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Le samedi 23 avril 1895, Mme Violet Smith vient au 221B Baker Street pour s'entretenir avec Sherlock Holmes d'une affaire qui l'intrigue. La jeune femme explique être une enseignante en musique issue d'une famille pauvre depuis la mort de son père plusieurs mois auparavant.
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Seitenzahl: 38
Veröffentlichungsjahr: 2020
Arthur Conan Doyle
De 1894 à 1901 inclus, M. Sherlock Holmes fut très occupé. On peut affirmer sans crainte qu'il n'y eut pas, au cours de ces huit années, une seule affaire épineuse au sujet de laquelle la police officielle ne l'ait pas consulté et il y eut en outre des centaines d'enquêtes particulières, certaines fort compliquées et extraordinaires, dans lesquelles il tint un rôle éminent. Nombre de succès sensationnels et tout juste quelques inévitables échecs résultèrent de cette longue période de travail assidu. Comme j'ai conservé des notes très complètes concernant chacune de ces enquêtes et que j'ai participé à quantité d'entre elles, on conçoit que j'éprouve quelque difficulté à savoir lesquelles choisir pour en donner connaissance au public. Je resterai, néanmoins, fidèle à ma règle habituelle, qui consiste à accorder la préférence aux affaires dont l'intérêt provient moins de la sauvagerie du crime que de l'ingéniosité et de l'imprévu de la solution. C'est pour cette raison que je vais exposer au lecteur les faits relatifs à Mlle Violette Smith, la cycliste solitaire de Charlington, et les suites curieuses qu'eurent nos investigations, qui s'achevèrent par une tragédie inattendue. Il est exact que les circonstances ne se prêtèrent pas à une démonstration frappante des dons qui ont rendu illustre mon ami Holmes, mais il n'y en eut pas moins certains points qui font que cette enquête mérite une place à part dans la masse de documents qui retracent une longue période d'activité policière et d'où j'extrais les éléments de ces petits récits.
En me reportant à mes notes de l'année 1895, je constate que c'est le samedi 23 avril que nous avons pour la première fois, entendu parler de Mlle Violette Smith. Sa visite fut, je m'en souviens, fort mal accueillie par Holmes, alors absorbé par un problème très compliqué et hermétique qui résultait des singulières persécutions auxquelles s'était trouvé en butte le célèbre magnat du tabac, Vincent Harden. Mon ami, qui aimait par-dessus tout à penser avec précision et concentration, voyait d'un mauvais oeil tout ce qui distrayait son attention du problème à l'étude. Et pourtant, à moins de déployer une rudesse qui n'était pas dans sa nature, il était impossible de refuser d'écouter la splendide jeune femme qui, grande et gracieuse, se présenta un soir, très tard, à Baker Street pour solliciter l'aide et les conseils de Holmes. Il était vain de lui faire ressortir que tout son temps était pris, car la jeune personne était venue avec la ferme intention de raconter son histoire et il devint vite évident que seule la force parviendrait à l'expulser de la pièce avant qu'elle n'eût fait son récit. Avec un air résigné et un sourire quelque peu las, Holmes pria la jolie intruse de prendre un siège et de nous informer de ce qui la préoccupait.
– Ce n'est toujours pas votre santé, dit-il en l'étudiant du regard, car une cycliste aussi fervente doit déborder de dynamisme.
Elle considéra d'un air surpris ses chaussures et j'y remarquai, sur le côté de la semelle, les légères rugosités causées par le frottement de la pédale.
– Il est vrai que je fais pas mal de bicyclette, reconnut-elle, et le fait n'est pas étranger à ma visite d'aujourd'hui.
Mon ami s'empara de la main dégantée de la jeune femme et l'examina avec une attention aussi concentrée et avec aussi peu de sentiment qu'un savant en apporte à l'étude d'une pièce anatomique.
– Vous m'excuserez, j'espère. Le métier, n'est-ce pas ? dit-il en lâchant sa main. J'ai failli faire l'erreur de croire que vous faisiez de la dactylographie. Naturellement, c'est de la musique, ça saute aux yeux. Vous remarquez, Watson, l'extrémité spatulée des doigts, qui est commune aux deux professions ? Il y a pourtant, dans le visage, une spiritualité – il lui fit doucement tourner la figure vers la lumière – que n'engendre pas la machine à écrire. Cette dame est musicienne.
– Oui, monsieur Holmes, j'enseigne la musique.
– A la campagne, je présume, si j'en juge par votre teint ?
– Oui, monsieur, près de Farnham, aux confins du Surrey.
– Une région magnifique et associée à un tas de choses intéressantes. Vous vous rappelez, Watson, que c'est près de là que nous avons pris Archie Stamford, le faussaire ? Eh bien, mademoiselle Violette, que vous est-il arrivé près de Farnham, aux confins du Surrey ?
La jeune femme, avec beaucoup de clarté et de sang-froid, nous fit le récit curieux que voici :
– Mon père, James Smith, est mort, monsieur Holmes. Il était chef d'orchestre au vieux Théâtre Impérial. Ma mère et moi, nous sommes, à son décès, restées sans un parent au monde, en dehors d'un oncle, Ralph Smith, qui est parti pour l'Afrique il y a vingt-cinq ans et dont on n'a pas eu de nouvelles depuis. Quand papa mourut, nous étions très pauvres, mais un jour on nous signala qu'une annonce dans le Times