L'Interne - Tome 2 - Emily Chain - E-Book

L'Interne - Tome 2 E-Book

Emily Chain

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Beschreibung

Julia connaît-elle réellement l'homme qu'elle a épousé ? Et pourquoi continue-t-elle à ressentir ce doute ?

Julia, à son retour de voyage de noces, est rayonnante. Elle file le parfait amour, reste enfermée pendant plusieurs jours avec son nouveau mari et passe son temps à se redécouvrir avec lui.... Mais son retour à l'hôpital n'est pas si simple. Entre les regards et murmures qu'elle suscite, la présence de James dans les bureaux de la direction, son éloignement avec Tara et les rumeurs improbables sur Dean, Julia commence à se remettre en question et à ne plus savoir en qui avoir confiance. A-t-elle fait une erreur le jour de son mariage ? Connaît-elle vraiment les gens qui l'entourent ?

Le résurgence du passé va complexifier l'histoire d'amour de Julia... Qui croire lorsque les rumeurs les plus folles courent sur les personnes qu'elle croit connaître ? Suspense, moments torrides et surprises vous attendent tout au long de ce deuxième tome !

EXTRAIT 

— Tu sais ce que cela fait de voir sa vie défiler plusieurs fois en seulement une semaine ? Avoir l’impression de mourir de mille et une manières… Puis au final, finir à terre pour une raison si futile que l’amour ? Sais-tu véritablement le pouvoir de l’amour sur ton corps ? Quand tu regardes James, cela te coupe-t-il la respiration ? As-tu ce vertige quand tu penses à quel point tu l’aimes ? Arriverais-tu à te réveiller le matin sans lui sur cette terre ? J’ai eu la chance d’aimer par raison et d’aimer sans raison. L’une est forte sans être vitale. L’autre est incommensurable, puissante sans pouvoir la choisir.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

J’ai apprécié avoir d’autres points de vue, certains personnages secondaires prennent une place plus importante dans ce tome. C’était un plaisir de les découvrir, d’en connaitre plus sur leurs vies. - Charlotte-183, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

Âgée de 22 ans, Emily Chain écrit depuis toujours et dans des styles assez diversifiés : des récits fantastiques aux thrillers en passant bien sûr par la romance. Elle s'intéresse à des personnages auxquels les lecteurs peuvent s'identifier facilement, comme Julia. Elle est l'auteure aussi de la trilogie Aux délices d'Amsterdam, une romance de Noël.

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PROLOGUE

— Oui, je le veux.

La réponse de James est vive, rapide et forte.

Aucun doute, il veut m’épouser.

Ma bouche s’entrouvre.

J’inspire et le fil des derniers événements défile devant moi.

Notre vie heureuse à Newark, notre déménagement sur la côte ouest.

Mon incapacité à me faire des amis, jusqu’à ma rencontre avec Tara, ici, à Los Angeles. Nos premières sorties entre copines, préparant secrètement mon mariage tandis que James travaillait d’arrache-pied pour nous offrir un appartement luxueux et la vie qui va avec.

Mon désir d’enfants à chaque passage devant une boutique de jeu ou de peluches. Les mots réconfortants de Tara quand je doutais qu’un jour, je pourrai avoir la famille dont je rêvais avec les horaires trop contraignants de mon futur époux.

L’annonce qui m’a bouleversée, il y a déjà plus d’un an.

Tout cela est passé si vite quand j’ai repris mes études, au départ contre l’avis de James. Avant de recevoir de sa part un soutien infaillible et grâce à lui, une place de choix dans l’hôpital que tous les internes convoitent aux alentours de Los Angeles.

J’ai réussi malgré les à priori à me faire des amis, comme Nina qui est présente dans l’assemblée aujourd’hui. Seule, sans son soi-disant cavalier, absent.

Ce dernier n’étant autre que Dean. Le responsable de ce bazar immense dans mon esprit et cette hésitation qui se crée, avant de dire normalement « oui » à l’homme que j’aime.

Une seule année à l’avoir pour titulaire et me voilà en train de remettre des années de vie de couple en question.

Mon silence devient pesant et je sais que c’est le moment.

Je dois prendre mon courage à deux mains et répondre avec le cœur, quoi qu’il advienne.

PARTIE 1

Chapitre 1

JULIA

Los Angeles — Août 2020

Le réveil flambant neuf, qui trône sur la table de chevet récemment installée, indique 8 h 2. La sonnerie criarde de mon portable me tire d’un sommeil profond. Quelques rayons du soleil taquinent ma peau légèrement bronzée quand ma boite de messagerie se fait entendre.

L’air tendu que dégage l’enregistrement datant de plusieurs mois en arrière me fait un drôle d’effet, comme si je revoyais une vieille scène en noir et blanc :

C’est bien le numéro de Julia, rappelez-moi plus tard ou laissez un message…

Le bip s’enclenche bruyamment, laissant l’interlocuteur choisir.

Ju’ c’est Tara, j’aurais aimé qu’on se voie à ton retour. 15 jours sans nouvelle… C’est long! Non ce n’est pas un reproche, simplement, tu me manques. Rappelle-moi.

