La gardienne - Elin Bakker - E-Book

La gardienne E-Book

Elin Bakker

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Beschreibung

Condamnée pour meurtre, la jeune louve-garou Alicia est envoyée dans une mystérieuse académie...

Alicia est une louve-garou qui a été condamnée pour meurtre. Accusée à tort, elle est envoyée dans le monde des humains pour travailler dans une mystérieuse académie.
Celle-ci accueille des étudiants qui possèdent le gène de l'Alpha à leur insu. Cette malformation génétique leur donne le pouvoir de développer un loup intérieur, chose qui est impossible pour les autres humains.
Son protégé, Dennis Krevers, ne connaît rien de l'existence des loups. Cependant, quelque chose le relie à Alicia, les mettant tous les deux en danger.
La jeune femme est peu à peu rongée par son sombre passé.
Est-elle vraiment aussi innocente qu'elle en a l'air?

Le premier tome d'une saga jeunesse fantasy qui vous emmènera dans un univers unique aux côtés de loups-garous et d'humains pas comme les autres !

EXTRAIT

La nuit suivante, mes pouvoirs lupins se sont manifestés, transformant mon existence à tout jamais. J'ignorais si cela avait un rapport avec notre découverte ou non, mais je ne suis jamais retournée là-bas. Kyle était tellement excité que le souvenir même de cet instant me donne le sourire. Je secoue la tête, revenant à ma réalité. Après tout, je ne suis pas ici pour revenir vers le passé, mais pour avancer en direction du futur.
Karl n'a pas prononcé un seul mot durant le trajet qui me semble durer une éternité. Les branches craquent sous mes bottes noires et abîmées que je n'affectionne pas particulièrement. Mes vêtements sont baignés de sueur et mes pieds font mal. Quelle entrée fracassante ! Tout aurait été tellement plus facile et pratique si on avait fait le trajet sous nos formes animales !

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Roman génial ! Les personnages sont attachants et ont une vraie profondeur. - Anne-So-5, Booknode

À PROPOS DE L'AUTEUR

Elin Bakker a toujours été passionnée par l’écriture et la lecture. Depuis son plus jeune âge, elle imagine des mondes fantastiques aux nombreuses facettes. À 15 ans, elle se lance sur la plateforme wattpad avec son premier roman. Encouragée par ses lecteurs et par le franc succès de ses histoires loup-garou, elle explore tous les genres littéraires de l’imaginaire. Aujourd’hui, elle écrit des romans fantasy, comme le premier volet de sa sage autour du monde des vampires nommé vampire en colocation.
A 17 ans, son premier roman, Vampire en colocation , est édité par Sudarenes Editions. La gardienne est son second ouvrage édité

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La Gardienne

1

Conflits Astraux

"l'univers est comme l'amitié.

ceux qui sont comme la lune changent

constamment, mais les étoiles seront toujours là."

Prologue

Ça y est, les lumières s'éteignent une à une jusqu'au prochain procès. Les nombreuses rangées de bancs en bois se vident peu à peu, évacuant la foule. Certains contestent le jugement final, tandis que d'autres jubilent ouvertement. 

Ma sentence a été prononcée à tout jamais. Pourtant, je reste insensible à la décision qui vient tout juste d'être prise. Les visages déçus de ceux qui me soutenaient ne me touchent pas le moins du monde. Mes pensées s'évadent déjà vers le futur, vers ce que je vais devoir faire pour purger ma peine. 

Oui, c'est vrai, j'ai protégé mon frère en tuant son assaillant, ce qui fait de moi une criminelle. Cependant, ce qu'ils ne savent pas, est que ceci est le moins grave de tous mes crimes. J'en ai tellement commis qu’il est facile d’en perdre le compte. Mon regard fait le tour de l’audience, analysant les visages qui me fixent. Une seule personne manque à l'appel. Il aurait dû être là, mais la vie lui a été ôtée il y a bien trop longtemps de cela. Encore un malheur qui est arrivé à cause de moi, comme tant d'autres. 

Mon esprit revient soudainement vers ma situation actuelle. Une défense légitime est-ce vraiment une raison de m'envoyer là-bas ? Tout me sembletellement irréel. Les parents de l'homme que j'ai tué lèvent le menton, montrant leur supériorité. Oui, ils ont gagné. Cette fois-ci en tout cas. 

Moi, Alicia, la louve que tous croyaient toujours sage et obéissante, viens tout juste d’être jugée pour meurtre. De mon point de vue, c'était juste une défense légitime, mais c'était bien plus grave à leurs yeux. Une vie a été ôtée et je vais devoir en payer le prix. Cependant, je n’en regrette rien. Si je n'étais pas intervenue, mon frère aurait été celui qui se trouverait à présentau fin fond de sa tombe. 

Le juge range les derniers papiers de l'affaire, tandis que les cris de désespoir de ma mère résonnent dans la pièce tels de douloureux coups de fouet. Mon frère est lentement traîné en direction de la sortie, luttant de toutes ses forces pour me rejoindre. Dans tous les cas, ma famille aurait été détruite suite à cette sombre affaire. J'ignore si c'est une histoire de vengeance ou si Kyle, mon frère, était seulement à cet endroit au mauvais moment. 

J'ai du mal à retenir mes larmes, bien que je tente de maintenir mon masque de fille insensible en place. Ils vont m'envoyer dans le monde des humains, un univers radicalement différent du nôtre. Les chances que j'en revienne indemne ne sont pas bien grandes. Ce voyage émotionnel en a brisé plus d’un. Le portailmagique à travers lequel ils vont me faire passer est le seul moyen de revenir ici. Je n'ai donc pas d'autre choix que de leur obéir. 

Tout est allé tellement vite, la vie nous échappe en un simple claquement de doigts.. J'aurais dû profiter de mes instants passés ici en tant que louve innocente et inoffensive. Malheureusement, cette partie de moi s'est brisée il y a déjà bien longtemps de cela, même si personne ne le sait. Mon innocence s'est effacée et ilne me reste plus que d’amers regrets. 

La justice m'envoie là-bas pour protéger des humains en possession du gène de l'Alpha. C'est mon nouveau rôle. Le gène est une malformation génétique qui permet à certains humains de devenir des loups-garous. Son origine nous est inconnue. Cependant, ces êtres ne savent rien de leur réelle nature, tout le monde leur a toujours menti, ce qui est également ma spécialité. Leur corps abrite un potentiel loup, mais les personnes comme moi doivent éviter que les protégés ne le découvrent.

