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Emma et son frère Elias se retrouvent trop souvent à leur goût, seuls à la maison. Ils rêvent alors d’une mamie qui leur confectionnerait des gâteaux, leur tricoterait des chaussettes, leur raconterait des histoires, bref d’une mamie qui les gâterait sans condition… Ils échafaudent des plans plus ou moins délirants pour réussir à trouver cette mamie idéale. Vont-ils réussir ?
À PROPOS DE L'AUTRICE
Maren von Klitzing est née en 1964 à Hambourg. Elle a grandi à Gênes, Zurich, Rotterdam et Hambourg. Adulte, elle a été rédactrice pour le magazine Emil-Grün-bär, avant d'écrire des livres pour enfants.
Au-delà de ses propres enfants, l'autrice est en contact d'enfants dans des foyers pour réfugiés, où elle a d'ailleurs fondé un club de lecture.
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Seitenzahl: 162
Veröffentlichungsjahr: 2025
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Table des matières
Table des matières
La mamie d'option
Le grand rêve
L’oiseau de paradis
Acte de bravoure
Une visite mi-figue mi-raisin
La fête d’anniversaire
Excursion à trois
Dans la jungle du centre-ville
Un chevalier à la voix de tonton conteur
Une mauvaise surprise
Dans la gueule du loup
La découverte
Une question très importante
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La mamie d'option
Maren von Klitzing
IllustrationsKatia Humbert
Nina Hammerle
Traduit de l’allemand vers le français par Charlotte Pahle
Le grand rêve
Le printemps approchait à grands pas. Depuis la petite forêt, toute proche, voletait d’arbre en arbre, comme un secret, le chant des oiseaux.
C’est bien sûr Elias qui avait eu l’idée de venir jouer à cache-cache ici. En ce moment, il devait se tenir caché derrière le tronc d’un hêtre, à rire dans sa barbe en suivant du regard tous mes mouvements.
C’est déjà la troisième fois cette semaine que je dois le garder. Ça, c’est à cause des horaires de travail de maman. Quand tous les copains de ma classe sont libres de leurs mouvements, moi, je me retrouve coincée là, au milieu des arbres, à me coltiner le gazouillis des oiseaux.
En fait, maman travaille à la poste comme préposée aux colis. Elle est sur la route pour sa tournée, du matin jusqu’au soir. Quand elle n’est pas là, il faut bien que quelqu’un s’occupe d’Elias. Et ce quelqu’un, c’est moi. C’est vrai, mon frère n’a que cinq ans et il va encore à la maternelle. Ça fait maintenant quatre ans que papa a déménagé dans une autre ville. Et depuis cette époque, on n’entend plus beaucoup parler de lui. Mais bon, on ne choisit pas sa famille !
Je me suis allongée sur le sol où les fougères et les herbes m’ont chatouillé le visage. J’ai pensé qu’en ne me voyant plus, mon frère allait s’inquiéter. Eh bien, j’ai eu tort. Elias n’a même pas pointé ne serait-ce que le bout de son nez.
Alors, je me suis relevée en me débarrassant des feuilles qui s’étaient accrochées à mon pantalon. Que mes chaussures me serrent ! Je porte encore mes bottes d’hiver alors qu’elles ont les semelles trouées. Du coup, quand il pleut, j’ai tout de suite les pieds trempés. C’est évident que j’ai un besoin urgent de nouvelles baskets pour affronter la nouvelle saison. Hélas pour moi, le shopping n’est pas la priorité de la famille. Même si mamantravaille énormément, on arrive tout juste à boucler les fins de mois et, ce qu’elle gagne, ce n’est pas beaucoup.
Maman n’a pas toujours travaillé à la poste. En réalité, son vrai métier, c’est interprète. Elle parle couramment italien et allemand. Parfois même, les gens la prennent pour une Italienne parce qu’elle a les yeux bruns, les cheveux foncés et qu’elle parle avec les mains comme une vraie Italienne.
C’est d’elle que j’ai hérité mes cheveux bruns, mais mes yeux, eux, sont bleus. Et je ne parle pas beaucoup. Et encore moins avec les mains.
Un jour, j’ai demandé à maman :
– Pourquoi tu ne travailles pas comme interprète ? Comme ça, on aurait assez d’argent et tu n’aurais plus besoin de porter cet horrible uniforme.