Je pousse un soupir en me retournant sur le côté. Mon mouvement entraîne, malgré moi, la couette en plumes d’oie encore imprégnée d’une odeur de neuf, elle glisse sur ma peau pour venir s’échouer sur le sol.

Je grommelle un moment avant de me redresser, découverte et définitivement réveillée.

Des frissons parcourent ma peau nue que j’observe en rougissant. Les souvenirs des nuits précédentes me reviennent à l’esprit. Mon cœur s’enflamme instantanément tandis que les images défilent devant moi.

Mes lèvres charnues rentrent en contact de ma langue. Les petites stries qui les parsèment sont un après-goût des derniers jours, dernières nuits.

Le contact de sa peau, ses baisers si doux, pour devenir par la suite passionnés et langoureux.

Je ne l’aurais jamais cru capable d’une telle bienveillance mêlée à une fougue presque animale. Je vois dans ses yeux une intensité que je n’ai jamais vue auparavant.

Au contact de sa peau, je brûle de passion. Le monde arrête de tourner pour ne vibrer que sous ses mains.

La plus belle partie reste l’effet que je lui procure. Au début, j’ai été surprise de voir à quel point mon corps ne lui était pas indifférent. La nuisette nacrée achetée rapidement à l’aéroport a fait son effet dès la première nuit. Nous en avons oublié le restaurant et le petit-déjeuner suivant.

Nos échanges sont un mélange de fougue et de sérénité.

Mon corps et mon cœur s’enflamment à la moindre de ses caresses. Sa langue réveille une chaleur endormie jusqu’à me perdre dans ses bras musclés.

Quinze jours qu’à chacun de mes réveils, je me languis de le voir franchir la porte de la chambre pour m’apporter un petit-déjeuner avant de réitérer passionnément notre activité nocturne.

Ce matin, le soleil encore bas m’apprend qu’il doit courir sur la plage, comme il en a pris l’habitude depuis notre retour.

Sept jours au soleil pour s’éloigner du monde. Survivre aux derniers mois, aux dernières révélations…

Une paix que ni l’un ni l’autre n’a eu le courage de briser en reprenant contact avec le quotidien.

Tara en première ligne pour moi.

Depuis le mariage, elle me harcèle de messages, s’inquiétant de ne plus avoir de mes nouvelles. Je ne peux pas la blâmer, mais je ne me résigne pas à sortir de ce cocon d’amour que nous avons créé.

Après quelques soupirs hésitants, je me décide à lui répondre par un rapide SMS.

Julia : Coucou ma puce. Je viens de rentrer à l’instant. Tu connais les retours, valises… Bref, je n’ai pas une minute à moi.

Je me mords la lèvre face à ce mensonge flagrant. Je ne pense qu’à moi depuis deux semaines. Et elle le sait très bien. Je secoue la tête, souhaitant mieux terminer mon message, légèrement mensonger.

Julia : On pourrait boire un verre pas trop loin d’où je dors. Disons vers 14 h? J’ai vu une jolie devanture d’un restaurant indien, ça te dit?

J’appuie sur envoyer et la réponse de mon amie ne se fait pas attendre. Je n’ai pas encore verrouillé l’écran que j’y lis :

Tara : Super, donne-moi l’adresse!

Son empressement me terrifie autant qu’il me touche. Elle n’a pas l’intention d’écouter une conversation météorologique sur mon petit voyage. Elle compte me cuisiner sévèrement. Je déglutis en lui envoyant l’adresse dudit restaurant.

Une fois cette tâche faite, je lâche le petit appareil sur la commode en teck de la chambre pour rejoindre la douce et enveloppante chaleur de la douche à l’italienne. La salle d’eau est un rêve éveillé et je me délecte de chaque finition, espérant retrouver un tel appartement dans les semaines à venir.

Habiter à l’hôtel aura été sympa un temps. Mais j’ai besoin de retrouver des habitudes qu’on ne peut avoir que chez soi.

Je revois le loft près de la mer. Un vent de nostalgie souffle sur moi, avant de me reprendre.

— C’est la meilleure solution pour tout le monde, me répété-je tout haut.

Je fixe mon reflet dans le miroir, lançant un clin d’œil grossier à cette femme resplendissante que j’aperçois. Mon teint est aussi joli que la lueur qui plane dans mes yeux.

— Allez ma grande ! Faut sortir dans le grand monde et assumer !

Je me crie quasiment dessus tandis que j’active l’eau.

Les premiers jets sont froids et je m’en éloigne, toujours face au miroir. C’est ma mère qui m’a appris à prendre confiance en moi, en affrontant le regard le plus dur qu’on peut recevoir, le sien.

Force est de constater qu’elle avait raison. Je n’ai jamais reçu de pires critiques que de moi-même. Les plus virulentes et blessantes ne sont venues que de moi. Et cette manie de me rabaisser chaque jour face à l’allure des avocates qui tournent autour de James, des infirmières, médecins et chirurgiennes de l’hôpital. De Tara…

L’idée de m’être rendue malade pour des comparaisons qui n’avaient pas lieu d’exister me révulse aujourd’hui. Déterminée à ne plus me dévaloriser sans raison légitime, je rentre sous le filet d’eau chaude.

