La légende du tigre rouge - Tome 1 - Yanick Pugin - E-Book

La légende du tigre rouge - Tome 1 E-Book

Yanick Pugin

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Beschreibung

Après le tragique événement de 1644, où l’empereur Tchouang-lie-tie s’est donné la mort afin d’éviter de tomber entre les mains des rebelles, la Chine impériale a été plongée dans le désordre et le chaos. Aucune province n’a été épargnée par cette situation tumultueuse. Dans le village de Phang-Muï, Tao, un jeune écolier et fils unique, va vivre des événements qui bouleverseront le cours de l’histoire et feront de lui un héros malgré lui. 

La légende du tigre rouge nous guide vers la vérité nichée au cœur de notre être, nous encourageant à embrasser nos circonstances et à trouver la sérénité à travers nos vécus.


À PROPOS DE L'AUTEUR 

Depuis son jeune âge, Yanick Pugin est passionné par la philosophie des arts martiaux. Il a fondé sa propre école, le Red Tigers club, en 1987, où il promeut les valeurs et les bienfaits de cette discipline. En parallèle, il a consacré une grande partie de sa vie à aider les personnes vulnérables. Il est également l'auteur de Martial art thérapie, la violence apprivoisée, paru en 2007, qui explore les liens entre les arts martiaux et la thérapie. La Légende du tigre rouge, un récit initiatique et philosophique commencé en 1999 et publié pour la première fois en 2003 dans sa version originale, comprendra plusieurs volets.

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Seitenzahl: 159

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Yanick Pugin

La légende du tigre rouge

Tome I

L’épée sacrée de Tao

Conte

© Lys Bleu Éditions – Yanick Pugin

ISBN : 979-10-377-9553-3

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Introduction

En 1644, la Chine fut le théâtre d’une guerre civile qui eut pour détonateur la mort de l’empereur. La révolte s’empara du pays. Un général qui se nommait Wou San Kouei fit appel aux Mandchoues pour mater la révolte. Pourtant, une fois leur tâche accomplie, ceux-ci décidèrent de rester en Chine et d’y fonder une nouvelle dynastie. Le temple Shaolin devint alors le siège de la résistance.

Le premier temple Shaolin avait été construit en l’an 497 après Jésus-Christ dans la province du Henan. Lors de la construction du temple, les jardiniers de l’empereur avaient aussi planté de nouveaux arbres. C’est pour cette raison que le temple fut appelé « la jeune (nouvelle) forêt » ou Shaolin en mandarin. Shaolin était situé dans un lieu où rôdaient bandits et animaux sauvages.

Avec le temps, le temple devint de plus en plus populaire grâce à cet art martial qui y fut enseigné. Shaolin avait développé et codifié cet art dans un style propre. Le kung-fu fut transmis de génération en génération. Le moine était initié à tous les secrets du combat, et parallèlement à un enseignement bouddhiste et taoïste.

L’empereur décida de s’opposer d’une façon définitive au vent de révolte, soulevé par les moines Shaolin, et projeta de détruire le temple. Ainsi, le monastère fut le théâtre d’une terrible bataille où les maîtres et les disciples combattirent jusqu’à la mort. Peu d’entre eux survécurent. Cinq maîtres s’échappèrent dans des directions différentes et se donnèrent comme ultime mission, la continuation et la perpétuation de l’enseignement de l’héritage de Shaolin.

Lao-Tsé Ming se replia ainsi dans la province du Henan à l’abri des conquêtes et vécut trois ans au fond d’une grotte dans laquelle il put s’adonner à la méditation. Il développa les exercices de respiration, de souplesse et de rapidité, afin de maintenir son corps en bonne santé.

Ce n’est qu’à l’issue de trois longues années que Lao-Tsé fut accueilli en héros dans le petit village de Phang Mui.

Forte de trois cents âmes, la population vivait modestement de la fertilité de sa terre et de l’étendue de sa plaine qui comptait de nombreuses rizières. Bien qu’autonome, le village exportait des étoffes, du bois et quelques pierres précieuses découvertes dans de vieilles mines, aujourd’hui désaffectées.

