La ligne de vie, une ligne à tracer ou déjà tracée - Tome 1 - Henri Provencher - E-Book

La ligne de vie, une ligne à tracer ou déjà tracée - Tome 1 E-Book

Henri Provencher

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Beschreibung

La ligne de vie. C'est à nous de la tracer ou est-elle déjà toute tracée?

La vie sur terre n'est qu'un segment de route vers l'infini. Déterminé à vivre "cet éclair de vie" passionnément pour construire positivement, il fait son possible et passe les rênes à plus grand que lui pour réaliser l'impossible.

Qui ne s'interroge pas sur sa ligne de vie? Vous travaillez dur et du coup, vous vous demandez: pourquoi je suis rendu là? Comme si les dés étaient truqués. La lecture de ce livre vous fera réaliser que votre propre ligne de vie a aussi un sens. Il suffit d'être de bonne volonté et sincère dans nos choix. Il faut éviter de vouloir tout gérer, car on n'y parvient jamais. Ne pas perdre son rêve de vue, se faire confiance et faire confiance. Cette ligne est remplie de méandres et d'imprévus, mais elle nous mène là où nous devons être. Bonne réflexion.



À PROPOS DE L'AUTEUR

Henri Provencher est né le 08 février 1946 à Trois-Rivières (Québec) Canada, cinquième d'une famille modeste de huit enfants d'où il tire sagesse des uns et fougue des autres. Marié le 02 Août 1969 à Louise Despaties, père de deux enfants, papi de quatre petits-enfants et maintenant arrière grand-papa.
À huit ans, il aide les franciscains à la crypte du bon père Frédéric, il fait son secondaire à leur collège de Sorel, puis trois années à Québec. D'avril 1967 à juillet 1997, il travaille sucessivement comme technicien à l'institut de Technologie puis au Cégep c'pas de Trois-Rivières. Officiel syndical durant toutes ces années, il est également nommé membre du tribunal administratif BRP et CLP de la CSST de 1985 à 2002. Il crée la compagnie "Déchiquetage de document Top Secret".
En mai 2008, suite à l'enlèvement de sa petite-fille, son cheminement l'amène à surmonter tous les obstacles pour la retrouver. aidé de la population et de cette légion de petits anges que Cédrika a rejoint, il mettra sur pied la fondation Cédrika, bien déterminé à éviter pareil drame à d'autres enfants et à d'autres familles. Pareille expérience et constats d'insuccès l'amènera à dénoncer et à réfléchir sur des ébauches de solution plutôt que de condamner. À juste titre, la prévention devient l'unique moyen d'enrayer un fléau grandissant d'éteindre des vies d'enfants pour des profits et des plaisirs personnels.

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Une ligne à tracer ou déjà tracée

LA LIGNE DE VIE

Henri Provencher

Tome 1

 

 

 

 

 

Un Papi et l’âme d’une enfant en action.

L’inédit qui se dit

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pour commentaire ou pour commander :

[email protected]

 

 

 

Couverture et mise en page : Ecoffet Scarlett

Toute représentation partielle ou totale est interdite sans le consentement explicite de l’auteur.

Imprimé au Canada

 

La révision linguistique de cet ouvrage est assurée par Marie-Claude Jouvet

Cette publication est dirigée par :

 

 

Téléphone : 418-271-6578

Courriel : [email protected]

 

 

 

 

Dédicace

Ce livre est spécialement dédié à la mémoire de Cédrika, et particulièrement à mon fils Martin le père de Cédrika dont je suis fier, à Karine sa mère et ma courageuse petite-fille Mélissa sa sœur ainée.

À toute ma famille, mon épouse Louise, la femme de ma vie, ma fille Marie-Josée, ma princesse de toujours, mes petits-enfants Marianne et Olivier que j’aime de tout mon cœur. Des personnes précieuses que j’ai sans doute un peu négligées pour me consacrer à une mission importante pour moi.

À l’attention de mes frères et sœur, leurs familles et toute la famille élargie de Cédrika, ses amis-es, particulièrement ceux et celles avec leurs familles qui ont vécu cet événement de très près.

À tous les enfants et les familles qui ont vécu ou vivent pareil drame, spécialement à ceux et celles qui m’ont ouvert leur cœur et partagé leur douleur.

Aux policiers et enquêteurs qui y ont mis beaucoup d’énergie, aux équipes de recherches et escouades canines, à tous ceux et celles qui ont participé de près ou de loin aux recherches de Cédrika et/ou à la Fondation, aux médias et journalistes qui nous ont accompagnés et n’ont jamais lâché. À toute la population, les informateurs ainsi qu’à tous nos supporteurs, bénévoles, partenaires, donateurs et collaborateurs de partout.

Je le dédie tout spécialement aussi, à nos proches collaborateurs et collaboratrices qui devraient se reconnaître: Marie-Pierre, Manon, Renée, Odette, Michel, Lise, Patrick, Chantale, Claire, Rolande, Natacha, Barbara, Suzanne, Guy, Sylvie, Christine, Julie, Mélanie, Sylvain, Daniel, Vincent, Olivier, Me Bertrand et son équipe, Marie-Laurence, René, Céline, Claude, Anne-Marie, Mario, Marc-André, Nancy, Alain, Robert, Denis, Valérie, Paul, Nicole, Gérard, Muguette et toutes ces personnes de cœur qui nous ont accompagnés et aidés par leur support bien particulier durant ce parcours et qui, pour plusieurs, sont encore là aujourd’hui.

 

 

 

 

 

 

 

Préface

Lorsque j’ai entendu parler de Monsieur Provencher, c’était, comme la plupart d’entre nous, via les médias. Il venait de vivre un drame d’une dureté inimaginable avec la disparition de sa petite fille Cédrika.

Cédrika… ce nom a bercé l’enfance de mon propre fils, qui avait presque son âge. Nous entendions parler de Cédrika toutes les semaines. Elle est devenue l’enfant du Québec. Nous voulions tant qu’elle soit retrouvée et vivante !

Lorsque j’ai rencontré Henri Provencher, j’ai découvert un être humain d’une catégorie à part. Une grande bonté émanait de lui. J’ai tout de suite senti dans mon cœur d’éditrice que son livre me toucherait et il est apparu évident entre nous que j’allais l’éditer.

M. Provencher nous explique les valeurs qui ont forgé son enfance. Venant d’une famille nombreuse et aimante, ses parents ont été pour lui un phare sur lequel il pouvait compter. Son éducation a façonné l’homme qu’il est devenu.

J’ai compris, à la lumière des valeurs qu’on lui avait inculquées, pourquoi il s’est autant investi lors de la disparition de sa petite fille. Lorsque j’ai lu le manuscrit du livre que vous avez entre les mains, j’ai apprécié les réflexions personnelles de M. Provencher. Cet ouvrage n’est pas la vie de Cédrika, elle en est par contre la muse. En lisant le chapitre destiné à mieux nous la faire connaître et qui relate également des inédits du drame qu’elle a vécu, je n’ai pas pleuré, ce livre n’est pas sombre. Il est lumineux. Par contre, j’ai été atteinte en plein cœur. J’ai eu mal pour la famille. Mais j’ai aussi senti que le passage de Cédrika, bien que trop court, avait bouleversé positivement plusieurs coeurs.

Ce livre devrait être utile pour toutes les personnes traversant un moment difficile, car il est une source de réflexions positives, de résilience poussée à l’extrême. J’ai énormément de respect pour son auteur.

Bonne lecture

Gwen Bobée

Éditrice Les Éditions Enoya

 

Préambule

Ne vous méprenez pas, le présent ouvrage n'est pas une œuvre basée sur la science, la fiction ou sur de grandes études. Il s’appuie sur mon vécu, sur la loi du gros bon sens, sur des sentiments, oui, vous avez bien lu, des sentiments, ma perception personnelle des choses. Je comprends que ma vision et mes opinions peuvent différer des vôtres et c’est bien comme ça. Laquelle est la bonne et laquelle ne l’est pas? Personne ne peut le dire. La liberté d’expression ne nous en déplaise, c’est aussi cela.

