La Catabase - Jack Jakoli - E-Book

La Catabase E-Book

Jack Jakoli

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  • Herausgeber: IFS
  • Kategorie: Krimi
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2019
Beschreibung

Belgique, été 2006. Un promeneur découvre un corps sauvagement mutilé.

Elle émerge lentement, aveuglée par un projecteur. Nue et enchaînée à une table métallique. Près d’elle, un homme portant un masque de porc installe une caméra. Il se retourne vers l’objectif et prononce quelques mots avant de saisir un marteau : « J’ai bien reçu vos paiements. Nous allons pouvoir commencer conformément à vos directives. » Belgique, été 2006. Un promeneur découvre un corps sauvagement mutilé. Contraint d’intégrer la section criminelle d’un village tranquille, Matt entame sa première enquête. Rien ne pouvait le préparer à ce qu’il va découvrir. Tiré de faits réels, Jack Jakoli vous invite à prendre part à une terrible descente aux Enfers…

Découvrez l'enfer des red rooms avec ce thriller inspiré de faits réels qui a reçu le  Prix Découverte de l'Iris Noir Bruxelles et le  Prix Coup de Coeur du Jury Noir Charbon en 2020 !

EXTRAIT

— Mais c’est avec un réel plaisir. Le départ des travaux a été donné lors de votre sortie de prison. Cependant, sachez que j’ai été déçu par votre action. Placer les sept cent mille euros directement sur votre compte a été une erreur monumentale qui nous a tous exposés. »
C’est un test ? Un coup de bluff ? Dumas ne sait plus du tout comment réagir. Le dossier faisait état de cent mille euros et non sept fois plus. Il prend le temps de réfléchir à ce qu’il doit dire.
« Comme je viens de vous le dire, tente Gabriel, je ne suis pas du genre patient.
— Heureusement que les méandres du Dark Net nous protègent de votre empressement dans ce cas, assène Willmann.
— Vous m’en voulez ?
— Non, je suppose que comme tout artiste, vous n’êtes pas de ceux qui suivent toutes les directives. Cependant, il serait fâcheux que cela se reproduise. »
Cette fois, les dires de Longie sonnent comme une réelle menace. Dumas perçoit la nuance dans sa chair. Il réplique d’instinct.
« Ne vous tracassez pas, c’était une erreur de jeunesse.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Un page turner qui vous porte au cœur de l'enfer des red rooms, orchestré par un nouvel auteur qui deviendra incontournable. - Ghislain Gilberti

Rien n'est superflu, tout est bien réfléchi et pesé. Chaque mot, chaque chapitre, chaque rebondissement tout arrive en temps voulu. - Sourisetdeslivres, Babelio

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né en 1980, Jack Jakoli est enquêteur à la police judiciaire fédérale en Belgique. Après plusieurs années passées dans les sections anti-banditisme et anti-terrorisme, il travaille maintenant à la criminelle. Depuis peu, inspiré par son métier, il s’est lancé dans l’écriture. Sa première publication, une nouvelle intitulée Punition, a rencontré un grand succès. Il vous propose ici son premier roman. Un thriller singulier basé sur des enquêtes bien réelles.

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Couverture

Page de titre

À ma famille d’hier, d’aujourd’hui et de demain. Où qu’elle soit.

Pour ma part, l’art est indissociable. Que ce soit sous forme d’écriture, de peinture, de design, de tatouage ou de musique, il est omniprésent.

La musicalité, désirée ou non, de notre quotidien en est la preuve la plus évidente.

Je vous invite donc à plonger dans cette histoire pour en faire la vôtre. Vous trouverez des références musicales dans certains passages. Pour ceux qui le souhaitent, une playlist nommée La Catabase (Compte de Jack Jakoli) est disponible sur Spotify. Pour le plaisir ou au moment opportun, il vous suffira d’écouter le ou les morceaux cités.

AVERTISSEMENTS

Cher lecteur,

Par nature, ma fonction d’enquêteur au sein de la police judiciaire fédérale belge m’amène à prendre connaissance d’affaires donnant souvent à la fiction un goût édulcoré. L’une d’elles m’a profondément marqué. Cette fillette s’appelait Daisy.

Certaines scènes, inspirées de faits réels, peuvent choquer.

Je vous propose ici un thriller singulier. Une descente aux enfers.

La Catabase.

Jack Jakoli

1

La pièce ressemble à la chambre froide d’un vieux réfectoire à l’abandon. Carrelages blancs salis, certains couverts de taches rougeâtres. À travers son masque en forme de tête de porc, un homme écoute des sonorités terrifiées.

Couchée sur le dos et sanglée sur une table métallique montée sur roulettes, une femme nue tente de se débattre. Des chaînes suspendues à d’énormes crochets entourent chacune de ses chevilles. Ses mains sont attachées sous la table. Une large bande autocollante maintient son front. Un bâillon entrave sa bouche.