Vers 1650, l’empereur envoya ses plus vaillants guerriers sillonner la province à la recherche des « infidèles maîtres Shaolin », comme il se plaisait à les nommer. C’est également à cette époque que l’on vit se développer la haine et la misère. Des hordes de bandits pillèrent les villages, assassinant hommes, femmes et enfants pour quelques pièces…

Chapitre I

Tao à la recherche du chemin du temple

Comme chaque jour à cette heure, la cloche de l’école retentit. Tao fut le premier à sortir de la classe. Il parcourut la ruelle centrale en courant, fit le tour du monastère puis se dirigea vers la maison du peuple pour rejoindre la rue principale menant au restaurant « Fleur de Chine » tenu par son père Chen.

Chen était devenu propriétaire de son restaurant et y avait investi jusqu’à sa dernière chemise. Kimaé, la mère de Tao travaillait aux champs, aux récoltes, aux cultures. Elle partait le matin avec Tao le déposer à l’école, avant de se rendre, avec d’autres femmes du village, à l’éreintante journée de travail qui les attendait.

Chen possédait le seul restaurant de la région et préparait ses repas de la journée au petit matin déjà. Son établissement était sa fierté et il y mettait tout son cœur pour satisfaire ses clients.

À peine rentré de l’école, il embrassa son fils rapidement avant de lui demander quelques services. Tao aida son père à débarrasser les tables, à vider les poubelles, à nettoyer le sol de la cuisine avant de prendre son goûter. Après avoir avalé son fruit, il fit son devoir avec l’aide de son père. Puis il repartit avec quelques boulettes de viande et des pousses de soja qu’il apportait à sa mère dans les rizières. Tao devait traverser de grands espaces seul, et souvent, la peur le prenait au ventre, alors il se mettait à courir le plus vite possible pour rejoindre sa maman.

Kimaé attendait son fils, toujours inquiète ! Tao aidait encore sa mère à porter les paniers remplis pour rentrer à la maison. Cela faisait beaucoup pour un garçon de huit ans, mais il était fier de pouvoir aider ses parents.

Tard le soir, lorsque Tao dormait, Chen rentrait parfois sur la pointe des pieds, un peu éméché d’être resté tard à boire avec ses derniers clients. Il venait déposer alors un tendre baiser sur la joue de son fils, avant d’aller dormir à son tour.

Le lendemain, jour d’offrandes, Chen se rendait au monastère offrir aux moines des dons en nourriture. Occasionnellement, il laissait quelques menues monnaies afin de conserver la protection bienfaisante de Bouddha. Les moines vivaient des offrandes des villageois, et de quelques objets dont ils faisaient commerce.

Ils consacraient la majorité de leur temps à méditer, à s’entraîner aux diverses techniques de combats que Lao-Tsé Ming avait apprises et rapportées comme héritage du temple Shaolin. Lao-Tsé jouissait d’une noble reconnaissance auprès de la population du village. Il n’était pas imposant et son visage était beau, calme, il donnait autant cette impression de force que de sérénité. C’était un vrai sage !

Tao supplia son père de l’emmener avec lui au monastère. Après quelques hésitations, Chen décida d’emmener son fils avec lui, car le monastère était fermé au public et n’importe qui ne pouvait pas y entrer !

Chen fut reçu d’abord par quelques moines, puis par un grand maître et enfin par Lao-Tsé Ming en personne.

Lao-Tsé remercia Chen de son offrande et fixa Tao du regard. Après quelques instants d’un silence pesant, Lao-Tsé dit au petit :

 Balaye toute pensée que la lumière ne pourrait traverser ; retrouve la vie comme à son origine.

1

Tu as le cœur pur petit Tao, préserve ton âme de toute intention néfaste et nous nous reverrons.

Tao resta comme hypnotisé, incapable de prononcer un mot, puis il se contenta de suivre son père qui se dirigea vers la sortie. Chen et Tao traversèrent quelques couloirs donnant sur des salles d’entraînement. Chaque pièce apportait un savoir particulier.

