L'Ultime raison d'être - Robert Einbeck - E-Book

L'Ultime raison d'être E-Book

Robert Einbeck

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Beschreibung

Robert EINBECK a écrit ce livre de 91 petites histoires et chansons sans musique pour éveiller les consciences et émouvoir. Des textes d’amour et de sérénité pour apporter chaque jour au lecteur des moments où il pourra, dans le tumulte de la vie quotidienne, se retrouver face à lui-même et se recueillir sur les grandes questions relatives au destin de l’humanité.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Sensibilisé dans un premier temps par la démarche de Vassily Kandinsky et de Paul Klee, puis par celle de Mark Rothko et Barnett Newman, le travail qu’effectue Robert Einbeck durant les années 1970 se focalise essentiellement sur la forme, le signe et la lumière, portant son œuvre vers une dimension spirituelle.

Considérant les valeurs humanistes comme l’assise de toute civilisation, Robert Einbeck et son épouse, Marion Einbeck, lancent en 1989 à New-York, le projet « The Einbeck’s Time For Peace », et mettent en place, notamment en 1994, les Time For Peace Film & Music Awards, qui ont pour objectif de promouvoir des films et des musiques porteurs de ces valeurs humanistes.

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Seitenzahl: 201

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ROBERT EINBECK

L’ULTIME

RAISON D’ÊTRE

À Marion ,

avec tout mon amour,

ces quelques textes qui ont vu le jour

AVANT-PROPOS

Très jeune, Robert Einbeck partage son temps entre l’écriture, le dessin, la photographie et son attirance pour l’art pictural des primitifs italiens au Quattrocento. Il se spécialise très vite et travaille pour une galerie représentant Sotheby’s. En 1967, le peintre Raymond Moretti illustre un de ses poèmes « Poème Mécanique » focalisé sur les vicissitudes de l’air du mécanisme industriel. Le texte est écrit sur un rythme mécanique comme une sonorité émise par des engrenages qui tournent. Avec les illustrations Robert Einbeck réalise un livre-objet qui comprend 9 pages en laiton trempées dans un bain d’or et doublées de pages en acier inoxydable. Pesant 10 kilos, le livre est édité à 6 exemplaires. Il est acquis par des collectionneurs et exposé entre autres au Musée de Saint Paul de Vence en 1967 et à l’inauguration du Centre Georges Pompidou en 1977. La même année un autre poème « H… comme Bombe » est introduit par Georges Ribemont-Dessaignes, l’un des fondateurs du mouvement dada et Salvador Dali accepte de l’illustrer. Il est aussi encouragé par Raymond Queneau qu’il rencontre à Paris et qui compare son premier roman « Oublier que l’on Vit » aux « Chants de Maldoror » de Lautréamont. L’ensemble de ces manuscrits ont été perdus au cours de déménagements. En 1970, Robert Einbeck nommé directeur artistique adjoint des éditions Draeger décide de se diriger vers la peinture car la poésie, traduite en d’autres langues, ne pouvait que difficilement retransmettre les spécificités des sonorités rythmiques auxquelles il reste très attaché. Forme, couleur et signe lui semblent un langage poétique plus adapté universellement. Son travail est tout d’abord inspiré par Vassily Kandinsky et Paul Klee avant de se rapprocher de celui de Marc Rothko et de Barnett Newman. Sa démarche le conduit à élaborer des espaces contemporains de recueillement http://www.roberteinbeck.com. C’est ce qui l’amène en 1989 à s’installer à New York avec son épouse Marion pour le projet « Einbecks’s Time for Peace Project »http://timeforpeace.com/origin/et ensemble ils lancent les « Time for Peace Films & Music Awards »

http://timeforpeace.com/awards/. Depuis 2013, suite à des recherches physiologiques en milieu hospitalier sur les effets de la couleur sur le cœur, il crée des espaces et des vidéos de sérénité http://www.roberteinbeck.com/hospital-serenity-space-francias.php. C’est en 2017 qu’il se remet à l’écriture avec ces petits textes pour éveiller les consciences et émouvoir. Des sortes de chansons sans musiques où la répétition des phrases et des mots s’inscrit dans une recherche musicale.