Je précise que je n’aime vraiment pas comment maman doit s’habiller pour se rendre au travail.
– Mais je ne serai pas riche non plus en tant qu’interprète, m’avait-elle répondu. Et en plus, je serai tout le temps en déplacement. Maintenant, au moins, je peux passer la soirée avec vous.
Mais quand maman rentre épuisée du travail, je n’ai pas l’impression qu’elle est vraiment là pour nous. Le soir, elle doit encore faire le ménage dans toute la maison et préparer notre repas pour le lendemain. J’essaye bien de l’aider autant que je peux. Mais il faut bien reconnaître qu’elle n’a pas vraiment beaucoup de temps à nous consacrer.
Mes mains sont retournées se cacher dans les poches de mon manteau. Zut alors ! Où était passé Elias ?
Finalement, je l’ai retrouvé, caché derrière un gros tronc d’arbre. Je me suis mise à courir vers lui mais, très étonnant, il n’a pas essayé de s’enfuir. C’est quand je suis arrivée à sa hauteur que j’ai compris pourquoi. Mon frère était assis sur le sol à observer quelque chose.
J’ai posé ma main sur son épaule :
– Je t’ai trouvé ! À ton tour !
Elias a hoché la tête.
– C’est des os, m’a-t-il dit sans lever les yeux. Les os de deux oiseaux. Ils se sont cognés en plein vol et puis ils sont tombés.
Après ça, il a relevé la tête. La partie de cache-cache était terminée. Je lui ai suggéré:
– Peut-être qu’ils volaient de nuit et qu’ils n’ont rien vu parce qu’il faisait trop sombre.
– La nuit, les oiseaux dorment dans leur nid, au cas où tu ne le saurais pas, m’a-t-il répliqué.
J’ai acquiescé.
– Je suis sûre qu’ils n’ont pas fait attention où ils mettaient les ailes.
– Oui, a répondu Elias, apparemment un peu plus convaincu de la pertinence de cette réponse.
Nous avons poussé les feuilles de côté pour commencer à creuser un trou dans la terre avec nos mains. La terre était humide et la boue se glissait sous mes ongles. Elias a délicatement déposé les os dans la petite tombe avant de la recouvrir. Dès qu’il a eu fini, nous sommes repartis.
– Qu’est-ce qui arrive aux os sous la terre ? m’a-t-il demandé sur le chemin du retour.
– Au bout d’un moment, les os eux-mêmes se transforment en terre. Mais ça prend très longtemps, lui ai-je-expliqué en serrant dans la mienne sa petite main couverte de boue.
– Est-ce que toute la terre, elle est faite d’os ? D’os de dinosaures ?
– Non, pas seulement d’os. Les plantes aussi se transforment en terre. En fait, tout ce qui est vivant se transforme en terre. Ainsi apparaissent de nouvelles vies.
– Les animaux et les humains aussi ?
– Mais non, tu sais bien que ceux-là ne poussent pas dans la terre.
– Ah oui, a fait Elias d’un ton déçu.
Quand nous sommes arrivés à la maison, maman n’était pas encore rentrée. Apparemment, sa tournée durait plus longtemps aujourd’hui. Elias est parti jouer dans sa chambre et moi je me suis demandé quels exercices de maths étaient à rendre pour le lendemain. Ce matin, notre prof de maths, madame Bardowick, m’a surprise en train de recopier les devoirs sur un autre élève. Elle m'a menacée, si elle me surprenait encore une fois, de téléphoner à maman. Bien sûr, je n'en ai aucune envie. Mais impossible de me souvenir des devoirs. Je n’avais donc pas le choix, je devais demander à Yasamin. C’est une élève de ma classe et elle habite juste au-dessus de chez nous. Je n’ai qu’à monter les escaliers et hop, j'y suis.
C’est la maman de Yasamin qui a ouvert la porte :
– Ah, c’est toi !
– Est-ce que Yasamin est à la maison ?
– La mamie de Yasamin est chez nous en visite. Est-ce que tu pourrais revenir une autre fois ?
– Je voudrais juste lui poser une question vite fait.
Elle a soupiré.
– Bon, d’accord Emma, mais tu te dépêches.
Et elle m’a accompagnée jusqu’à la chambre, a frappé à la porte en chantonnant :
– Ma puce, tu as de la viii-site !
– Entre ! a fusé une voix depuis la chambre.