Tao était fasciné par ce qu’il pouvait voir ! Bien qu’il aurait aimé rester un peu plus longtemps, il fut rapidement reconduit, ainsi que son père, par le grand maître d’armes et deux disciples !

Le grand maître d’armes regarda Tao et son père sous le grand porche d’entrée et, avant que les grandes portes ne se referment, il s’exclama d’un ton grave :

—Il y a ceux qui cherchent et ceux qui ont trouvé. Ceux qui ont trouvé ont les réponses pour ceux qui cherchent.2

Sur ces mots, les portes se refermèrent dans un vacarme assourdissant. Tao regarda quelques secondes encore les portes closes puis suivit son père qui s’en retournait au restaurant. Sur le chemin, Tao lui posa mille questions à propos de ce qu’il venait de voir. Chen lui expliqua ce que les moines pratiquaient et pourquoi cela devait rester secret.

L’enseignement de Lao-Tsé était destiné à ceux qui étaient dignes de le recevoir et, en conséquence, prêts à s’y investir de leur vie. Chen expliqua à son fils que cette vie représentait une privation totale de liberté et d’espoir familial. Dans l’instant présent, Tao se sentait prêt à se sacrifier. Cependant, Chen en bon père qu’il croyait être lui fit comprendre qu’il aurait largement le temps d’y repenser plus tard. Mais pour l’instant, il avait besoin de lui après l’école pour l’aider au restaurant.

De retour à l’auberge, Chen et Tao furent consternés par le spectacle qui les attendait. La porte d’entrée avait été fracassée, ainsi que les carreaux de la pièce principale. Les tables étaient renversées, les chaises également, les bouteilles derrière le comptoir avaient été brisées à coups de jets pierre. La cuisine avait été visitée, elle aussi, et des légumes jonchaient le sol. Les poubelles avaient été renversées dans le petit salon qui servait à recevoir discrètement les invités de marque.

Chen rentra avec prudence à l’intérieur et demanda à Tao d’aller sur-le-champ chercher sa mère qui se trouvait encore dans la plaine.

Tao prit ses jambes à son cou et sans plus attendre dévala la colline en sanglots. Chen s’assura que les bandits étaient tous partis avant de ramasser une bouteille d’alcool de riz qui avait échappé au massacre et de s’asseoir par terre au milieu du chaos.

Aucun indice, aucune revendication, c’était une vision de cauchemar qui restait sans explications. Il avala quelques gorgées du breuvage pour se donner du courage, et, devant l’ampleur du désastre, fondit en larmes.

Un peu plus tard, Kimaé et Tao arrivèrent épuisés par cette course effrénée et découvrirent Chen effondré. Kimaé lui prit la main puis, sans un mot, le serra très fort dans ses bras ! De nombreux clients, curieux, arrivèrent à ce moment-là et se proposèrent tous pour aider la petite famille à reconstruire ce temple de la gastronomie locale.

Tao s’échappa du restaurant sans rien dire et se dirigea droit au temple. Il prit un caillou et frappa aussi fort qu’il put contre les portes d’entrée du monastère. Quelques instants plus tard, à travers une petite lucarne, la voix d’un moine se fit entendre.

— Que veux-tu ?

— Je dois voir Lao-Tsé Ming immédiatement, cria le jeune garçon.

— On ne peut pas déranger la méditation du grand maître pour les caprices d’un enfant, répondit le moine.

La lucarne se referma et les bruits de pas s’éloignèrent. Tao ne comprit pas et sa colère l’emporta ! Il prit un bâton et frappa, frappa et refrappa encore, lorsque brusquement les portes s’ouvrirent et qu’apparu la silhouette imposante du maître d’armes Phong.

Tao s’agenouilla devant maître Phong et lui raconta ce qui était arrivé au restaurant de son père. Puis, il lui demanda de trouver et de punir les auteurs du malheur qui avait frappé sa famille.

Maître Phong répondit à Tao d’un ton calme et serein :

— les épreuves sont les moments de notre vérité.3

Je ne puis rien pour toi petit homme, il faut t’adresser à la garde de l’empereur. Tao comprit que personne ne viendrait l’aider et, déçu, rejoignit ses parents.