Ce livre exprime tout haut ce que je ressens et ma façon de voir les choses, sans camouflage. Vous connaîtrez un tant soit peu, mon état d’âme. Dans un survol très succinct, je vous amène à connaître mes pensées et vous fais découvrir le sentier qu’il m’importe de tracer et tente de débroussailler pour permettre à qui veut, de l’emprunter pour la sécurité de nos jeunes.

C’est un livre sans prétention qui vous est présenté en toute simplicité, avec l’espoir que certains d’entre vous seront interpelés et en saisiront une idée, un passage ou un projet qu’ils peaufineront pour en poursuivre le développement, en concrétiser la réalisation pour le finaliser avec toute la volonté et la détermination de rendre la société, un peu meilleure au fil du temps.

Il ne faut cependant pas oublier que, comme la vie, la pensée qui dicte nos actions évolue. Tout s’ajuste en fonction d’où nous sommes, de qui nous descendons et de nos expériences de vie.

Depuis l'enlèvement et le meurtre de Cédrika, ma petite fille, des vies ont littéralement changé et, force est de constater, qu’il faut s’adapter pour pouvoir continuer. Pareille expérience vous transforme et vous rebâtit au point de ne plus vous reconnaître ou de vous ramener à l’essentiel de qui nous sommes et de ce qui doit être. Le fameux « réfléchir avant d’agir » prend tout son sens.

Cet ouvragemontre ce qui se consolide en vous et ce qui vous change pour toujours. Il décrit sommairement un papi et sa petite fille dont l’esprit en pleine action agit par le biais d’une fondation portant son nom, afin de rendre ce monde meilleur pour l’avenir. Il propose des changements salutaires à apporter afin d’éviter des évènements qui n’ont tout simplement pas lieu d’exister.

 

Il ne dépend que de nous, de notre réelle volonté et notre détermination de vraiment vouloir tout faire pour changer les choses afin de les éviter pour l’avenir.

Pour prévenir les enlèvements d’enfants, les disparitions et les fugues, il nous faut mettre des choses en place, les synchroniser pour que l’avant, le pendant et l’après soient coordonnés. Désormais tous les intervenants se doivent de collaborer étroitement, toujours dans l’hypothèse que le pire peut arriver et qu’il ne doit pas nécessairement se produire. La relation entre les familles, les policiers, la population, les institutions et les organismes se doit de s’harmoniser, sans rivalité. Il est primordial que le rôle de chacun soit précisé, bien structuré et complémentaire, sans compétition aucune, en évitant de se nuire réciproquement.

Ce livre fait donc appel au gros bon sens et au désir profond d’apporter les changements nécessaires qui s’imposent en toute simplicité, avec efficacité.

Difficile de résumer toutes ces années en quelques pages. Chaque fois que nous nous replongeons dans une situation, nous la revivons et nous remémorons tous les détails, encore bien classés, alors que nous les croyons effacés de son cerveau. Mais non, tout y est encore bien présent et souvent accompagné des mêmes sentiments de bonheur ou de la douleur du moment.

Pas facile également de tout décrire avec justesse et précision puisque la perception et la réaction du moment présent se modifient au rythme de l’évolution de la pensée et au fil du temps qui passe.

Ce qui nous semble d’une importance capitale et vitale à dix ans, ne l’est plus à quinze ans, à trente ans et ainsi de suite. Heureusement, nous posons un regard différent au fil de notre évolution. Couché au pied de l’arbre, il nous apparait gigantesque alors qu’en perspective panoramique du haut d’une montagne, il nous est difficile de le retrouver tellement il nous apparait minuscule et s’intègre dans le paysage. Je ne peux donc vous décrire et vous transmettre qu’une partie bien succincte de ce vécu, en espérant que vous pourrez imaginer la réalité du moment.

Merci de prendre la peine de lire cet ouvrage et de le faire connaître autour de vous, pour une meilleure compréhension et dans une perspective de mieux agir pour un avenir meilleur et plus sécuritaire pour nos enfants.

 

Ma ligne de vie

Le livre que vous vous apprêtez à lire relate une ligne de vie particulière; la mienne. C’est-à-dire celle d’un papi laquelle vie forcément s’achève, ce n’est qu’une question de temps. Elle me permet cependant, d’un simple coup d’œil au rétroviseur, de dévoiler la réalité dont je vous parle en ce moment. Nous avons tous et toutes notre propre ligne de vie. Elle s’étend du début jusqu’à la fin de notre vie. Il y a déjà un bon moment que la mienne se déroule mais elle n’est pas encore tout à fait terminée. Comme la plupart d’entre nous, je m’interroge à savoir si cette ligne n’est pas tracée d’avance ou si c’est nous qui la traçons. Bref, un chemin de vie à suivre ou à créer.

À bien réfléchir, tout me laisse croire que les dés sont pipés d’avance et que j’ai étrangement, suivi une route qui m’était tracée. J’ai remonté le temps et constaté que ma façon d’être et ma façon de faire étaient intimement liées, une suite implacable d’applications systématiques de l’éducation reçue avec le cumul d’expérience acquise. Le tout ne cesse de conditionner et motiver instinctivement, encore aujourd’hui, mes attitudes et l’orientation de mes actions et mes choix de vie.

Cet ouvrage relate sommairement les étapes de ma ligne de vie avec ses périodes de vie enrichissantes ou parfois houleuses. Elle dévoile aussi une expérience de vie plutôt difficile que personne ne devrait vivre, le drame horrible de perdre un enfant. Un drame que malheureusement certains d’entre nous ont vécu, vivent ou auront à vivre si rien n’est fait pour le contrer.

Ce livre se veut une explosion de sentimentset non pas une œuvre d’art. Il ne prétend surtout pas plaire à tous. Il livre simplement ce qu’un papi a vécu depuis son enfance à aujourd’hui. Entre autres, lors de l’enlèvement de sa petite fille, sa perception des choses, les ressentis au plus profond de son être, l’ardent désir qui l’habite de faire changer les choses de façon positive et de participer à la construction de ce monde dont nous rêvons pour en faire une réalité.

Je vous ouvre tout grand mon cœur et vous ai dévoilé dans mes propres mots ce parcours de vie qui est le mien. Comme pour chacun d’entre nous, des périodes heureuses en général, mais aussi des périodes que j’ai trouvé très difficiles à bien des égards mais malgré tout, enrichissantes.

Je me suis tu longtemps, je ne veux plus me taire. J’ai tellement à dire et peu de temps pour le faire

Ne faites que lire sans égard à la structure des phrases. Ne faites qu’entendre le message et aussi celui d’une enfant de neuf ans avec les mots d’un papi qui souhaite que Cédrika serve d’exemple aux enfants comme aux parents ainsi qu’à toute la société, permettant d’éviter pareil drame. Sachez découvrir tout au fond de ce cœur, le message d’espoir qui s’y trouve enfoui et une grande volonté de contribuer à changer ces choses qui n’ont pas lieu d’être dans une société évoluée.

Bien que je vous relate des situations difficiles, ne me prenez surtout pas en pitié, ne m’élevez pas non plus à une hauteur d’où je pourrais dégringoler. Ne jugez pas, mais attardez-vous sur la pertinence de ces propos simples, directs et sincères. Ils traduisent une réelle tristesse et une profonde douleur j’en conviens, mais, tout en se voulant empreint d’espoir et de positivisme totalement démunis de malice et de vengeance.

Voyez-y aussi l’âme d’une enfant qui souffle simplement son message d’espoir dans le cœur de ses semblables. Cédrika invite parents et enfants à participer et à vous engager dans cet important changement bénéfique déjà bien amorcé.

Pour transformer le mal en bien, il faut d’abord l’identifier, le regarder bien en face pour bien le reconnaître et savoir comment le contrer partout où il veut s’infiltrer. Je ne fais pas exception puisqu’il en va ainsi dans la vie de chacun de nous et il appartient à chacun de se servir aussi du négatif pour avancer et nous transformer positivement. Les moindres détails de notre parcours de vie nous façonnent et contribuent à faire de nous ce que nous sommes à ce jour.