Ces derniers vivent dans une académie banale aux activités quotidiennes inintéressantes. Tout le monde fait tout pour les maintenir dans la routine d'un simple être humain. Pourtant, certains loups cherchent à les tuer pour leur retirer le gène de l'Alpha, qu’ils jugentune abomination de la nature. Après tout, les élèves sont issus de parents humains et non pas de loups-garous. C'est de ces obscurs assaillants que je vais devoir les protéger. 

J'expire difficilement à cause de la chaleur accablante de la pièce. Je dois bien avouer que tout cela me fait peur, mais je ne céderai pas à mes frayeurs. Pas encore en tout cas. On m'empoigne les bras, tout en m'obligeant à me lever. Toute ma vie, j'ai obéi à des ordres plus absurdes les uns que les autres, et cela n'est pas près de changer. Un grand garde me donne un coup dans le dos pour me faire avancer. «KARL» est marqué sur son badge, dévoilant son nom. 

 "Protection et défense. C'est tout ce que tu es... Rien de plus n'est attendu de toi... Pas de lien ou relations avec le monde des humains... Dennis Krevers. " 

Ce sont les derniers mots que j'entendsavant de partir pour ma nouvelle maison, les derniers qui me caressent les oreilles avant que le changement le plus radical de toute ma vie n’ait lieu. Ces indications sont les seules que j'aurais avant d'être envoyée dans le monde des humains, servant de bouclier vivant à des ignorants. 

Les derniers volets se ferment, plongeant la salle entière dans une obscurité totale. Cette pièce sera la dernière qu’aperçois de mon monde respectif. Pour y revenir, il faut que j'accomplisse ma quête sans faillir.

Chapitre 1

L’homme prénommé Karl m'accompagne à travers la forêt qui avoisine l'académie. Il est entièrement habillé d'un uniforme noir dont le tissu scintille de mille feux sous les rayons du soleil, lui donnant un air dangereux. Mon regard s'évade entre les arbres qui nous entourent, y cherchant une quelconque distraction. Malheureusement, tout reste plus silencieux que jamais auparavant, mis à part le régulier bruit de nos pas. Les feuillages verdoyants sont bercés par la douce brise printanière qui les traverse. Pourtant, aucun bruit ne naît de cette belle rencontre. La terre sous mes pieds commence à devenir de plus en plus sèche, créant des brèches ici et là. Je fais bien attention à ne pas me prendre les pieds dans ces dernières, tout en observant les branches en espérant y trouver un oiseau ou un écureuil. Toute vie semble avoir été ôtée de cet endroit coupé du monde, ce qui ne me rassure absolument pas.J'avale difficilement ma salive, tandis que les rayons du soleil transpercent les cimes des chênes, donnant une ambiance mystique à l'ensemble. On se dirige tout droit vers l'institut qui accueille ceux que je dois protéger avec ma vie, ceux auxquels j'appartiens à partir d'aujourd'hui. 

 Ils ont été pris en charge ici, cachés loin de tous, pour être protégés contre les criminels envoyés par les actuels Alphas. Ces derniers sont les dirigeants de mon monde d’origine et ont peur que les jeunes issus d'une famille humaine, possédant le gène de l'Alpha, ne prennent leur place. La plupart des personnes quece gène habite ne le découvriront sûrement jamais, ce qui les rend inoffensifs. Cependant, ce minuscule danger en est déjà un de trop. Aucun loup-garou n'est prêt à prendre le risque de perdre ses terres respectives !

Quant à moi, je viens d’un monde complètement différent: celui des loups. Dans notre univers, les êtres les plus puissants sont les Alphas. Ils représentent les dirigeants des différents territoires comme les rois et présidents le sont sur Terre. Le rang juste en dessous est celui des Bêtas qui sont les conseillers de leurs supérieurs, un peu comme des ministres. Les Deltas sont les loups les plus aisés et les Gammas les plus pauvres. Tout ceci constitue une société quasiment identique à celle des humains. Dans une meute normale, les deux derniers rangs sont regroupés sous le nom d’Omégas. Malheureusement, tout a changé au fil du temps. Nous ne vivons plus dans les forêts comme auparavant, mais dans des villes et presque plus aucun loup ne fait partie des meutes. Ces dernières se sont peu à peu retirées face à l’inflation de la population de notre monde.

Cependant, chaque meute qui a survécu possède une marque bien distinguée. La couleur et la forme de ces traits lumineux varient d’une zone géographique à une autre. Très peu de loups ont encore le courage d’être des membres de ces communautés ancestrales qui les obligent à rester toute leur vie au même endroit. Aujourd’hui, les jeunes souhaitent voyager, explorer et avoir leurs propres propriétés sans devoir obéir à de quelconques règles. En réalité, nous avons tout d'un être humain, bien que nous possédons un petit plus qui sommeille au fond de nous.

Malgré notre différence, les cours d’histoire nous ont toujours enseigné le passé des humains en plus du nôtre, nous permettant d’apercevoir les similarités qui se tissent entre les deux. Après tout, notre société s'inspire des actes humains pour éviter que nous ne commettions les mêmes erreurs.

Mon esprit revient à la réalité, me rappelant que je ne reverrais pas mon monde de sitôt. Dans cet univers, je serais logée dans le refuge pour les gardiens car, en plus de protéger les jeunes d'ici, on a pour mission d'en protéger un ou une en particulier. On doit s'intégrer et se fondre dans la masse pour ne pas s'attirer d'ennuis supplémentaires, chose en laquelle je suis assez douée. Personne ne doit découvrir notre réelle nature. Cela déréglerait le système entier qui a été instauré il y a bien longtemps. Cette machination ancestrale a pour but de tous nous protéger, de maintenir l'équilibre au sein de ce territoire coupé du monde des humains dans lequel il se trouve.

 L’étendue qui m’entoure appartient à leur univers, mais aucun être ordinaire n’en connaît l’existence. Les parents déposent leurs enfants ici, avant de les oublier pendant quelques années. Un champ magnétique qui entoure cette zone terrestre est à l’origine de cet étrange phénomène. Notre univers est séparé de celui-ci par un portail magique, permettant à tous ceux qui en connaissent l’existence de voyager entre les différentes dimensions. Ma ville natale était autrefois un petit village, mais les gratte-ciels ont fini par en envahir le paysage. Après tout, l’évolution de notre existence est très similaire à celle des habitants de la Terre. Nous avons juste quelques facultés surnaturelles en plus. 

