La Légende des Hauts Marais - Françoise Pirart - E-Book

La Légende des Hauts Marais E-Book

Françoise Pirart

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Beschreibung

Le bonheur dans lequel vivent Amon et les siens est menacé par des êtres bien étranges : le jeune chasseur parviendra-t-il à restaurer la paix ?

Dans les brumes opaques des marécages mystérieux, Armon et les siens vivent heureux. Mais un jour, la paix de la tribu est menacée par des êtres mi-hommes mi-bêtes venus d'ailleurs. Le jeune chasseur téméraire sera désigné pour apporter à l'ennemi le flambeau de la paix.
A travers les personnages attachants de ce roman, un monde étrange et fascinant s'offre au lecteur. Mais l'éternelle question demeure : pourquoi avons-nous peur de l'Autre, celui que l'on ne connait pas, au point de vouloir l'anéantir ?

Plongez dans le monde surprenant des marécages mystérieux, et laissez-vous emporter par un roman qui, au travers d'un récit peuplé de personnages attachants, aborde l'éternelle question du rejet de l'Autre et de sa différence.

EXTRAIT

Roch gémit et s’agite dans son demi-sommeil. En ouvrant les yeux, il ne comprend pas tout de suite où il est. Ce n’est qu’en distinguant une étoile lointaine et étrangement brillante qu’il se souvient de tout : le départ du village, la marche interminable, la grotte, le repos, ce début d’éternité interrompu par les hallucinations nocturnes. Il fixe l’étoile. Comment Armon l’avait-il nommée ? Il cherche. En vain. Son esprit las ne lui obéit plus. Cela l’irrite, il se sent incapable et impuissant, chétif et inutile. Il est sans défense face à ce qui l’entoure, les bêtes viendront le dévorer, la tempête de sable l’étouffera, la vieille aux yeux glauques et aux doigts crochus l’emportera sous son bras tel un vulgaire paquet. Il tente de retrouver le nom de l’étoile avec autant de force que si sa survie en dépendait. Non-sens. Non-sens de l’homme qui s’accroche à la vie avec la force du désespoir, alors qu’il est venu volontairement chercher la mort.
Au matin, il sait. L’étoile s’appelle Râa. Râa... Quand le nom est apparu à Roch dans un éblouissement soudain et magnifique, celui-ci a enfin eu l’esprit apaisé. Ses battements de cœur sont devenus plus lents, ses mains ont cessé de trembler. Ce n’était pas l’hébétude du vieillard débile et absent du monde, mais l’infinie sérénité de celui qui entre dans la mort avec conscience, satisfaction et dignité!;

A PROPOS DES AUTEURS

Née à Bruxelles, Françoise Pirart a exercé des activités professionnelles diverses : élevage de chevaux, vente, secrétariat, traduction d'ouvrages anglo-saxons. Formatrice dans une école d'alphabétisation à Mons (Hainaut), elle anime aussi des ateliers d'écriture et rédige des biographies pour ceux qui souhaitent laisser une trace pour leurs descendants ou un témoignage. Françoise Pirart a publié plusieurs romans et de nombreuses nouvelles. Son dernier roman, Sur l'océan de nos âges, est paru en octobre 2013 aux Éditions Luce Wilquin.
Né en 1931 à Bruxelles, René Follet alterne depuis son plus jeune âge sa carrière d'illustrateur avec celle de dessinateur de bande dessinée. Il a collaboré avec de prestigieuses maisons d'édition. Son œuvre est riche de dizaines d'ouvrages : Stevenson, le pirate intérieur (Dupuis), L'Étoile du soldat (Casterman), L'Iliade (Glénat), La Chevalerie (Dupuis), etc. Son dessin réaliste au style dynamique inimitable lui vaut d'être reconnu unanimement par ses pairs comme l'un des plus talentueux dessinateurs de sa génération.

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Couverture

Copyright

L’auteur

Née à Bruxelles, Françoise Pirart a exercé des activités professionnelles diverses : élevage de chevaux, vente, secrétariat, traduction d’ouvrages anglo-saxons.

Elle est formatrice dans une école d’alphabétisation de Mons (apprentissage du français aux adultes étrangers). Elle anime des ateliers d’écriture et rédige des biographies pour ceux qui veulent laisser un témoignage de vie ou une trace pour leurs descendants.

Elle a publié plusieurs romans et de nombreuses nouvelles. Ses derniers romans,Sans nul espoir de vous revoiretSur l’océan de nos âges, sont parus aux Éditions Luce Wilquin.

Site de l’auteur : www.francoisepirart.be

L’illustrateur

Né en 1931 à Bruxelles, René Follet alterne depuis son plus jeune âge sa carrière d’illustrateur avec celle de dessinateur de bande dessinée.

Il a collaboré avec de prestigieuses maisons d’édition. Son œuvre est riche de dizaines d’ouvrages :Stevenson, le pirate intérieur(Dupuis),L’Étoile du soldat(Casterman),L’Iliade(Glénat),La Chevalerie(Dupuis), etc.