 

Mon héros

Toute mon enfance m’a fait connaître un Jésus qui devint rapidement mon héros. Bien imparfaitement j’ai toujours essayé, du mieux que j’ai pu et autant qu’il m’était possible, de suivre son exemple. Il a toujours été d’une importance capitale pour moi. À soixante-seize ans, je me rends bien compte qu’Il a toujours influencé ma vie, a toujours été à mes côtés pour guider mes pas et mes actions. Croyez-moi, Il n’est pas facile à suivre.

Toute sa vie nous enseigne le bien et son calvaire nous montre par l’exemple, qu’il est aussi possible de transformer le mal en bien. Je n’invente donc rien en tentant de transformer le drame qu’à subi ma famille, en quelque chose de positif, d’utile et d’innovant, pour le plus grand bien de tous. C’est ainsi que chaque expérience de vie contribue à nous faire grandir. Il nous appartient de le faire négativement ou positivement. Nous connaissons tous de ces expériences de vie qui obligent à bâtir sur l’espoir pour traverser un gouffre d’amertumes sans s’y engloutir.

Il suffit de croire fortement aux miracles pour qu’ils se produisent. À nous d’agir pour les provoquer et nous serons surpris de ce qui peut en découler.

 

À l’œuvre pour transformer!

Nous pouvons par contre, nous mettre à l’œuvre tous ensemble pour transformer et adapter la réalité de vie présente et future pour une société toujours meilleure pour les enfants, la famille et la population. Malheureusement, nul n’est à l’abri de tels drames et votre enfant, votre famille peut en devenir la prochaine victime sans crier gare.

Oui, le mal existe et si rien n’est fait pour le contrer, il se répandra comme une trainée de poudre et pourra proliférer allègrement. Il frappe avant même que nous n’ayons le temps de réagir et de nous ressaisir.

Croyez-moi, il a frappé à ma porte et est entré sans y être invité. Comme un maître prédateur, il est sournois et surprend sans laisser la moindre chance. Non seulement il fait une victime, mais cause des dommages d’une ampleur indescriptible, une « bombe sale » dévastatrice qui fait de nombreuses victimes innocentes.

Surpris, nous n’avons pu que réagir alors qu’il eut été tellement plus simple de prévenir; agir avant qu’il n’agisse.  Réagir, c’est agir trop tard, après que le mal est fait. Lorsqu’il a frappé, il ne pouvait plus être empêché pour ma famille. On ne pouvait que tenter de limiter les dégâts. Nous voulions tout faire pour retrouver Cédrika, la ramener à sa famille. Il urgeait de transformer le mal en bien pour éviter pareil drame à d’autres enfants et à d’autres familles. Ça m’apparaissait clairement, une chose possible.

Désormais, il nous faut à tout prix, travailler tous ensemble pour prévoir le mal, lui barrer la route avant qu’il n’agisse et qu’il puisse s’en prendre à d’autres enfants et plonger une autre famille dans un drame horrible.

Il nous faut sensibiliser, informer davantage et éduquer de façon à ce que nos enfants ne soient pas les prochaines victimes et ne deviennent pas eux-mêmes les prédateurs de demain. Agir ainsi, permettrait fort probablement d’enrayer ce fléau de notre société. Si nous mettions la même énergie à « PréVoir » pour l’éviter plutôt qu’à réparer les dégâts qu’il cause, nous pourrions l’éradiquer au lieu de le subir.

Voilà le rêve que je cajole et la raison de mon action : PRÉVENIR. Agir avant plutôt qu’après, avec votre aide et l’aide de tous et toutes.

Le présent livre se veut sans prétention aucune. Il m’est un outil permettant d’attirer votre attention sur ce fil continu qui relie nos origines, notre enfance et influence notre conduite et notre comportement toute notre vie durant, face aux événements et situations qui la façonnent.

Je vous invite à porter la plus grande attention pour découvrir comment ce fil continu inspire une attitude particulière et affiche un regard personnel sur chacune de nos expériences de vie.

N’en déplaise à quiconque, vous constaterez au fil de ces lignes, que comme mon éducation, le besoin inné d’aimer, d’être aimé, de se reposer, de travailler et de se nourrir, ma profonde croyance en Dieu font partie intrinsèque de ce que je suis. Vous le découvrirez rapidement à la lecture de ces lignes puisque cette foi s’imbrique en toute circonstance, dans les recoins de toutes les situations et les épisodes de ma vie. Il m’apparait tout aussi important d’évoluer spirituellement que mentalement, intellectuellement et physiquement. Nous sommes promus et destinés à bien plus grand que nous pouvons l’imaginer.

 

Vivez ce livre avec passion, comme si vous en étiez à la fois

le lecteur, l’auteur et le sujet.

Bonne lecture

__________________________________

 

Puisse ce livre vous pénétrer jusqu’à l’âme.

Faites-moi l’honneur de m’adresser votre appréciation.

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Chapitre 1

 

Les présentations

Puisque je m’apprête à vous inviter et vous introduire dans mon univers, vous dévoiler partiellement mon monde et ma philosophie, par courtoisie et décence, je tiens d’abord, en toute simplicité, à faire les présentations.

Le 8 février 1946, une journée d’une année bien spéciale d’après-guerre, naissait un bébé bien dodu d’une douzaine de livres, d’une mère qui en pesait à peine cent. Plus tard, lorsque j’ai pris conscience de la douleur qu’a dû être l’accouchement, j’ai senti le besoin de m’excuser auprès de maman. Elle s’est contentée de sourire en ajoutant qu’elle en était fière et heureuse. J’étais, parait-il, un bon bébé bien éveillé et pas turbulent.

J’étais le cinquième de huit enfants, sept garçons et une fille, issu d’une famille ni riche ni pauvre qui n’a toutefois manqué de rien. J'aimais blaguer en précisant que la vertu est au milieu. Je pouvais profiter de la sagesse et l'expérience des quatre ainés ainsi que de la fougue et la vitalité des trois cadets. S'ensuivaient inévitablement des répliques à qui mieux mieux, sous le regard amusé de mes parents.

Les « Je t'aime » cent fois par jour n'étaient pas coutume à l'époque. J’ai appris à apprécier chacun des petits détails qui me démontraient l’amour qu'on me portait. L'attitude et les gestes me prouvaient sans l’ombre d’un doute l'amour inconditionnel de mes parents, de ma sœur et de mes frères. Et c'est ainsi encore aujourd'hui, avec mes frères encore vivants. Nous sommes toujours heureux de nous revoir dans le respect de nos différences. Tout ce qui arrive à l'un ou l'autre de bonheur ou de tristesse, est partagé par tous, sans jalousie ou envie, ni aucune animosité de part et d'autre si j'en juge par les attitudes qui prévalent encore aujourd'hui.

Chaque membre de ma famille a été pour moi, un don du ciel, un exemple inspirant qui m'a été donné comme modèle à suivre. Pas que nous étions parfaits, mais simplement que la bonté et l'amour qui se dégagent de chacun se ressentaient. Nous ne sommes pas aveugles, il nous est permis de voir aussi les défauts chez l'autre et nos propres défauts. Les effets que provoquent ces défauts doivent nous servir à éviter de les faire nôtres, de nous donner toutes les raisons de les éviter, de les corriger et de trouver la façon de se débarrasser de ceux qui nous collent à la peau.

La moitié de ma famille est maintenant au ciel et veille sur l'autre moitié. Je les sens tout près, je les prie régulièrement et ils me sont de bons conseils dans toutes mes actions. Je pense sincèrement que c'est ce qui nous est offert comme opportunité. À nous de voir et de détecter le bon et le bien partout où il se trouve, de le percevoir, puis de s'en servir à bon escient dans notre propre vie.

Inutile de préciser qu’avec sept gars dans une famille, ce n’était pas rare d’avoir des disputes, et des chicanes de jeunes heureusement sans lendemain. Mon père nous laissait nous « ostiner » et tolérait le « tiraillage » jusqu’à une certaine limite. Lorsque les choses s’envenimaient et devenaient trop sérieuses, il avait le don de détendre l’atmosphère et de transformer cela en jeux de gars dont il devenait le maître du jeu. Nous avions le choix de régler nos différents en tirant aux poignets, par un combat de boxe ou de lutte; dont il se faisait l’arbitre. Inutile de dire que toute la famille savait régler ses différents et savait se défendre de toutes les façons.

