur centre de soins.

Chaque jour, elle passe des heures à son chevet, tentant de l’occuper du mieux qu’elle peut. L’état de Richard est la raison première de l’absence totale de ses visites. Elle ne peut pas, me répète-t-elle souvent, son mari a besoin d’elle.

Ce rappel que je passe après cet homme quasiment inconnu pour moi finit par faire sortir un long sanglot de mes lèvres. Mon nez se met à renifler et ma mère comprend que quelque chose ne va pas.

— Ma chérie, pardon, je ne voulais pas te faire pleurer. Que se passe-t-il ?

— Ce n’est rien, maman… J’ai eu un rendez-vous avec la gynécologue aujourd’hui et…

— Tu pleures à cause des hormones ? Tu es enceinte ? Me coupe-t-elle avec entrain.

Mes pleurs redoublent en entendant sa suggestion.

— Non, jamais !

Ma voix est brisée… Le ton plaintif qui sort laisse ma mère muette.

Le silence pesant qui s’installe ne s’interrompt que par mes nombreux reniflements.

— Tu veux dire…

La voix de ma mère est hésitante.

— Je suis stérile, maman.

Le dire à voix haute me coupe le souffle. Même si le médecin attend des résultats officiels pour en être sûr, je connais la procédure. Jamais elle ne m’aurait annoncé ça s’il n’y avait pas 99 % de chance que je le sois.

— Oh mon dieu…

Les sanglots de ma mère me surprennent.

Interdite, mes reniflements s’estompent.

— Maman ?

Ses sanglots m’assurent qu’elle est toujours au téléphone, mais elle ne semble plus être en état de répondre.

— Je suis tellement désolée, parvient-elle à articuler au bout d’un moment.

Je ne sais pas quoi lui répondre, soufflée par sa réaction.

— Tu l’as dit à James…

Son murmure me donne la chair de poule. Je sens la peur s’insinuer en elle.

— Non, je pense attendre les résultats officiels.

— Bien. C’est bien…

Sa voix légèrement rassurée me panique. Le dire à James serait si terrible que ça ? Mon rêve me revient à l’esprit et je déglutis.

— Peut-être que ce n’était qu’une fausse alerte… marmonne-t-elle à l’autre bout du fil.

Je lève les yeux au ciel et me félicite de ne pas l’avoir appelée en vidéo conférence comme nous avons l’habitude de le faire.

— Que vas-tu faire si tu ne peux pas…

Elle hésite à parler d’enfants, je l’en remercie silencieusement.

— Je ne sais pas… J’avais hâte de prendre une maison pour…

Mon rêve meurt dans ma gorge, encore trop douloureux d’avouer ne plus en avoir.

— J’ai peur, maman, soufflai-je, par crainte qu’on puisse m’entendre d’en bas.

— Je sais… Tu dois y penser et te préparer à l’après.

Le côté pragmatique de ma mère me fait sourire.

— Ton père m’a quittée, parce que je n’étais plus aussi belle et fringante qu’à l’époque de notre rencontre. Tu dois rester maître du jeu, ma chérie. Si tu ne peux pas avoir d’enfants, prouve à James que tu es tout de même la femme de sa vie ! Je ne sais pas… Reprends des études !

Je grimace.

— Je ne suis pas sûre que cela fasse vraiment plaisir à James.

— Au début, peut-être, mais être marié à une grande chirurgienne est tout de même mieux que…

— Moi.

Je termine sa phrase amère. Pourtant son raisonnement tient la route.

— Terminer mes études serait beaucoup trop…

— Oh non, ma chérie rien de trop, juste de la volonté ! Tu ne vas pas baisser les bras face à un petit… obstacle.

Sa manière de minimiser la situation qui il y a quelques minutes à peine l’avait anéanti, me fait du bien.

Effectivement, je ne dois pas me laisser abattre.

Notre conversation dérive sur Tara, Richard et d’autres sujets de notre quotidien.

Après plus d’une heure de communication, je la remercie et raccroche.

Mes membres sont endoloris et je m’attelle à me déshabiller dans l’optique d’une bonne douche bien chaude, quand un léger coup dans le rideau métallique me fige.

— Ju’…

La voix de James est sourde.

— Tu dors ?

Il tapote une nouvelle fois contre la paroi sans s’énerver.