Son dessin réaliste au style dynamique inimitable lui vaut d’être reconnu unanimement par ses pairs comme l’un des plus talentueux dessinateurs de sa génération.

Tous droits de reproduction, de traduction

et d’adaptation réservés pour tous pays.

© 2014 Éditions du Jasmin

Dépôt légal 2etrimestre 2014

www.editions-du-jasmin.com

ISBN 978-2-35284-561-4 Avec le soutien du

Titre

Le Pays des Hauts Marais m’a été décrit par un vieil homme qui était mon ami. L’avait-il vraiment parcouru, l’avait-il fabulé ? Je n’en sus jamais rien. Maintenant que j’ai moi-même atteint l’âge où l’on regarde volontiers derrière soi, j’ai le grand désir de vous faire découvrir tout ce qu’il me relata au sujet des habitants de cette lointaine région : Armon le valeureux, sa compagne Maïra, le jeune Taharn, le très vieux Roch, Josh le fou, Kerin le sage, Sataï la généreuse, les chats sauvages et les libellules, les serpents, les tourbières où se cachent les grenouilles, les sangsues, les éphémères, les nymphes et les âmes englouties des disparus.

Au Pays des Hauts Marais, les hommes vivent et meurent en communion avec la nature souveraine. Même s’ils craignent ses fureurs, elle est leur alliée.

L’épreuve

Le marécage s’étend devant Armon et son grand-père. Le soleil fait miroiter les reflets de l’eau. Le vieux Roch se tient près du garçon, une main sur son épaule.

Accroupis, ils observent. Est-ce un râle, une poule d’eau, un bruant ? Armon ne sait pas. Il se laisse guider par le regard et le geste lent et sûr de l’ancêtre. Aucun des deux ne parle. Les yeux du garçon, fatigués par le guet, clignent. De temps en temps, il ferme les paupières. La chaleur suffocante de l’été lui colle à la peau. Les moustiques volettent autour de lui. Il en porte les piqûres. Ses longs cheveux tordus en natte sont poisseux, ses mains salies par la vase qu’il a rejetée au loin pour attraper un triton. Il aime les tritons.

Les roseaux et les scirpes s’étendent par milliers dissimulant la surface couverte de potamots, de lunes et de pestes d’eau. En certains endroits la revêt un tapis bombé de lentilles, de sphaignes et de callitriches aux feuilles rayonnantes. On dirait de l’herbe, un sol ferme et rassurant, alors que le pied s’y enfoncerait aussitôt. Au fond du marais, la tourbe, mémoire ancestrale, est le cimetière des végétaux, des animaux et des humains.

Au loin, encore invisible, le marigot… Le marigot, morceau de fleuve mort où seuls subsistent encore les serpents d’eau, les crocodiles, les anguilles, quelques bêtes étranges venues des temps lointains, bien plus agiles que le laisse croire leur apparence lourdaude.

L’enfant Armon n’a jamais parcouru les Bas Marais. Mais il a entendu les histoires des vieux, celles des âmes noyées qui se lamentent dans le vain espoir d’être secourues. En voulant aider l’une de ces âmes, un homme a été aspiré par la vase. Après un été torride, on a retrouvé sa dépouille dans le marais asséché.

C’est un grand jour pour le très jeune Armon. On l’y a préparé depuis longtemps. À huit ans, les enfants passent l’épreuve pour entrer dans le monde des vaillants. À douze ans, ils subissent encore une deuxième épreuve. Armon ne veut pas faiblir. Il sait qu’il devra demeurer la nuit entière en ce lieu qu’il ne connaît pas et qui l’effraie. Le vieil homme va le laisser, après lui avoir donné une gourde pleine d’eau et quelques fruits. Armon ne pourra pas le supplier de rester. Armon ne pourra ni pleurer ni crier. Il devra regarder le vieux Roch droit dans les yeux et hocher la tête en signe d’assentiment. Puis la nuit tombera, unique compagne de l’enfant.

Elle tombe, la nuit. Si brutale que le garçon croit sa vue troublée et se frotte les yeux. Il est seul. Roch et les hommes sont partis. Au matin, ils viendront le chercher et l’accepteront comme un des leurs. Il sera fier et heureux de retrouver sa mère, son père, sa petite sœur Paani et son frère de cœur Taharn.

Il hume l’air de toutes ses forces. Le marais sent la pourriture, le bois mort et la vase. Il se redresse, frotte ses mains sales contre ses cuisses et son ventre nus. Comme tous les habitants des Hauts Marais, il ne porte qu’un pagne noué à la taille. Sa peau se confond avec les feuilles et le tronc des arbres. Avec prudence, il avance le long du marais en levant haut les pieds pour éviter les épiaires velues et les cirses épineux. Un pas après l’autre, sans enfoncer le talon, attentif à la moindre inégalité du sol. La vase est si proche…

Il progresse encore, écoute les bruits de la nuit venue, les coassements des grenouilles, le rire d’un singe hurleur, le cri aigre d’un héron, le bruissement des joncs et des massettes qui plient à la brise et où se fond un butor tapi dans les herbes hautes, le bec tendu vers le ciel. Un raton silencieux et sournois file très près de lui. Le garçon connaît bien les bêtes : les rongeurs, les poules et les araignées d’eau, les râles au bec puissant, les agoutis poilus, les petites ranatres grêles aux longues pattes qui vous chatouillent la peau. Il ne les craint pas.