Plutôt grand, l’homme porte un pantalon de travail, un pull rouge et un vieux tablier de boucher déjà maculé de sang. Pieds nus, il dispose ses ustensiles sur une desserte. Un couteau de cuisine basique. Une scie à élagage de petite taille. Un marteau de charpentier. Un désherbeur manuel. Des seringues accompagnées d’un flacon.

Sa mise en place se clôture par l’installation d’un trépied devant la femme apeurée.

À l’aide d’une petite caméra, il passe en revue la jeune femme blonde des pieds vers la tête. Exhibant ainsi son intimité écartée. Des larmes recouvrent ses joues, miroir de la plus primale des peurs.

L’objectif placé sur le support dédié, l’homme s’approche d’un micro et prononce quelques mots d’une voix tronquée, robotisée.

J’ai bien reçu vos paiements. Nous allons pouvoir commencer conformément à vos directives.

Sur la table à outils, sa main s’empare du marteau de charpentier. Le côté plat vers la fille. L’objet s’abat violemment sur l’un des tibias. Le craquement produit un cri perçant. La jeune femme se débat. Juste le temps de comprendre que la chaîne qui lui maintient la jambe cassée lui procure une douleur plus vive encore. Le bourreau réitère sans attendre sur l’autre tibia. Le même son. La même douleur. La même détresse.

L’homme marque une pause. Il récupère le marteau pour, cette fois, frapper ses genoux. À deux reprises, les hurlements inondent la pièce. La victime tente de ramener ses jambes en position fœtale. Sans y parvenir. Les entraves et la douleur l’en empêchent.

Pour des raisons pratiques, ce qui va suivre sera légèrement différent de la demande initiale. Après s’être débarrassé du modificateur vocal, le tortionnaire tire sur la chaîne reliée au système de poulie pour lever les jambes brisées et écartées.

La scie à élagage. Sa pointe s’approche de l’anus. D’un geste sûr, la lame s’enfonce d’environ dix centimètres. Le niveau sonore des cris fait hocher la tête masquée en signe de satisfaction. Il extrait l’outil d’un coup sec. Arrachant ainsi de la chair intérieure et extérieure. Pour ne pas nuire à sa réutilisation, il débarrasse l’objet des substances organiques à l’aide de son tablier.

À peine le temps d’admirer le sang couler de l’orifice sectionné que la lame s’enfonce de nouveau. La femme hurle de douleur avant de s’évanouir.

Le bourreau s’en aperçoit, il secoue la tête.

L’outil abandonné dans le rectum, l’homme plonge sur l’une des seringues déposées sur la table. L’aiguille pompe du liquide inconnu dans un flacon avant de pénétrer le corps inerte. La substance produit un effet immédiat et réveille d’un coup la jeune femme. Comme en transe, le bourreau se dirige vers la caméra sans en détourner les yeux. Dans un mouvement ample et circulaire, il extirpe la scie violemment.

Le sang et la chair giclent. Les hurlements de la jeune femme vrillent ses propres tympans. Un flot de larmes ruisselle sur ses joues.

Nous arrivons à la prochaine étape. L’abstraction de sa féminité.

Les yeux de la femme s’écarquillent en entendant ces paroles. Elle gémit, mais finit par fermer ses paupières. Ses lèvres remuent malgré le bâillon, comme si elle priait pour une intervention divine. Sauf qu’aucun Dieu ne vient la sortir de là. Même durant la manipulation du trépied pour lever la caméra et donner une vue plongeante sur le corps. Même durant le relâchement des poulies permettant aux fessiers de reposer sur la table.

De la main gauche, le bourreau pince un téton et le tire vers le haut. De la droite, il active la lame du couteau dans de petits mouvements s’apparentant à la lente découpe d’un rumsteak encore cru. Elle s’époumone autant de douleur que d’horreur. Une fois une partie de la poitrine entre ses doigts, il la jette derrière lui pour s’attaquer à l’autre. Haletant, il incise rageusement. Pressé de finir son œuvre.

Plus aucun cri depuis quelques secondes. Il lui colle une gifle inefficace. La seringue refait une nouvelle fois son office.

Le tortionnaire s’approche de son visage et coupe l’adhésif placé sur son front. Il la saisit par les cheveux et, à l’instar des exécutions françaises exhibant la dépouille guillotinée, il lui montre son corps, meurtri et saccagé, tout en lui chuchotant quelque chose à l’oreille. Impossible pour elle de répondre, alors elle cligne des yeux deux fois en guise d’acceptation.

Elle en a vu assez, dit-il en agrippant le marteau. Pointe vers le bas, cherchant sa cible, l’outil passe au-dessus du ventre et se dirige vers le visage. Il entrouvre ses paupières. Rapidement, le métal s’enfonce dans un œil puis dans l’autre. Le corps se cambre. La tête remue, décollant ainsi légèrement le bâillon. Le cri qu’elle arrive à pousser s’accorde parfaitement avec son état d’esprit depuis le début du supplice.