— Je voulais juste m’excuser…

Je n’entends pas la fin de sa phrase. Hésitante, je m’accroupis pour débloquer les fermetures.

Il comprend et soulève le rideau.

Son regard concentré à coincer le rideau dans le fermoir d’en haut, il ne me voit pas m’agiter mal à l’aise.

— Tu sais, je…

Il s’arrête de parler au moment où ses yeux se posent sur moi. Ma demi-nudité provoque une étincelle de désir chez lui.

Le soulagement de me voir toujours aussi désirable pour lui me conforte dans l’idée qu’il y a encore de l’espoir.

— Tu faisais quoi… demande-t-il timidement en regardant ma combinaison sur le sol.

Je ris, rougissant de plus belle.

Malgré nos cinq ans de vie commune, j’ai toujours du mal à jouer la séduction avec lui.

— Je t’attendais…

Ma voix moins sensuelle que je ne l’aurai voulu, convainc tout de même mon fiancé.

Il s’avance vers moi, détachant facilement sa cravate d’un geste.

Son attitude est claire et je me rapproche de lui. Mes doigts glissent sur le tissu fin de sa chemise.

Il sourit et profite de notre promiscuité pour poser une main sur mes fesses largement découvertes avec ma lingerie fine.

— Joyeux anniversaire, ma chérie, me susurre-t-il.

Je glousse et entreprends de détacher sa chemise. Mes doigts tremblent un peu, mais je ne renonce pas en voyant apparaître petit à petit ses muscles fins et dessinés. Il m’observe patiemment, profite de mon corps à découvert pour glisser ses doigts le long de ma peau, me provoquant des frissons de plaisir à chacun de ses passages.

Une fois torse nu, je m’attaque à sa ceinture, puis à la fermeture de son pantalon. Mes gestes sont plus assurés et rapidement nous nous retrouvons dénudés l’un en face de l’autre.

Son regard bouillonne de désir, il plaque sa bouche contre la mienne en envoyant plus loin les tas de vêtements qui entravent nos mouvements.

Je me laisse faire, heureuse de me sentir à nouveau femme après cette journée catastrophique.

Ses mains s’attardent le long de mon corps, s’accrochant par moment, me prouvant que l’effet que je lui fais est bien réel.

— Sous la douche, mon cœur, me propose-t-il.

Je hoche la tête sans pouvoir dire un mot. Il m’attire à lui, me soulève dans ses bras et m’emmène dans la salle de bain. Le premier jet froid nous électrise encore plus, avant de nous envelopper d’une douce chaleur qui accompagne le reste de nos ébats.

Chapitre 4

Après la soirée de notre anniversaire, les choses se sont vite enchaînées. James a dû partir pour six jours à New York.

Il m’a proposé de l’accompagner pour voir ma mère et j’ai accepté sans l’ombre d’une hésitation, prévenant simplement ma gynécologue de mon absence pour six jours.

— Tu voudrais revenir vivre ici ? m’interroge James.

Trois jours que nous sommes ici et je n’ai jamais été aussi détendue.

— Sérieusement ?

La joie qui suinte dans ma voix le rembrunit.

— Tu n’aimes pas notre vie à L.A., déplore-t-il.

— Mais si, mon chéri… C’est que j’ai tellement d’habitudes dans l’est. Mais ce n’est rien, ne t’inquiète pas, je trouverai mes marques là-bas aussi.

Honnêtement, j’en doutais. En trois ans, je n’avais qu’une seule amie, Tara.

À Newark, New York ou Boston, je comptais des dizaines de relations, auxquelles je tenais particulièrement.

— Je m’en veux de t’avoir arraché à ta vie d’ici, m’annonce-t-il.

Son air triste me provoque une nouvelle pointe de culpabilité assez récurrente depuis ces derniers jours. Ne pas lui avouer ma potentielle stérilité me donne l’impression de le tromper.

— Je ne t’en voudrai jamais, si tu me promets une chose.

Il hoche la tête et je me mords l’intérieur de la lèvre consciente que ma manœuvre est immonde.

— Promets moi de ne jamais m’abandonner.

Une lueur passe dans ses yeux, avant de me répondre solennellement.

— Julie Relwood, je vous promets de vous aimer, vous chérir et de mourir à vos côtés, me souffle-t-il, tandis que le taxi dans lequel nous sommes, s’arrête aux portes de l’un des plus imposants buildings du quartier.