Ce n’est pas d’hier qu’existent l’intimidation et la violence. À cette époque, la ville était divisée par paroisses. Des gangs de rue faisaient la loi sur leur territoire respectif. Lorsqu’on passait d’un territoire à l’autre, c’était l’affrontement. Nous étions chanceux de pouvoir passer inaperçus. Bien que capables de nous défendre et habitués à nous bagarrer, nous évitions cependant de provoquer. Les affrontements étaient plus limités, surtout avec un frère ainé adepte de la culture physique, de boxe, d’haltérophilie qui plus est, n’avait pas froid aux yeux.

Comme la plupart des garçons, j’adorais me bagarrer pour jouer. Je détestais devoir me battre pour vrai, même si je savais très bien me défendre. Les gangs de rues du coin, toujours à trois ou quatre, s’en prenaient souvent à moi sachant que je ne rouspétais pas, jusqu’au moment où c’en était trop. Nous ne cherchions jamais la bagarre, mais n’hésitions pas si on nous provoquait. Pour ma part, j’ai reçu des coups plus souvent qu’à mon tour sans voir l’intérêt de répliquer. On m’a appris à ne pas faire aux autres ce que je n’aimais pas qu’on me fasse. Je trouvais cela tout à fait logique et normal.

 

Nous étions croyants et chacun de nous, apprenait à servir la messe dès notre plus bas âge. En ce temps, il y avait trois messes par matin, six heures, six heures trente et sept heures. Il n'était pas rare de servir les trois messes d'affilée avant de se rendre ensuite à l’école. Nous recevions dix sous par messe que je m’empressais de remettre à ma mère qui tenait le budget de la famille.

Nous étions très près des franciscains qui assuraient le service de la paroisse. Vers l'âge de huit ans, chacun à notre tour, nous avons travaillé les fins de semaines et les vacances, à la crypte du bon Père Frédéric Johnson, sous la chapelle des franciscains à Trois-Rivières. Nous nous occupions de l’entretien et du magasin des souvenirs. Nous adorions surtout accueillir les visiteurs et leur raconter l’histoire du père Frédéric. En ce temps, les pèlerinages étaient choses courantes et les pèlerins affluaient de partout pour visiter le musée du père Frédéric. Par exemple, father Brown, un franciscain de New York s’arrêtait chaque semaine durant tout l’été avec trois ou quatre autobus bien remplis, pour faire visiter le musée lors de son pèlerinage au sanctuaire Notre Dame du Cap. Nous connaissions donc tous les franciscains et il n'était pas rare qu’ils viennent à la maison, écouter des émissions de télévision, prendre un repas avec nous ou se joindre à notre pique-nique familial. Pas étonnant que tout jeune, je voulais être missionnaire et caressais déjà l’idée de devenir franciscain.

D’aussi loin que je me souvienne, de voir quelqu’un malheureux me rendait triste. J’observais beaucoup, j’écoutais d’avantage que je parlais et m’éloignais des chicanes et des « tiraillages » trop sérieux. Je détestais faire du mal et lorsqu’on m’en faisait, je trouvais le moyen de me tirer de cette fâcheuse position sans me bagarrer. J’excusais toujours qui m’en faisait, ne pouvant garder rancune et préférant croire qu’on ne pouvait le faire volontairement. Bien que chaque membre de ma famille soit bien différent, je les aimais inconditionnellement. J’adorais ma famille. Même si j’aimais taquiner, me chamailler et jouer, je préférais de loin aider et rendre service.

Je n’appréciais pas vraiment l’école. Les trois premières années, j’étais premier de classe et les années suivantes, les enseignants alternaient et se préoccupaient peu que les jeunes comprennent ou non. On nous donnait le cours, puis on quittait. Nombre d’étudiants étaient dissipés et il n’était pas rare que des bagarres éclatent en pleine classe même parfois entre étudiants et enseignants. J’éprouvais de plus en plus de difficulté à me concentrer. Pourtant j’adorais apprendre. Je posais supposément trop de questions, ce qui ne faisait pas l’affaire de tous les profs. Et si on m’ordonnait de me taire, je disparaissais fréquemment dans mes pensées et mes rêves.

À la maison, mon père vérifiait les leçons et les devoirs de grammaire et de calcul, tandis que ma mère s’occupait de catéchisme, d’histoire et d’éducation familiale.

Je vous présente donc, bien que sommairement, chacun des membres de ma famille. Chacun a eu un impact déterminant dans ma vie, par sa personnalité propre, ses talents, son charisme, son honnêteté, sa bonté et son amour. Toute ma vie, j’ai choisi de voir davantage leurs qualités que leurs défauts. Non pas qu’ils n’en ont pas, mais parce qu’elles les supplantaient. Je n’ai eu d’autre choix que d’admirer chacun et chacune pour ce qu’il ou elle était et en tirer le meilleur exemple à suivre.

 

En bas de la photo : mon père Hector, ma sœur Marie-Claire et ma mère Léda.

En haut de la photo : François, André, Gilles, Henri, Réjean, Jean-Guy, Yvan

Léda, ma mère, est issue d’une famille de sept enfants, quatre garçons et trois filles. Une petite femme réservée, au cœur d’or, vaillante et dévouée, d’une grande bonté et la douceur même. Cette petite « pas possible » carburait au gaz d’avion. Elle n’arrêtait jamais. Certainement un ange prêté par Dieu pour prendre soin de nous, papa inclus. Elle s’oubliait complètement pour sa famille. Qu’elle soit enceinte, malade ou épuisée, elle restait toujours fidèle au poste.

Comme toutes les familles du temps, son père travaillait au bois, donc très peu présent et sa mère tenait maison et la fermette. Maman adorait sa mère, elle nous parlait d’elle comme d’une personne douce et aimante. Je ne l’ai pas vraiment connue. J’étais trop jeune lorsqu’elle est décédée. Parait-il qu’elle nous adorait et que je l’amusais.

Ma mère passait ses journées à cuisiner, placer, nettoyer, coudre, confectionner, repriser, faire la vaisselle, la lessive, faire sécher, repasser, écouter, consoler, encourager ses enfants, sans jamais s’impatienter ni s’arrêter. Elle chantait en travaillant et ne s’assoyait que lorsque mon père était à la maison, sinon elle se faisait disputer puisqu’il aimait qu’elle prenne le temps de s’arrêter pour respirer. Ils s’informaient mutuellement de leur journée et des enfants. Inlassablement, elle se levait tôt le matin et se couchait tard.

Elle nous a appris à prier avant de marcher, à pardonner, à ne jamais garder rancune, à offrir nos peines et nos joies, à toujours demander l’aide du ciel dans tout ce que nous faisons. Elle ne cessait jamais de nous encourager. Elle nous a inculqué la tolérance, l’entraide, le respect et à faire fi des jugements et à ne jamais se laisser arrêter par les embûches. Elle était un exemple de bonté, de respect, de patience, et de sagesse. Toujours présente, toujours à l’écoute, toujours effacée et de bon conseil. Elle trouvait malgré tout le temps de nous faire l’école puisqu’elle aurait aimé être institutrice, nous disait-elle. Avant de commencer l’école, elle se faisait un devoir de nous apprendre à compter jusqu’à cent et nous connaissions notre alphabet sur le bout des doigts.

Encore tout jeune, je considérais déjà ma mère comme une sainte femme. Elle s’inquiétait constamment de nous. Je ne l’ai jamais entendu crier après nous; je dis bien, jamais. Elle incarnait la patience, l’amour avec un grand A.

Elle adorait ses enfants et n’était heureuse que lorsqu’elle les voyait et les savait heureux. J’adorais et admirais ma mère. Pour moi, il ne pouvait y avoir meilleure mère que la mienne. Une mère présente et aimante, que tous nous enviaient.

Encore aujourd’hui ses paroles de sagesse me reviennent en tête et m’apaisent « écoute ton cœur, fais de ton mieux et ça va aller. Prie et laisse le temps tout arranger. Ne te décourage jamais, le soleil revient toujours ». Maintes fois en toute confiance, nous avons eu des échanges privilégiés, à cœurs ouverts. J’adorais, j’apprenais et j’appréciais.