SON LIVRE

Son livre était l’armoire où ses pensées se réchauffaient entre des édredons de phrases. Là où des mondes de l’imaginaire surgissaient soudainement comme des orages. Où les mots se bousculaient entremêlés les uns aux autres. Des villes, des mers, des campagnes. Des personnages de toute sorte qui allaient, qui venaient. C’était comme des chansons qui vibraient en elle. Des chansons de clarté, des chansons de sommeil, des chansons parfumées de baisers. Elle les écoutait, elle les écoutait jusqu’à plus soif, jusqu’à ne plus pouvoir sentir, plus pouvoir voir, plus pouvoir entendre. Et la voilà maintenant, le cœur battant dans un amour fou, glissant à la tombée de la nuit dans les bras de son amant. Et la voilà maintenant se réveillant à l’aube d’un jour nouveau, dans le tohu-bohu d’une foule délirante, clamant les révolutions de demain. Et la voilà sacrée reine ou geignant, apeurée dans les catacombes de l’oubli. Et la voilà le corps cambré, dansant et chantant, la femme fatale que l’on assassinera au soleil couchant. Et la voilà prise dans le naufrage d’un navire qui n’atteindra jamais les terres. La prunelle de ses yeux accrochée aux lettres qui défilaient, défilaient, défilaient. Elle ne bougeait plus. Son livre était l’armoire où ses pensées se réchauffaient entre des édredons de phrases. Elle ne bougeait plus. Elle ne sortait plus non plus car la voilà maintenant dans un jardin, un panier de fleurs à la main, les yeux émerveillés, touchant de son regard les fleurs écloses du printemps. Elle oubliait de vivre. Elle était entrée dans le monde de l’imaginaire. Plus jamais elle n’était allée voir le jardin de son enfance, les montagnes au loin se blanchir à l’hiver. Plus jamais, elle n’allait sentir et toucher les fleurs du printemps. Elle était dans les mots de ses livres comme au fond d’un verger, se roulant dans les hautes herbes des campagnes. Elle était dans les mots, les mots. Elle avait oublié la vie, ses sourires, ses violences, ses tendresses, ses fragilités, ses beautés, ses dérisions. Lire, oui, mais sourire aussi, en regardant le monde s’éclairer, comme la transparence des yeux d’une femme qui vient d’ouvrir ses paupières pour regarder le ciel d’un jour d’été. Lire, oui, mais regarder aussi les êtres, tournant, marchant, dansant autour de vous. Les êtres transportant des souvenirs de tranquillité, de violence, de sanglots et de rires, du battement de tambour d’un monde pris dans un courant d’air de siècles. Lire, oui, mais jouer aussi, jouer au cerceau des saisons blêmissant à la froideur ou rougissant à la chaleur des temps. Mais son livre était l’armoire où ses pensées se réchauffaient entre des édredons de phrases et savait-elle qu’il était né du reflet de la réalité des vies ?