Même s’il sait qu’il ne doit pas trop s’éloigner, une impulsion le pousse à avancer. Il n’a pas conscience de sa direction. Peu lui importe. Rester sur place tapi comme un animal effarouché lui serait encore plus insupportable. La chance l’accompagne, une lune pleine et lumineuse éclaire ses pas. Il a huit ans et son courage est celui d’un homme. D’ailleurs, il sera considéré comme tel à son retour au village. Paani, sa petite sœur, le regardera avec de grands yeux admiratifs et l’interrogera sur sa nuit solitaire. Elle aussi, plus tard, devra passer l’épreuve. Au Pays des Hauts Marais, les filles sont les égales des garçons. Armon haussera les épaules d’un air décontracté en faisant « Pfff… » comme quand il souffle sur une feuille de saule pour la faire vibrer et en tirer des sons.

Un nuage épais a caché la lune. Le pied gauche d’Armon s’enfonce soudain dans la vase. S’accrochant aux roseaux, l’enfant tire de toutes ses forces sur sa jambe et parvient à retrouver son équilibre. Il demeure immobile, n’osant plus bouger par crainte de ne trouver au prochain pas qu’un sol meuble et instable. Après un temps infini, il pivote lentement sur lui-même. Il doit regagner l’endroit où le vieux Roch l’avait laissé. Sinon, le lendemain, les hommes partis à sa recherche ne le retrouveront pas. Plus jamais, songe-t-il soudain avec une certitude qui le glace malgré la nuit si chaude. Plus jamais.

Et il s’en veut, il peste et serre les poings. Pourquoi s’est-il éloigné ? Il se croyait si courageux et le voilà apeuré et tremblant, incapable de mettre un pied devant l’autre sur ce chemin déjà emprunté et tracé par lui-même mais qu’il ne reconnaît plus, tant les roseaux et les scirpes semblent s’être refermés sur son passage. Il entend les clapotis de l’eau morte et imagine les crocodiles du marigot décrits par Roch. L’odeur de la vase le prend à la gorge, la vase qui avale les bêtes et les hommes… L’angoisse le submerge. Surtout lorsqu’il devine une présence animale, très proche de lui. Si proche qu’il en a la chair de poule quand des poils rêches et humides lui effleurent le bras et qu’un gémissement sourd parvient à ses oreilles, lancinant comme les plaintes des femmes à la mort de l’enfant à peine né. La bête est là, prête à le dévorer, à lui arracher les yeux et le visage. Elle doit être énorme et répugnante, avec une gueule pleine de crocs puissants et des griffes aussi longues que le bras d’un adulte. Elle doit être aussi haute que la hutte de Josh, aussi brutale que le Grand Feu qui a détruit les cases en forçant les hommes à partir vers le sud. Armon était si petit que le père a dû le jeter sur son dos pour poursuivre l’interminable voyage. Les cases ont été reconstruites de glaise et de joncs, par la force et l’intelligence retrouvées. Tout est redevenu comme avant, dans un autre endroit mais avec les mêmes visages, ceux qu’avait toujours connus le jeune Armon.

La bête est revenue. Armon hume son odeur et tressaille à la caresse des poils mouillés. Il ne se maîtrise plus. Il repousse avec violence la végétation qui l’emprisonne. Il tremble de tous ses membres. Dans la confusion, il a rejeté au loin sa gourde et la légère besace contenant les fruits. Ses pieds s’agrippent à la terre, là où il sait qu’elle est encore stable. Il contient son cri. Il étouffe, il va mourir, dans la vase, dans le noir. Seul. Seul avec la bête.

Mais la lune est là, qui veille sur l’enfant perdu. Le nuage s’en est allé. L’astre libéré de son voile opaque illumine le marais. Armon retrouve les traces de son passage. Il marche dans ses propres pas, prend appui sur les rochers qui l’avaient soutenu à l’aller. Ses gestes redeviennent sûrs, ses jambes le portent fermement vers le lieu où l’avait laissé son grand-père. Il reconnaît la pierre bleutée qui s’avance comme une jetée dans l’eau brune et sur laquelle tous deux s’étaient accroupis en attendant le moment où Roch et ses hommes laisseraient l’enfant seul. Armon reprend la même position, assis sur les talons, les bras tendus vers l’arrière, les doigts écartés s’appuyant sur la pierre. Le contact ferme et rigide le rassure. Ici il ne craint rien ni personne, ni la bête féroce, ni la vase traîtresse, ni l’obscurité angoissante des Bas Marais. Car la lune, cachée à nouveau, n’éclaire plus rien.