Malgré la somme de travail que nous représentions, rien ne pouvait la rendre plus heureuse qu’être entourée de ses enfants.

Elle nous a       quittés à l’âge de 82 ans, le huit décembre 1997, jour de l’Immaculée Conception de la vierge Marie à qui elle vouait une grande dévotion.

Après qu’elle ait reçu les derniers sacrements, je m’approchai d’elle et lui murmurai doucement à l’oreille : « Mom! C’est la fête de Marie aujourd’hui. Regardez, elle est là, entourée de toute la famille. Elle vous attend les bras ouverts. Allez les rejoindre, n’ayez pas peur, vous ne serez pas seule ».

Son visage se décrispa. Elle ouvrit doucement les yeux, fixa au loin d’un regard émerveillé, puis nous quitta. J’ai ressenti à l’instant même, une joie profonde à l’idée qu’elle ne souffrait plus et qu’elle nous quittait heureuse pour une vie meilleure.

Hector, mon père, homme fier, droit, honnête, noble, autoritaire, mais juste et bon. Il était de stature moyenne, solide et fort, ne se laissait pas marcher sur les pieds et était prompt à réagir. Autant que je me souvienne, rien ni personne ne semblait lui faire peur.

Son père Henry l’abandonna avec sa sœur et sa mère pour trouver du travail aux États-Unis dont il n’est jamais revenu. Âgé de quatorze ans, Hector n’a eu d’autre choix que de travailler pour faire vivre sa famille. Il devint vendeur de légumes et sillonnait les rues avec sa charrette et son cheval, pour ensuite travailler au bois comme bûcheron avec son oncle.

Homme visionnaire et d’avant-garde, il démontrait un respect inconditionnel envers les gens, les choses, les animaux, la nature, l’eau, la végétation; bref, pour la terre et l’univers entier. Il n’était pas question de gaspiller l’eau, la nourriture ou quoi que ce soit. Il répétait souvent que nous étions choyés d’en avoir en bonne quantité, alors que d’autres en manquaient. Pour lui, si nous n’en avions plus besoin, tout pouvait servir à quelqu’un d’autre dans le besoin. Il nous rappelait sans cesse qu’un jour, l’eau ne serait plus gratuite et deviendrait plus précieuse que l’or. Il n’était pas question non plus, de se débarrasser de quoi que ce soit en le jetant par terre, non plus de casser des branches d’arbre pour s’amuser. Pour lui, tout avait son utilité au moment opportun.

Il n’avait pas toujours la bonne façon de dire les choses et se montrait parfois sévère. C’est bien compréhensible puisqu’il devait garder une bonne discipline avec une telle marmaille. Il rentrait fréquemment du boulot avec de gros maux de tête après plusieurs heures passées dans un bruit d’enfer en usine. Cependant, son attitude, pour qui savait l’observer, démontrait clairement qu’il regrettait déjà de devoir disputer. Visiblement, punir lui répugnait.

À l’adolescence, j’ai eu à maintes reprises des échanges privilégiés avec mon père, me laissant entrevoir toute la profondeur de son âme. J’y ai découvert un coeur d’une sensibilité empreinte de tendresse, emprisonnée sous cette armure et décelé le profond amour qu’il portait à sa famille. J’ai apprécié la pertinence de ses propos, de ces conseils judicieux et son profond désir de nous voir heureux. Je pouvais de mieux en mieux le ressentir et le comprendre.

Il ne tolérait jamais un manque de respect envers ma mère, envers lui ou envers qui que ce soit. Il supportait jusqu’à un certain point les querelles et même un certain degré de chicane entre nous, conscient que nous expérimentions nos limites. Il intervenait lorsque nous dépassions les bornes. Pour lui, c’était important que nous apprenions à régler nos litiges, à savoir nous défendre et être capable de faire face à quiconque.

Il nous a appris le respect, le partage, la générosité, la détermination, l’honnêteté, la franchise, la débrouillardise, à ne jamais abandonner et à nous relever encore et encore.

Il voulait que ses enfants soient instruits, bilingues et dégourdis. Il m’a souvent répété « tu peux tout faire dans la vie, tu peux arriver là où tu veux, mais fais-le sans bousculer personne et sans marcher sur les pieds de quiconque ».

Sous sa carapace sévère et sérieuse, il pouvait, lorsque l’occasion s’y prêtait, laisser paraitre son côté joyeux luron et bon vivant. Il chantait et démontrait un grand amour de la musique. Il achetait tous les instruments de musique, piano, guitare, accordéons, mandoline, violon, harmonica et de nombreux appareils de percussion, dans l’espoir de nous en donner le goût. Chaque dimanche matin, après la messe, c’était la pratique pour une heure ou deux. Il fredonnait des chansons et se faisait accompagner ou nous les faisait apprendre note par note, chacun sur son instrument préféré.

Le rôle autoritaire qu’il adoptait tendait l’atmosphère et ne portait pas vraiment au dialogue. Et cela, il en souffrait autant que nous, je pense. Je me rappelle aussi de nombreux moments de plaisir, de rire et de joie de vivre souvent autour d’un merveilleux repas où mon père et ma mère ne donnaient pas leur place. Ce sont de merveilleux souvenirs!

Homme de peu de mots mais, dont la façon d’être ne laissait pour moi, aucun doute sur l’amour qu’il nous portait. Il incarnait la discipline et l’ordre alors que maman incarnait la douceur et s’avérait notre confidente.

Je me plais à me souvenir de mon père comme d’un homme de changement et d’évolution. J’admirais son calme, sa sagesse, sa prestance et son respect des gens, de la nature et des choses. En quelque sorte, il était visionnaire sachant que rien n’est inépuisable et qu’il faut prendre grand soin de tout ce que nous avons. Ses paroles toujours d’actualité résonnent encore dans ma tête et surgissent à tout propos. Elles me servent de guide encore aujourd’hui.

Il nous quitta subitement, le 31 octobre 1982, à l’âge de soixante-six ans.

 

Mes frères et ma sœur

François, l’ainé de la famille, solide protecteur, homme de cœur à la voix qui porte et qui chante. À la fois sérieux et humoristique, il dégage la confiance en lui et aime se moquer pour détendre l’atmosphère. Culturiste et amateur de boxe, il garde la forme et excelle au tir du poignet. Le charmeur à l’esprit vif, toujours avec une réplique appropriée, bref, c’est le gars plein de talents et de qualités qui ne s’en laisse imposer par personne. Qui s’y frotte s’y pique. Lorsque l’un de nous avait des ennuis, il ne rigolait pas et réglait le tout illico. Les gangs de quartier le connaissaient et avaient intérêt à ne jamais s’en prendre à sa famille.

Déjà à l’adolescence il se trouva un emploi tout en poursuivant ses études jusqu’à l’obtention de son diplôme à l’école technique de Trois-Rivières. Toujours bien mis, il faisait impression partout où il passait. Il enseignera la vente au CEGEP et encore tout jeune, lança sa propre entreprise le « Centre Hydraulique Mauricien ».

Comme employeur, il était à la fois exigeant et humain. Il se targuait toujours d’avoir les meilleurs employés qui soient. Il les considérait au point de les inviter dans les fêtes de famille qu’il organisait. Ils étaient toujours bienvenus et toute la famille les appréciait. Il fut une inspiration pour moi à bien des niveaux. Bien que ce ne soit pas le genre « visiteux », je le sentais toujours soucieux et fier de sa famille, prêt à aider. En fait, il fut un exemple à suivre et contribua à ce que je reste toujours un syndicaliste modéré, fier de son frère. Je retiens aussi de lui, encore aujourd’hui, sa voix de stentor son goût pour le chant, les comédies musicales et la danse, sa jovialité, sa détermination, son aisance et son courage en toute chose.

Mon frère André, le deuxième de la famille, pas celui de l’oratoire, mais le mien. Le super actif de la famille. Jeune, lorsque nous passions près de lui, il nous enfargeait, nous donnait une « bean » sur un bras, nous volait la chaise berçante que tous appréciaient. Il ne tenait pas en place, une vraie sauterelle. Il montait et descendait les marches deux par deux toujours à la course. Il touchait à tout, essayait tout et excellait dans tout ce qu’il entreprenait. Un artiste dans l’âme, dessinateur, peintre, sculpteur, ébéniste raffiné, menuisier et bricoleur accompli. Il était en demande partout et apprécié de tous, particulièrement au cours de sa carrière à l’Institut de technologie et du CEGEP, comme enseignant en architecture et génie civil.