J’ai poussé la porte. Yasamin était assise sur son lit et coiffait les cheveux d’une Barbie.
Eh oui, elle joue encore aux Barbies !
Moi aussi j’y ai joué, quand j’étais au CP. Mais maintenant, j’ai onze ans et je suis en sixième, ce n’est plus vraiment de mon âge ! C’est pourtant incontestable que sa Barbie est beaucoup plus jolie que la mienne. Je l’ai remarqué tout de suite. J’ai acheté la mienne dans une brocante avec mon argent de poche. Elle a toujours des traits de feutre vert sur le visage même si je l’ai frottée énergiquement avec du produit vaisselle. Il lui manque aussi des cheveux à plusieurs endroits. Mais, en ce qui me concerne, elle me plaît telle qu'elle est.
– Elle est nouvelle ta Barbie ? lui ai-je demandé en pointant du doigt la boîte qui gisait sur le sol à côté d’elle.
Yasamin a acquiescé tout en tripatouillant les cheveux de sa poupée.
– Et puis d’ailleurs, c’est une Monster High,pas une simple Barbie. C’est ma mamie qui me l’a offerte, m’a-t-elle expliqué.
Et elle m’a tendu sa poupée.
– Tu veux la voir ?
Je me suis approchée. La Barbie, enfin le Monster-machin-chouette avec des cheveux violet foncé avait deux dents de vampire qui dépassaient des coins de ses lèvres. Malgré tout ça, je dois reconnaître que ma Barbie à moi avait l’air bien plus monstrueuse encore que la sienne.
– Elle a aussi plein de super habits, m’a affirmé Yasamin en me montrant les vêtements : une cape de vampire en soie, une robe de soirée, un costume de sorcière…
– C’était ton anniversaire ?
– Non, pourquoi ? Ta mamie ne t’offre jamais rien ? m’a-t-elle demandé en me souriant.
– Je n’ai pas de mamie, en tout cas, pas ici.
J’ai trouvé la situation terriblement injuste. Les parents de maman ont déménagé en Afrique du sud parce qu’il y fait plus chaud et ils ne nous rendent quasiment jamais visite. Quant aux parents de mon papa, nous avons complètement perdu le contact. Yasamin, en revanche, a une maman, un papa et même deux mamies. C’est pour ça que sa chambre est remplie de jouets, d’objets à bricoler et que son armoire déborde de partout.
C’est alors que quelqu’un a frappé à la porte. J’ai d’abord cru que c’était la maman de Yasamin qui venait voir si j’étais toujours là. Mais non, c’était sa mamie, qui m’a souri. Elle ressemblait exactement aux mamies telles que je les imagine. Par-dessus son pantalon beige, elle portait un tablier à motif de cuillères en bois et elle sentait la violette. Mais le meilleur dans tout ça, c’est qu’elle nous avait apporté un plat plein de brownies, des brownies au chocolat, mes préférés.
– Je les ai apportés de chez moi, vous en voulez ?
Yasamin a soupiré :
– Non, merci.
– Ils ont l’air délicieux ! me suis-je exclamée sans comprendre pourquoi ma copine n’en voulait pas.
– Prends-en deux ! m’a suggéré sa mamie. Puis elle a hoché la tête en se tournant vers sa petite fille, prends-en, toi aussi !
– Mais mamie, j’en ai déjà mangés tout à l’heure. Je n’ai plus faim, a rétorqué Yasamin, d’un ton passablement énervé.
Sa mamie a tristement secoué la tête.
– Cette enfant ne sait pas apprécier mes gâteaux, a-t-elle grommelé en sortant.
– Tu veux aller chercher ta Barbie pour qu’on joue ensemble ?
– J’ai pas le temps, ai-je répondu en haussant les épaules. Je dois faire mes maths et je voulais te demander les numéros des exercices.
– Ah, c’est dommage !
Yasamin a fait la moue, a posé la Barbie à côté d’elle et balancé les jambes. Elle a glissé ses pieds dans des chaussons peluche rose aux longues oreilles de lapin, traîné les pieds jusqu’à son bureau et ouvert son cahier de texte. « Page soixante-seize, exercices un à huit. »
– Merci beaucoup. À demain alors ! l’ai-je remerciée d’un sourire triste.