Il eut beaucoup de mal à s’endormir, car il redoutait que cela recommence. De plus, il craignait de perdre ses parents. Chen avait reçu de l’aide de la part de quelques amis, et même perçu de l’argent de la part de fidèles clients, prêts à apporter leur concours afin de ne pas perdre ce merveilleux lieu de rencontres villageoises.

Après un certain temps, Chen put rouvrir son établissement et s’était même offert le luxe de l’agrandir sur une cour extérieure. Il avait arrangé avec goût une splendide terrasse en bambous traversés par une petite rivière sur les berges de laquelle dansaient des orchidées sauvages caressées par la brise matinale.

Le calme était revenu et la vie avait repris son cours. Dans les mois qui suivirent, quelques événements similaires se produisirent notamment dans quelques échoppes du village. Après le vol de l’argent et de quelques provisions, l’épicerie de madame Sukoï avait même brûlé.

C’était toujours le même scénario, pas de traces, pas de témoins et un mystère grandissant qui finit par faire courir les bruits les plus maléfiques.

Puis, un jour, on entendit des cris et des hurlements dans la plaine. C’était un jour de repos, un de ces jours où les villageois sortaient et venaient volontiers au restaurant partager un bon repas en famille. Chen préparait un de ces fameux canards laqués à l’orange dont il avait le secret, et Kimaé faisait frire des beignets de crevettes. Tao donnait à manger aux poissons, puis se retira dans l’arrière-cour. Il y avait construit, avec quelques planches, une cabane qu’il avait aménagée et dans laquelle se reposait un panda en chiffon que ses parents lui avaient offert pour son cinquième anniversaire.

Tao prit son compagnon dans ses bras en le serrant très fort contre lui. Il lui dit : 

Tu sais Pandi, je ne t’abandonnerai jamais. Tu vois comme elles ont de la chance toutes ces familles qui viennent manger ici avec leurs enfants ! Moi aussi, je souhaiterais aller au restaurant avec mes parents.

Puis, dans un long soupir, il s’allongea sur les cartons, déplia une couverture, fit une petite prière et se laissa abandonner sur les chemins du sommeil.

Le lendemain matin, alors que le village semblait déjà bien actif, Kimaé revenait de la plaine en criant « au secours » ! Quelques femmes du village la suivaient en courant. Chen s’élança dans leur direction en se demandant ce qui pouvait justifier un tel trouble ! Le souffle court, Kimaé expliqua à son mari qu’elle venait de découvrir le corps atrocement mutilé de Fu-Lung, fille de Tchang-Li, le maître menuisier du village.

Immédiatement, Chen réunit quelques hommes et à l’aide d’une charrette, ils ramenèrent le corps sans vie de la pauvre Fu-Lung.

Ses blessures étaient profondes et elle avait dû agoniser quelques heures durant avant de rendre l’âme.

Chen emporta le corps au bureau de la garde impériale où des médecins légistes spécialement venus de Hangchow se penchèrent sur ce cas un peu délicat.

Tous les habitants de Phang-Mui étaient sous le choc de cette mort violente. La même question circulait sur toutes les lèvres ! Qui avait pu la mettre dans cet état ? Les rumeurs allaient bon train et les pires hypothèses circulaient ! Certains disaient qu’elle avait été attaquée par des loups, d’autres par un grand oiseau de proie, d’autres encore faisaient renaître la légende du dragon noir.

Cette légende raconte que le dragon noir attire les âmes égarées, la nuit dans la forêt. Une âme saine et sereine rayonne d’une lumière si forte qu’aucune forêt, si dense soit-elle, ne peut empêcher ses rayons d’atteindre l’univers. Lorsqu’une âme est dans le doute ou impure, elle devient sombre et la forêt devient son piège. Le dragon noir peut alors s’emparer de l’âme fragilisée, car seul le rayonnement des âmes pures protège des griffes et des crocs du dragon. Chaque fois que le dragon noir emprisonne une âme, il devient plus grand et plus fort.