La chaleur qui m’embaume m’aide à oublier le reste du monde.

Je ressens chaque centimètre de ma peau. Mon pouce passe le long de mon bras, de mon ventre, de mes cuisses. Je frémis sous mes doigts sans rien tenter d’autre.

Il aimerait que je réussisse à prendre du plaisir seule.

Je rougis. Rien que l’idée de le faire m’intimide. Pourtant, j’en meurs d’envie, simplement pour me prouver que j’en suis capable. Je tâtonne ce corps inconnu de mes mains.

En presque trente ans d’existence, je n’ai rien appris de moi. J’ai dû comprendre comment fonctionnait le corps des hommes, sans penser un instant au mien.

C’est à eux d’y penser, m’étais-je dit, lors de ma première relation. Si tu n’aimes pas, cela doit venir d’une incompatibilité physique. Un peu comme les legos pour enfant. La forme ronde dans le cercle, le cube dans le carré… Une sorte de logique des rapports que j’ai l’impression de connaître et de comprendre.

Sur trois relations, j’avais détesté les deux premières. La troisième était différente.

Mais comment peut-on dire quelle était la meilleure lorsqu’on a eu qu’une seule bonne expérience ?

Dans ce petit flou, je suis restée à demi-contentée, très résignée, durant des années.

Mon index tapote l’eau qui vient de s’installer dans le creux de mon nombril.

— Jusqu’à maintenant, soufflé-je.

Le souvenir des dernières heures remonte une nouvelle fois ma température. L’eau chaude n’y est pour rien.

Je ris sous les bouffées de chaleur, mêlée à un désir encore surprenant.

Accompagnée de cette humeur coquine, je termine rapidement ma douche.

Quitter la douce vapeur d’eau chaude est compliqué. Je frissonne déjà quand la porte de la chambre s’ouvre. Nue, je sors de la salle de bain pour accueillir celui qui m’offre cette sensation de bien-être.

Chapitre 2

TARA

14 heures

Une heure que je l’attends. Elle se fiche de moi.

Exaspérée, je regarde pour la millionième fois mon téléphone portable. Un petit boîtier rectangulaire, qui ne peut me servir que d’horloge portative et d’antenne en cas d’appel. Rien de bien extraordinaire, mais suffisant pour rester joignable. Tout du moins, avec le reste du monde, excluant ma meilleure amie.

J’ai beau tenter de me convaincre qu’elle va bien, que je n’ai pas à me mêler de ses choix ou encore de la manière dont elle les mène… Je m’inquiète.

La tête en l’air, aventurière d’expérience et rêveuse en tout genre, c’est moi. Pas elle.

Notre binôme marche comme ça. Elle file droit, d’une façon stable et raisonnée et moi, je lui apporte des sourcils froncés et levages d’yeux au ciel, accompagnés de petits soupirs aussi amusés que décontenancés.

Hors de question qu’elle décide de me faire vivre l’enfer des nuits blanches sous la peur qu’il lui arrive quelque chose.

— On reste longtemps comme sow… me demande pour la millième fois le mannequin végétarien, venu de France, pour un défilé haut en couleur, et que je traîne partout avec moi depuis deux jours.

Je ne sais pas si c’est le fait de ne pas avoir mon amie avec moi, mais j’ai eu envie de compagnie. Sauf que j’avais misé sur le pourcentage, non négligeable, que Louis serait attiré par les hommes.

À notre première rencontre, il m’avait fait un tel déballage sur la beauté de leurs attributs, que j’en avais conclu qu’il les aimait particulièrement. À la place, j’ai vite observé que c’était sa technique de drague, particulière et peu convaincante.

— Louis…

J’arrête ma phrase pour réfléchir à la suite. Son accent européen, ses belles joues et ses lèvres charnues n’enlèvent rien au fait que je n’ai pas envie de lui parler. Mon esprit est obnubilé par Julia. Et même si la Tara habituelle se laisserait tenter par ses petits yeux de biche français, je dois rester forte.

— Tu veux aller faire un tour sur la plage, t’acheter une glace ?

J’ai l’impression de parler à un enfant. Si j’en crois l’agence qui m’embauche pour rester avec lui, je n’en suis pas loin.

Beau et professionnel, oui. Une boussole dans le crâne, absolument pas.

À son regard paniqué, je comprends qu’il doute autant que moi de ses capacités de repérages.

— Regarde, on voit le bord de plage là-bas.

Je tends le bras, pointant de mon index les reflets dorés du sable. Il plisse les yeux avant de se lever. À la manière dont il fixe sa destination, je m’inquiète de ses traversées de route. Il n’a pas l’air dans l’optique de quitter ce point précis des yeux.

Essayant de me détendre un peu, je ne le regarde pas s’éloigner longtemps, préférant mettre en marche mon plan. Si Julia ne veut pas lâcher toutes les informations que je souhaite, je vais devoir ruser.

Deux semaines qu’il me coache en secret, espérant en apprendre un peu plus sur la situation. J’ai bien tenté de lui dire de l’appeler, mais impossible. Il est trop obstiné pour ça. Peureux aussi. Je le comprends.

