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C'est la terreur qui se lit dans leurs regards et l'effroi qui leur glace le sang... Adrien veut se ressourcer avec Pierre et Sébastien. Ce qu'il pensait être des vacances avec ses amis de toujours, se transforme en un véritable cauchemar. La forêt de l'Ombre, immense et belle, s'avère être le théâtre de l'abomination.
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Seitenzahl: 194
Veröffentlichungsjahr: 2021
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Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Il arrive parfois que des choses extraordinaires auxquelles vous ne vous attendiez pas fassent irruption dans votre vie. Extraordinaire ne veut pas dire forcément agréable, géniale, non parfois cela peut vouloir dire, effrayant, terrifiant, voire improbable ou surréaliste. Des événements qui peuvent changer le cours de votre vie que vous pensiez toute tracée ou presque, bien sûr. Des expériences qui vous obligent à revoir vos convictions les plus profondes, vos à priori, vos doutes.
L’aventure est souvent associée au fait de ne rien préparer à l’avance ; c’est parfois en se lançant dans l’inconnu que l’on peut se rendre compte de ses réelles capacités à affronter l’imprévisible. À faire face à des choses nouvelles, à s’adapter, à sortir de sa zone de confort. En bref à se surpasser. L’aventure ! Un mot qui sonne beau à nos oreilles ! Qui nous fait rêver ! Qui nous emmène vers des pays idylliques ! Et pourquoi ? Car l’aventure peut être là, devant notre porte ou en tout cas pas très loin. Mais il arrive parfois aussi, que la seule chose dont nous ayons envie ou besoin c’est, la tranquillité ! Et c’est l’aventure cette fois qui s’impose à vous…
C’était le réveil, avec sa sonnerie un peu agressive, qui me sortait de mon sommeil, ce matin-là. Contrarié par la rupture un peu brutale d'avec mon amie Lucie, la nuit avait été perturbée par de nombreux cauchemars. Ce n’était pas que je tenais à elle particulièrement, mais disons-le clairement, c’était la première fois que je me faisais jeter de la sorte. Et c’est cet événement inattendu qui me m’avait donné l’envie de me ressourcer. Événement triste certes, mais pas tragique non plus, il ne faut rien exagérer !
Je vis dans une banlieue paisible de Paris et j’apprécie le calme qui règne dans mon appartement quand mon amie Lucie n’est pas là. La solitude ne me fait pas peur, bien au contraire ; j’ai besoin de ces moments où je suis seul. Et la nature, comment vivre sans elle ? C’est pour moi une nécessité, c’est au milieu d’elle que je peux me ressourcer et réfléchir. C’est important pour moi de m’éloigner de la ville quand j’en ressens le besoin. Je me trouve chanceux de pouvoir le faire, non pas de fuir mais de m’évader un peu. Je suis un peu introverti et c’est dans la pratique d’un art martial, depuis une dizaine d’année et dans le tennis que je me défoule. Le sport avec lequel je fais ressortir tout ce que j’ai du mal à exprimer la nervosité, la colère parfois. Cela dit j’aime la compagnie. Je vois régulièrement mes parents et ma sœur qui vivent à quelques kilomètres de chez moi. Nous avons l’habitude de nous retrouver tous les quatre une fois par semaine devant un bon repas, le plus souvent au restaurant. C’est toujours avec plaisir que nous nous revoyons. Chacun raconte sa semaine et bien sûr, à chaque fois les anecdotes du passé refont surface. C’est une routine qui a quelque chose de réconfortant…
Pour la petite histoire donc, je fréquentais Lucie depuis cinq mois environ. Nous n’avions pas énormément de points communs tous les deux. Chose que je n’avais pas vu tout de suite. Je l’avais rencontrée quand je faisais quelques courses. Elle a fait tomber un paquet de pâtes que j’ai ramassé et de là est partie l’histoire. C’est dingue comme une chose au départ on ne peut plus banale, peut changer le cours de votre vie. Lucie était une jolie fille, une citadine qui n’aimait ni le camping, ni les promenades en forêt et encore moins le sport. Elle travaillait dans un journal, plus précisément, elle écrivait des articles dans un magasin destiné essentiellement aux femmes. Toujours habillée sur son trente et un, bien maquillée, un peu trop parfois à mon goût, les ongles peints d’un rouge écarlate, perchée sur des hauts talons de douze centimètres. Chose qui pour moi ressemblait plus à de la torture qu’à de la coquetterie.