 Si, par malheur, un habitant de l’académie viendrait à découvrir tout ceci, alors le gardien à l’origine de la catastrophe sera sévèrement puni et l'étudiant subira une modification de mémoire. S'introduire dans les souvenirs des élèves est la tâche première des hommes comme Karl. Il vérifie de temps en temps ce que les humains pensent ou veulent. Cette idée me fait frissonner. Heureusement que cela ne peut pas être fait avec moi. Je suis une louve, et donc immunisée contre toute emprise extérieure. 

 Mon cœur tambourine contre mes tempes, faisant crier mon crâne entier au secours. La tension se répand dans l'intégralité de mon organisme. Après tout, je vais également rencontrer mon protégé qui est censé me rendre ma liberté et me renvoyer chez moi, Dennis Krevers. Ils ne lui restent plus que quatre mois d'études ici, avant de devoir se débrouiller tout seul dans la société des humains. Quatre mois pendant lesquels je vais devoir le protéger au mieux. 

 Espérons qu'il ne découvre pas son gène, car sinon je vais devoir prendre soin de lui encore bien plus longtemps. Tous genres de visages se pressent à l'intérieur de mon cerveau, laissant libre cours à mon imagination. En réalité, je me fiche pas mal à quoi il ressemble, mais cette rencontre improvisée fait partie du protocole que je suis obligée de suivre si je veux tenter d'alléger ma sentence au plus vite. J'ai toujours joué dans les règles, pourquoi ne le ferais-je donc pas cette fois-ci ?

 Ce qui me fait réellement peur, c'est la rencontre avec la fille dont je vais partager la chambre au refuge. Elle est venue ici volontairement et cela me rassure un minimum. Au moins, je ne me retrouverai pas avec une vraie criminelle qui pourrait me manipuler ou m'entraîner dans ses délires. “criminelle”. Me chuchote ma conscience. Ici, je ne suis pas plus qu'une délinquante qui a tout sacrifié pour sauver son frère. Et je recommencerai s'il le faut !

 Le vent joue avec mes cheveux noirs comme l'ébène qui flottent élégamment autour de mon visage. D'immenses cernes, qui ne me sont absolument pas familières, se manifestent sous mes yeux d'un vert foncé. Mon teint pâle m'a toujours valu le surnom de "blanche neige" et attiré la convoitise et la jalousie de la plupart des filles depuis mon enfance. Au lycée, je faisais bien attention de ne commettre aucun faux-pas, histoire de maintenir ma réputation de louve parfaite. Pourtant, je me suis toujours sentie exclue, différente. Aucun jour ne passe sans que je n'envie les autres filles de mon lycée. Pourtant, tout était tellement différent lorsque j'étais petite et que mes gènes surnaturels ne s'étaient pas encore manifestés. 

***

Une petite voix m'appelle au loin, tandis qu'une paire de minuscules mains tente désespérément de me réveiller. Je me retourne en marmonnant quelques mots dont la signification m'échappe complètement.

 Je n'ai aucunement envie de me réveiller maintenant ! Je frappe lentement celui qui me secoue avec ténacité, ce qui fait trembler mon corps entier. Ma robe rose est complètement froissée à cause de mon profond sommeil, me donnant un air négligé.

 Finalement, je décide de me lever, impuissante face à la ténacité du garçon qui veut me réveiller au milieu de la nuit. Je sais pertinemment que c'est Kyle, mon frère, qui insiste pour que je l'accompagne dehors. Il veut regarder les étoiles comme il le faisait chaque samedi soir. Je souffle péniblement, avant de me frotter les yeux avec mes minuscules mains de la petite fille de onze ans que je suis.

 Mon regard, rempli de maturité malgré mon jeune âge, scrute le visage du garçon de dix ans avec lequel j'ai grandi. Ses petits yeux d'un brun intense contrastent parfaitement avec les miens qui sont d'un vert glacial et strident, et nos cheveux n'ont rien en commun non plus. Ses cheveux blonds, courts et bouclés sont le parfait contraire de ma longue chevelure noire qui me parvient jusqu'au milieu du dos. Je jette mes mèches en arrière, dégageant bien mon visage blanc qui était auparavant caché. 

 Kyle a l'air tellement plus frêle et petit que moi qu'il n'en devient que plus mignon. Pourtant, il fait bien une demi-tête de plus que moi. C'est sûrement sa fine silhouette qui lui donne un air plus vulnérable.

 Je saute souplement de mon lit pour le rejoindre. Il se réjouit aussitôt de ma décision, m'attrapant la main avant de m’entraîner dehors, traversant la spacieuse cuisine d'un pas décidé et puissant. Il se retient de courir ou de sauter de joie à chaque nouveau pas qu'il fait, ce qui a le don de me donner un immense sourire. Kyle parvient toujours à me faire oublier mes soucis liés à l'école. 

Le monde des loups-garous est dur et il n'y a pas de place pour les faibles comme nous. La plupart de mes amies ont déjà vécu le réveil leurs louves, elles se sont manifestées lors de leur dixième anniversaire. Pourtant, rien n'est jamais remonté à la surface à l'intérieur de moi. Cela fait plus d’un an que je n'attends que ça, vivant dans l'ombre de ceux qui sont tellement plus puissants que moi. 

On s'arrête sous le ciel d'un bleu profond, parsemé de quelques délicates taches lumineuses qui m'ont toujours fait rêver. La lune lance son superbe éclat sur les feuillages des arbres qui entourent notre maison, m'émerveillant encore plus.

 Soudainement, Kyle commence à courir en direction de la forêt dans laquelle il ne tarde pasà disparaître. Je m'avance lentement vers celle-ci en rigolant face à son geste que je crois faire partie un jeu. Je l'appelle plusieurs fois, tout en le cherchant du regard. Face à son silence, je décide de m'engager dans la forêt à mon tour. Pourtant, je vois mon petit frère nulle part. 