L’homme ne s’arrête pas pour autant. Après avoir replacé le linge entre les dents de sa victime, il racle les restes d’œil de leurs orbites à l’aide du désherbeur. Un mélange de sang, de larmes et de gémissements accompagne son acte. Fatigué, tremblant d’épuisement et de satisfaction, l’homme recule de quelques pas.

Préparez-vous au final.

Deux minutes plus tard, le bourreau réapparaît à moitié nu. Ses fesses musclées exposent une tache de naissance. D’un geste de la tête vers l’objectif, il lance le signal.

Main gauche sur la gorge de la jeune femme, main droite sous son tablier. La première resserre l’étreinte, l’autre fait des va-et-vient. Jouant du collet en fonction de ses sensations, l’agonie de sa victime perdure plusieurs minutes. Les corps finissent par se raidir et se contracter presque simultanément. Mettant un terme à la souffrance pour l’une et à la jouissance pour l’autre.

À travers son masque porcin, l’homme fixe l’objectif.

Très chers, j’espère que vous êtes satisfaits.

2

MARDI 25 JUILLET 2006, 1 H 10.

Après un passage rapide à la salle de bains, l’homme se présente nu devant la chambre de sa mère, celle qui jouxte la sienne. Pour la première fois depuis qu’elle est six pieds sous terre, il en pousse la porte. Aujourd’hui, il a envie de la voir. Aujourd’hui, il a besoin d’affronter son regard accusateur.

La seule photographie encadrée dans cette pièce la représente elle, et uniquement elle. Posant à l’intérieur de la Basilique Saint-Pierre à Rome.

Il fixe le visage de sa mère et ses yeux dépourvus d’âme. Sa vue se trouble un instant, il repense à sa première fois. Il y a douze ans de cela.

Sous le son de Therapy ?, volume à fond, il s’astiquait devant l’une des revues oubliées par son paternel. Les courbes, les positions, dociles, elles lui étaient offertes. Son imagination l’amenait à l’extase. Plus que quelques secondes, quelques mouvements.

Son skateboard s’était abattu sur la chaîne hi-fi. Le choc avait suffi à bloquer le CD et à faire taire le groupe.

L’effet de surprise lui avait fait lâcher prise. Voyant que les yeux de sa mère se remplissaient de colère, l’adolescent avait placé instinctivement une main sur son intimité et une autre au-dessus de son visage.

C’était la première fois qu’il recevait une correction de la part de sa mère et ne savait pas trop comment réagir. Cette besogne avait toujours été édictée par son père, mais depuis son départ, il pensait pouvoir faire tout ce qu’il voulait. En le frappant au niveau de la tête, elle lui prouvait le contraire. Sa main tendue avait absorbé le coup. Deux os des phalanges intermédiaires s’étaient brisés instantanément.

« Les hommes ! avait-elle crié sans lâcher la planche. Tous pareils ! Vous ne pensez qu’avec votre bite !

— Maman ! Pardon ! Pardon !

— Dis-moi un peu ce que j’ai fait de mal ? Dis-moi ce que j’ai raté pour que tu sois aussi dégueulasse que les autres ?

— Mais…

— Tais-toi ! Tu me dégoûtes ! »

Hors d’elle, depuis la fenêtre entrouverte, elle avait balancé la planche dans l’un des arbres du jardin. D’un coup de pied, la chaîne hi-fi était tombée violemment. Alors qu’elle quittait la chambre d’un pas rapide, des éléments métalliques et de plastique s’étaient éparpillés de part et d’autre.

Cette injustice l’avait marqué, il n’avait rien fait de mal. Il essayait de s’en vouloir, mais n’y parvenait pas. Il en voulait à sa mère. L’espace d’un instant, il avait même envie qu’elle meure. Là, juste devant lui. Machinalement, son inconscient empli de visions morbides avait fait réagir son corps, il s’était crispé. Ses poings s’étaient serrés nerveusement, mais la douleur de ses doigts brisés l’avait ramené en un clin d’œil dans sa chambre.

Il avait remis son short et s’était avancé vers la fenêtre. Son skate était bloqué entre deux branches du pommier qui borde, encore aujourd’hui, le fond du jardin.

« Putain, avait-il murmuré.

— Ton langage ! Tiens ! avait-elle hurlé en lui tendant une édition ancienne de la Sainte Bible reliée de cuir. Il est grand temps que tu reprennes tes esprits.

— Mais c’est n’importe quoi ! Hors de question ! »

Sa mère avait prévu sa réaction et avait alors sorti de son dos le martinet familial. Celui-là même qui lui faisait si peur quand elle était encore enfant.

« Tu vas baisser d’un ton mon fils ! avait-elle dit en le frappant plusieurs fois. »

Les lanières de cuir torsadées avaient fouetté aussi bien ses bras, que ses jambes. Son visage non plus n’avait pas été épargné.

« Arrête maman ! Arrête !

— Tu me réciteras des passages tous les jours ! C’est d’accord ?

— Oui, maman. »

Elle avait enfin la réponse désirée. À bout de souffle, elle s’était assise sur le lit de son fils et avait fixé ce dernier avec tristesse.

