L'Islam et la Science - Ernest Renan - E-Book

L'Islam et la Science E-Book

Ernest Renan

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"Pourquoi le monde musulman fait-il si peu de place aux sciences?", "Une fois rigide en la vérité absolue et littérale du contenu d'un livre censé contenir les pensées divines est-elle compatible avec la recherche scientifique moderne?", "Toutes les religions sont intolérantes, chacune à sa manière",... Telles sont les questions soulevées dans cette conférence de 1883 à la Sorbonne et les intenses débats qui en suivirent. Cet ouvrage intéressera vivement le lecteur contemporain: les échanges d'Ernest Renan et du Cheikh Al-Afghani demeurent en effet d'une brûlante actualité.

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Histoire des origines du christianisme en 7 volumes :

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(1866)

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(1869)

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(1879)

Marc Aurèle ou la Fin du monde antique

(1882)

L’Islam et la Science

Yves Gingras :

Yves Gingras, Propos sur les sciences, Paris, Raisons d'agir, 2010.

Yves Gingras, L'impossible dialogue, Sciences et religions, Paris, Presses universitaires de France, 2016.

Découvrez dans la collection Classiques français :

George Sand,

Indiana

Madame de La Fayette,

La Princesse de Montpensier

Découvrez dans la collection Philosophie :

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Eloge de la Folie

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L’Utopie

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Essai sur les femmes

Découvrez dans la collection Politique & Société :

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Le Manifeste communiste

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Gustave Le Bon,

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Les altérations de la personnalité

Emile Coué,

La Maîtrise de soi-même

Cesare Lombroso,

L’homme criminel

Table des matières

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Préface

On assiste depuis plus d'une vingtaine d'années à une recrudescence marquée des débats opposant d'un côté les sciences, placées à l'enseigne du progrès et de la raison, et de l'autre les religions, sources, selon ses critiques, d'obscurantisme et même de fanatisme. Aux États-Unis, on s'est habitué aux luttes incessantes des fondamentalistes chrétiens contre l'enseignement de la théorie de l'évolution.

De façon générale, cependant, ces courants religieux anti-science, qui voient dans la Bible la vérité révélée, n'ont pas empêché le monde occidental d'investir massivement dans le développement scientifique et technologique. Après tout, les États-Unis, haut lieu des batailles contre Darwin et contre la recherche sur les cellules souches, sont encore une puissance scientifique inégalée. Et dans la plupart des pays de tradition chrétienne, l'Église catholique n'a plus la force temporelle qui lui a permis de mettre Copernic à l'index et de condamner Galilée pour hérésie1.

Dans le monde arabo-musulman aussi, l'opposition entre une interprétation littérale du Coran et le développement scientifique pose aujourd'hui problème. Depuis quelques années, de nombreux observateurs déplorent le fait que certains pays musulmans soient « riches en pétrole mais pauvres en sciences ». Ils dénoncent une lecture du Coran selon laquelle toute la science y serait déjà inscrite, ce qui empêcherait la recherche scientifique indépendante.

Arabité et islamisme

Comme le notait tout récemment encore le directeur de la bibliothèque d'Alexandrie, Ismail Serageldin, dans un éditorial de la très prestigieuse revue Science (édition du 8 août 2008), « avec plus d'un trillion de dollars et une population de plus d'un milliard de personnes », les pays musulmans « investissent moins en recherche que les autres pays de taille et de richesse comparables ». Pourquoi un tel écart ? Après bien d'autres, il n'hésite pas à montrer du doigt « un milieu social de plus en plus intolérant, encouragé par des gardiens autoproclamés de la rectitude religieuse qui imposent leur interprétation étroite de la religion dans tous les débats publics ».

Il est d'usage, dans de tels débats, de rappeler la grande tradition scientifique « arabe » ou « islamique » (le choix des termes est ici un enjeu) qui a fleuri dans plusieurs pays du Xe au XIVe siècle et Ismail Serageldin ne fait pas exception en rappelant qu'Ibn al-Haytham, dès le Xe siècle, a jeté les bases de la recherche empirique des siècles avant Galilée. Mais au-delà de l'usage stratégique d'un passé glorieux auquel il est fait appel pour fonder un futur plus radieux pour les sciences dans les pays musulmans, certains chercheurs veulent apporter des nuances à cet « âge d'or de l'islam ».