Une immense panique s'empare aussitôt de moi, tandis que je commence à courir à mon tour, tout en l'appelant de multiples fois. Mes jambes toutes fines continuent de leur mieux ma course. Je m'arrête brièvement, hors d'haleine et au bord des larmes, tout en continuant à répéter inlassablement le nom de mon frère dans un élan de désespoir. Mes membres tremblent horriblement face à mes regrets. Ma mère m'a toujours dit de ne jamais laisser Kyle sortir tout seul, c'est bien trop dangereux maintenant qu'il a dix ans ! Son loup pourrait faire surface à chaque instant, mettant en danger tous ceux qui l'entourent. 

J'avance pendant encore quelques interminables minutes quand, tout à coup, une petite forme entre dans mon champ de vision, éclairée par les magiques rayons de la lune qui donnent un air mystique à l'ensemble. Je m'élance vers Kyle qui semble être paralysé face à un spectacle que je ne parviens pas à voir. Je ralentis lentement ma cadence en apercevant enfin l'immense bâtisse abandonnée qui accapare toute l'attention de mon petit frère.

 C'est un bâtiment composé de quelques compartiments tous différents, protégés autrefois par le grand portail rouillé qui a été forcé. Cela crée une minuscule ouverture à travers laquelle seul des enfants comme nous pourraient passer. Quelques-unes des fenêtres ont été brisées et condamnées, donnant un air effrayant à l'ensemble.

 Kyle attrape mon bras avec sa main toute faible et douce, serrant ses doigts autour de mon poignet, tout en pointant les pierres avec son index.

— Alicia ! Je veux y aller! Me dit-il avec une grande conviction. 

Il me regarde avec son regard de chien battu. Pourtant, cette fois-ci, je ne cède pas, envahie par une peur bien trop importante pour pouvoir avancer.

— Il se fait tard, on devrait rentrer. Mais on reviendra.

Kyle me fixe pendant quelques secondes, avant de m'adresser son sourire le plus radieux et de se détourner de la bâtisse pour rentrer à la maison. Je le suis, jetant un dernier regard à l'endroit tellement mystérieux. Une terrible sensation de déjà-vu refait surface au plus profond de mon être. Comment se fait-il que personne n’ait jamais découvert cet endroit ?

***

La nuit suivante, mes pouvoirs lupins se sont manifestés, transformant mon existence à tout jamais. J'ignorais si cela avait un rapport avec notre découverte ou non, mais je ne suis jamais retournée là-bas. Kyle était tellement excité que le souvenir même de cet instant me donne le sourire. Je secoue la tête, revenant à ma réalité. Après tout, je ne suis pas ici pour revenir vers le passé, mais pour avancer en direction du futur. 

 Karl n'a pas prononcé un seul mot durant le trajet qui me semble durer une éternité. Les branches craquent sous mes bottes noires et abîmées que je n'affectionne pas particulièrement. Mes vêtements sont baignés de sueur et mes pieds font mal. Quelle entrée fracassante ! Tout aurait été tellement plus facile et pratique si on avait fait le trajet sous nos formes animales ! 

 J'expire bruyamment face à mon interlocuteur qui reste muet. Son indifférence permanente a le don de m'agacer au plus haut point. J'ai abandonné tout espoir de conversation il y a bien longtemps de cela. 

 Je voulais juste en apprendre un peu plus sur mon nouveau mode de vie ! Est-ce trop demandé ? Mes mains s'agrippent au tissu de mes vêtements, tandis que je tente d'oublier ma frustration. Mes yeux verts font de nouveau le tour du paysage qui s'étend en face de moi, pourtant tout reste flou. La vie semble avoir été retirée de cette grande forêt qui a l'air aussi mystérieuse que dangereuse. Je me demande bien comment on va pouvoir entraîner nos formes animales au beau milieu d'une académie d'humains, tout en les surveillant en permanence ! Je cogite profondément à propos de cette question lorsque, tout à coup, Karl s'arrête et me tend une tenue qui ressemble à un uniforme de lycéenne. C'est alors que j'entends sa voix grave et envoûtante pour la toute première fois.

— Mets ça pour entrer dans l'enceinte de l'académie. 

Je le fixe pendant un petit moment, avant de tourner la tête en direction de l'académie qui se dresse devant nous, sans que je ne l’aie remarqué. J'étais trop perdue dans mes pensées pour pouvoir la voir. La brique rouge des immenses murs protecteurs de l’académie se présente à moi, ressemblant à une marée de sang. Cette idée me fait frissonner, tandis que mon regard suit les courbes du métal du portail d’entrée. Le bâtiment semble s’étendre à l’infini, me faisant légèrement stresser. 

— Va te changer. Me dit Karl sans le moindre tact. 

Je m'avance timidement vers la petite cabane en bois qui me servira à cela. Je vérifie que personne ne se trouve à l'intérieur, même si l'espace est assez étroit. On ne sait jamais. J’enfile rapidement la tenue bleu marine constituée d'une chemise blanche classique, une cravate et une jupe du même bleu, associée à des collants opaques et une paire de ballerines noires. Je ne nie pas que cela mette bien en valeur mes courbes féminines, sans pour autant en faire trop. Je ne voudrais pas me jeter trop de fleurs. Finalement, après m’être assurée que tout est bien en place, je sors de nouveau de la cabine. Mes sous-vêtements sentent la sueur, mais je vais devoir faire avec pour le moment.

 Karl laisse furtivement passer un regard intéressé sur mon corps avant de se reprendre. Cela me remplit de dégoût et me fait grimacer. Je crois bien que je le préfère muet et indifférent. Il m'escorte jusqu'à l'impressionnante entrée de la bâtisse, gardée par deux hommes armés. Ils ne m'adressent même pas un seul regard, concentrés sur quelque chose d'invisible. Le stress refait aussitôt surface, tandis que je franchis la porte de ma nouvelle maison dont je ne risque pas de sortir avant un petit moment. Qui a dit que cet endroit ne serait pas pire que la prison? Personne ne le sait.

Dans tous les cas, tout ceci a le don de me donner une impression de déjà-vu. Si seulement ma vie n’était pas aussi compliquée…

Chapitre 2

Les bâtiments sont impressionnants et bien gardés. Le tout est disposé en une forme carrée très commode, avec un parc orné d'une immense fontaine et des fleurs d’iris de tous genres et couleurs. Cette belle marée colorée m'envoûte au fil des secondes qui passent.