Je lui souris avant de poser un chaste baiser sur ses lèvres. Il se recule et arque un sourcil.

— Une fois mariés, j’espère bien avoir un autre genre de tendre baiser.

Je pouffe de rire avant de sortir dans l’air mordant des soirées New Yorkaise.

James me suit, portant sa main derrière mon dos.

Son sourire bienveillant m’aide à franchir les portes de l’immeuble. La réception bat son plein. Les femmes sont toutes habillées de robes mettant en valeur leurs attributs. Dans un coin de ma tête, je me félicite d’avoir entretenue ma forme physique depuis ces trois dernières années.

— James, roucoule une femme resplendissante dans une tenue blanc satin.

Ses longs cheveux blonds ondulés sur la mi-hauteur mettent en valeur un visage longiligne dont certains éléments semblent avoir été parfaitement réalisés par un chirurgien esthétique.

— Jackie, répond-t-il doucement. Quel plaisir de te voir ici.

Elle fait une petite moue gênée avant de reporter son attention vers moi. Honnêtement, je n’ai pas à rougir de mon physique, mais ma confiance en moi s’égrène à vue d’œil en présence de telles femmes.

— Qui est-ce ?

Elle ne s’adresse pas à moi, ce qui m’exaspère.

James prend les devants et me présente.

— Ma fiancé, Julia.

— Hum… Vous êtes ensemble depuis longtemps ?

Sa question des plus indiscrètes me laisse bouche bée. James place sa main sur ma hanche pour se coller à moi.

— Cinq ans…

Il répond ça en me dévisageant amoureusement.

Je me détends.

— Et vous n’êtes toujours pas mariés ? Cela dit, James est tellement souvent au travail. Cela ne doit pas être évident !

J’ouvre la bouche quand James plaque la sienne contre mes lèvres.

Jackie pousse un hoquet de désapprobation et s’éloigne. Quand il se recule, il m’offre un clin d’œil complice.

— Jackie n’est pas méchante. Elle est juste un peu… virulente. Une des meilleures pour les affaires familiales, m’apprend-t-il.

— J’en suis persuadée, soufflai-je en l’imaginant détruire un pauvre petit mari soupçonné de ne pas porter assez d’attention à sa femme.

Il m’entraîne dans le flot d’invités, me présentant à de nombreux juges et avocats. Des visages me paraissent familiers, mais nombre d'entre eux datent de mon époque à l’école de médecine… Étant trop occupée par mes études, j’en oubliais de faire attention aux relations de James. La vie passait tellement vite à cette période.

— Tu penses à quoi ? m’interroge-t-il, alors que nous poussons les portes de notre chambre d’hôtel.

— Que le temps passait extrêmement vite ici.

Il attend que je continue mon raisonnement.

— Je veux dire que tu étais occupé de la même manière ici, peut-être un peu moins, mais tout de même. Ce qui a changé, c’est moi. Je ne travaille plus… Je…

— Tu veux travailler ?

Sa question me désarçonne. Même si mon discours voulait en venir là, je n’ai pas encore réfléchi sincèrement à la question.

— Je ne sais pas… Peut-être.

— Nous avons assez d’argent pour… commence-t-il en passant plusieurs fois sa main dans ses cheveux.

— Ce n’est pas une histoire d’argent, James.

Le soupir qui accompagne ma phrase semble le désespérer.

— Alors tu n’es plus heureuse ?

Sa voix est étranglée.

— Quand je suis avec toi si, le rassuré-je. Mais ces moments sont rares. Si j’avais autre chose, une activité… je ne pourrais plus voir ton absence et nous n’aurions que des moments à deux, sans mes reproches.

Il semble pensif.

— Pourrions-nous parler de ça un autre jour.

J’acquiesce, consciente que la discussion n’est pas encore gagnée.

Le reste de notre séjour à l’Est se passe bien et j’ai le temps de faire une visite à ma mère plus que ravie. Pour mon plus grand plaisir, elle n’aborde pas une seule fois la fameuse question de ma stérilité, que j’arrive quasiment à oublier.

Le retour à Los Angeles me ramène brutalement à la réalité.

— Chérie, je dois passer un coup de fil à Georges pour lui dire qu’on est rentrés un peu plus tôt et…

— Vas-y, lancé-je d’un signe de main.