Ainsi, dans son ouvrage récent qui a fait scandale en France, Aristote au mont Saint-Michel, l'historien Sylvain Gouguenheim s'est opposé à une « vision réductrice » qui consiste « à confondre en particulier arabité et islamisme, attribuant à l'Islam, civilisation fondée sur une religion, ce qui relève de la culture de langue arabe ».

Un débat enflammé a suivi la publication de ce volume, qui vise en fait à minimiser les contributions — pourtant avérées — du monde arabe au développement scientifique. Toutefois, peu de commentateurs semblent avoir noté que ce débat est en bonne partie une reprise de celui lancé plus d'un siècle auparavant par l'historien français Ernest Renan (1823-1892), dans une conférence sur L'Islamisme et la science prononcée à la Sorbonne le 29 mars 1883.

Dans son discours — republié ici sous le titre modernisé de L'Islam et la Science —, Renan proposait lui aussi une réponse à la question de Serageldin : pourquoi le monde musulman fait-il si peu de place aux sciences ? Et comme Gouguenheim après lui, Renan annonce en ouverture vouloir débrouiller « une des plus fortes confusions d'idées que l'on commette » en entretenant « l'équivoque contenue dans ces mots : "science arabe", "philosophie arabe", "art arabe", "science musulmane". Des idées vagues qu'on se fait sur ce point résultent beaucoup de faux jugements et même des erreurs pratiques quelquefois graves ».

Bien sûr, à 135 ans de distance, le contexte, les motivations et les styles d'écriture diffèrent, mais la question fondamentale demeure, qui intéressait autant Renan à son époque que de nombreux intellectuels aujourd'hui : une foi rigide en la vérité absolue et littérale du contenu d'un livre censé contenir les pensées divines est-elle compatible avec la recherche scientifique moderne ?

Tout d'abord, Gouguenheim et Renan contestent, pour des raisons différentes cependant, le rôle central attribué implicitement à la religion musulmane dans le développement scientifique du monde arabe au Moyen-Âge. Le premier comme le second insistent pour rappeler que de nombreux savants écrivant leurs travaux en langue arabe étaient en fait chrétiens ou juifs, et non pas musulmans. Et à ceux qui contestent la légitimité d'une telle distinction entre langue, culture et religion, Renan répondait déjà : « Tout ce qui est écrit en latin n'est pas la gloire de Rome ; tout ce qui est écrit en grec n'est pas œuvre hellénique ; tout ce qui est écrit en arabe n'est pas un produit arabe ; tout ce qui s'est fait en pays chrétien n'est pas l'effet du christianisme ; tout ce qui s'est fait en pays musulman n'est pas un fruit de l'islam. »

On pourrait ajouter : tout ce qui est écrit en anglais n'est pas américain... Il s'agit pour lui d'une question fondamentale de méthode et « ces sortes de distinctions sont nécessaires, si l'on ne veut pas que l'histoire soit un tissu d'à peu près et de malentendus ».

Incarnant le courant rationaliste et positiviste qui voit le salut de l'humanité dans la science — synonyme de raison —, Renan s'oppose à toute religion qui cherche à imposer sa loi à l'ensemble de la société. Celui qui pourrait encore servir d'emblème au mouvement laïque considère en effet la cause comme entendue : jamais les religions n'ont été utiles au progrès scientifique et elles n'ont fait que l'entraver.

La religion musulmane ne fait pas exception, selon lui : « L'islamisme, en réalité, a donc toujours persécuté la science. » Il s'attaque même aux « libéraux qui défendent l'islam [mais] ne le connaissent pas ». Car, selon lui, « l'islam, c'est l'union indiscernable du spirituel et du temporel, c'est le règne d'un dogme, c'est la chaîne la plus lourde que l'humanité ait jamais portée ».

Il ne faudrait toutefois pas penser que Renan, ancien séminariste, ait été contre toute religion. Il le dit explicitement : « Il ne s'agit pas pour le chrétien d'abandonner le christianisme ni pour le musulman d'abandonner l'islam. Il s'agit pour les partisans éclairés du christianisme et de l'islam, d'arriver à cet état d'indifférence bienveillante où les croyances religieuses deviennent inoffensives. Cela est fait dans une moitié à peu près des pays chrétiens ; espérons que cela se fera pour l'islam. »