 Un des gardes m'accompagne à présent vers mon protégé pour que je rencontre enfin ce dernier. Suite à cela, il me conduira à ma chambre. Karl m'a abandonné à l'entrée de l'académie, mais cela ne me dérange pas plus que ça. Après tout, il ne m'était pas très utile non plus. Mes ballerines foulent le sol à une allure assez rapide, tentant de suivre celle de l'homme qui me guide. La curiosité commence à remonter à la surface de façon persistante, tandis que mon cœur s'emballe à la vue de ce palace. Pourquoi enfermeraient-ils des criminels ici ? Cela me paraît plutôt être un privilège qu'une punition ! Un moineau joue avec l'eau de la fontaine en marbre blanc, éclaboussant ses fines plumes. Cette scène me fait sourire. C'est tellement paisible et beau à la fois. 

La forêt qui avoisine l'académie avait l'air menaçante, mais maintenant que je suis ici, je ne vois plus que la beauté de cet endroit caché de tous. Le vent semble emporter une mélodie aux notes sucrées et douces. Cela me rappelle le parfum de cannelle qui emplissait autrefois ma maison natale. Le visage de mon frère se dresse devant moi, chose que je repousse aussitôt au plus profond de mon être. Je n'ai pas de temps pour du sentimentalisme qui me rend faible ! 

Mes yeux caressent les éblouissantes feuilles des iris. J'aimerais tellement laisser glisser mes doigts sur cette surface soyeuse ! De petites perles d'eau ornent leurs contours, provenant de la fontaine non loin de là. L'académie ressemble à un paradis interdit !

Soudainement, la question du caractère de Dennis me revient. Je suis bien curieuse de savoir quel genre d'homme il est, même si je ne m'attends à rien d'autre qu'un élève gâté venant d'une famille riche. On ne peut pas me faire croire une seule seconde que cette académie abrite des enfants d'un milieu défavorisé. Provenant moi-même d'un quartier pauvre, cette injustice m'a toujours dégoûtée au plus haut point ! 

— Demoiselle ? 

Le garde me rappelle à l'ordre, tandis que je me rends compte que tous les muscles de mon corps se sont peu à peu tendus, prêts à l'attaque. Cette découverte me surprend. Je n'ai jamais été une personne violente en dehors de mon travail. Je secoue la tête, tout en remettant mes idées en place. Je suis ici pour purger ma peine, pas pour l’alourdir. Mieux vaut ne pas se faire remarquer dès le premier jour ! Après avoir repris mes esprits, je continue mon chemin aux côtés de mon guide. 

C'est alors que mes pensées reviennent vers mon protégé. C’est le tempérament qui compte le plus lorsqu’il faut travailler ensemble et non pas le physique. Cela m'arrangerait même qu'il ne soit pas très ravissant, car les relations autres qu'amicales sont strictement interdites ici. Entre les étudiants et les gardiens en tout cas. Ce serait embêtant de devoir travailler avec quelqu'un de séduisant sans pouvoir tenter quoi que ce soit ! Je n'ai jamais été une séductrice, mais mon instinct animal pourrait très bien me faire changer d'avis. Malheureusement, je dois maîtriser ce dernier si je veux un jour rentrer chez moi, ce qui ne va pas être chose facile. Disons que ma louve n’est pas vraiment des plus sages, au contraire. Personne ne peut être plus impulsif qu’elle ! On est la même personne, tout en ayant des réflexes bien différents.

 La fatigue commence à se faire ressentir dans chacun de mes membres engourdis. La cause de cela ? Le voyage sous forme humaine bien sûr ! Depuis toute petite, j'ai toujours été entraînée en tant que louve et non en tant qu'humaine. Disons que mon endurance varie d'une forme à l'autre. 

Le soleil brûle lentement ma peau apparente, chose qui est assez rare dans cette tenue. La sueur, quant à elle, semble recouvrir mon corps entier à travers la chemise qui colle à mes membres. On ne m'a absolument pas autorisé à prendre quoi que ce soit de personnel. Même mes photos m'ont été enlevées ! Les traits des visages de ma famille vont tellement me manquer ! Mais il en est ainsi, même si cela me dérange de devoir purger une peine injustifiée. Je secoue la tête, évitant de me mettre encore plus en colère que je ne le suis déjà. 

L'homme qui m'accompagne doit bouillir sous son costume totalement noir et identique à celui de Karl. Lui non plus ne m'a pas adressé la parole depuis tout à l'heure, mis à part le moment pendant lequel il m'a rappelée à l'ordre. Ses pas se dirigent machinalement vers un bâtiment de forme circulaire qui ressemble à une immense tour. La pierre de la bâtisse est propre et blanche, comme si elle venait tout juste d'être construite. Après quelques longues minutes, je me trouve devant la porte d'entrée faite d'un bois clair. La laque qui recouvre celle-ci reflète les rayons du soleil, créant depetits arc-en-ciel.

Le garde me fait impatiemment signe d'entrer, chose que je fais aussitôt. Il reste dehors, tandis que j'entre toute seule dans ce mystérieux espace. Un air frais vient à ma rencontre, provenant de la pierre naturelle qui tapisse les murs. Cette dernière retient la chaleur en dehors de cette pièce. La sueur qui trempe mes vêtements semble aussitôt s'arrêter de couler, ce qui me fait le plus grand bien. Les pierres, contrastant avec le mobilier moderne qui a soigneusement été installé, font un parfait mélange entre l'ancien et le renouveau. 

 Je passe ma main sur la surface compacte du cuir blanc de l'immense canapé qui occupe une grande partie de l'espace. Les lampes blanches ont été allumées, mais ne servent à rien. Leur lumière est surplombée par celle du soleil. Le parfum de lavande qui flotte dans l’air me fait sourire, me rappelant celui de ma chère mère. Son rêve était de visiter les étendues violettes de la Provence française, chose qui n’arrivera sûrement jamais. Après tout, rêver est la plus belle chose qu’il soit.

 Un petit raclement de gorge me sort brutalement de mes pensées, me faisant sursauter. Derrière moi, un jeune homme entre dans la pièce, également habillé de l'uniforme de l'académie. Un étudiant! Mon cœur s'emballe lorsque je réalise que cet homme est sûrement le prénommé Dennis. Ses boucles blondes contrastent avec sa peau bronzée et ses yeux couleur noisette. Je baisse la tête en signe de respect. Il est beau, mais pas forcément mon type et cela me rassure. Son regard chaleureux s'aventure le long de mes courbes, ce qui me fait frissonner de dégoût. Je déteste les hommes de ce genre !