Il travailla à la Crypte du Bon Père Frédéric dès son tout jeune âge et n’a jamais cessé d’aider tout au long de sa vie. Toute la famille faisait appel à lui et jamais il ne refusait. Même marié, avec son épouse Yolande, il nous recevait constamment. C’était toujours la fête, le point de ralliement de toute la famille. Un homme bon, de cœur et de foi, un pilier apprécié de tous. Il aimait faire plaisir. Pour moi c’était un exemple de dévouement et la preuve vivante que nos seules limites sont celles que nous nous imposons.

Marie-Claire, ma sœur au cœur d’or, était notre rayon de soleil, une source d’énergie. Elle remplissait la maison de ses rires et de sa vitalité. Elle apportait le bonheur et la joie de vivre. Seule fille parmi sept gars, elle savait prendre sa place. À la fois fière, coquette, forte et féminine, bien que réservée, elle ne passait jamais inaperçue. D’une sensibilité à fleur de peau, exubérante et volubile, elle pouvait détendre l’atmosphère par son ricanement facile et son entrain et ce, bien que la vie ne l’ait pas ménagée. Elle jouait du piano d’une douce façon. Ses doigts glissaient sur le clavier et me transportaient.

À l’adolescence, elle fut engagée à l’orphelinat St-Dominique pour y travailler jusqu’à sa retraite. Alors qu’elle souhaitait fonder sa famille, elle n’a jamais eu d’enfant. La vie lui a confié de nombreux enfants dont elle s’est occupée et qu’elle a aidés comme une mère, marqués par son exemple et à qui elle a redonné foi en la vie. Elle leur procurait l’attention et le bonheur qu’ils n’avaient pas connu. Quant à ceux qui n’avaient jamais de visite, elle les amenait à la maison pour partager un repas en famille afin qu’ils ne se sentent pas abandonnés.

Nous étions des confidents l’un pour l’autre. Elle m’a fait l’honneur de l’accompagner jusqu’en fin de vie. Elle priait Dieu de lui donner le don de la sagesse et Il le lui a accordé. Elle me transmet encore son énergie dans les moments difficiles. Je retiens d’elle cette bonhommie, ce goût de la musique, de la danse et ce pouvoir d’attraction naturelle qui la caractérisait. Elle contaminait et ne laissait personne indifférent. Elle décéda à la fin de septembre 2019 à l’âge de soixante-dix-sept ans.

Mon frère Gilles, le plus jeune de mes ainés, celui qui me précédait, tout juste. Fringant et sans limite, il ne supportait pas les entraves, il les défiait, rien ne semblait l’arrêter. Il s’imposait d’abord, avant de s’en laisser imposer.

Je me souviens qu’il était à peine âgé d’une douzaine d’année, quand avec Yvan, le cadet de la famille, ils avaient participé tous les deux comme accordéonistes à l’émission « Charlotte », une émission de jeunes musiciens, diffusée à la radio. Il avait remporté le premier prix. J’adorais aussi l’entendre jouer de la guitare, de l’harmonica et du piano. Il s’était joint à des amis pour former un petit orchestre qui se produisait un peu partout. À toutes les fêtes de famille, c’était le « parteux de party ».

Il a travaillé au service scolaire, une librairie gérée par les frères des écoles chrétiennes. Fidèle, il se vouait tout entier à son travail. Lors de la fermeture de l’entreprise, satisfaits de lui, les frères lui offrirent un poste de maintenance à leur résidence de Pointe du Lac, ce dont il s’acquitta avec le plus grand sérieux. Il s’y dévoua entièrement et avec minutie, jusqu’à la retraite. Autant il pouvait être courtois et lier facilement contact avec les gens, autant il pouvait être sec et cinglant avec ceux qui le cherchaient. Homme bon au grand cœur, perfectionniste et généreux, on l’appréciait pour ce qu’il était et pour son travail bien fait. Il débordait de vitalité et encore aujourd’hui, nous sommes toujours bien fixés sur ce qu’il pense réellement. Pour moi il représentait l’être vrai, entier, honnête et généreux, sans ambigüité.

Réjean, mon frère cadet, celui qui me suivait de près. Le taciturne, le plus costaud de la famille qui semblait immuable, calme et sûr de lui. Toujours chic, pas étonnant qu’on l’ait engagé comme collecteur pour un grand magasin de Trois-Rivières. Il n’avait pas froid aux yeux et détestait la chicane. Comme François, il était un peu la coqueluche du coin, grand charmeur toujours au volant de belles autos qui le caractérisaient. Il était bon danseur par surcroit.

Il jouait merveilleusement du piano : mélodies, rock, jazz, blues. Il savait donner vie à tout ce qu’il jouait. Je me plaisais à l’écouter durant des heures. Il partait dans son monde sans se rendre compte de ma présence. Lors de soirées de famille, après avoir accompagné quelques-uns au piano, il pouvait jouer quelques ritournelles à l’accordéon. Durant le lunch, il improvisait souvent au piano, répandant calme et relaxation à toute la parenté qui visiblement, appréciait.

Je me souviens l’avoir accompagné à Montréal pour une intervention chirurgicale. Le médecin pour ne pas dire un boucher, lui avait tailladé le dessous des pieds. Je ne me souviens pas au juste pour quelle raison, mais depuis, il a toujours eu du mal et une démarche légèrement chancelante.

Nous avons connu de merveilleux moments alors qu’on se visitait à tour de rôle. Il adorait des soirées de cartes près du foyer pour ensuite se livrer à un concert d’improvisation sur mon piano à queue, en s’y abandonnant complètement.

Il travailla à la baie James quelque temps seulement. Il me confia un jour qu’on lui avait demandé de passer de la drogue lors de ses voyages aller-retour. Il aurait refusé prétextant qu’il n’allait pas aider à empoisonner les enfants. Je l’ai chaudement félicité en lui exprimant toute ma fierté de leur avoir servi pareille réplique.

Jean-Guy le septième de la famille, le réfléchi, toujours pausé et de bonne humeur, le pince-sans-rire. Déjà, tout bébé, pas tannant du tout comme enfant, lorsque nous partions en auto et même un peu partout, il s’endormait facilement. Toujours à son affaire, il ne déplaçait pas beaucoup d’air mais il faisait tout minutieusement et bien concentré.

Je l’ai rarement vu fâché. Il semble immuable avec un entrain indéfectible. Excellent joueur de guitare, il nous fait passer de merveilleux moments à l’écouter. Il a toujours su mettre du piquant dans un « party » de famille par son entrain, ses chansons et ses histoires. Il est apprécié partout.

Spécialisé en génie civil, il fit carrière comme dessinateur à la municipalité de Drummondville d’où il est maintenant retraité.

J’admire encore aujourd’hui, sa bonhommie et sa serviabilité. Homme de cœur, de courage et de détermination, il est pour moi, un exemple de dévouement indéfectible et de fidélité envers les siens et son entourage. Il sait ce qu’il veut et est fidèle à lui-même comme il l’est pour les autres. La famille demeure toujours sa priorité. Ses amis lui restent fidèles avec raison.

Yvan, le cadet de la famille, le déterminé, le petit vigoureux, le fonceur, le meneur. Il ne restait jamais en place. Tout semblait l’intéresser et il faisait savoir qu’il était là. Il voulait réussir et avait l’esprit d’un « leader ». Il n’hésitait jamais à donner son avis et savait prendre sa place. Il avait toujours une nouvelle idée en tête comme si son cerveau tournait sans arrêt.

Conscient de ses capacités, il savait se faire aimer et pouvait même manipuler son auditoire au point qu’on lui excusait tout et qu’on ne pouvait jamais lui en vouloir pour quoi que ce soit. Ses excuses semblaient toujours tellement logiques.