Ces croyances effrayaient la population surtout depuis la mort du dernier empereur.

Tandis que l’enquête avançait à petits pas, les gens du village préparaient une cérémonie de deuil à la mémoire de Fu-Lung. La garde, ainsi que les médecins qui avaient pratiqué l’autopsie tardaient à rendre leurs conclusions et le corps meurtri de Fu-Lung n’était toujours pas rendu à la famille ! La tristesse des parents de Fu-Lung était immense, tout comme leur courage de poursuivre la route.

Le soir même, il y eut une réunion à laquelle la population était conviée. Les médecins ainsi que les représentants de la garde prirent tour à tour la parole en des termes peu rassurants. Les deux hypothèses retenues étaient :

La première, un meurtre à l’arme blanche qui impliquait plusieurs assassins.

La seconde, étant donné la nature des plaies ayant entraîné la mort, il pourrait s’agir de l’œuvre du dragon noir.

Dans les deux cas, la population avait toutes les raisons d’être inquiète !

L’autorité avait rendu le corps de Fu-Lung à la famille qui l’avait exposé dans un cercueil couvert de fleurs et d’objets symboliques.

Tao, attentif, était terrorisé par cette histoire de dragon noir, dont il n’avait jamais entendu parler auparavant. Il demanda à sa maman de ne plus traverser la forêt pour aller aux champs. Kimaé répondit que son âme était pure et qu’elle n’avait rien à craindre.

Alors, Tao demanda à sa mère ce que Fu-Lung avait fait pour assombrir son âme. Kimaé ne put pas répondre à cette question.

Chapitre II

Peur dans la plaine de Phang Muï

Quelques jours plus tard, Tao demanda à son père de pouvoir l’accompagner au temple pour y déposer les offrandes. Chen l’emmena. Lorsque les portes s’ouvrirent, Tao ressentit un bien-être sécurisant. Maître Phong fit entrer ses hôtes et les accompagna jusque dans les cuisines. Alors que Chen parlait longuement avec maître Phong, Tao disparut dans les couloirs du temple à la recherche de Lao-Tsé Ming. Lorsque, derrière une porte à l’effigie d’un tigre, surgit d’un bond, le grand maître, comme s’il avait senti la présence du jeune homme.

Lao-Tsé mit sa main sur l’épaule de Tao et lui dit :

— Je savais que nous nous reverrions petit tigre. Tu es jeune et vaillant, et ton cœur réclame vengeance, mais,on ne construit rien sur le terrain de la haine. Crois-tu avoir les griffes assez longues et les dents assez aiguisées pour te lancer dans un combat dont tu ignores les règles ?

— J’aimerais apprendre, devenir moine, et grand maître un jour, je souhaiterais protéger ma mère, et combattre le dragon noir, répondit Tao.

— Le combattant est toujours un individualiste avec un seul objet constamment à l’esprit. Combattre, sans regarder ni derrière ni à côté de lui. Il lui faut se débarrasser des obstacles affectifs, physiques, intellectuels qui freinent son élan vers l’avant,4 ajouta Lao-Tsé.

Le chemin de la vérité est encore long, petit Tao, tu as besoin de tes parents comme ils ont besoin de toi. Apprends encore à l’école de la vie. 

Lorsque dans la fleur, le fruit grandit, les pétales tombent d’eux-mêmes.5

— Sois patient Tao, le plus grand des fleuves est né de la plus petite rivière et le plus grand arbre est né de la plus petite racine.

Chen, les ayant rejoints, remercia Lao-Tsé, prit son fils par la main et quitta le monastère. Alors, Tao regarda son père et lui dit :

— Quand je serai grand, je serai Grand maître comme Lao-Tsé : tu crois qu’il est plus fort que maître Phong ? 

— Tu sais mon fils, répondit Chen, je pense qu’il arrive un moment où la sagesse est de ne plus combattre, où les esprits savent se rencontrer dans la paix de l’âme ! Comprends que le respect de l’un pour l’autre se fond dans l’harmonie de leur enseignement. Il ne peut pas y avoir de combat entre eux, ou c’est la vie du temple qui s’effondre.