« Ça va aller, avait-elle dit en joignant les mains pour en remercier le ciel. Ça va aller, mon fils. Range tout ça, je vais aller faire quelques courses. »

Elle avait ramassé les revues érotiques et les avait pliées sous son bras.

« Il y en a d’autres ?

— Non. »

Alors qu’il l’avait entendue s’éloigner dans les escaliers, il avait rapidement replacé sous le lit le reste des revues que son père cachait dans une vieille farde en carton. Tenant la Bible près de son torse, il était descendu à son tour, atteignant le rez-de-chaussée au moment où sa mère avait fermé la porte derrière elle. Elle portait au bras le panier pour les commissions.

Il s’était rendu dans le jardin après le départ de sa mère. Branche par branche, il était monté dans le pommier pour y récupérer son skate. Du bout des doigts, il avait tenté de l’atteindre. Le touchant à peine, il avait pivoté, délivrant un liquide jaunâtre et blanc.

Gabriel en avait reçu sur ses cheveux et entre les yeux. Quelques gouttes allant jusqu’à toucher ses lèvres heureusement fermées. Gardant son calme malgré l’odeur qui s’était alors dégagée de son visage, il avait décroché sa planche et avait tenté de se nettoyer. Ne réussissant qu’à étaler les fientes encore chaudes.

Dégoûté, écœuré, il s’était mis à chercher plus haut et avait trouvé un nid et quatre oisillons hurlant de faim. Son corps s’était contracté. Il avait ressenti alors quelque chose de nouveau en lui, de la haine, une rage enfouie prenant le contrôle.

Dans un élan de colère, il avait décidé d’emporter la construction. Une fois au sol, il avait pris chaque petit, un par un, dans le creux de sa main. Il les avait jugés un instant avant de les écraser doucement dans sa paume. Son visage avait marqué un rictus en entendant les os fragiles se briser.

Une fois les piaillements éteints, il s’était étonné de se sentir aussi bien. La fureur de sa mère avait une échappatoire, une évasion permise qui lui avait offert la position du Dieu que celle-ci aimait tant.

« Un amour pas vraiment réciproque hein ?! Puisqu’il t’a laissée crever à petit feu », dit-il devant le cadre. La fine vitre placée devant la photo lui renvoie soudain son reflet.

De nouveau cette sensation. De sa main gauche, paume ouverte, il frappe le visage de sa mère de toutes ses forces. La vitre se brise. Des petits éclats jonchent le sol à quelques centimètres de lui.

Le rythme de sa respiration diminue. Il descend prendre une bouteille de whisky avant de revenir admirer l’effet étoilé couvrant maintenant la totalité de la photographie. Plusieurs grandes lampées en bouche sans sourciller. Son menton tremble, il s’effondre en larmes.

« Maman, regarde ce que tu m’as fait faire. »

3

BELGIQUE. GHLIN. CANAL NIMY-BLATON. JEUDI 27 JUILLET 2006, 15 H 37.

La chaleur est accablante. Encore plus aujourd’hui que ces trois derniers jours. Elle n’épargne aucun être, aucun lieu. Le canal ne fait pas exception. La température de l’eau fait remonter toutes sortes de saloperies odorantes à la surface. Des poissons crevés, de la vase, de l’huile de moteur et autres crasses balancées sans scrupule. Le fumet nauséabond qui s’en dégage pique les narines et rend désagréable toute promenade.

Cela n’empêche pourtant pas Bob et Patrick de longer les rives délimitées par des fossés herbeux. Frustré de ne pas être sorti depuis quelques jours, Bob court au gré de ses envies. Irrité par le vrombissement du moteur qui approche, il aboie à l’encontre du bateau de plaisance naviguant à vive allure. Le Speedy porte bien son nom et fend le canal en deux parties.

Les jappements s’amenuisent à mesure que l’embarcation s’éloigne. Patrick admire la houle formée par son passage. C’est à ce moment qu’il la perçoit. Cette masse flottante. Ses cheveux blonds qui ondoient.

Le chien n’y prête pas du tout attention. Mais même s’il est pressé de poursuivre son chemin, il est contraint d’attendre. Son maître n’avance plus. Il contemple cette forme qui s’approche de lui. Happé par le spectacle funeste, il comprend qu’il s’agit d’une femme en début de putréfaction. Mains écartées et pieds attachés, le corps forme une croix. Digne des plus belles représentations bibliques. Surpris, Patrick voit son déjeuner repasser entre ses dents.

Sans comprendre ce qu’il se passe, Bob se précipite pour renifler de plus près la vomissure qui jonche maintenant le sol. Maladroitement, Patrick se redresse en tirant son ami à quatre pattes en plein dedans. Toujours pris de haut-le-cœur, entre ce cadavre qui s’approche et son chien couvert des frites de ce midi, il décroche son téléphone.

***

Quelques instants plus tard, les différents services de secours font route. Patrick doit rester sur place et suivre le corps pour leur indiquer sa position exacte.