Après les derniers événements, les révélations et le silence de Julia, je ne sais plus vraiment où me positionner.

Qui a tort, qui a raison ?

Sans la version de mon amie, je ne peux pas trancher. J’ai besoin de savoir ce qu’elle pense de cette histoire. Peut-être a-t-elle des informations que j’ignore ?

Je m’interroge une nouvelle fois sur ce point précis quand je vois sa grande silhouette apparaître au loin. Bêtement, je l’imaginais amaigrie, abattue ou malheureuse.

Au contraire, la femme que je vois est rayonnante. Bien plus heureuse que d’habitude. Qu’avant.

J’agite mon nez de droite à gauche, un tic que je fais lorsqu’un stress s’insinue en moi.

Sachant à quel point mon amie me connaît, j’essaie de calmer mon agitation. Une main au niveau de mon visage, l’autre posée à plat sur la table ronde devant moi, je parais complètement naturelle. Telle une mannequin sur les réseaux sociaux. Détendue et spontanée.

Je ris de ma bêtise, en reprenant une contenance normale. Qu’importe si je suis angoissée, Julia doit savoir à quel point je me suis inquiétée. Mon poignet retombe mollement près de l’autre, tandis que je me redresse pour l’accueillir. Elle m’ouvre grand ses bras et je m’y engouffre.

Je n’ai jamais eu d’amie de sexe féminin avant elle. Les discussions entre femmes, les confidences et autres petites spécificités de notre genre ne m’ont jamais paru aussi importantes que depuis deux semaines.

C’est toujours pareil, quand on a quelque chose, on ne prend pas conscience de sa valeur. Au moment où on nous l’enlève, on comprend que l’acquis ne l’est jamais. Et qu’il vaut bien plus.

Je reste un moment dans ses bras avant de recevoir intérieurement une flopée de questions. Je le revois assis dans mon salon, m’assaillant de questions à peine deux jours après le mariage.

Des interrogations que j’avais été incapable de calmer. Julia ne m’avait pas prévenue de ses intentions. Je n’en avais aucune idée. Et si je n’arrive pas à avoir des réponses, je ne serai pas la seule frustrée.

— Comment tu vas ? Tu as l’air… radieuse !

Mon observation ne peut pas être plus juste. Le sourire qui illumine son visage colle parfaitement avec la lueur mutine qui tapisse ses pupilles.

Si je ne connaissais pas la situation, j’aurais été jalouse d’elle.

Sauf que je suis une femme qui fuit les complications. Et la vie de Julia n’a rien de simple en ce moment.

Elle prend son temps pour me répondre, s’asseyant à notre table. Comme à mon habitude, j’ai pris en terrasse. Même si le soleil est loin d’être le meilleur ami de ma peau de rousse, je l’incite à égayer notre rendez-vous.

— Tu es drôlement bien habillé, me complimente-t-elle.

Je regarde l’habit que je porte distraitement. En deux jours, Louis s’est donné pour mission de me relooker. Adieu les vêtements colorés et larges, bonjour les textures inconfortables et moulantes. Au lieu d’évoquer un bonbon appétissant, je ressemble à une sirène en manque de réverbération.

— Louis a décidé de m’offrir un « style ». Rien de très concluant.

Je lâche ça, sans vraiment réfléchir et je le regrette à la seconde. Julia sourit de toutes ses dents avant de se lancer dans ce qui aurait dû être ma réplique.

— Vraiment ? Un homme ! Raconte-moi tout. Si tu te laisses relooker, c’est qu’il te plaît vraiment.

Elle est enjouée, presque trop. Son ton frôle l’hystérie heureuse, comme j’ai pu l’être de nombreuses fois face à mes histoires d’un soir ou ses petites confidences d’hôpital.

À la regarder, je comprends ce qui me dérange. Sa tenue plus colorée, décontractée, ses cheveux ondulés, sa mine réjouie.

On dirait moi. La « moi » d’il y a deux semaines. Celle qui marchait à l’imprévu et aux frissons.

— Ne sois pas timide, raconte ! insiste-t-elle, visiblement intéressée plus que de raison par Louis.

Je fronce les sourcils, analysant cette situation inédite. En temps normal, elle m’écoute l’air blasé et je lui demande ce qu’elle a.

Elle me raconte ses soucis et nous passons l’autre partie à décortiquer les solutions qui s’offrent à elle.

Sauf que là, elle est intarissable de questions. Comme si elle ne voulait pas que j’en pose.

Oh non.

Sa manière de procéder m’apparaît enfin. Elle disait toujours que James répétait : la meilleure façon de ne pas se retrouver dans un interrogatoire, c’est d’interroger le premier.

Je reste bouche bée face à sa manière de prendre la direction de la conversation. Elle, qui d’habitude, se laisse toujours porter par mon verbe facile.

Alors voilà où j’en suis ? Elle sort déjà les armes en amenant sur le tapis mon plan C. Flouant d’un revers de la main des heures de réflexions et de mises en situation. Je n’ai même pas pu enclencher mes deux premières attaques qu’elle dégaine.

Il avait raison. Elle est en train de changer.

Cette réalité m’effraie tandis que je lui raconte vaguement Louis, mon quotidien… Je l’omets, lui.