Elle détestait tout ce qui l’éloignait de son monde, à savoir, la mode. Elle était extravertie et tellement sûre d’elle, que cela lui donnait cet air prétentieux. Elle parlait beaucoup et surtout de son travail qu’elle aimait pardessus tout, ce qui n’était pas un mal en soi. Mais son air supérieur avait tendance à m’exaspérer. Elle rendait visite à ses parents qui habitaient à Bordeaux quand elle le pouvait, mais c’est avec moi qu’elle passait presque tout son temps libre. Nous partagions les mêmes goûts pour les bons restaurants et allions au cinéma une fois par mois. Chacun devant faire plaisir à l’autre ; elle aimait les films drôles ou d’aventures et moi les films de science-fiction ou qui relatent des faits historiques. J’avoue qu’il m’arrivait souvent de me demander pourquoi je restais avec cette fille ; je l’aimais bien mais… et c’est ça le problème, il y avait un « mais ». Á chaque fois que nous discutions, les choses prenaient une mauvaise tournure.
Elle me reprochait de passer plus de temps avec mes amis plutôt qu’avec elle ou de faire du sport…Ces reproches finissaient souvent de la même manière, en dispute. Enfin, généralement la crise ne durait pas longtemps, mais petit à petit, il était évident que l’une demandait peut-être un peu trop à l’autre. Puis un jour, la rupture ! Je ne saurais vous donner la raison, parce que nous venions de passer quelques jours de façon plutôt agréable. Alors pourquoi m’envoyer un message et me sortir toutes sortes de vacheries et me dire que tout était fini entre nous ? Quel a été l’élément déclencheur à ce moment précis ? Je n’en ai aucune idée. Mais j’avoue que même si la manière n’y était pas dans sa façon de rompre, j’ai ressenti un petit soulagement ; j’aimais sa compagnie, mais je n’avais aucun mal à m’en passer. Et devrais-je me sentir obligé de choisir entre elle et mes amis d’enfance ? Non, sûrement pas. De toute façon, le choix était pour moi sans équivoque, l’amitié, c’est sacré ! Bien évidemment, je ne suis pas parfait alors, disons que nous avions chacun notre part de responsabilité.
Je connais Pierre et Sébastien depuis toujours ou presque. Nous sommes liés par une amitié indéfectible depuis l’école primaire. Nous aimons nous retrouver tous les trois pour nous remémorer des moments heureux de notre enfance et adolescence. Nous avons fait les quatre cents coups ensemble et nous sommes de grands compétiteurs en matière de drague. Pierre et moi avons fait les études ensemble pour être dentistes et Sébastien est médecin. Plus que des amis, nous sommes des frères. On peut tout se dire, se disputer et même lorsque que l’on ne peut pas se voir, nous nous parlons au téléphone. Bref, il est difficile de se séparer des personnes qui vous connaissent le mieux finalement. Peu après la rupture d’avec Lucie, j’ai demandé à mes deux amis, s’ils seraient intéressés de faire un petit séjour au milieu de la nature pendant quelques jours avec moi, pour un vrai dépaysement :
— Adrien, tu peux me décrire la destination, que je visualise un peu ? me demande Sébastien.
— C’est dans un refuge en Bretagne !
— Bon, si c’est en Bretagne alors !
Nous nous étions mis d’accord sur une date et attendions le jour J avec impatience…
La veille du départ tout était prêt dans le grand 4X4 de Pierre. Vivres, sacs de couchage, lampes torches, allumettes… Enfin bref, nous avions pensé à tout pour faire face à toutes les situations, l’habitude sûrement. Pierre et Sébastien ont dormi chez moi le soir avant le départ, pour le côté pratique. C’est vers dix heures trente comme convenu, que nous partons pour la Bretagne. Le voyage s’est passé sereinement et après environ six heures de route, nous sommes enfin arrivés au refuge.
— C’est magnifique, j’adore ! Et pratique en plus ! On peut aller faire les courses s’il nous manque quelque chose ! Bien vu Adrien, là tu marques un point déclare Pierre de bonne humeur. La Bretagne est vraiment une belle région. Tu es déjà venu ici ?
— Non, c’est la première fois. Je ne suis pas déçu. Le refuge là, c’est un vieil homme qui l’a construit tout seul d’après ce qu’on m’a dit. Au départ, le maire n’était pas d’accord pour le laisser s’installer ici, mais a fini par céder au mauvais caractère du solitaire. Il y a l’électricité et l’eau. Apparemment c’était un original qui boudait la ville et ses habitants, mais qui n’avait pas tourné le dos à son confort. Il est mort depuis plusieurs années.