Talonner cet amas de chair ne l’arrange pas. En surpoids, attifé de longs cheveux gras et doté d’une vie des plus monotones, cette mésaventure provoque des sensations inédites à ce stéréotype. Pris de vertige, perlé de sueur, il se dit qu’il aurait dû s’écouter et rester au frais plutôt que de sortir cette saleté de clébard. Heureusement pour lui, les pompiers ne tardent pas. Pendant qu’un plongeur s’équipe, entre deux nausées, il guide le reste de la compagnie vers la dépouille. Les policiers font leur apparition à leur tour et descendent sur place d’un pas tranquille. L’un d’eux communique avec la centrale pour confirmer la présence du corps.

Masque, détendeur, combinaison thermique, palmes, l’homme du feu est prêt et se jette à l’eau. Il y fait quelques mouvements vers cette femme pour en saisir l’une des mains. Sauf que celle-ci reste dans la sienne.

Toujours spectateur, Patrick se sent tout à coup accablé par la chaleur, l’odeur et les images immondes qui se gravent dans son esprit. Les intervenants en revanche, ricanent en voyant ce pauvre type virer du pâle au verdâtre.

Le plongeur lance le membre arraché vers la rive avant de traîner le reste par le tronc. Il l’amène à ses collègues qui le sortent et le déposent sur le chemin du halage. Face contre terre, le cadavre présente de multiples plaies dans le dos. Des déchirures.

Les policiers retournent le corps pour tenter de l’identifier. À ce moment, derrière eux, le promeneur régurgite le reste de son repas. Plus personne ne se moque de lui. Tous sont pris au dépourvu. Médusés devant le buste mutilé.

***

Au commissariat, sous deux ventilateurs tournant à plein régime, Matt Leymans épluche de vieilles affaires pour s’en inspirer. Muté depuis quelques jours à la recherche zonale*, il doit tout apprendre du boulot.

Le village de Ghlin ne compte que quelques centaines d’habitants et les crimes de sang y sont rares. Raison pour laquelle lui et son collègue, Yann Lenarte, sont les seuls représentants de la section criminelle. Peu de travail. Beaucoup de temps à combler. Et Matt s’ennuie. Sa dernière affectation lui manque. Son ancienne vie lui manque. Ses songes l’emmènent vers la photo posée à côté de son écran d’ordinateur. Il la revoit. Il l’atteint presque lorsque la sonnerie du poste retentit.

Retour instantané à la réalité.

Lenarte abandonne ses mots croisés pour décrocher. Des bribes de conversations. Canal, corps, mutilations, labo avisé. Une fois raccroché, Yann souffle.

« Fais chier, râle-t-il, il faut que ça tombe en fin de journée. »

Il se lève maladroitement et sort son arme du tiroir. Deux boutons de sa chemise sont à l’agonie. Même debout, son ventre ne désemplit pas.

« Petit, on part ! Une femme repêchée dans le canal. »

Comme un diable sortant de sa boîte, Leymans s’équipe. Arme, menottes, de quoi écrire et se restaurer. Yann ajoute à sa panoplie un appareil photo. Un compact capable de faire une dizaine de clichés avant que la batterie ne lâche.

Trois minutes plus tard, dans la cour arrière du commissariat, Leymans s’installe au volant de l’Octavia noire. Leur unique véhicule banalisé. Comme souvent, ses grandes jambes l’obligent à ajuster la position du siège. Il en fait de même pour les rétroviseurs. C’est la première fois qu’il conduit et Yann doit faire cinquante centimètres de moins.

Durant le trajet, pas un mot. Aucune recommandation. Lenarte fait la gueule parce qu’il sait déjà qu’il va louper le dîner, et Matt repense aux cours de descente sur les lieux. En arrivant sur place, l’enquêteur débutant observe le mur de curieux qui s’agglutine derrière le périmètre de sécurité. Chaque brique voulant satisfaire sa curiosité malsaine. Les voyant approcher, un policier leur crée un passage.

La scène est impressionnante. Même pour Lenarte. L’officier responsable lui fait son rapport. Absorbé par l’état de la dépouille, Matt n’écoute rien. Les disques de chair remplaçant la poitrine le fascinent. Il s’avance pour mieux juger des mutilations lorsque son supérieur le rappelle à l’ordre. Devant tout le monde.

« Petit ! Écarte-toi de là ! Tu veux polluer les traces ou quoi ? Fais quelques photos avant que cette foutue chaleur ne fasse effet. »

Le visage fermé et le regard froid, le jeune homme obéit.

Dans la foulée, Lenarte ordonne à une équipe de faire le tour des quais, des routes et de tous les endroits permettant de se débarrasser du corps. Il rappelle aussi le labo qui n’est pas encore sur place.

Moins de dix minutes plus tard, la scientifique commence les divers prélèvements sous les engueulades du chef de descente. Hors de la fraîcheur relative de l’eau, la putréfaction s’accélère. Le corps gonfle et devient méconnaissable. Du liquide visqueux suinte des pores rendant le taping difficile. Les bandes autocollantes n’adhèrent pas vraiment. Matt reçoit alors un coup de coude de son coéquipier.