Une fois ma tirade terminée, je trouve une excuse pour m’échapper de ce guet-apens. Impossible d’apprendre quoi que ce soit, elle avait prévu mes questions.

Dépitée, je marche le long de la rue qui mène à la plage, sans me retourner. La Julia, assise à cette terrasse, ne m’intéresse pas.

— Pop-corn, s’exclame Louis en me voyant.

Je le vois courir, un paquet de maïs chauffés dans la main. Avant de poser mes pieds sur le sable chaud, je me détourne vers la gauche. Je l’avais quasiment oublié. Assis dans son 4x4, il m’observe. Je n’ai pas l’âme d’aller le voir. Ni de lui dire quoi que ce soit.

À la place, je secoue la tête de gauche à droite, pour lui signifier que la situation n’est pas glorieuse.

Il n’attend pas plus pour démarrer et partir. J’imagine son expression défaite. Sûrement une version de la mienne, en plus désespérée…

— Tu vas bien cactus ?

Je lève les yeux au ciel avant de lui exploser le bras. Petit cactus. Voilà le surnom qu’il m’offre depuis hier soir.

Après une conversation plutôt enrichissante et hilarante sur les poils. Tel un homme du 21e siècle, il a peiné à comprendre mon envie de ne pas m’épiler. C’est vrai, comment peut-on comprendre qu’une femme ne souhaite pas souffrir pour seulement plaire un peu plus aux hommes ?

— Mais, il faut souffrir pour être belle, non ? m’a-t-il sorti naïvement.

Sans être brusque, je lui ai demandé de me citer une seule chose douloureuse que les hommes réalisent pour plaire aux femmes.

Très impliqué, il a cherché. Fait des listes… Pour rendre les armes, un peu abattu. Il m’a sorti l’argument du rasoir. Appuyant sur le fait que beaucoup d’hommes se rasent la barbe.

À ça, j’ai répondu que beaucoup d’entre eux se laissaient à l’opposé, des poils au menton. Et à des tailles parfois impressionnantes.

Je n’imagine pas la vision que ma réflexion a produite chez lui, néanmoins, cela a clôturé le débat. M’offrant en guise de victoire, le surnom de cactus. En somme, ce petit nom ne me dérange pas.

Je lui souris, l’esprit encore un peu ailleurs quand il me propose de parier sur le premier à l’eau. Je décide de mettre de côté l’aspect raisonnable de ma personnalité, pour redevenir l’insouciante Tara un instant. Je dérape sur le sable chaud tandis qu’il cherche un endroit où poser son carton. Des minutes décisives qui me permettent d’entrer la première dans l’eau, l’expression de fierté absolue sur le visage.

Chapitre 3

JULIA

Le soleil coule sur ma peau, tandis que je commande une boisson fraîche et non alcoolisée. Prendre une liqueur dès le réveil n’est pas une bonne idée, surtout après ce rendez-vous plus qu’étrange. J’ai bien senti le jugement émaner de Tara. Lui a-t-elle parlé durant les derniers jours ?

Cette possibilité m’ennuie, même si leur amitié n’est pas nouvelle.

Ai-je le droit d’ordonner à mon amie de ne plus le voir, simplement parce que j’en ai décidé ainsi de mon côté ? Non. Je le sais bien.

Néanmoins, je me félicite d’avoir survécu à cette entrevue. Comme je m’en doutais, elle s’imaginait me voir arrivée défaite, meurtrie ou pleine de doutes. Constater l’inverse n’a pas eu l’air de lui plaire tant que ça. Un point qui me chagrine plus que de raison. Ne souhaitons pas le bonheur de nos amis avant tout ?

Le serveur m’apporte le Graal frais que j’ai commandé. À l’instant où le verre rencontre la petite table ronde, mon téléphone vibre.

L’écran d’accueil s’illumine devant l’employé, qui respectueusement, détourne le regard. Je lui règle l’addition et le remercie.

Une fois seule, j’attire le petit appareil à moi.

La notification qui apparaît sur le smartphone me fait soupirer.

Trois nouveaux messages.

Le premier correspondant n’est autre que ma mère, me harcelant presque aussi régulièrement que Tara. Je lui réponds une vague réponse, excusant le peu de communication des dernières semaines. Quoi lui dire réellement de plus qu’elle ne sait déjà ?

Bien entendu, je n’ai pas dévoilé toute la situation. Certains aspects ne la regardent pas. Mais elle connaît une partie des faits. Celle que tout le monde a pu observer lors du mariage.

Je grimace à ce souvenir. Je n’avais pas pensé une seule seconde vivre un tel mariage. Même s’il n’avait rien de féerique sur le papier, rien ne présageait autant de rebondissements et de pleurs pour une si petite journée.

Je secoue la tête pour m’ôter les images et revenir au présent.

— Aucun regret, soufflé-je à moi-même. Tu es heureuse et épanouie, c’est l’important. Qu’importe leur avis.

Sur cette parole réconfortante et motivante, j’avale prestement ma boisson. N’ayant pas envie de flâner plus que de raison, je quitte le restaurant sans prendre un quelconque repas. Au vu de l’empressement de Tara à quitter notre table, je doute de la revoir avant un moment.