ELLE S’APPELAIT ÉTERNELLE

Elle s’appelait Éternelle. Couverte des lumières du mystère de la vie elle était. Ainsi, rayonnait-elle, de longs cheveux noirs aux reflets nacrés, frissonnant, jouant au clair-obscur sur la chair de ses joues. Elle avait la pâleur des ciels qui s’effacent dans la nuit. Éclatante de beauté. Éclatante de beauté, elle s’appelait Éternelle. Elle ne savait jamais attendre. Dès le réveil déjà, les yeux mi-clos, à moitié habillée, à moitié nue, elle allait entre les lilas fanés et les ocres jaunes des plaines d’automne perdre son corps dans des courses effrénées. Elle montait aux arbres, parfois brûlante de fièvre, pour dans le craquement des écorces se blottir en regardant les nuages s’agiter dans le ciel. Elle voulait tout savoir, tout découvrir. Des heures elle s’enfermait dans sa chambre, pour de sa fenêtre percevoir ce que personne ne pouvait voir, entendre ce que personne ne pouvait ouïr. Les infimes tremblements de la nature qui naissent, qui meurent dans des cris étouffés, égratignant l’espace, égratignant le temps. Elle s’appelait Éternelle. Elle ne savait attendre. C’était leur fille. Un jour d’orage elle était née, un jour de pluie. Ils ne la comprenaient pas. Confondus, toujours ils étaient face à elle. Dans des mouvements vifs, elle se retournait souvent le corps agité, pour les regarder comme apparus dans une réalité de rêve. Elle leur souriait alors. Des champs d’anémones fleurissaient dans ses yeux. Elle semblait muette. Jamais elle ne parlait. Jamais un mot elle ne prononçait. Mais elle était si belle, si belle, même quand l’angoisse sombre tournoyant en elle la rendait si étrange. Si étrange. C’était leur fille. Un jour d’orage elle était née, un jour de pluie. Elle avait les mains longues, longues aux ongles vernis d’opale. Sans jamais avoir appris, mieux que tous les virtuoses de tous les temps, elle jouait du violon le soir en regardant la nuit. C’était leur fille, mais ils ne savaient comment la prendre, comment lui dire qu’ils l’aimaient. Éternelle, ainsi l’avaient-ils appelée comme inspirés par un message de l’ailleurs. Était-ce un présage ? Ils ne sauraient le dire aujourd’hui. C’était bien des temps déjà, que dans une journée radieuse, elle avait été trouvée morte dans son lit. Personne ne sut pourquoi. Aucune maladie ne l’avait abîmée dans son corps. C’était dans la naissance du printemps, à peine dix-sept ans qu’elle s’était envolée. Entre ses mains, on avait trouvé une drôle de petite chose qui tremblotait de peur. Entre ses mains, dans sa naissance un oiseau qui s’ébattait. D’un coup d’aile sur l’épaule de son père il s’était posé, puis sur celle de sa mère. Il avait alors chanté des mélodies si joyeuses, si joyeuses qu’aucune tristesse ce jour-là dans leur cœur ne vint les assombrir. Aucune tristesse. Ils l’avaient regardée morte sur le lit comme si toujours vivante elle était. C’était il y a bien longtemps. Leur regard fatigué aujourd’hui avait déteint dans la fonte du temps. L’oiseau près d’eux était toujours resté, sans vieillir, volant d’une épaule à l’autre, chantant comme pour les consoler la même mélodie des temps passés. Elle s’appelait Éternelle. Couverte des lumières du mystère de la vie elle avait été. C’était leur fille. Un jour d’orage elle était née, un jour de pluie. Mais aujourd’hui encore, Éternelle, Éternelle dans leur cœur elle était, dans leur cœur elle était.

