La naissance du blues - Encyclopaedia Universalis - E-Book

La naissance du blues E-Book

Encyclopaedia Universalis

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Beschreibung

Né dans la seconde moitié du XIXe siècle du contact entre les musiques propres aux esclaves noirs du sud des États-Unis et des éléments de la culture musicale occidentale, le blues était destiné à exercer une influence majeure sur de nombreux courants musicaux du XXe siècle. 
Ce Dossier Universalis passe en revue les figures majeures du premier blues, de W. C. Handy à Memphis Minnie, à partir d’une sélection d’articles de l’Encyclopaedia Universalis qui mettent l’accent sur l’histoire de cette forme musicale et font comprendre son extraordinaire rayonnement.

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Seitenzahl: 87

Veröffentlichungsjahr: 2015

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Universalis, une gamme complète de resssources numériques pour la recherche documentaire et l’enseignement.

ISBN : 9782341002257

© Encyclopædia Universalis France, 2019. Tous droits réservés.

Photo de couverture : © Johnkwan/Shutterstock

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Bienvenue dans ce dossier, consacré à la Naissance du blues, publié par Encyclopædia Universalis.

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La naissance du blues

Le blues est un genre musical qui a pris forme au sein de la population noire du sud des États-Unis d’Amérique dans la seconde moitié du XIXe siècle.

Né de l’esclavage, où les Noirs étaient traités plus comme un capital d’exploitation fermier ou ouvrier que comme des êtres humains, nourri par le racisme, la ségrégation et la misère, il en porte la douleur et en exprime le climat d’affliction, mais témoigne aussi de la vitalité de ses inventeurs [...]

Francis HOFSTEIN

BLUES

Introduction

Le blues prend forme vocale et instrumentale originale au sein de la population noire du sud des États-Unis d’Amérique dans la seconde moitié du XIXe siècle. Né de l’esclavage, où les Noirs étaient traités plus comme un capital d’exploitation fermier ou ouvrier que comme des êtres humains, nourri par le racisme, la ségrégation et la misère, il en porte la douleur et en exprime le climat d’affliction, mais témoigne aussi de la vitalité de ses inventeurs.

Plus parole que musique, malgré une structure harmonique bientôt définie, il est une chronique autobiographique et poétique qui, toujours entre humour et mélancolie, métaphore et lucidité, inscrit dans l’universel la joie et le malheur, l’espoir et la souffrance d’un groupe d’individus, et lui donne statut.

Ainsi, assimilant tous les folklores, se développant parallèlement aux autres formes musicales que sont les spirituals, la musique country et le jazz, le blues marquera-t-il de son empreinte toutes les musiques populaires qui ont émergé au XXe siècle.

• Origine et définition

Lorsque les chants, les musiques et les langues des terres africaines razziées par les marchands d’esclaves, mais coupés de leur fonction rituelle, sociale et culturelle, fragmentés par l’oubli, déformés par l’interdit et le refoulement, rencontrent les sons, danses, chants et musiques des terres américaines, langues anglaise, française, allemande, berceuses, comptines, hymnes, chansons et ballades, gavotte, valse, quadrille ou polka, les œuvres classiques ou populaires du répertoire orchestral européen, commence la lente genèse du blues, musique qui n’a pas vraiment d’origine, mais qui, moyen de communication, de reconnaissance et d’ascension sociale, comme l’atteste la plus-value donnée aux musiciens dans les ventes d’esclaves, signe l’inscription du Noir dans sa nouvelle société.

Viennent d’abord : les chants de travail, les cris et les appels, qui rythment le labeur aux champs ou sur les chantiers ; les mélopées, les fredonnements ou les « petits airs » que remarque Thomas Jefferson en 1787 dans ses Notes on the State of Virginia ; le violon, qui distrait et fait danser les maîtres et qui, joint au banjo et aux morceaux de bois ou d’os qui remplacent les tambours interdits par le « Code noir », enchante aussi les esclaves ; les chants religieux, empruntés pour l’essentiel à la liturgie protestante... d’où naissent, avec le minstrel show, d’abord composé de Blancs à face noircie (1843), puis de Noirs (Georgia Minstrels, 1865), le spiritual – dont la première manifestation organisée sera la mise sur pied, le 6 octobre 1871, de la tournée des Fisk University Jubilee Singers –, le jazz et enfin le blues, né sans doute entre 1865 et 1870, c’est-à-dire après la guerre de Sécession, après l’abolition de l’esclavage.

Descendant de l’art du griot, du conteur d’Afrique, évoquant la figure du trobar, le troubadour de la Provence des XIIe et XIIIe siècles, le blues est là dès que le Noir se parle à lui-même, mais il ne pouvait trouver sa forme et son espace qu’à partir de l’identité de ses inventeurs. Esclave, le Noir est sans nom, ne s’appartient pas. Libre, et bien que sa condition n’en soit souvent nullement améliorée, il peut chanter en son nom, chanteur qui exprime un groupe dont il est en même temps l’expression. Ainsi peut-il raconter son histoire et l’histoire de son peuple, créer mythes et poèmes, dire ce qu’il vit, et parler d’amour, l’amour de la femme comme celui de la langue, amour gourmand dont dépend l’humour. Car le blues, enfanté dans la douleur, ne peut exister que dans la liberté du sujet.

L’origine du mot lui-même est indécise (to be blue, broyer du noir, ou blue devils, improbables lutins ou feux follets venus d’une ballade irlandaise) et lointaine (début du XIXe s.), tandis que ses acceptions sont aussi variées qu’imbriquées.