Jeune, c’est le frère avec lequel j’avais le plus d’affinité puisque c’est avec lui que j’ai passé le plus de temps. Il fut le dernier à partir de la maison et il était toujours là lors de mes vacances du collège et à mon retour de Québec après trois ans d’absence. Après mon mariage, nous nous visitions régulièrement.

Son mal de vivre et son leadership le rendaient insatisfait, au travail comme en amour. Il était d’une sensibilité à fleur de peau et avait un grand besoin d’être aimé et apprécié.

 

Jonction finale      

Comme dans toutes les familles, les passages de vie pénibles se succèdent pour notre famille. En l’espace d’à peine trois ans et demi, maman avait dû encaisser trois chocs terribles qui l’ont visiblement secouée et dont elle s’est difficilement remise. La mort de papa, de Réjean et de Yvan.

Le 31 octobre 1982 survint le décès de papa à l’âge de soixante-six ans.

Mon frère Jean-Guy venait tout juste de le quitter. Le temps de parcourir les 80 km pour rentrer chez lui, il prenait le message d’André qui l’informait que papa avait été terrassé par une crise cardiaque. Nous étions, Louise et moi, à déguiser les enfants pour passer l’Halloween lorsque André m’apprit la terrible nouvelle. Papa s’était effondré devant maman, terrassé par une crise du cœur. François fut appelé aussitôt en urgence par maman.

L’appel m’a littéralement bouleversé. Papa était tout ce qu’il y a de plus vivant dans les heures précédentes et d’un coup… Il n’était plus. Wow! Quel coup de massue imprévisible! J’ai mis longtemps à m’en remettre. Sans m’en rendre compte, je me surprenais à l’attendre en surveillant l’entrée, puisque nous invitions régulièrement mes parents à souper les fins de semaine. Nous devions en faire notre deuil, ils n’arriveraient plus, du moins, plus ensemble.

En décembre 1985, il y eut le décès de mon frère Réjean.

Nous avions constaté depuis un moment, qu’il paraissait soucieux et étrangement inquiet. Est-ce qu’on l’intimidait suite à son refus de passer la drogue, est-ce que ça concernait sa vie sociale et amoureuse ou était-ce autre chose? Je n’ai jamais su vraiment. La mort soudaine de papa n’a pas arrangé les choses. Ce n’est certes pas la seule raison, mais elle semblait l’avoir beaucoup affectée. Il mit fin à ses jours quelques jours avant Noël.

Je retiens de lui bonté, droiture et cette indépendance qui le caractérisait. Bien qu’intraverti, nous pouvions le percevoir en profondeur par sa musique qui l’extériorisait. Jamais nous n’aurions pu douter d’une fin semblable.

À peine six mois plus tard, survenait le décès de mon frère Yvan. Dans un court laps de temps, l’échec de ses dernières relations, le suicide d’un collègue de travail, celui de Réjean, la mort subite de papa, l’avait solidement ébranlé et complètement démoli. Fréquemment déçu et insatisfait, il semblait en vouloir à la vie. On m’a maintes fois appelé pour le retrouver ou le raisonner suite à une controverse alors qu’il menaçait de s’enlever la vie.

Un jour, j’ai dû négocier un long moment pour le convaincre de me remettre un couteau de cuisine sur lequel il était couché. Il hurlait sa douleur intérieure qui lui était insupportable, menaçant de mettre fin à ses jours. Une fois encore, tard le soir, je l’ai poursuivi en auto à toute allure en pleine ville durant de longues minutes, pour l’empêcher de commettre l’irréparable. Après s’être arrêté près de l’entrée du pont sur la rivière St-Maurice, je tentai de le convaincre de rentrer et de se reposer. Il refusait de m’écouter. Il n’était que l’ombre de lui-même. Après un moment, il partit en trombe, me frôlant de justesse. Une heure plus tard, sa conjointe me confirma qu’il était rentré complètement épuisé. Il s’était endormi. Quel terrible sentiment d’impuissance nous habite de voir quelqu’un qu’on aime souffrir ainsi et de ne pouvoir changer pareil état d’esprit!

Une journée de juin 86, sa conjointe s’inquiétait puisqu’il n’était pas rentré depuis la veille. Je sillonnai la ville au complet, j’appelai les stations de radio les implorant de diffuser sur les ondes, un simple message de nous contacter car tous ses proches s’inquiétaient. Ils refusèrent sous prétexte de ne pas créer de précédent. Je m’arrêtai à la brasserie où il aimait manger et boire. En se moquant, le personnel m’a fait savoir que dans l’état où il avait quitté les lieux, ce jour-là, ce n’était pas surprenant qu’il soit disparu.

Les policiers l’ont retrouvé quelques jours plus tard, dans un boisé. Il était passé à l’acte en se suicidant comme l’avait fait Réjean et son collègue de travail, quelques mois plus tôt.

Plus rien n’a été pareil ensuite. Les visites et les rencontres se distancèrent. Avec la perte de ces trois joyeux lurons, les fêtes de familles s’imprégnaient de tristesse et perdaient leur ambiance festive pour laisser place à la nostalgie ou faire remonter de douloureux souvenirs. Maman se reprochait de n’avoir pas été une assez bonne mère pour ses enfants. Et pourtant!

Dans ces années quatre-vingts le suicide était considéré à tort, comme un acte de lâcheté. Le prêtre qui célébrait la cérémonie semblait mal-à-l’aise d’évoquer le suicide, jusqu’à ce que je lui demande d’en parler ouvertement, simplement. Peut-être pouvions-nous l’éviter à d’autres. Il sembla soulagé et il trouva les mots pour le dire.

Alors que j’étais postulant et novice durant mes années au monastère de Québec, les gens avaient tendance à se confier à nous. J’ai côtoyé des personnes qui avaient déjà pensé au suicide par découragement devant des situations qui leur paraissaient insurmontables.  Un jeune homme me confia avoir fait une tentative après un gros choc émotionnel. Il me raconta s’être retrouvé comme dans un trou noir, sans issue possible ni aucune lueur d’espoir de se sortir de cette situation. Il avait perdu toute lucidité. Quelqu’un était intervenu juste à temps. Il m’a avoué être tellement heureux de ne pas avoir réussi. Sa vie a pris un tout autre tournant et le bonheur s’est mis de la partie. Il ne comprend toujours pas ce qui lui a pris ce jour-là.

 

Une maman bousculée par la vie.

Maman conduisait rarement, donc ne sortait plus et ne venait plus nous rendre visite, à moins d’aller la chercher. L’ennui, l’isolement et la tristesse la gagnaient de jour en jour. Bien que je me fasse un devoir de lui rendre visite régulièrement, de l’amener faire l’épicerie durant mon temps libre et de souvent dîner avec elle, elle se sentait abandonnée. Il n’était pas rare de la trouver les yeux rougis par les pleurs.

Un jour en arrivant je la trouvai se regardant dans le grand miroir du salon en me disant « Je ne connais pas cette vieille qui ne cesse de me regarder ». Puis en se tournant vers moi elle me dit : « Je ne me suis jamais aperçue que j’étais rendue vieille. Je ne me reconnais plus ». Puis en se regardant, elle se plaçait les cheveux comme pour s’assurer que c’était bien elle qu’elle voyait.

En souriant et en la prenant dans mes bras je l’embrassai en lui disant : « Mom, ne le croyez pas, vous serez toujours la plus belle pour vos enfants. Ce n’est pas celle du miroir que je vois, mais celle devant moi ».

L’Alzheimer commença à faire de plus en plus son terrible ravage. Il n’était pas rare qu’elle me dise « J’en perds des bouts. J’ai l’impression de devenir folle. Je ne me reconnais plus et je ne me comprends plus ».

Je me suis promis que chaque fois que j’irais la voir, je lui ferais passer un moment heureux en lui rappelant les faits les plus cocasses du temps où nous étions tous réunis à la maison. Je faisais le clown pour la faire rire ou la faisais chanter avec moi les chansons qu’elle aimait tant. Lorsque je la voyais sourire, j’avais réussi. Je repartais heureux et à la fois triste à mourir pour un long moment.