LA VIOLONISTE DE LA RUE

Libre. Choisir d’être libre. Choisir la liberté. Rebelle, il n’y avait que l’offense pour elle d’être secourue, l’humiliation d’être jetée dans les bras d’administrations. Elle ne voulait être que libre. Libre. Sans argent et démunie peut-être, mais avec elle son violon, un trésor dans la légèreté de ses mains, dans la mouvance de son corps. Enfiévrée de musique elle était. Alors, c’est dans la rue entre archet et cordes de son violon qu’elle écartelait son âme, qu’elle s’échappait, se perdait, s’oubliait. Sur le trottoir assise, près d’elle un petit gobelet tout blanc, un petit gobelet tout en plastique. Un petit gobelet dans lequel on glissait une pièce, un billet, pourquoi pas un mot d’amour aussi. Car elle était belle, car elle était frêle. Elle avait l’âge de la grâce. L’âge de la candeur où l’on s’enveloppe des ardeurs de la vie. Elle avait l’âge de la pureté ou les battements de votre cœur sont comme des fleurs qui viennent d’éclore, des fleurs qui émergent dans la tendresse d’un printemps. Et quand elle jouait, c’était la turbulence des mondes, c’était le chaos, c’était le charivari de la vie qu’elle suspendait. Son violon n’était pourtant pas un Stradivarius mais c’était le violon de son cœur. Le violon de son cœur où les sons succombaient en douceur, en fureur, en ivresse, en fougue, en violence ; où les sons vous exaltaient dans des tempêtes d’émotions. Mais peu de gens le comprenaient. Ils passaient simplement. Ils hâtaient le pas sans même la regarder. Il y en avait pourtant, de très rares, qui un instant s’arrêtaient, déposaient parfois dans le petit gobelet tout blanc, dans le petit gobelet tout en plastique, une pièce qui sonnait comme une note de musique, comme une note de musique. Sans argent et démunie peut-être, mais avec elle son violon, un trésor dans la légèreté de ses mains, dans la mouvance de son corps. Enfiévrée de musique elle était. Elle avait choisi d’être libre. Libre. De temps en temps, un officier de la chaussée lui demandait de s’en aller. Alors, le violon dans le coffret qu’elle plaçait sous le bras elle partait, pieds nus souvent, souvent pieds nus elle était. Des mélodies du folklore de son pays elle jouait, d’autres fois des sonates, des préludes, des bergamasques d’un temps passé. Les jours de pluie sous un porche elle se réfugiait. Parfois, quand c’était possible dans un petit bistro, juste le temps de boire un café, de regarder derrière les vitres embuées la pluie qui tombait. Un jour un homme pour l’écouter, un peu plus longtemps que les autres, s’arrêta, un peu plus longtemps que tous les autres. Près d’elle, il s’agenouilla. Il s’agenouilla et doucement, doucement à son oreille murmura :

–Voudriez-vous jouer dans un petit théâtre ?

–Jouer dans un petit théâtre ? dit-elle interloquée.

–Oui un théâtre que je viens d’ouvrir, avec peu de moyens il faut dire. Je l’ai appelé le théâtre des surprises de la vie et vous seriez alors la première des surprises que je pourrais présenter.

Elle le regarda. Tout à coup dans ses yeux des oiseaux semblaient s’envoler. Sans dire un mot de plus il lui tendit la main. Elle la lui prit. Déjà partis ils étaient vers le théâtre des surprises de la vie, déjà partis ils étaient. C’est là qu’elle devint célèbre. Depuis ce jour, depuis toujours maintenant, au croisement de jeunes musiciens dans la rue, elle s’arrête pour les regarder avec mélancolie. La mélancolie d’un jadis, où elle aussi, pieds nus, elle jouait dans la rue des mélodies du folklore de son pays, des sonates, des préludes, des bergamasques d’un temps passé. Elle s’arrête pour y déposer dans leur cœur un sourire, pour y déposer un mot tendre, elle qui fut un jour aussi cette musicienne de la rue. Elle voulait dire aux gens qui passaient, aux gens qui hâtaient le pas, arrêtez-vous voyons, arrêtez-vous juste un instant. Un instant pour ces musiciens dans l’âge de leur grâce, dans l’âge de leur candeur, c’est comme une fleur qui dans leur vie vous déposerez. C’est comme une fleur qui dans leur vie vous déposerez.