En vérité, le refuge en bois ne dénature en rien le lieu. Au contraire, il est en harmonie avec le paysage. Il se trouve à l’orée du bois et l’homme qui l’a construit devait être adroit de ses mains, car c’est une petite maisonnette plutôt bien bâtie. L’entrée donne sur un couloir qui débouche sur une cuisine carrée pas très spacieuse, avec au centre une table ronde en bois et quatre chaises. Contre le mur de gauche sont installés un réfrigérateur ainsi qu’une machine à laver. Sous la fenêtre, face à l’entrée au fond de la pièce, il y a un évier en émail et à côté, une petite gazinière. Sur le mur de droite, un meuble pour ranger la vaisselle. La chambre est composée d’un lit à deux places, d’une armoire et sous la fenêtre une banquette assez large pour y dormir. Il y a une salle d’eau avec seulement une douche et un lavabo avec un miroir au-dessus et à côté, un meuble plus haut que large. Les toilettes sont un peu plus loin dans le couloir. L’essentiel y est. Rien de superficiel ne prend de place ; sobre mais coquet. Les araignées qui ont investi les lieux, ont tissé leurs toiles dans tous les coins, ainsi que sous la table et les chaises. Des cadavres de petits insectes gisent un peu partout dans le refuge.
— Bon, ce que je sais aussi, dis-je, c’est qu’il va falloir ramasser les affaires du bonhomme et les mettre dans un sac plastique et faire un peu de ménage. Cette maison est inoccupée depuis pas mal de temps et ça sent le renfermé.
— Ils auraient pu envoyer quelqu’un pour nettoyer avant notre arrivée. D’autant qu’ils nous enverront la facture avant notre départ, je suppose ? Et sans vouloir me montrer rabat joie, comment se fait-il que personne ne soit venu prendre les affaires du Monsieur ? Est-ce qu’on t’a donné des précisions à ce sujet ?
— L’homme en question n’a semble-t-il, pas de famille. Quant au refuge, il n’appartient et n’intéresse personne. Mais tu as raison Sébastien, ils auraient pu au moins faire le ménage. En dehors de ça, je suis tombé par hasard sur une photo, je ne sais plus où et j’ai eu un petit coup de cœur. J’ai téléphoné à la mairie et on m’a répondu que nous aurions que l’eau et l’électricité à payer. Pas mal non ?
— Et toi, Adrien, bien sûr tu ne trouves pas ça bizarre ?
— Non !
C’est ma seule réponse à Sébastien qui a toujours eu une fâcheuse tendance à voir des bizarreries là où il n’y en a pas. Il adore ça.
Après quelques toussotements, l’eau des robinets est sortie avec une couleur douteuse, puis claire. Deux bonnes heures de ménage plus tard, nous avons pris une douche et nous nous sommes installés autour de la table ; du saucisson, du fromage, du pain et du vin pour notre premier repas.
— Mais ta dulcinée, qu’est-ce que tu en as fait Adrien ? Elle te reproche de passer trop de temps avec nous. Elle…
Et voilà c’est parti pour l’interrogatoire ! Bizarre, je pensais que ce serait Pierre qui m’aurait interrogé en premier sur Lucie ; il ne l’appréciait pas du tout et l’évitait le plus possible quand nous nous fréquentions.
— Nous avons rompu. Il n’y a rien d’autre à ajouter.
— Comment ça, vous avez rompu ? Et quand ?
Je décide de ne pas répondre, non mais, de quoi je me mêle !
— Ah, mais non voyons, Pierre, ils n’ont pas rompu ! Il s’est fait jeter. Mais bien sûr, c’est ça elle t’a largué ! Je me disais aussi qu’il y avait un truc qui ne tournait pas rond chez toi. Oh ! Il s’est fait jeter ! Et Monsieur n’a pas l’habitude ! Monsieur est vexé ! On ne laisse pas Monsieur sur la touche !
— Bon, on ne va pas polémiquer là-dessus, elle m’a largué et je n’en suis pas malade. Je n’ai rien à dire de plus.
— Elle n’était pas faite pour toi cette bonne femme. C’est une citadine pure et dure. Et elle n’aimait ni le sport, ni le camping… En fait, elle détestait tout ce que toi tu aimes. Et puis c’était une prétentieuse que j’avais du mal à supporter. Tu n’as rien perdu sur ce coup-là mon pote ! Je dirais même qu’elle t’a rendu un fier service.
Il fait nuit dehors et la fatigue commence à se faire sentir. Je décide de laisser le lit à mes amis. Ils se sont installés dans leur sac de couchage, personnellement j’ai envie de profiter encore un peu de la soirée.
— Mais qu’est-ce que tu fais à côté de moi ? Recule, encore, encore je te dis. Voilà c’est bien.