 

Réponse surprenante

Jeudi, 29 octobre 2009, une autre journée plutôt pénible tant mentalement que physiquement. Louise est toujours triste, fatiguée et plutôt découragée. Elle se sent prisonnière dans le loyer au troisième étage à vivre ses émotions dans une cruelle solitude. Elle se sent abandonnée par son mari, ses enfants et ses petits enfants dont nous sommes privés depuis l’enlèvement de Cédrika. Les visites d’amis se font également rares. Rien ne semble vouloir débloquer dans les recherches. Je la comprends et je me sens également terriblement triste. Difficile de voir des gens qu’on aime souffrir ainsi.

Comme chaque soir, j’ai besoin de prendre l’air avant de dormir et de faire un peu d’exercice en prenant une marche avec mon chien. Je parcours le quadrilatère passant devant la crypte du père Frédéric puis l’église Notre-Dame.

J’ai le cœur gros, j’ai mal, je voudrais crier mon ras le bol. Je jette mon dévolu sur le ciel qui reste sourd à toutes nos prières, aux prières de toute une population. Je m’adresse à papa, maman, Réjean, Yvan, tous les saints du ciel, à Marie et Dieu lui-même, les suppliant d’intervenir, de faire en sorte que tout cela finisse par finir. Assez c’est assez. Un sentiment d’impuissance cuisant m’envahit devant l’ampleur de la tâche. Pourquoi rester sourd à nos appels?

Je vois rarement mon frère André depuis qu’il est placé en résidence atteint à son tour d’Alzheimer. Je n’ai pas le courage de lui rendre visite. Juste de tenir le coup prend déjà tout mon courage. Puis, je me tourne vers le monument du père Frédéric, je lui hurle intérieurement : « Frédéric! Toute ma famille a travaillé à te faire connaitre, depuis notre plus bas âge, intercède pour nous pour ramener Cédrika maintenant. André a mis tout son cœur à travailler pour toi et n’a jamais cessé de te vouer une confiance inébranlable. Il est prisonnier de son corps depuis assez longtemps, libère-le, libère son esprit, c’est maintenant lui qui a besoin de toi et tu le laisses-là, ne trouves-tu pas que tu lui dois bien cela ? Avec la vierge Marie, je t’en supplie, fais en sorte que tout cela finisse maintenant, libère-le, demande à Dieu de venir le chercher, je t’en prie! »

Soudainement, ma rage au cœur se transforme en paix, un calme profond m’habite. Je me sens envahi par la certitude que tout va maintenant s’arranger. Comme si, à cet instant même un dénouement s’amorçait. Je sens au fond de mon cœur que quelque chose d’important va se produire et que mon message a été entendu.

Épuisé, je suis rentré me coucher, j’avais un urgent besoin de repos.

Le lendemain, au lever, je ressens ce même sentiment puissant que la fin du cauchemar est évidente.

Samedi matin le 31 octobre, toute la famille était réunie au resto, pour souligner l’anniversaire de l’épouse d’André qui tombait le premier novembre.

Nous venions tout juste de convenir d’organiser une fête de famille à la résidence pour l’anniversaire d’André, le 13 décembre. Nous sortions du resto lorsqu’un coup de fil nous apprit le décès d’André. Pour moi c’est clair, Frédéric s’est manifesté. J’étais stupéfait. Nous nous sommes dirigés vers la résidence nous recueillir un moment avant qu’il soit transporté au salon funéraire. J’ai constaté qu’André affichait un léger sourire comme s’il était en paix. J’étais totalement bouleversé, mais également content d’une pareille réponse. André est définitivement parti heureux.

Plus récemment, le 27 septembre 2019, notre unique sœur Marie-Claire, notre rayon de soleil, nous a quittés. Dès le début de ses pertes cognitives, je fus nommé tuteur légal. J’étais honoré de m’occuper de ma sœur durant les années qui suivirent. Suite à un soudain malaise, la résidence où elle vivait la fit admettre par ambulance à l’hôpital. Après quelques semaines, on l’informa à maintes reprises que son système était complètement usé. On l’invitait avec insistance jusqu’à ce qu’elle accepte d’être dirigée en soins palliatifs où on lui assurerait une fin paisible et sans douleur.

Nous avions encore des échanges privilégiés que j’ai grandement appréciés. Après avoir reçu les derniers sacrements, elle nous quitta, sereine, au cours de la nuit, peu de temps après notre départ.

Je me suis toujours senti privilégié de faire partie d’une telle famille, d’avoir de tels parents et une chance inouïe de recevoir pareille éducation pour la transmettre à mon tour. Je sais qu’une famille parfaite, ça n’existe pas, mais pour moi, chacun m’avait tellement apporté.

 

Volet :       

Notre éducation, nos expériences et notre parcours de vie font de nous ce que nous sommes.

 

 

L’éducation du temps : Le respect.

Dans ces années aussi, il existait le tout permis, la défense de tout et le juste milieu. Ma famille selon ma perception, se situait dans le juste milieu. Ma mère s’inquiétait souvent et mon père nous faisait confiance jusqu’à preuve du contraire, nous croyant suffisamment raisonnables pour nous comporter correctement. Oui, la discipline régnait mais la confiance aussi. Mon père ne répétait jamais plus de deux fois, la troisième fois il ne parlait pas, il agissait. La première fois c’était un avertissement, la seconde fois il nous mettait en garde qu’il ne répéterait plus. Nous l’avons rapidement appris à nos dépends. La conséquence arrivait à coup sûr, pas moyen d’y échapper. Au moins, on savait exactement à quoi s’en tenir. On avait intérêt à répondre lorsqu’il nous interrogeait.

Très jeune, je ne me souviens pas vraiment que mon père nous ait disputés inutilement. Lorsqu’il le faisait, c’était sans gravité. On pouvait être privé de dessert, envoyé dans notre chambre, rester debout ou à genoux dans un coin, privé de télévision ou de sortie. Lorsqu’il perdait vraiment patience, on se faisait serrer les « Zoui » comme il disait, pour nous retenir de faire quelque chose de dangereux, de défendu ou pour nous ramener à la maison. Je me souviens entre autres, avoir déjà reçu une bonne tape sur les fesses et avoir « goûté à la strap ». Il voulait savoir qui avait fait quelque chose et personne ne savait, ou ne répondait. On avait chacun à notre tour, reçu un coup dans la main.

Je me souviens également qu’en quatrième année, on jouait au ballon chasseur durant les récréations. Lorsqu’on rentrait, ceux qui avaient les mains sales ou étaient en retard pour prendre les rangs, recevaient un coup de « strap » une courroie de cuir huilée de deux pouces de largeur par un quart de pouce d’épaisseur. C’était la façon de faire de l’époque. Quelques minutes après, c’était oublié.

Autant mes parents nous apprenaient la responsabilité de nos actes, autant ils ne toléraient pas l’injustice.

 

Les gangs existaient aussi

Je détestais me battre inutilement, les petits durs du coin le savaient et en profitaient allègrement en me bousculant, en m’insultant ou en me cognant dessus. Ils se tannaient vite puisque je ne répliquais pas. Un jour, je devais bien avoir une dizaine d’années, lorsqu’un petit chef de gang demeurant près de chez-moi s’en donna à cœur joie sur le chemin au retour de l’école avec deux de ses compères. Il me renversa un doigt tellement fort que je le crus cassé. Je suis retourné à la maison en pleurant. J’explique à mon père ce qui s’était passé. Il sortit avec moi sur le perron du deuxième étage où nous demeurions et interpela les responsables. « Mon gars va descendre vous affronter. Vous avez intérêt à ne pas vous y mettre à deux. Sinon c’est moi qui vais descendre ». Je le regarde et dis : papa? Il me fait signe de descendre avec un regard… qui n’accepte aucun refus. Arrivé sur place, je fais signe au petit chef de gang que je commence par lui. Il hésite puis s’enfuit à toutes jambes avec ses acolytes. Je le poursuivis jusque chez lui où il s’était réfugié. Au retour, mon père et moi nous nous sommes regardés fièrement sans ajouter un mot. Je n’ai plus jamais eu de problème avec eux. Ce jour-là, mon père m’avait simplement appris à me faire respecter. La leçon m’a servi à maintes reprises et m’a évité bien des ennuis.

*J’ai appris que l’inaction peut provoquer.

 

Ère de conservation vs la surconsommation