« Tu vois que les clichés étaient nécessaires, lui dit Yann.

— Oui. C’est mon premier cadavre immergé.

— L’expérience est une lanterne qui n’éclaire que celui qui la porte, et tu as encore du boulot, petit. »

Trop occupé à s’en prendre plein les yeux, Leymans ne rétorque pas. Il s’approche pour donner un coup de main, mais les opérateurs scientifiques le refoulent gentiment. « Sans protection, le risque de contamination est trop grand, lui assène Yann. Pas de combinaison, pas d’examen du corps sur la scène de crime. Laisse-les bosser ».

Matt sait que c’est une remarque justifiée, mais le ton de son collègue commence à l’énerver. Après quelques secondes d’hésitation, il opine et s’écarte.

Moins d’une heure plus tard, le laboratoire termine son travail sur le cadavre. Les pompes funèbres peuvent le transférer au funérarium. En silence, les enquêteurs et le laboratoire suivent le véhicule mortuaire. La perspective de l’autopsie ordonnée par la juge ne les enchante pas. C’est également le cas pour le légiste requis, Robert Dessilly.

Proche de la pension, celui-ci en a marre de découper des corps en morceaux. Il aimerait passer le relais, mais les prétendants sont loin de se bousculer au portillon. Ses cheveux blancs, sa maigreur et son visage marqué, sont les conséquences indirectes de ce qu’il a déjà vu et l’alcool ne lui apporte plus la même tranquillité d’esprit qu’avant.

À peine arrivé, comme un rituel d’avant bal, le médecin réclame ses deux whiskys dry et quelques minutes pour les déguster. Pendant ce temps, le croque-mort commande quelques pizzas à offrir à la magistrature présente et aux forces de l’ordre. Sous les yeux ébahis de Matt, chacun prend des forces avant d’entrer dans la salle de thanatopraxie dont les extracteurs d’air sont déjà en fonction.

La dépouille repose sur une table métallique agrémentée d’évacuations pour les liquides et de divers récipients. À côté, des instruments mécaniques ou électriques sont à disposition. Le tout sous une lumière vive et blanche, qui contraste avec la décoration sobre du funérarium. Matt plisse les yeux pour s’y habituer.

« Je ne vois personne de la judiciaire fédérale, dit le légiste, nous les attendons ?

— Du tout, nous pouvons y aller, répond la juge. »

Quelques minutes plus tard, la cage thoracique de la dépouille ressemble à un papillon déployant ses ailes d’os et de sang. Le praticien incise au bistouri des endroits pouvant présenter des hématomes. Sur le bras gauche, des traces de piqures. L’opérateur du labo scientifique les photographie. Profitant du gonflement des tissus, il réalise une découpe circulaire autour des poignets. La peau se décolle. Il la retourne et l’enfile comme un gant.

Stupéfait par la manœuvre, Leymans laisse échapper un « putain de merde ».

Dessilly le considère un instant.

« C’est une méthode que j’ai apprise lors du tsunami. À part sectionner les phalanges, il n’y a pas plus rapide pour relever les empreintes. »

Le médecin poursuit son ouvrage. Il lève une paupière. La profondeur de l’orbite et les dégâts sur les tissus ne peuvent signifier qu’une chose : l’œil a été arraché avant l’immersion. Pour s’en assurer, il vérifie l’autre côté. Même constat. Le sondage du bol alimentaire révèle l’absence de nourriture. Les poumons ne présentent que très peu de liquide.

« Morte avant d’être jetée à l’eau ? »

L’attention de chacun se porte vers celle qui vient d’interrompre le légiste. Charismatique, grande, la juge Julia Pages arbore une robe florale qui dénote avec l’ambiance austère dans cette salle.

« Elle fait partie des limiers dans la profession. C’est une bosseuse qui obtient toujours ce qu’elle veut », avait averti Yann lors de son arrivée au funérarium. Matt comprend maintenant ce qu’il voulait dire.

« Tout à fait, acquiesce le docteur.

— Quels sont vos premiers constats ? demande-t-elle.

— Bon, il y a des traces d’anciennes coupures que l’on peut distinguer au niveau du fessier et des cuisses. Les tibias et les genoux ont été brisés à l’aide d’un objet contondant. L’ablation des seins, les énucléations oculaires, la déchirure anale ont été réalisées avec des instruments ménagers ou des outils de jardin. Rien de chirurgical. Ce n’est ni assez précis, ni assez net pour y songer. »

Elle s’avance pour mieux observer le corps.

« Vous pourriez en dire plus sur cette mutilation anale ?

— Causée par un mouvement extérieur avec une espèce de scie à bois. Vous voyez ? L’insertion coupe, mais l’extraction arrache les chairs. »

La juge a un frisson. La mine dégoutée, elle porte sa paume devant sa bouche.

« Merveilleux… souffle-t-elle. La cause du décès ?