Yasamin a hoché la tête avant de retourner vers son lit où elle a habillé sa Barbie-Monster High de sa cape de soie.
–À demain ! a-t-elle encore murmuré sans lever les yeux. La prochaine fois, tu peux venir, même si tu n’as pas besoin de demander les devoirs.
Une fois mes exercices terminés, maman n’étaittoujours pas rentrée. Ce qui n’était pas une raison valable pour se laisser mourir de faim. Je me suis donc dirigée vers la cuisine. J’ai cassé quelques œufs dans la poêle ; j’ai fait griller deux gros toasts : un pour Elias et un pour moi. Pour finir, j’ai ouvert une boîte de haricots à la sauce tomate.
J’ai appris à cuisiner toute seule. Quand maman ne peut pas être là à l’heure et qu’elle n’a rien préparé à l’avance, on se fait ce petit plat de haricots à la sauce tomate avec un œuf au plat, ou encore des œufs brouillés avec des pâtes. Et si ça ne nous fait pas envie, on peut toujours mettre une pizza surgelée au four.
La radio était allumée, en bruit de fond. Mais je n’écoutais que d’une oreille parce que je repensais sans cesse à la chance qu’avait Yasamin d’avoir une grand-mère. Moi aussi j’aurais tant aimé en avoir une : une mamie qui m’apporterait des cadeaux, qui me ferait des gâteaux et qui se ferait du souci parce que je ne mangerais pas assez.
Bah, j’avais Elias et maman, c’était mieux que rien. J’ai appelé Elias pour qu'on se mette à table. Comme je versais une portion de haricots dans son assiette, je lui ai demandé :
– Tu n’aimerais pas avoir une mamie et un papi, parfois ?
– Oh oui ! Ce serait super !
Tout en mâchant, il a pris une mine soucieuse.
– Dommage que les humains ne poussent pas dans la terre. Sinon, on aurait pu planter une graine dans le pot de fleurs sur le rebord de fenêtre et une toute petite mamie y aurait poussé.
J’ai pouffé de rire.
– C’est vrai que ce serait génial. Il faudrait juste penser à l’arroser de temps en temps.
– Ou alors… Elias m’a regardée dans les yeux, ou alors, est-ce qu’il existe quelque part un endroit où on peut acheter des papis et des mamies ?
J’ai encore ri.
– Acheter ? Mais qu’est-ce que tu vas imaginer ? Un grand magasin rempli de papis-mamies ?
– Ben, ce serait génial, non ? Et il a esquissé un petit sourire en coin.
Sans plus attendre, nous nous sommes mis à imaginer à quoi ressemblerait un tel magasin. Déjà, il aurait une vitrine immense. Dans les rayons, quelques grands-parents joueraient au croquet ou au tennis (en faisant bien attention à ne pas briser la vitrine). Ce serait ceux qui seraient restés jeunes et avec lesquels on pourrait faire des feux de camp, du camping ou jouer au foot. Mais il y aurait aussi les vieilles grands-mères dans leurs robes de laine à carreaux qui tricoteraient et raconteraient des histoires. Elles seraient accompagnées de grands-pères aux barbes de père noël qui passeraient leur temps assis confortablement dans leur fauteuil à fumer la pipe.
– Moui, il faudrait que je réfléchisse longtemps avant de savoir qui choisir.
– J’ai bien peur qu’on doive chercher nos grands-parents ailleurs. Si seulement je savais où ! ai-je dit en soupirant.
– C’est pas très difficile, à la maison de retraite, juste à côté de la garderie. Là, il y a plein de papis et de mamies, a précisé Elias.
J’ai regardé mon frère avec de grands yeux. Pourquoi n’avais-je pas eu cette idée moi-même ?
– C’est ça ! me suis-je écriée. C’est là qu’on va choisir nos grands-parents et leur demander si on peut être leurs petits-enfants.
– On pourrait les apoter, a proposé Elias.
– Tu veux dire adopter ? Mais où est-ce que tu as encore appris ce mot-là ?
Il a haussé les épaules.
– C’est Marlène qui nous a raconté ça à la garderie.
Marlène était une des éducatrices.
– Il y a bien des parents qui n’ont pas d’enfants, a commencé à m’expliquer Elias, car je le regardais toujours sans comprendre. Ces parents peuvent apoter des enfants. Il a inspiré profondément. Et si ça, ça fonctionne, alors les enfants sans grands-parents peuvent peut-être aussiapoter un papi et une mamie.