 J'aurais presque envie de lui mettre une claque amicale pour lui montrer les limites de l'acceptable, mais je n'en ai malheureusement pas le droit. Je crois que, finalement, on ne va pas s'entendre tous les deux. Cette idée m'angoisse au plus haut point. J'inspire longuement, me rappelant à l'ordre. Tu n'as pas le choix Alicia ! Faire la difficile ne fera que me porter préjudice.

— Bonjour, je m'appelle Georges. Me dit mon interlocuteur pour briser le silence. 

Il m'adresse un sourire de tombeur qui n'a que pour effet de me dégoûter encore plus de sa présence. Comment peut-on tomber dans un tel piège ? Tant de filles s’entre-tueraient pour pouvoir être à ses côtés, chose qui me fait grimacer.

 La bonne nouvelle est que cet homme n'est pas mon protégé ! Je pourrais donc quand même lui mettre des claques quand l'occasion se présentera, ce dont je me réjouis déjà. Mes muscles se détendent de nouveau un à un. Pourquoi suis-je tellement stressé pour une simple rencontre ? Après tout, ce n’est pas la première fois que je me retrouve en face d’un humain.

 Tout à coup, j'entends une porte claquer et je vois une autre silhouette entrer dans la salle sans grande envie. Il me semblerait même que le jeune homme voudrait plutôt repartir qu'autre chose. Sa barbe d'un jour lui donne un air légèrement négligé, ce qui me plaît incontestablement. Pourtant, il porte son costume avec une élégance inouïe. On ne peut pas être négligé et élégant en même temps n'est-ce pas ? Cette idée est largement contestée par l’apparition qui s'offre à moi. Mon cœur s’emballe lentement, me faisant comprendre que ce nouveau venu m’attire plus que son ami. Indifférent, nonchalant et charismatique ? C’est le parfait cocktail pour définir tout ce que j’aime ! Après tout, c'est exactement ce que les louves dominantes aiment.

 Ses larges épaules montrent qu'il pratique un bon nombre de sports, et son menton carré ne le rend que plus séduisant. Ses cheveux châtains sont courts et soignés. Je le salue de la même façon que je l'ai fait avec Georges, ce qui semble encore plus agacer mon interlocuteur qui lève les yeux au ciel.Je serre les poings, agacée par son comportement d'enfant gâté. Le sang commence aussitôt à bouillir dans mes veines face à tant de manque de respect, cela est un crime dans ma société respective. Je serre les poings pour tenter de me contenir. J'aurais dû m'en douter, mais prochaine fois il n’aura droit à rien d'autre qu'un regard méprisant !

Dans mon monde, il faut se faire une place et obtenir le respect de ses semblables, peu importe comment. Au lycée, personne n'a jamais été irrespectueux envers moi. Bon, pas devant moi en tout cas. J'ai travaillé dur pour être aussi respectée de mes semblables, mais cela ne compte pas ici. À présent, je ne suis plus qu'une criminelle, ni plus, ni moins. Ici, ces étudiants ne me voient que comme une nouvelle élève humaine, ce qui a le don de me frustrer. 

 Cependant, lorsque nos regards se croisent, toute la colère s'apaise d'un seul coup. C'est comme si un cocon solide et réconfortant se forme autour de son regard bleu azur qui m’hypnotise entièrement. Mes membres tremblent face à cette nouvelle découverte qui n'est pas des moindres. Ce n'est pas bon ça ! Pas bon du tout ! Je serre les poings, contenant cette émotion qui se fraye un chemin à travers mon organisme entier. Mes poumons cessent toute activité, tandis que mes jambes se raidissent instantanément. La tension fait accélérer mon pouls et le temps semble s’arrêter autour de moi.

 Dennis ouvre sa bouche fine et bien dessinée qui m'appelle sans cesse. C'est comme s'il voulait dire quelque chose d'important, sans pour autant y parvenir. Je tente plusieurs fois de détourner le regard, mais des frissons envahissent mon corps entier à chacun de mes battements de cœur que j'entends résonner en moi.

 J'ai de plus en plus de mal à respirer entre la panique et la peur qui m'immobilisent entièrement. Depuis combien de temps cela dure-t-il déjà ? Je tente une dernière fois de me détacher de son regard pour n'attirer aucun soupçon. Moi qui voulais éviter les problèmes ! J'ai l'impression d'être tellement vulnérable, chose que je ne suis absolument pas. 

 Soudainement, le jeune homme coupe le contact visuel sans le moindre effort. Est-ce que je suis la seule à avoir ressenti quelque chose ? Son air indifférent me fait mal.

— Enchanté, je m'appelle Dennis. Bienvenue à l'Académie. 

Son ton est sec, tandis qu'il prononce ces mots d'un air robotique. Ses yeux fixent le mur derrière moi, évitant tout contact avec les miens. Suite à cette phrase, il sort de la pièce sans me jeter le moindre regard, suivi de Georges. Ce dernier semble n’avoir rien remarqué d'après ce que je peux voir. Je reste là, toute seule au milieu de cet immense espace, tentant en vain de comprendre ce qui vient tout juste de se passer. Un sentiment de rejet anime mon organisme, me faisant réfléchir. Mes mains tremblent lorsque je relâche la pression que j'effectuais sur celles-ci. Je regarde longuement le sol, me perdant dans la recherche d'une réponse plausible. Espérons qu'il y en a bien une.

Chapitre 3

Ma tête est vidée de sens et de raison. Je sais très bien qu’est ce qui vient de se passer, mais je ne me l'avouerai jamais, je me connais. Mon cœur bat à mille à l'heure, me donnant l'impression qu'il peut sortir de ma poitrine à tout instant. 

 Celui que je dois protéger avec ma vie n'est personne d'autre que mon âme sœur ! Je reste comme pétrifiée au beau milieu de cette majestueuse pièce, contemplant le sol avec assiduité. 

 Tout autour de moi semble s'écrouler, s'effacer tel un vulgaire dessin d'enfant qu'on raye de sa vie. Plus j'y pense, plus cela me fait mal. Est-ce la sensation d'être rejetée ou seulement l'idée d'être éloignée de lui qui me fait cet effet ? J'espère de tout mon cœur que c'est la première proposition qui me fait ressentir tout cela, sinon ma vie ici va devenir un réel enfer !