— Asphyxie. On constate des marques de strangulation causées par un gaucher. Impossible de voir les conjonctives oculaires vu l’absence des yeux, mais… Un instant. »

Dessilly lève la coupelle contenant la cervelle et l’exhibe sous le nez de la jeune femme.

« Ici, le manque d’oxygénation, vous voyez les pétéchies céphaliques ?

— Oui, oui, grimace-t-elle, j’ai compris. Quand est-ce qu’on aura les résultats de l’examen toxicologique ?

— Dans deux ou trois jours maximum. Même chose pour les autres substances que j’ai pu extraire.

— Très bien. La date de la mort ?

— Ce lundi, peut-être dimanche. Les analyses apporteront plus de précisions.

— D’accord. J’attends votre rapport papier, mais avisez-moi au plus vite pour les résultats.

— Comme d’habitude, madame. »

La juge observe les deux enquêteurs.

« Messieurs, lance-t-elle, vous me dites si vous avez quelque chose.

— Comment ça ? s’étonne Yann. Vous voulez dire que l’enquête est pour nous ? Le protocole dit pourtant que c’est à la fédérale de reprendre.

— Pas cette fois. Vu qu’elle est débordée, c’est l’occasion de mettre en avant votre service. J’espère ne pas le regretter. Vous vous en sortirez ? »

Lenarte acquiesce en cachant sa stupéfaction. C’est une première pour lui, une preuve de confiance et il s’en gonfle d’orgueil.

« Faites un appel à témoin, poursuit Pages, uniquement sur la chaîne locale. Si c’est négatif, on étendra. Je suis disponible toute la nuit. Nous devons savoir si nous avons affaire à un crime passionnel ou à un prédateur qui recommencera. »

Elle pointe du doigt la dépouille.

« La priorité est de mettre un nom sur ceci. »

Après quelques mises au point sur le rôle de chacun, tout le monde quitte la salle. Pendant que le légiste remet les morceaux d’organes plus ou moins d’où ils viennent et recoud l’ensemble avant de le placer au frigo, Matt et Yann sortent du funérarium la boule au ventre.

Le premier rongé par l’excitation, le second par la pression.

« Petit, tu as entendu Pages ? On n’a pas intérêt à merder. »

* Service d’enquête judiciaire principalement cantonné à une ville ou à une zone composée de plusieurs villes.

4

HÔTEL DE POLICE DE GHLIN. 21 H 37.

La pénombre s’approprie lentement l’horizon. Des phares éclairent soudain le parking du commissariat. Une voiture s’arrête sur l’un des emplacements vides. Ils le sont tous à cette heure-ci. Steven Wagner coupe le moteur et descend. Sa fille dans les bras, il se rend à l’accueil.

Matt travaille encore. Personne ne l’attend à la maison. Sous la lumière d’une vieille lampe, il analyse les clichés pris par le labo. Chaque plaie, chaque mutilation. Il s’en imprègne. Absorbé, il sursaute lorsque la porte s’ouvre violemment.

« Matt, un homme pour toi à l’accueil ! Il dit que c’est son épouse aux infos. »

Nerveuse, Florine crie sans s’en rendre compte. La découverte de ce corps meurtri a ébranlé la population et leur division encore plus. Surtout depuis qu’ils ont hérité de l’enquête. La presse s’en donne à cœur joie et personne ici n’est habitué à une telle pression.

« Demande-lui de patienter un peu. J’appelle Yann et j’arrive. »

La jeune recrue repart en courant. Tandis que les bruits de pas s’éloignent, Matt compose le numéro de son collègue.

« Allô ?

— Yann ? C’est Matt. Le mari est ici. »

Quelques secondes de silence.

« Yann ? Allô ?

— Ouais, je réfléchissais. Tu sais quoi ? Arrête-le !

— Quoi ? Pourquoi ?

— Un meurtre, c’est toujours la même chose. Soit c’est le fric, soit c’est le cul. Le mari est le suspect numéro un. Il ne repart pas sans qu’on l’auditionne ! Compris ?

— Oui, mais… tu reviens ?

— Évidemment ! soupire Yann. Qui d’autre va l’entendre ? Laisse-moi une demi-heure.

— Très bien, je… »

Lenarte a déjà raccroché.

Matt prend quelques inspirations avant de se diriger à son tour vers l’accueil. À travers la porte du sas, il observe un instant ce type costaud au crâne rasé. Assis sur l’une des chaises de la salle d’attente, il semble fixer quelque chose ou quelqu’un.

« Bonsoir monsieur », lance Matt en entrant.

Steven lui fait face. Une poignée de main rapide avant de poursuivre.

« Si j’ai bien compris, vous êtes le mari de la victime ? »

L’homme désigne la fillette se tenant derrière lui. Matt ne l’avait pas encore vue. Blonde aux yeux bleus, Converses aux pieds, elle porte une robe avec des motifs représentant toutes sortes d’animaux, des dessins enfantins.