Il me sourit et pose un rapide baiser sur mon front avant de sortir dehors, me laissant seule sur le palier de notre loft.

Je me précipite sur le téléphone fixe pour écouter les messages. Les premiers viennent de ma mère avant notre départ. Je n’avais pas eu le temps de la prévenir avec les événements qui s’étaient enchaînés très vite. Le deuxième concerne Tara qui s’inquiète n’ayant pas de nouvelles de moi depuis notre repas. Je grimace d’avoir oublié de la tenir au courant. Le troisième et dernier message laisse échapper la voix de ma gynécologue.

Bonjour Madame Relwood. D’ordinaire, je n’annonce pas ça sur une messagerie, mais nous avions déjà parlé de cette éventualité. Et au vu de votre expérience dans la médecine, je préfère vous le dire rapidement. Les peurs que nous nourrissions étaient fondées…

La porte d’entrée claque derrière James quand le message se termine sur les mots froids d’Eva Meniosa :

Vous êtes stérile.

Pétrifiée, j’observe James s’avancer vers moi. Son visage est impassible tandis qu’il se rapproche. La tête me tourne et je sens ses bras m’entourer alors que je m’évanouis.

À mon réveil, je suis allongée sur notre lit. J’entends la voix de James à quelques mètres de moi.

— Je suis désolé, Georges, mais elle a besoin de moi. Je rattraperai mon retard plus tard. Merci…

Après que mes yeux se soient habitués à la faible luminosité qui règne dans la pièce, je le vois s’avancer vers moi. Il m’offre un sourire mal à l’aise.

— Tu vas bien ? me demande-t-il doucement.

Je me relève et il s’assoit à côté de moi. Les traits de son visage sont tirés.

Sa main se pose sur ma joue et je ferme les yeux sous le contact chaud de sa peau contre la mienne. Mes jambes allongées sur le lit se replient pour m’aider à m’asseoir un peu mieux.

— Je t’aime, me murmure-t-il.

Je le regarde sans comprendre. Comment peut-il dire ça juste après avoir appris pour ma stérilité ?

— Vraiment ?

Ma voix est faible et enrouée.

— Julia, je m’en fous d’avoir des enfants. Je veux simplement vieillir à tes côtés. Et puis, nous serons déjà envahis par les bambins de ma sœur…

Il tente de me faire sourire, mais l’idée de ne jamais avoir d’enfant me donne le tournis.

— Je suis tellement désolée…

Je m’effondre dans ses bras. Il m’attire à lui, prenant mes jambes pour les installer sur les siennes. Recroquevillée contre lui, je sens son souffle chaud et rassurant dans mon cou.

— Ça va aller…

Il se balance d’avant en arrière comme on bercerait un enfant. Cet homme aurait été un père formidable. Mon ventre se tord en comprenant que cela n’arrivera jamais par ma faute. Mais sa voix rassurante et le mouvement de son corps contre le mien gagnent, je tombe dans un profond sommeil.

Chapitre 5

Plus d’une semaine que James s’occupe de moi, travaillant la plupart du temps au loft. Il s’éloigne de moi seulement quand Tara prend mon chevet. Après m’être réveillée le lendemain de la révélation officielle de ma stérilité, une immense fatigue m’a envahie m’obligeant à rester le plus souvent au lit. Le médecin appelle ça un contrecoup. Je dois digérer l’annonce.

Je ne suis pas sûre d’être encore complètement remise, mais ce matin je vais mieux. La conversation que j’ai eue hier avec ma mère par écran interposé m’a fait du bien.

Je me lève de mon lit en entendant la voix de James dans la cuisine.

— Je lui en parlerai, mais j’ai peur que cela soit trop tôt pour elle…

Il me tourne le dos, l’oreille collée à son téléphone portable.

— Elle est fragile et j’ai peur de lui annoncer ça sans…

Je racle ma gorge pour lui faire comprendre ma présence. Il blêmit et raccroche sans un mot de plus.

— Ma chérie, que fais-tu ?

— C’était qui ?

J’ignore sa question en l’interrogeant. Il se gratte la tête, signe d’extrême nervosité chez lui.

— Une collègue qui…

Je grimace. Il va me quitter, c’est logique. J’attends ça depuis plusieurs jours.