 La sueur coule de nouveau de mon front, avant de s'écraser au sol. Les secondes semblent durer des heures, me torturant un peu plus à chaque fois qu'une d'entre elles s'écoule. Ce lien, cette légende que tous se racontaient toujours autour de moi, est bel et bien réelle ! La tristesse menace de m'envahir, tandis que je me maudis intérieurement. Je m'étais juré de ne jamais rencontrer mon âme sœur, de rester indépendante et forte, de ne pas me faire attraper par ces vulgaires légendes urbaines qui nous font rêver chaque jour. 

***

Le tout nouveau couple du lycée parade fièrement le long des couloirs. Leur allure pathétique me fait froncer les sourcils. La fille, dont j’ai oublié le nom, se prend pour la reine d’Angleterre et tous les autres suivent sagement. Je reste assise sur ma chaise, accompagnée de Jessy, ma meilleure amie. Bien sûr, les amoureux ne viennent pas nous déranger, tout en nous adressant quand même un petit hochement de tête respectueux. 

— Ça me dégoûte. Me chuchote mon amie. 

Un petit rire parcourt ma gorge, accompagnant ses mots avec lesquels je suis tout à fait d’accord. 

— Dans deux semaines ils se seront séparés et le mystère de leur lien imaginaire sera résolu. 

Je contemple mes ongles, ennuyée par ce spectacle tellement absurde. Tous semblent émerveillés par le lien d’âme sœur, espérant qu’il se manifeste autour d’eux au plus vite. Pourtant, cela n’est qu’une douce illusion qu’on se crée. L’amour est un sentiment qui se construit, il n’apparaît pas d’un seul coup comme par magie ! Puis, la Lune n’a aucun impact sur nos vies. Ce ne sont que des légendes que les anciens ont inventées pour amuser les enfants. 

— Je ne serai jamais comme ça. 

Jessy approuve d’un hochement de tête, ce qui me fait sourire. On partage le même point de vue sur la vie, c’est pourquoi on s’entend tellement bien. Après tout, on n’a pas besoin d’un compagnon pour se sentir bien dans notre peau. Un petit groupe de jeunes hommes passe, nous fixant intensément. Cette attention me fait du bien, mais je ne suis pas intéressée pour autant. Ma liberté est la chose à laquelle je tiens le plus au monde ! Et cela aussi longtemps que possible...

***

Tant de louves se sont retrouvées avec un cœur brisé à cause de ces sottises ! Elles pensaient avoir trouvé leur âme sœur, mais ce n’était rien de plus qu’une amourette d’adolescent. Moi, je croyais être différente et plus résistante. Visiblement, je ne le suis pas vraiment.

 Soudainement, une voix grave m'interpelle depuis la porte par laquelle je suis entrée. Je me retourne d'un mouvement brusque, tombant nez à nez avec le garde qui m'a accompagné jusqu'ici. Les mots, qui coulent de sa bouche comme une marée de perles, m'échappent complètement. Pourtant, je lui adresse quand même mon plus ravissant sourire pour dissiper tout doute sur ce qui vient de se passer il y a à peine quelques minutes de cela. Il ne doit absolument pas comprendre ce qui vient de se passer ! Sous aucun prétexte ! 

 Peut-être étais-je censée lui fournir une réponse à ses phrases effacées par ma réflexion bien trop profonde, mais mon sourire ne semble pas le déranger non plus. Pendant un court instant, je me sens complètement idiote à lui sourire sans prononcer le moindre mot. 

 Je m'avance vers cet homme, avant de quitter le bâtiment circulaire et de tenter d'oublier les yeux bleu azur de Dennis. Mon cœur bat encore et toujours à mille à l'heure, me torturant constamment. 

Au-dehors, tout est paisible et calme, comme si j’étais la seule à avoir remarqué ce qui vient de se passer entre celui que je suis censé protéger et moi. Ma tête se met à tourner, mélangeant tous les éléments du paysage qui s'étale devant moi. Les odeurs des fleurs picotent mes narines, provoquant une sensation désagréable qui remonte jusqu'à ma tête. 

J'essaye de me convaincre du fait que tout cela n'est qu'une douce illusion. J'espère que ce sont juste mes sens de louve qui ont été  déréglés par mon exil et qui me jouent des tours mais, malheureusement, rien n'y fait. Cette rencontre hante mon esprit.

— Ce n'était pas une visite ordinaire. En tout cas, ce n'en avait pas l'air. Me dit le garde qui m'a de nouveau rejoint. 

Il a l'air réellement intrigué par l’échange avec mon protégé. Cependant, je ne peux que garder le silence face à cette remarque qui accentue la douleur qui tourmente mon organisme. 

— Normalement, il y a un vrai échange entre les deux êtres qui se rencontrent pour la première fois, même juste par politesse, mais ce n'en avait pas vraiment l'air. Continue-t-il courageusement. 

Je ne scille pas d'un poil. Cette fois-ci, c'est à mon tour de rester muette face aux propos déplacés de mon interlocuteur, ce qui ne semble pas gêner ce dernier. Je baisse la tête pour lui montrer que je ne veux pas de cette discussion. Cependant, il continue à parler malgré tout, la main sur le cœur.

— Autrefois, j'étais aussi un gardien ici et je sais très bien, d'après mon expérience, que les nouveaux ne connaissent rien aux règles, ce qui est normal. Pourtant, les gardes n'ont pas le droit d'échanger librement avec les élèves. C'est pourquoi on ne vous répond jamais si l'on ne nous en donne pas l'autorisation. 

Sa voix s'adoucit au fur et à mesure des mots qu'il prononce. Ce semblant d'affection me fait le plus grand bien, cela me manquait tellement ! Des milliers de questions fusent dans ma tête. S’il était gardien ici, il pourrait m'aider à gérer ma relation avec Dennis ! Mais je repousse aussitôt cette idée. Je ne peux faire confiance à personne ! Même les êtres les plus gentils peuvent me trahir comme tous l’ont toujours fait. Ma vie n’est qu’une accumulation de douleurs et déceptions. 

— D'ailleurs, je m'appelle Crow et tu peux venir me voir lorsque tu as besoin de parler un peu. Je serai toujours disponible. 