LE GRAND CHÊNE DU BONHEUR

Une certaine tiédeur d’un matin calme de fin d’hiver. Ses branches s’élançaient dans la pâleur du ciel. Une brise légère. Une brise légère. Un jour nouveau encore. Encore un nouveau jour. Se trémoussant à la droite de sa hanche, sa petite fille qui la regardait. Sautillant à sa gauche, son petit garçon qui lui parlait. Ils allaient, ils allaient comme chaque jour le voir. Ils allaient comme chaque jour avec le grand mage s’entretenir, s’asseoir au bas de son immobilité venant d’un autre temps. D’un temps où quand on les contemplait au travers de la vitre des fenêtres les paysages se modifiaient. D’un temps où se poudraient les femmes et les hommes, dissimulant la blancheur périssable de leur corps sous les satins, sous les soies et dentelles. D’un temps où à l’ombre grimaçante du non connaître, d’infatués religieux condamnaient à tout-va les fanfarons d’un jour affirmant que la terre tournait autour du soleil. C’était le temps où l’on avait planté le gland germé de sa naissance. Aujourd’hui, à la veille du printemps, écloses à la nouvelle frondaison, les feuilles renouvelaient leurs histoires dans le ciel. Aux alternances des intempéries, aux entrelacements de sa ramure se crayonnaient des rébus de nouveaux savoirs. C’était chaque jour, dans sa majestueuse sérénité, que s’abandonnant, ils venaient le voir. Chaque jour, où se dépeuplaient des forêts et des clairières ces grands arbres centenaires. Le grand chêne de la plaine était devenu le compagnon splendide de l’imagination. Le grand chêne du bonheur ils l’avaient appelé. Le grand chêne du bonheur. Chaque jour il les avait regardés venir à lui, se tenant par la main, pour lui parler d’hier, pour lui parler de demain, pour lui parler de rien, pour lui parler de tout. Qu’il gèle, qu’il neige, qu’il pleuve, qu’il vente, chaque jour ils étaient là. Et quand le ciel s’éclairait, qu’un petit vent doux faisait frissonner ses feuilles, dans une cascade de rires joyeux, ils chantaient assis autour de lui, des mélodies si légères, si légères. Ils criaient alors aux oiseaux de les rejoindre dans le débordement de leur joie de vivre. Elle avait dit à ses enfants, « prenez soin de lui, il prendra soin de vous ». Aujourd’hui, elle n’était plus là. Mais la petite fille, le petit garçon devenus grands, étaient venus faire le pèlerinage, le pèlerinage de chaque année, pour lui dire que jamais, jamais ils ne l’avaient oublié. Ils étaient venus lui dire aussi que toujours ils le protégeraient, lui qui fut le grand chêne du bonheur de leur enfance, lui qui est le grand chêne du bonheur du souffle du maintenant de leur vie. Le grand chêne du bonheur. Qu’ils le protégeraient, qu’ils se battraient aussi pour défendre tous les arbres de la terre. Ces arbres qu’il suffisait seulement de voir d’une année à l’autre pour s’émerveiller de leur changement, de la renaissance de leur beauté, de leur métamorphose aux saisons passantes. Le grand chêne du bonheur dans son immobilité avait aussi appris à les regarder. Cependant une tristesse était en lui. Il avait vu passer tant de vies sans pouvoir rien dire. Il avait vu passer la vie de la mère de ces enfants sans avoir même pu lui murmurer qu’il avait été si heureux de vivre cette si belle histoire, cette si belle histoire d’amour et de bonheur. Une histoire d’amour de la nature du monde, de la nature du monde que jamais il ne faudrait oublier. Jamais oublier il ne faudrait.

LA VILLE DE L’EXISTENCE

C’était une triste journée d’hiver. Un pont traversait la voie ferrée. Une énorme pendule y était accrochée. Sur le quai, descendus du train, vers la sortie, les voyageurs hâtaient le pas. D’autres attendaient le départ prochain. Une certaine froideur matinale. Un petit garçon regardait autour de lui. Cela faisait quelque temps que son train était parti. Vêtu de son petit manteau gris et noir, un gros bagage à la main, il regardait tout autour de lui. Il y aurait bien quelqu’un pour le renseigner ? Sur le quai, descendus du train, vers la sortie, les voyageurs hâtaient le pas. Certains discutaient entre eux. Mais aucun d’eux ne s’était arrêté près de lui. Alors, traînant sa valise, le regard se déplaçant avec la foule qui s’en allait, sur le quai il fit les premiers pas pour avancer. C’était une triste journée d’hiver. Un pont traversait la voie ferrée. Une énorme pendule y était accrochée. Un homme, une partie du visage ombrée par la visière d’une casquette noire le regardait près de lui s’approcher. C’est sûrement un chef de gare se dit le petit enfant voyant ce grand homme tout habillé de noir. À sa hauteur il s’arrêta. L’homme le fixait du regard.

–Monsieur !

–Oui ?

–Savez-vous où se trouve la rue de La Conscience ?

–La rue de La Conscience ? s’étonna le chef de gare

–Oui monsieur.