« C’est ma fille, Lexie. Est-ce qu’on pourrait l’occuper un peu ? Je ne veux pas la traumatiser davantage. »

Matt acquiesce et demande à Florine de l’emmener faire du coloriage dans l’une des salles d’audition pour mineur. Avant de la lâcher, Steven l’enlace pour la réconforter.

« N’aie pas peur ma puce, chuchote-t-il, va jouer avec la dame. Je n’en ai pas pour longtemps. »

Main dans la main, la petite disparaît dans les couloirs.

Les deux hommes prennent le chemin opposé et entrent dans une salle d’audition. Steven s’assied et sort une photographie.

« Le cliché a été pris l’année passée à Disneyland. On y fêtait les quatre ans de la petite, dit-il. Au centre, c’est Karen, ma femme. »

Matt l’examine. De son vivant, Karen était sublime. Des yeux clairs, grande, souriante et au look décontracté. La petite lui ressemble énormément.

« C’est elle ? demande l’époux. N’est-ce pas ? »

Le flic opine timidement. Steven pousse un râle et plonge sa tête entre ses mains. Ne sachant pas comment réagir, l’enquêteur lui demande de patienter.

***

Les minutes passent. Café en main, Steven attend. La vitre sans tain reflète son image fatiguée. Ses pensées vont et viennent, de sa femme à sa fille. Des larmes mouillent le bas de ses yeux. Il a envie de serrer Lexie dans ses bras et de rentrer chez lui.

Mais il sait qu’il va d’abord devoir répondre aux questions des enquêteurs et prendre son mal en patience. À vingt-deux heures trente précises, ceux-ci entrent enfin dans la pièce. Yann entame le dialogue.

« Monsieur Wagner, bonsoir. Tout d’abord, je tiens à vous présenter mes sincères condoléances.

— Merci.

— Je suis le responsable de l’enquête, Yann Lenarte. Mon collègue et moi-même avons quelques questions concernant le décès de Karen Wagner.

— De mon épouse. »

Matt s’installe derrière le clavier tandis que son acolyte poursuit.

« Voilà ce que nous savons de vous, Wagner Steven, né le 2 février 1972. Vous avez mis fin à votre carrière policière en venant vous installer à Ghlin avec votre famille. Et vous êtes actuellement employé chez un concessionnaire auto. C’est juste ?

— Oui, j’étais collègue au service intervention à la capitale.

— Étiez-vous séparés ?

— Non, absolument pas. Pourquoi vous me demandez ça ? »

Matt tape les réponses.

« Quand est-ce que vous l’avez vue pour la dernière fois ? enchaîne-t-il sans répondre.

— C’était lundi matin.

— Lundi ? s’étonne Yann. Comment est-ce possible ? »

Le visage de Steven se referme. Il poursuit.

« De retour du boulot samedi soir, un voisin est venu me voir. Il m’a dit qu’il soupçonnait ma femme de me tromper. Il n’a pas voulu me dire avec qui. Il voulait juste m’avertir. Du coup, je suis rentré et je me suis disputé avec Karen. Le lendemain, nous avons continué à discuter pour arranger les choses et pour moi, c’était vraiment le cas. Je ne suis pas toujours présent à cause du travail et quelque part, on peut tous faire des erreurs non ? Lundi matin, Karen dormait encore quand je suis parti conduire Lexie à l’école. Je pensais que c’était réglé sauf que dans l’après-midi, une institutrice m’a appelé pour me demander de venir la chercher. Karen n’était pas passée la reprendre comme convenu. »

Lenarte se redresse légèrement sur sa chaise.

« Était-elle une bonne mère ? »

La surprise se marque sur le visage de Steven.

« Oui, répond-il, une mère fabuleuse. Pourquoi ?

— Monsieur Wagner, lance Yann, entre nous, c’est tiré d’un mauvais polar votre truc. Personne ne quitte sa maison comme ça et certainement pas une bonne mère de famille. Vous devez le savoir non ? Vous avez été flic. Disparition inquiétante, ça ne vous dit rien ? »

C’est en général le moment préféré de Yann. Celui où il arrête de faire le gentil et le niais pour retourner ses propres mensonges contre le suspect. Steven comprend alors qu’il est considéré comme tel. Il baisse la tête et fixe la chaise métallique sur laquelle il est assis. L’enquêteur sait que personne n’aime les blancs dans une conversation. Il le laisse venir. Sauf qu’ici, ce n’est pas le cas, Steven reste de marbre.

Coincé dans son rôle de dactylo, cette attitude intrigue le jeune Matt. Il s’impatiente et son corps le trahit. Il remue sans cesse. Yann pose une main sur la jambe de son coéquipier pour qu’il comprenne de tenir encore un peu.

Steven finit par regarder les enquêteurs.

« Je dois me considérer comme suspect ?

— Pourquoi vous demandez cela, monsieur Wagner ? répond Yann.

— Votre remarque, votre attitude. Aussi parce que dans la majorité des crimes sexuels, ce sont les maris qui sont suspectés.

— Pas simplement suspectés, monsieur, mais auteurs des faits. »