Il s'arrête là, voyant que tous les efforts qu'il fait envers moi ne servent pas à grand-chose. Puis, il baisse la tête, observant le gravier sous nos pieds. Crow ? Cela veut dire Corbeau en anglais non? Cet homme m'intrigue particulièrement. Il vient de me dire que les gardes n'ont pas le droit de parler aux gardiens ou élèves. Mais pourquoi prendrait-il le risque de briser les règles pour m'aider ? Tant de zones floues continuent à envahir mon esprit ! 

J'aimerais lui poser des questions auxquelles il ne pourra sûrement pas répondre, mais mon esprit confus n'arrive pas encore à aligner correctement deux mots. Cela limite notre discussion à un pesant silence. 

 De toute façon, lui parler de mes soucis ne serait-ce pas enfreindre le règlement ? Ma bêtise pourrait nous mettre tous les deux en danger! Je ne sais pas, j'y réfléchirai un peu plus tard, lorsque mon esprit se sera de nouveau élucidé.

 Je lève le visage vers ses yeux d'un gris profond qui me rappellent tant ceux de mon père. Après son départ, ma mère avait gardé une photo de lui, histoire de pouvoir me montrer son visage. Pendant des années, j’ai espéré qu’il puisse revenir et ses traits faisaient surface à tous les coins de rue. Malheureusement, cela n’était que ce que je souhaitais voir et non pas la réalité. Cet homme ne voulait pas de moi, d’un enfant qui allait déshonorer la famille et il a eu raison. Je ne suis rien de plus qu’un sac à problèmes !

Mes yeux reviennent vers mon interlocuteur qui fait tant d’efforts pour être aimable envers moi. Il ne doit pas avoir plus de 25 ans. Son visage est parfaitement bien sculpté et sa peau est lisse et privée d'imperfections. Cette perfection a le don de me rendre légèrement jalouse. Il est plutôt séduisant pour un garde dont le corps est complètement recouvert par un tissu noir satiné. Même lorsqu'on ne voit pas ses muscles, on les soupçonne sous cette couche de tissu qui ne laisse rien transparaître. Son charme opère de lui-même. 

— Alicia.

Est tout ce que je lui dis en lui tendant ma main qu'il serre sans hésiter.

— Je le sais, nous le savons tous ici. Me répond-il aussitôt, heureux d'entendre le son de ma voix. 

Cette phrase me surprend au plus haut point. Tout le monde ici connaît mon nom ? Fait-ce partie du protocole, ou sont-ce seulement les rumeurs concernant les nouveaux arrivants qui circulent très rapidement ? Peut-être les deux. Après tout, cet endroit est comme toutes les autres écoles au monde, un bâtiment rempli d'élèves aux personnalités radicalement différentes. 

 Tout à coup, on s'arrête face à un compartiment avec une façade plus modeste, mais pas pour autant moins impressionnante. Crow me jette une simple clé en acier, tandis que mes mains la rattrapent souplement. 

 Puis je sursaute légèrement, craignant que l’objet ne soit composé d'argent qui me brûlerait affreusement la peau, ce qui le fait rire. Ce son charmant et craquant, lui va à ravir. Les gardes de ce genre devraient être interdits pour le bien-être des élèves ! 

— Les clés des gardiens sont en acier, celles des autres en argent. Sinon, ta chambre est le numéro cent quatre-vingt-six au dernier étage. Bonne chance !

Ses yeux gris caressent lentement les miens, avant de se détourner de moi. Il me laisse toute seule devant le bâtiment qui va devenir ma nouvelle maison beaucoup plus rapidement que je ne l’aurais cru. Au moins, il a réussi à me faire oublier Dennis pendant un petit instant et je l'en remercie. Ne pas toucher les clés des étudiants qui sont faits en argent est une nouvelle chose que je viens tout juste d'apprendre, et cette information me sera sûrement très utile au cours de mon séjour ! J'inspire longuement, avant d’avancer en direction la porte d'entrée. De l'autre côté de celle-ci commence ma nouvelle vie. Une vie dont je vais sûrement regretter la moindre seconde.

Chapitre 4

Avec ses briques rouges et les logos en forme de fleur iris sur la façade, le refuge des gardiens semble sortir tout droit d'un film de magiciens.

Les nombreux cyprès qui ont été plantés juste à côté du bâtiment font de l'ombre, ce qui est tout à fait agréable au milieu de cette chaleur qui annonce l'été. La saison bien trop étouffante approche à grands pas, me rappelant pertinemment que la fin de l'année scolaire n’a lieu que dans quelques mois. Ici, les cours se terminent en fin août, célébrant le retour de l'automne et de la fertilité lors de la remise des diplômes.

Tout est tellement paisible que cela crée un parfait paradoxe avec mes sentiments actuels, me donnant l’impression de vivre dans un monde parallèle que je suis la seule à apercevoir. Cependant, ce qui m'entoure à présent ne fait que me rappeler l’endroit que j'ai dû quitter: mon propre foyer.

Ma maison était située dans une ville assez sombre et merveilleuse à la fois. Tout y était tellement mystérieux et je pouvais y être moi-même à la place de devoir cacher ma réelle nature. Mon travail, quant à lui, devait rester un secret, pour les loups-garous comme pour tous les autres. Cela était un lourd fardeau que j'ai su porter jusqu'à la fin. Maintenant, même les ruelles les plus affreuses de mon passé me paraissent de superbes cadeaux que je suis prête à ouvrir si l'occasion se présente à moi. Le souvenir de mon passé sera toujours mon point de repère, une ancre qui me reliera à mes origines et à la personne que je suis réellement.

Mon esprit revient vers Dennis. Qu'aurait dit ma mère en apprenant que je viens de trouver mon âme sœur ? Elle aurait sûrement été folle de joie ! Elle n'attendait toujours que ça ! À présent, je ne peux même pas voir son visage angélique se réjouir de la moindre bonne nouvelle. Je prie pour que la mine toujours joyeuse de ma mère ne se soit pas ternie à cause de mon absence. Sinon, je ne me le pardonnerai jamais. Déjà que mon départ a su briser les cœurs de tous mes proches !Puis, mon âme sœur ne se rend même pas compte du lien qui nous unit ! Il ne sait rien du monde surnaturel auquel il appartient ! Ce gène de l’Alpha qui grandit à l’intérieur de lui sera toujours enfermé dans son inconscient, nous empêchant de se réunir.