–Tu dois te tromper mon garçon. Je connais bien cette petite ville, mais nulle rue de La Conscience n’existe.

–Ah ! vous êtes sûr monsieur ?

–Affirmatif mon garçon.

–Je suis peut-être sorti à la mauvaise gare ? C’est bien la ville de L’Existence ici ?

–Oui, tu ne t’es pas trompé. Mais il n’y a pas de rue de La Conscience. Il y a bien une rue de L’Inconscience. C’est peut-être celle-ci que tu cherches ?

–De L’Inconscience ? s’étonna le petit garçon.

–Oui, de L’Inconscience.

–Oh ! non monsieur, on m’a bien dit la rue de La Conscience. Il y a là un café qui s’appelle le Café de L’Amour m’a dit ma maman. Et c’est là où je vais.

–Le Café de l’Amour ? Jamais entendu parler !!!

–C’est pas possible monsieur, fit le petit enfant. Commençaient à poindre des larmes dans ses yeux.

–Allons, allons mon garçon, on va essayer d’arranger ça.

–Maman m’a bien dit le Café de l’Amour rue de La Conscience, répétait le petit garçon assombri, ne sachant que dire de plus.

–Voyons, ne t’inquiète pas mon petit, je vais résoudre ce problème. Viens avec moi au Bureau de L’Infirmation et sans cela on téléphonera à ta maman.

–Elle n’a pas de téléphone maman.

–Pas de téléphone ? C’est possible ça ? Comment ne pas avoir de téléphone et laisser partir un petit gars comme toi tout seul ?

–Mais monsieur, fit le petit garçon qui s’affolait.

–Allons, ne t’inquiète pas. On va arranger tout ça.

–Oui, monsieur…

C’était une triste journée d’hiver. Un pont traversait la voie ferrée. Une énorme pendule y était accrochée. Sur le quai, descendus du train, vers la sortie, il y avait encore des voyageurs qui hâtaient le pas. Le petit garçon et le chef de gare avançaient. Une certaine froideur matinale. Dans la ville de L’Existence il n’y avait pas de rue de La Conscience, c’était certain. Derrière le comptoir du Bureau de l’Infirmation une jeune femme les regardait venir. La fraîcheur de son sourire réconforta le petit garçon.

–Bonjour mademoiselle, dit le chef de gare.

–Bonjour monsieur, comment allez-vous aujourd’hui ? répondit la jeune préposée au Bureau de l’Infirmation.

–Ça peut aller, mademoiselle, mais j’ai une étrange requête à vous faire pour ce petit gars, montrant du doigt le petit garçon.

–Ah ! fit la jeune femme ! Il y avait des frissons d’amour dans la beauté de son regard.

–Voyez-vous, dit le chef de gare, ce petit gars m’a dit que sa maman lui a demandé de descendre à l’Existence et d’aller au Café de l’Amour rue de La Conscience. Tout ça me semble étrange. Je suis un gars de cette ville et n’ai jamais entendu parler d’une rue de La Conscience, ni du Café de l’Amour. Je ne sais pas ce que ça veut dire… ?

–Mais si, mais si… Il ne s’agit pas de l’Existence mais de La Vie. C’est quelques arrêts avant cette gare, fit la jeune femme si joyeuse de pouvoir résoudre aussi vite ce problème. Son rôle au Bureau de l’Infirmation n’était pas toujours aussi facile. Constamment éclairer les voyageurs sur les falsifications, les démentis, les invalidations de la ville de L’Existence.

–Ah ! Quelle chance ! Je vais pouvoir mettre le petit gars dans le prochain train se rendant à La Vie, fit le chef de gare rassuré.

C’était une triste journée d’hiver. Un pont traversait la voie ferrée. Une énorme pendule y était accrochée. Sur le quai, descendus du train, vers la sortie, encore et encore des voyageurs qui hâtaient le pas. On pouvait voir sur le visage du petit garçon l’espoir qui se lisait. L’espoir de pouvoir retrouver La Vie, le Café de l’Amour rue de La Conscience…

LE MAGICIEN