– On dit adopter, l’ai-je corrigé en posant ma fourchette au bord de l’assiette. Mais oui, ça pourrait être une solution.
L’oiseau de paradis
Mon frère s’est penché sur son assiette et ses cheveux blond foncé sont venus cacher son visage. J’ai dû me retenir pour ne pas toucher ses mèches folles car je sais qu’il déteste ça. Il n’y a que maman qui a le droit de caresser ses cheveux et encore, uniquement quand ses copains ne sont pas dans les parages.
Elias avait raison, il y avait beaucoup de grands-parents à la maison de retraite. C’est bien pour ça que c’était une maison de retraite et pas une maison d’enfants. Mais je n’étais pas bien certaine qu’on puisse y entrer facilement, juste pour y choisir des grands-parents. Jusqu’à présent, je n’avais vu la maison de retraite que de l’extérieur quand j’allais chercher Elias à la garderie. Parfois, la cuisinière, vêtue de son tablier blanc et de ses chaussons de plastique blanc, fumait devant la porte. Elle était grande, grosse et ne souriait jamais. Jamais je n'oserais passer à côté d'elle. De ça, j’étais certaine.
– Tu es déjà allé à l’intérieur ?
Elias a acquiescé.
– Oui, une fois, pour un truc de la garderie.
– Et qu’est-ce que vous avez fait ?
– On a chanté des chansons pour les papis et les mamies, même qu’ils ont chanté avec nous. Une mamie a voulu que je lui tienne sa pelote de laine pour qu’elle puisse l’enrouler à nouveau.
Les derniers mots m’ont mis la puce à l’oreille.
– Elle était gentille ?
Comme souvent quand il réfléchit, Elias a froncé le nez. Ce faisant, ses taches de rousseur ont semblé elles aussi se mélanger, si jamais elles avaient été ordonnées un jour.
– Ben, elle était vieille. Son visage était tout ridé et elle avait la voix qui tremblait.
– C’est normal chez les mamies, lui ai-je précisé. Elle peut être gentille malgré ça. Tu ne saurais pas si elle a des petits-enfants par hasard ?
– Nan ! Mais t’as qu’à lui demander toi-même si tu veux absolument le savoir, a rétorqué Elias.
– Comment ça ? On ne peut certainement pas entrer comme dans un moulin dans une maison de retraite.
D’un geste décidé, Elias a essuyé la sauce tomate qu’il avait autour de la bouche et s’est laissé glisser de la chaise.
– Attends une minute !
Il a couru dans sa chambre. Que pouvait-il bien mijoter cette fois ?
Une fois revenu, il m’a tendu un bout de papier plié en deux.
– En fait, c’est pour maman mais, comme de toute manière elle n’aura sûrement pas le temps, a-t-il grommelé.
J’ai déplié le papier.
– Oh ! Une invitation !
– Un carton d’invitation et une entrée en même temps. Avec ça, t’arriveras sûrement à entrer dans la maison de retraite, a précisé Elias avec un si large sourire qu’on pouvait voir le trou laissé par sa dernière dent de lait tombée il y a peu.
J’ai tendu la main vers sa tête mais Elias l’a évitée juste à temps. Je savais pourtant qu’il n’aimait pas qu’on lui caresse la tête ! J’ai fini de déplier le papier et j’ai lu le message :
Chers parents,
Le 6 mai, à 16 heures, les enfants de la garderie
« Les p’tits nains », présenteront leur pièce de théâtre
sur les animaux de la forêt
à la maison de retraite « Éclat d’argent ».
Vous y êtes tous cordialement invités.
À cette occasion, une collation avec café
et gâteaux sera gracieusement offerte à tous.
La direction, Denis Suleyman
– Haha, une pièce de théâtre. Et tu joues quel rôle ?
– Une carotte.
– Une carotte ? Mais que font des légumes dans la forêt ?
– Tu ne le sais pas ? Elias m’a regardé d’un air étonné. Les sangliers et les biches adorent les carottes, tout comme les lièvres et les lapins.
– Je comprends, ai-je murmuré. Et tu auras un costume de carotte ?
– Je porte des collants rouges, un pull rouge et un bonnet vert avec des rubans verts pour imiter les fanes de carottes.
– Comme c’est mi…, ah c’est super !