— Je sens qu’il se passe un truc pas normal. Je le sens je vous dis !
— Oh Sébastien ! Change de refrain tu veux bien ! Les fantômes n’existent pas, tout comme le père Noël !
— Oups, tu n’aurais pas dû lui dire pour le père Noël, dis-je avec un clin d’œil.
— Je n’ai pas peur. Je n’aime pas cet endroit, c’est tout !
Nous avons un long fou rire et continuons pendant un moment à taquiner Sébastien, vexé. C’était une soirée très agréable, pour tous les trois dans ce refuge, à se rappeler des petites anecdotes du passé. Faire une pause avec le travail et famille pendant quelques jours, nous fera du bien. Laisser les soucis derrière nous et profiter de la vie ! Voilà ce que nous attendions de ces quelques jours de vacances !
L’air était assez doux, mais en fin de journée, il s’était chargé d’humidité et malgré le ménage, le refuge sentait encore le renfermé. Un léger vent s’était levé qui faisait tressaillir les feuilles des arbres.
Dans l’obscurité, les bruits semblent amplifiés comme le cri perçant des oiseaux qui traversent le ciel. On peut deviner que dehors, dans la nuit, tous ne dorment pas. Cette ambiance aurait quelque chose d’inquiétant pour certaines personnes, à moi elle m’apaise. J’ai toujours aimé me retrouver au milieu la nature, depuis ma plus tendre enfance. Toucher les arbres, respirer le parfum des fleurs, des plantes, observer toutes ces petites bêtes qui grouillent autour de moi. Je me prépare un café et m’installe dehors sur une chaise devant le refuge. Les jambes allongées, les mains dans les poches, je lève la tête et observe les étoiles dans le ciel. Ce soir-là, pour rien au monde je n'aurais aimé être ailleurs. Je suis dans mon élément, loin de cette vie agitée. Je reste là, une heure pour prendre l’air. La fatigue aidant, je vais me coucher sur la banquette, dans mon sac de couchage ; je m’endors rapidement…
Rien de mieux qu’un bon sommeil réparateur ! Et c’est vers sept heures trente que nous prenons notre petit déjeuner dans la petite cuisine. Nous voulons profiter un maximum des quelques jours de villégiature dans ce bel endroit. Il n’est pas question de perdre notre temps à faire la grâce matinée. Sébastien n’a toujours pas retrouvé sa bonne humeur.
— Je vous préviens, je n’ai pas beaucoup dormi, alors je vous conseille gentiment de ne pas me titiller ! Franchement, je vous ai suivi parce que vous êtes mes amis, mais... bon, on a du café ?
Sébastien est rarement de mauvaise humeur et a beaucoup d’humour. C’est un médecin qui prend son travail à cœur et qui gagne à être connu. Il est généreux et si vous avez un problème, c’est lui qu’il faut aller voir. Optimiste au grand cœur, il saura vous redonner confiance et vous montrer le chemin. C’est un athlète qui n‘a peur de rien, un vrai casse-cou. Mais bien qu’il ait un esprit scientifique, il s’intéresse beaucoup au paranormal, aux ovnis, aux fantômes... Si vous voulez vraiment l’énerver, attaquez-le sur n’importe lequel de ces sujets. Le démarrage ne se fera pas attendre.
Alors que nous prenons le petit déjeuner, Sébastien ne peut s’empêcher de poser des questions. Je dois reconnaître que c’est la première fois qu’il se montre aussi désagréable. Décidément ce lieu ne lui plait pas du tout.
— Mais comment s’appelle cette forêt, tu ne me l’as pas dit ? C’est Brocéliande ?
— Non, dans le prolongement, « La forêt de l’Ombre ».
— Tu plaisantes j’espère ? Qu’est-ce que c’est que ce nom bizarre ? Ça ne me dit rien de bon ! Prendre le large, oui, mais quand même, tu aurais pu choisir un truc qui sonne plus gai à nos oreilles ! Tout au moins aux miennes !
— Hé hé ! Tu vois Adrien. Je t’avais prévenu. Sébastien n’aime pas ça !
— Parce que toi tu étais au courant ? Merci les gars de me mettre dans la confidence. Cet endroit est certes joli avec un certain charme, mais on ne donne pas un nom pareil s’il ne cache rien ! Ça sent mauvais je vous dis ! Je m’y connais et aller taquiner fantômes ou autres créatures ne me dit rien du tout. Je vais prendre une douche mais vous n’avez pas fini de m’entendre…
— Des tas de lieux dans le monde ont des noms qui inspirent la peur, ce n’est pas pour autant qu’ils sont dangereux ! Je trouve cet endroit magnifique, sinon je ne l’aurais pas choisi !