L’estomac dans les talons, je décide d’acheter un repas rapide au coin de la rue, avant de rentrer à l’hôtel.

L’esprit ailleurs, j’en oublie les deux autres appels manqués.

Ce n’est que lorsque j’ai commandé à la borne, à côté d’un homme aux yeux rivés sur son écran, que je me rends compte que j’ai délaissé les deux autres notifications.

Je déverrouille le téléphone pour y voir apparaître le nom de l’agente immobilière. Je porte l’appareil à mon oreille, pour entendre le message.

Bonjour, Gina Stone. Pourriez-vous me rappeler dans la journée? Il manque votre signature sur l’un des papiers. J’ai demandé à James de vous le faire passer, mais il a préféré que je m’entretienne avec vous. Question d’emploi du temps et d’efficacité. Encore merci d’avoir choisi mes services. À plus tard.

La moue exaspérée qui s’affiche sur mon visage est un mélange d’agacement et d’exaspération. La manière familière dont elle nomme James, tel un ami et non un client, ainsi que son don pour me trouver toujours un papier à signer malgré la tonne de paraphes déjà faite, sont les deux points les plus énervants de mes dernières semaines.

— Paperasse, paperasse, grommelé-je tandis que le message se termine.

Vous avez choisi de rappeler ce correspondant. Composition du numéro en cours.

J’écarquille les yeux face à l’interprétation de mon murmure. Les tonalités sonnent déjà quand je réalise qu’il est en train de la rappeler sans mon accord. Je n’ai pas le temps de raccrocher que sa voix charmante et aiguë décroche.

— Quel plaisir de vous avoir au téléphone, s’extasie-t-elle, d’une façon trop prononcée pour être honnête. Vous avez eu mon message ?

Je lui réponds un oui un peu sec, tandis qu’elle continue son laïus. Déformation professionnelle ou personnalité, qu’importe, Gina ne s’arrête jamais. Une fois lancée, l’interrompre relève du miracle.

— Pourriez-vous passer à l’agence ? Ou bien je me déplace ? Où êtes-vous ? Cela ne requiert que quelques minutes. J’ai un créneau jusqu’à 13 h 15.

Sachant qu’il doit approcher de l’heure qu’elle m’indique, je lui donne l’adresse du fast-food où je me trouve.

— Parfait. Pourrions-nous nous retrouver au niveau de l’esplanade ? Il y a un charmant café en face de la plage, je pourrais ainsi vous informer des dernières avancées.

J’accepte, en voyant un jeune cuisinier, une toque transparente sur les cheveux, me faire signe. Le téléphone collé à l’oreille, je récupère ma commande et sors sur la route.

Gina m’assure être rapidement sur place.

Connaissant sa ponctualité, je m’avance d’un bon pas.

En temps normal, manger dans un café, la nourriture d’un autre lieu, m’aurait mise mal à l’aise. Aujourd’hui, après mon réveil paisible et le rendez-vous avec Tara bien géré, je n’ai qu’une idée en tête, calmer mon estomac.

Je mords dans mon hamburger à peine les fesses posées sur la chaise métallique de la terrasse.

Un serveur s’avance, tandis que je mâche tant bien que mal le mélange de viande, pain et crudités.

— Vous souhaitez commander ?

Son ton suinte de reproches sur mon attitude. Je lui adresse un sourire sans connotation particulière. Je lui désigne la carte des boissons, ce qui lui fait comprendre que je n’ai pas encore choisi. Cachant ma bouche, je termine ma bouchée en le regardant s’éloigner.

D’une main, j’attrape la carte.

Les boissons sont nombreuses et plusieurs me tentent.

J’hésite avant de choisir un petit remontant alcoolisé.

— Dommage pour la vie saine et raisonnée, dis-je en abandonnant mes résolutions de ne plus boire d’alcool la journée.

J’ai besoin de ça pour survivre à la tempête Gina. Le baratin qu’elle me servira, James n’a pas dû l’avoir. Il a vraiment de la chance d’avoir autant de femmes qui tournent autour de lui tel un pot de miel.

Moi, les femmes tournent en cercle, dans l’optique de me le piquer à la moindre incartade. Une habitude qui devient lassante.

J’ai à peine fini mon sandwich que l’ombre canadienne se dessine à l’horizon.

Gina est à l’opposé de la caricature de nos amis du Nord. Grande et mate, elle arbore une chevelure noire de geai et bouclée jusqu’au milieu du dos. Des jambes fines et musclées, qu’elle arbore avec fierté, fruit de ses heures à la salle de sport, lui permettent de dégager dans sa démarche une assurance incroyable.

À la voir ainsi, je pourrais m’imaginer être dans une série, où l’entrée se fait au ralenti. Le seul détail qui compte, c’est l’homme derrière elle.

1 mètre 85. Plutôt mignon, si je me fie à la première impression. De loin, il m’apparaît chétif, presque juvénile. Une sensation qui s’intensifie alors que ses traits se rapprochent de moi.

Que vient faire ce jeune sorti d’université aux côtés de Gina ?

— Vous êtes resplendissante, s’étonne mon agente immobilière.