— Oui ?

Je tente d’être impassible, même si les larmes menacent de sortir d’une minute à l’autre.

— Elle voulait organiser une petite soirée ici pour… Mais cela n’a pas d’importance, tu… commence-t-il sans vouloir vraiment finir.

— Une soirée ?

Un peu perplexe, je croise les bras sur ma poitrine.

— Oui… je vais devenir associé senior et… marmonne-t-il, mal à l’aise de l’annoncer de cette manière.

J’ouvre et referme la bouche, sous son regard inquiet.

— C’est formidable !

Le soulagement me fait presque tourner la tête. Une promotion ! Il ne veut pas me quitter.

— Tu ne vas pas me quitter ?

Ma question est sortie toute seule. Son visage se décompose et je me rends compte que des larmes coulent en abondance sur mes joues.

Il s’avance vers moi, posant son téléphone sur le comptoir de la cuisine. Ma vision embuée par mes pleurs m’empêche de voir ce qu’il fait exactement.

— Chérie, regarde-moi.

Sa voix est suppliante. J’essuie mes yeux d’un revers de la main et cligne des cils plusieurs fois pour être sûre de ce que je vois. James est un genou à terre, devant moi, le regard brillant. Sa main droite est fermée, légèrement en avant.

— Qu’est-ce que…

Il ne me laisse pas finir et ouvre la petite boîte qui se cache dans sa main.

— On n’a jamais pris le temps de nous fiancer correctement, me dit-il, un sourire sur les lèvres.

L’émotion monte une nouvelle fois, déversant cette fois-ci des larmes de joie. Mes pieds s’avancent maladroitement vers lui et je m’écroule sur lui.

Son pied bascule sous mon poids et nous nous retrouvons l’un sur l’autre, couchés au sol.

— Une réponse renversante, s’exclame-t-il en attrapant mon visage avec sa main libre.

Ses prunelles me détaillent et mon souffle s’arrête.

— Je t’aime, Julia, et qu’importe ce qu’il adviendra, je resterai toujours avec toi.

Son souffle chaud me fait frissonner, j’avance mon visage près de lui en entrouvrant les lèvres. Il roule sur le côté pour être complètement sur moi. Il colle ses lèvres sur les miennes et m’offre un baiser passionné qui réveille mon corps. Mes membres sortent de leur torpeur. Une de mes jambes passe derrière lui pour m’assurer que mon corps touche le sien. Il rit entre deux baisers face à mon attitude entreprenante.

— Tu veux mettre la bague ? me souffle-t-il, avant de m’embrasser le long du cou.

Mes yeux papillonnent autour de nous avant de voir qu’il tient encore le petit écrin dans sa main.

Mes doigts glissent le long de son bras. Il se relève légèrement et rouvre du bout du pouce la petite boîte.

Je tends la main et il me glisse la bague avec facilité. Mes yeux pétillent autant que les siens, j’en suis sûre.

— Tu es à moi, me susurre-t-il.

En temps normal mon côté indépendante lui aurait donné une petite tape sur l’épaule, mais cette fois-ci, savoir qu’il ne me quittera jamais me rassure.

Même stérile, il m’aime.

Ses baisers s’intensifient, le seul vêtement que je porte vole à travers la pièce, t-shirt XXL de mon époque de débauchée de la faculté. Il ôte rapidement ses vêtements aussi. Le contact froid du sol en marbre de la cuisine contraste avec la chaleur torride de notre échange.

Chapitre 6

Je ronchonne en enfilant la tenue que j’ai choisie pour ce soir.

— Bébé, tu es magnifique…

James roucoule, après notre dernière après-midi tous les deux. Son petit congé imprévu se termine aujourd’hui. Demain, il reprend le cours de sa vie.

— Tu parles, je vais ressembler à une tarte face à elles.

— Ma préférée alors…

Je lève les yeux au ciel, évitant de justesse ses lèvres qui souhaitaient s’écraser sur mon visage tout juste maquillé.

— Mais euhh… se plaint-il, tel un enfant.

Je secoue le flacon de fond de teint en l’air pour lui faire comprendre et il soupire.

— Vous, les femmes…

Je ne relève pas sa remarque et me regarde une dernière fois dans le miroir.

— Ne parle pas de ton projet ce soir, s’il te plaît.