Après le petit déjeuner et une douche rapide, nous décidons de passer toute la journée dehors. Nous avons pris soin d’enfiler des vêtements adaptés pour faire une longue balade, chargés de nos sacs à dos. Dehors, l’air est encore un peu humide. Des papillons semblent accompagner joyeusement notre marche. Nous n’avons nullement besoin de faire un long parcours pour être dépaysés. Nous avons pris un chemin de terre tout tracé entouré d’arbres immenses. Par endroit, des flaques donnent naissance à des filets d’eau qui coulent entre de grosses pierres enfoncées dans la terre. C’est une belle forêt, si fournie que le soleil a du mal à percer entre les branches. L’ombre et les raies de lumières donnent à certains arbres des formes fantomatiques et la forêt semble respirer. Des bruits furtifs se mêlent aux craquements des brindilles sous nos pieds et à notre passage les branches frémissent. L’odeur de la terre et les parfums de toute cette végétation se mélangent les unes aux autres. Un bois vaste qui semble vouloir cacher de grands mystères. Nous débouchons enfin sur une clairière inondée de soleil. Un peu plus loin, nous entendons le clapotis de l’eau.
— La maison, la forêt, la rivière ! Le paradis ! déclare Pierre.
La cime de certains arbres au loin semble toucher le ciel. D’autres avec leur tronc large, sont là depuis des siècles. Ils jouent le rôle de spectateurs et sont la mémoire de cet univers sauvage. Dans les sous-bois, l’ombre peut dissimuler l’assassin, la bête féroce, pour qui a de l’imagination. L’eau de la rivière est si claire qu’elle est le miroir de cette belle et mystérieuse contrée. Au milieu de cette luxuriance, j’ai l’impression d’être dans un autre monde. Nous avons marché trois bonnes heures environ pour arriver jusqu’à la rivière. C’est là que nous avons décidé de faire une halte. Il fait bon, l’air est agréable. Je respire à plein poumon et profite de cet instant. J’essaie de graver dans ma mémoire ce lieu que je trouve magique, conscient que nous n’avons vu qu’une infime partie de cette nature indomptée. Je m’allonge, une brindille dans la bouche. Le ciel est d’un bleu limpide et une légère brise nous caresse le visage. Pierre sort les sandwichs que nous avons préparés avant notre escapade, ainsi que des chips, l’eau, le thermos de café…
— Il y a une infinie variété d’arbres ici ; des châtaigniers, des hêtres, des sapins, des fougères ! Et je ne sais quoi d’autre encore ! Tu n’aimes toujours pas cette forêt ? demande Pierre à Sébastien.
— Oui, mais je n’aime pas ce qu’elle dégage !
— Elle dégage le parfum de la tranquillité, mon vieux. Personne ne viendra dénaturer ce lieu, ce serait un crime. Je me souviens d’une vieille tante, elle me disait qu’elle aimait entourer ses bras autour des arbres. Elle avait l’impression à chaque fois de percevoir des battements de cœur. Elle était passionnée et passionnante. Je n’étais qu’un gamin mais je buvais ses paroles. C’est elle qui m’a fait aimer la nature. Elle me manque parfois.
En disant cela, je me suis retourné ; j’ai eu la nette impression d’entendre des bruits de pas. Je regarde autour, mais rien, personne. Un animal sûrement.
— Et bien, j’avais une tante Edna. C’était une femme petite et un peu rondelette, très gracieuse. Elle avait la sale manie de me pincer les joues. Un jour elle m’a dit : « toi, Sébastien, tu es un bon à rien, mais tu es mon préféré ». Elle était institutrice, une vraie peau de vache parait-il et elle ne me manque pas du tout.
Dans nos conversations, nous discutons souvent de notre travail. Sébastien a des patients dont un en particulier pour lequel il s’est pris d’amitié et dont l’état de santé se dégrade à vitesse grand V. Mon ami au grand cœur ne sait trop comment le soulager et l’épaule du mieux qu’il peut. En tant que médecin, il a parfois du mal à prendre du recul. S’investir c’est bien mais il faut savoir prendre ses distances pour se protéger soi-même. Quant à nous, dentistes, les mal aimés, ce sont les patients qui essaient de mettre de la distance entre nous. Nous n’avons pas encore levé le bras que l’on peut voir la peur sur les visages. Cette journée est des plus agréables ! Le ciel bleu, le soleil, la rivière, l’amitié. Que demander de plus. Il n’y a aucune raison pour que cela change. Nous allons passer quelques jours sympas et nous avons bien l’intention d’en profiter…