Sa surprise pourrait me blesser, si je n’avais pas déjà joué un million de fois à ce jeu d’hypocrite avec les femmes de l’entourage de James.

Ce qui me soulage, c’est qu’elle sera la dernière.

Chapitre 4

TARA

Les volets fermés de mon appartement permettent à la fraîcheur d’y rester. Mon front trempé de sueur, malgré la petite baignade de toute à l’heure, m’oblige à prendre une douche. Le rendez-vous professionnel de Louis doit durer quatre heures. J’ai donc largement le temps de prendre un peu soin de moi.

Quittant mes sandales avec bonheur, dans le hall d’entrée, je sautille jusqu’au frigo pour me servir une boisson fraîche.

Concombre et gingembre.

J’observe l’écriture au marqueur fait à la va-vite par ma propre main. Je plisse le nez, légèrement hésitante. J’ai eu ma période nature et remède miracle pour un teint de pêche et une voix de velours. Ce n’est pas un échec, je ne ressemble pas à un monstre mais je n’ai pas encore atteint la voix de la Castafiore ou la beauté d’une mannequin.

Laissant de côté mon mélange détox pour une journée de culpabilité, j’attrape une bouteille de jus de pomme.

— Elle est tout de même bio, dis-je dans un demi-sourire.

La petite voix de ma professeur de yoga et grande défenseuse des recettes naturelles sonne à mes oreilles.

— Pour être dans un équilibre parfait, tu dois boire et manger ce dont ton esprit a besoin, m’a-t-elle dit au dernier cours.

J’interroge une seconde mon subconscient, à la recherche de son envie vitale et urgente. Sans grande surprise, le nom de Julia apparaît.

— La réponse à mes problèmes est donc de boire le sang de mon amie, ris-je.

Même si le ton de l’humour suinte dans mes mots, une boule d’angoisse apparaît au fond de moi. J’avale une gorgée pour oublier le goût de ma défaite de ce matin. Moi qui m’imaginais grande détective, je vais arrêter d’observer Robert Downey Junior en génie du crime dans les rues londoniennes.

Le parquet neuf de mon loft grince sous mes pas tandis que je rejoins ma salle de bain. Couleurs fluos et serviettes à motif décorent l’espace que je déteste le plus.

Depuis mon séjour à Cuba, où l’eau douce n’est pas une ressource naturelle abondante, les locaux la consommant de manière calculée, j’observe ma douche d’un tout autre œil.

Bien évidemment, j’adore rester sous l’eau chaude et me prélasser. Sauf que les visages de personnes en manque d’eau potable m’arrivent à l’esprit à chaque fois. Ce qui, inévitablement, gâche mon plaisir.

Selon un conférencier que j’ai eu la chance d’écouter près de Los Angeles il y a deux semaines, tout le monde devrait vivre de telles expériences, simplement pour s’ouvrir l’esprit et prendre conscience de la chance que nous avons ici, dans le pays.

Bien qu’une douche me soit salutaire, j’hésite.

Sans y réfléchir, j’observe autour de moi pour m’assurer que personne ne m’observe, ce qui est impossible étant seule dans l’appartement et me renifle les dessous de bras.

L’odeur est quasiment inexistante, preuve que mon corps n’est pas en saturation de sueur.

Mes cheveux sont brillants, sans une once de gras.

Le sébum ne sera donc pas un problème non plus.

Après mure réflexion, je décide de prendre qu’un simple gant de toilette pour me rafraîchir. L’opération est rapide et je n’ai pas à culpabiliser de l’eau gaspillée.

Satisfaite de mon geste écologique, je ressors de la pièce, un sourire sur les lèvres. Il en faut peu pour être heureux.

Encore indécise sur la façon dont je vais tuer le reste de mon temps, j’ouvre mon ordinateur posé sur le petit bureau, fait d’une planche et de deux tréteaux dans un coin, pour consulter mes e-mails.

« ACCUEILLIR MANNEQUIN AVEUGLE »

L’entête du mail m’interpelle. J’ai commencé l’accueil des professionnels étrangers depuis quatre mois. Un travail qui me correspond. Spontanéité, écoute et réactivité, sans aucune attache dans le temps. Un emploi rêvé que j’aime particulièrement occuper. L’agence qui me met en contact n’est pas véritablement ce qu’on pourrait appeler familiale. Aucune échelle humaine, un correspondant quasi-robotique, qui m’exaspère souvent par son manque d’informations précises. Néanmoins, je n’ai jamais manqué de contrat depuis que j’y suis. Les personnes défilent chez moi, sans se ressembler en aucun point.

J’ouvre le courriel électronique pour voir de quoi il en retourne. Ladite personne semble être assez connue dans le milieu et souhaite, je cite : passer un séjour à L.A, le plus agréable et discret possible.

Je grimace. La discrétion n’est pas mon mantra le plus évident. L’agence me l’a envoyé car son arrivée correspond au départ de Louis.

J’hésite avant de me lancer dans une réponse.