Il me demande ça d’une voix méfiante.

— Pourquoi donc ? Elles me poseront sûrement un milliard de questions et…

James secoue la tête et je me tais. Il doit bien avoir une bonne raison. J’acquiesce sans chercher à comprendre. James fait tellement d’efforts depuis un moment, je peux bien tenir ma langue une soirée.

La sonnerie d’entrée me fait lever les yeux au ciel ce qui me vaut une petite tape sur les fesses de la part de mon fiancé.

— SOS femme battue, lancé-je.

— Que devrais-je dire ? Te souviens-tu de ce matin sous la douche ?

Je pique un fard en me souvenant de la bonde de douche que j’ai écrasée le matin même contre son crâne dans un faux mouvement.

— Je me suis déjà excusée pour ça, me plaignis-je en dévalant à mon tour les escaliers.

— Et tu vas encore devoir t’excuser un moment, me lance-t-il avant d’ouvrir grand à nos invités, ce qui ne me laisse aucune chance pour répliquer à son sous-entendu salace.

La femme qui se tient dans l’encadrement est, comme je m’y attendais, renversante.

— Pénélope !

Ma voix est trop dans les aiguës pour être normale, mais elle ne me connaît pas assez pour le savoir.

— Richard, salut, James.

Richard, le troisième époux de Pénélope, est un homme élégant, portant toujours un nœud papillon très proche du cou, me donnant l’impression qu’il manque d’air. Richard et Pénélope sont à la retraite depuis longtemps, mais conservent des actions dans le cabinet où travaille James.

— Ma chère, j’ai appris vos malheurs. Quelle… Vous savez, j’ai eu deux enfants d’un autre mariage et…

Voilà, le verbe facile et sans tact des avocats commence.

Pénélope m’explique comment elle a déshérité son dernier enfant avant de changer d’avis. Après tout, il a seulement tenté de tuer son deuxième mari.

Cette information me laisse interdite, tandis que nos seconds invités frappent à la porte. En bon hôte, James se lève et les accueille, un sourire charmant sur le visage.

— Patrick, Mick.

James est un peu plus tendu et je remarque la présence d’un inconnu aux côtés de Patrick, l’associé principal du cabinet.

— Mick est la dernière conquête de Patrick, me chuchote Pénélope pour répondre à mon haussement de sourcil interrogateur.

— Oh…

Je ne sais pas vraiment quoi rajouter. James m’a rapidement prévenue de ne pas m’attacher aux personnes accompagnant Patrick en soirée, mais il n’avait jamais ramené d’hommes.

— Il a toujours été les deux… me souffle Pénélope, comme si elle lisait dans mes pensées.

Je les regarde et comprends que leur relation doit être très récente. Mick, mal à l’aise, salue timidement James qu’il semble déjà connaître, avant de se diriger vers nous.

— Il nous ramène L.A. en une année celui-là, dit Richard en reniflant d’un air mauvais.

Le couple Scars, Pénélope surtout, n’est pas réputé pour être des personnes charmantes.

Je m’y accommode aisément, puisqu’ils n’ont pas encore eu d’intérêt à me descendre ouvertement.

— Richard, Pénélope… Quelle bonne surprise.

Patrick me jette un regard appuyé en prenant dans ses bras la femme Scars. Je lui réponds d’un léger sourire de connivence.

J’adore cet homme, tout du moins autant que je puisse apprécier l’homme qui convoite le même poste que mon fiancé.

— Julia, tu es ravissante, s’extasie-t-il en me faisant tourner à l’aide de sa main.

Poliment, je le remercie avant de le prendre dans mes bras. Patrick est un homme tactile, je le sais, mais cela surprend toujours un peu.

— Pourquoi les avoir invités ? se plaint-il dans mon cou.

Je le regarde et je hausse les épaules. Je connais la réponse : James veut se faire bien voir des actionnaires majoritaires du cabinet et je le comprends.

Une sonnerie retentit à nouveau. James laisse Mick seul au milieu du salon pour aller ouvrir. Son visage se fend d’un fabuleux sourire et je ne peine pas à savoir qui se cache derrière notre lourde porte d’entrée.

— Émilie, grinçai-je des dents, en même temps que la voix fluette de cette dernière apostrophe mon fiancé.

— Mon chou, que tu es beau.