Terme générique qui caractérise et recouvre une forme capitale de la musique américaine, elle-même définie par des critères musicaux, historiques, psychologiques, sociologiques... qui la contiennent mais qu’elle ne cesse d’excéder, le blues se définit comme une sensation, un sentiment de soi habituellement traduit par cafard, passé dans ce sens dans la langue (« j’ai le blues »), et auquel correspond assez bien le spleen des poètes (Vigny, Baudelaire). Il est ainsi une sensibilité, une émotion expressive (feeling) qui passent dans le jeu, dans le chant, et sans lesquelles il ne se passe rien. Et il est l’impalpable densité qui donne corps à la musique, transcende les styles et les races et rend accessible à tous ce qu’il raconte.

Il est donc un texte, tissé de la mémoire d’un peuple, de ses légendes (John Henry, Stack O Lee) et de sa vie quotidienne, blues que hante la femme et que traversent, du spirituel au trivial, de l’obscène au sublime, le charançon du coton et le contremaître sans pitié, les pénitenciers et les inondations, la mule fatiguée et les chiens dressés pour la chasse au nègre, les incendies et les voyages, l’alcool et la maladie, les jeux, les juges et les shérifs, la prison et la sécheresse, les fleuves, le feu et le ciel, la guerre, la boxe et les présidents des États-Unis... Conteurs, chanteurs et musiciens ont constitué une tradition orale dont ils ont assuré la transmission dans une improvisation constante.

Par sa répétition infinie, l’homme s’interroge sur lui-même dans cet état d’âme, d’esprit et d’humour que créent le doute de soi et la proximité sue, connue de la mort. Catharsis, le blues s’en fait la résolution, projetant avec les moyens du bord une vision du monde, une philosophie qui le rend au moins provisoirement possible et qui inscrit la solitude dans l’universel. Langue vernaculaire, qui parle l’opacité et l’invisibilité du corps noir, en exhibe et en cache (double entendre) la sexualité, sa création fut une forme de survie, sublimation par laquelle ses créateurs se sont imposés dans la culture de notre monde, tandis qu’il reste le seul lieu d’identité du Noir américain.

• Structure harmonique

Essentiellement vocal, le blues se déroule selon un schéma AAB :

A : Woke up this morning, blues around my bed,A : Woke up this morning, blues around my bed,B : Went for my breakfast, blues was in my bread.

La mélodie compte bien moins que les paroles qu’elle soutient ; le blues est une structure de douze mesures, comportant trois phrases de quatre mesures, s’organisant autour de trois accords (tonique, sous-dominante, dominante) et marqué par l’altération des troisième et septième degrés de la gamme diatonique (blue notes auxquelles s’ajoutera celle de la quinte), dont l’origine est parfois rapportée aux gammes pentatoniques africaines.

Il existe plusieurs gammes de blues, que Philippe Baudoin présente ainsi dans Jazz mode d’emploi (cf. figure).

Trois gammes de blues.

Cependant, chanté, prêché et parlé, joué en majeur, mais aussi en mineur, sur tous les tempos, du lent au rapide, instrument (guitare, surtout, et piano) à l’unisson, en soutien, en contrepoint ou qui relaie, remplace, continue la voix, le blues peut être à huit ou à seize mesures et, dans son déroulement, ne pas respecter du tout les douze mesures, chaque musicien gardant la liberté de suivre sa propre métrique, de choisir sa progression d’accords et de modifier les paroles, imposant son rythme, son invention, ses sentiments et ses affects à un blues qui trouve sa vie et son originalité dans l’interprétation plus ou moins improvisée dont il est l’objet.

Codifié au tout début du XXe siècle par W. C. Handy, qui fut un des premiers à noter sur le papier ce trésor d’invention populaire, le blues partage avec le jazz sa gamme et ses blue notes, comme on peut l’entendre, écoute indispensable à qui veut réellement le sentir et le comprendre, dans les enregistrements de tous les musiciens de jazz, qu’ils jouent le blues ou s’en inspirent, imprimant au besoin ou à l’envi son climat à n’importe quel thème ou morceau, qu’il soit ou non un blues.

• Histoire et principaux interprètes

Le blues entre sur le marché du disque et de la musique avec la publication du Crazy Blues gravé à New York pour OKeh le 14 février 1920 par Mamie Smith. Celle-ci n’est pas la première Noire à enregistrer, mais son immense succès amène les compagnies phonographiques à créer pour le public noir des séries spéciales et bon marché appelées « colored » puis « race records ». Près de sept mille disques de blues, de spiritual, de gospel et de jazz seront publiés de 1920 à 1940, où disparaît le terme devenu infamant de « race », que remplace pour la musique noire enregistrée par des Noirs pour des Noirs celui de rhythm and blues.

Apparu par le courant dit des chanteuses de blues classiques, illustré par Ma Rainey, Bessie Smith « l’Impératrice », Ida Cox, Sippie Wallace, Rosa Henderson, Clara Smith, Lucille Hegamin, Edith Wilson, Victoria Spivey..., qui ne chantent pas que le blues et gardent l’empreinte des scènes de théâtre et de vaudeville sur lesquelles elles se produisent, le blues trouve son terreau le plus fertile et ses musiciens essentiels dans les États du Sud, pauvres et paysans. Chanteurs polyvalents (songsters), attachés à la terre ou itinérants, ils lui donnent son expression musicale et thématique, la liant au lieu, au terroir et à l’environnement, climat économique, social et relationnel du comté ou de l’État qui imprime leur chant et installe entre eux ressemblance et différence.

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