« Heureuse d’accueillir cette personne, qui trouvera chez moi la guide parfaite pour un séjour selon ses désirs. »

J’oscille la tête de droite à gauche à la recherche d’une autre formulation. Guide rappelle un peu trop la formulation « guide d’aveugle » et je ne voudrais pas que cela puisse le vexer, avant même qu’on ait commencé à échanger sur ses exigences.

— Moins pompeuse et plus spontanée… Tiens ça…

La technique de me parler à moi-même fonctionne. Je retape une autre version, cette fois-ci plus proche de la vérité.

« La date correspond parfaitement à mon planning d’accueil. Je suis prête à l’accueillir et à écouter ses exigences particulières, comme pour chacun de mes clients. »

Ma réponse professionnelle me plaît et je l’envoie.

À peine le mail transmis qu’on sonne à ma porte. Je me relève prestement et cours accueillir mon visiteur.

Sur le seuil, sans grande surprise, je retrouve mon charmant nouvel ami, le visage défait et les yeux rougis.

Si je ne connaissais pas toute la situation, j’aurais du mal à imaginer Dean, larmoyant sur le pas de ma porte.

Chapitre 5

JULIA

Bahamas — 2 semaines plus tôt

Je pousse la porte de la chambre d’hôtel, les yeux rougis. Une lumière tamisée m’accueille mais je n’y fais pas attention.

Le voyage et la journée m’ont mis sur les rotules. La seule idée que j’ai en tête reste de m’effondrer sur le lit pour réaliser à l’aube ce qui m’arrive.

« Bienvenue aux heureux mariés. »

Le mot à mon attention trône en plein milieu d’un saladier de fruits exotiques, appétissants et colorés.

Sans leur reprocher ce service noces de rêve, je plie soigneusement la carte pour la glisser sous le panier, hors de ma vue.

Avant même d’atteindre la chambre, je gigote de droite à gauche en glissant mon pantalon sur mes jambes bronzées par les UV avant le mariage.

Des larmes montent quand je touche le tissu précieux de mes sous-vêtements, spécialement conçu pour aller avec ma robe de mariée.

Ce dernier vestige du plus beau jour de ma vie sur le papier doit traîner dans un coin de la limousine de location que j’ai prise pour venir à l’aéroport.

De la même manière, j’ai hésité à laisser mon téléphone portable aux États-Unis pour éviter que quiconque me contacte. Une folie très hollywoodienne, bien inutile quand on sait que le mode avion est tout aussi efficace pour se couper du monde.

Par sécurité, je branche ledit objet sur une prise, si je change d’avis et souhaite parler à quelqu’un hors du room service joignable sur le fixe de la chambre. Le sol en bois, typique de ces baraquements de luxe, au-dessus de l’eau, craque sous mes pieds tandis que je visite la suite luxueuse que j’ai aperçue sur les brochures plusieurs mois auparavant.

L’endroit et le mobilier remplissent toutes mes attentes.

Confort et dépaysement sont assurés pour plus de sept jours en tête à tête avec moi-même.

***

Les premiers rayons du soleil ont raison de mon sommeil agité. Les cheveux en bataille et l’haleine reflétant les excès de la veille dans l’avion, je me lève.

Le pas hésitant, je découvre devant ma porte un immense chariot couvert de nourriture appétissante. Je relève les yeux pour voir si j’aperçois un membre du personnel pour le remercier, quand je crois apercevoir une silhouette familière. Je me fige et fixe l’homme qui vient de disparaître dans une cabane similaire à la mienne. Il n’est pas directement un de mes voisins. De l’eau sépare nos pontons respectifs. Chamboulée, je me raisonne et rentre en tirant le chariot à l’intérieur.

Les suites nuptiales ont la particularité d’avoir une vue complète et de 180° sur l’océan, sans avoir peur d’être vue, sûrement nue, par d’autres résidents.

Ainsi, j’ose ouvrir en grand les deux panneaux coulissants pour profiter de la mer. La vue est à couper le souffle.

Vêtue d’un simple peignoir mis à ma disposition, je me prélasse plusieurs heures, profitant du jus d’orange et des fruits frais de tout mon saoul. Une fois repue, pudique malgré l’assurance de ne pas être vue, j’enfile mon maillot de bain.

Le contact de l’eau a pour effet de me réveiller de cet état second que je traîne depuis plusieurs heures. Je plonge et replonge, nageant comme si ma vie en dépendait. Je ne compte pas les allers-retours que j’effectue de mon ponton à la première trace de corail qui s’étend devant moi.

Ce que je sais, c’est que mon cœur me hurle de continuer jusqu’à sentir mes cuisses me brûler sous l’effort. Malgré moi, je dois m’arrêter. J’agrippe le bord du bois, ne souhaitant pas utiliser l’échelle un peu plus loin.

Mes ongles émettent un bruit désagréable sous le contact du ponton. Je force sur mes mains, enfonçant cette si belle manucure de mariée dans le bois humide.

À bout de force, j’arrive difficilement à remonter dessus. Des larmes coulent sur mes joues quand je suis enfin debout, seule, mouillée et brisée.

Je relève la tête vers ce ciel bleu azur sans cicatrice. Mon cœur s’ouvre et je sens enfin le sang saigner de cette blessure ouverte que je tentais d’ignorer. Je hurle de toutes mes forces.