La Porte du bonheur - Raffin Louis - E-Book

La Porte du bonheur E-Book

Raffin Louis

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  • Herausgeber: Glyphe
  • Kategorie: Ratgeber
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2022
Beschreibung

« Joseph était partagé entre le découragement et la révolte. Il fallait se soucier de tout sauf de soi-même, sans pour autant se négliger. Rester naturel, mais ne plus connaître la peur. Devenir quelqu´un d´autre, en quelque sorte. » Dans le brouillard de la souffrance et de l´illusion égoïste, où trouver La Porte du bonheur ?

Le héros de ce petit opus se retrouve presque à contrecœur dans un cheminement spirituel aussi vertigineux que salutaire. Au-delà de l´histoire, une invitation à réfléchir au sens que nous donnons à notre existence.

À PROPOS DE L'AUTEUR

L'auteur Louis Raffin a séjourné plusieurs fois au Ladakh et au Népal. Dans un monastère retiré, il a vécu une expérience qui a changé sa vision du monde dont il a témoigné dans "Sept jours pour renaître".


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Couverture

Page de titre

À mon frère, Jacques

« Le bonheur n’est pas chose aisée. Il est très difficile de le trouver en soi, il est impossible de le trouver ailleurs. »

Bouddha

La Porte du bonheur

Un voile de brume flottait sur les pistes de Roissy, le soleil levant venait d’éteindre les étoiles, une seule semblait briller encore. C’étaient les phares d’un Boeing d’Air India en phase d’approche. Quand l’appareil toucha le sol, Joseph poussa un soupir las. Sanglé depuis Delhi à son étroit fauteuil de classe éco, il avait passé la nuit à remâcher les événements qu’il venait de vivre et n’avait presque pas dormi.

Ingénieur informaticien chez ICR, Joseph était parti deux semaines plus tôt pour tester un logiciel à usage militaire dans l’extrême nord de l’Inde, près de la frontière chinoise. C’était une occasion unique de faire une copie de ce logiciel et de la remettre, pour trois millions d’euros, à un concurrent d’ICR.

Son divorce avait privé Joseph de ce qui comptait le plus pour lui : l’argent. Aussi, quand Luc Duport, un ancien camarade de fac, était venu lui transmettre cette offre délictueuse, il y avait vu l’occasion de rétablir ses finances. Mais la sécurité d’ICR était mieux assurée qu’il ne le croyait. Sitôt accompli, son forfait avait été découvert. Il avait dû s’enfuir. Dans le pays de son employeur, on ne plaisantait pas avec la loyauté, il pouvait craindre pour sa vie. Par chance, il rencontra la seule personne capable de le secourir : la fille du dirigeant d’ICR. Elle faisait une retraite dans le monastère bouddhiste où il avait trouvé refuge. Au fil de leurs échanges, elle l’avait pris en pitié et avait obtenu sa grâce. Les agents de sécurité d’ICR l’avaient retrouvé au monastère et mené directement à l’aéroport. Il ne perdait que son emploi, mais, à soixante ans, il ne retrouverait jamais un poste équivalent. Son train de vie, loin d’augmenter, allait encore se réduire.

La femme qui l’avait secouru, Albane, fervente adepte du bouddhisme, lui en avait transmis quelques notions lors de leurs entretiens. D’abord sceptique, Joseph s’était peu à peu laissé séduire par ses propos et, quand il découvrit son identité et ce qu’elle avait fait pour lui, il en éprouva autant de reconnaissance pour elle que d’intérêt pour sa religion. Il rentrait ainsi à Paris muni d’une recommandation pour un centre bouddhique. Son voyage de retour avait toutefois suffi à affaiblir sa vocation. La méditation bouddhique occuperait un peu ses longues journées de chômage. Il parviendrait à relativiser ses problèmes, pas à les effacer. Il ne ferait que nier la réalité.

Combien de temps pourrait-il se mentir ?

Quand l’appareil s’immobilisa, les passagers quittèrent leurs sièges pour prendre leurs affaires dans les coffres à bagages. Joseph, assis près d’un hublot, attendit pour sortir. Il franchit sans encombre le contrôle des passeports, et parvint jusqu’au tapis roulant où défilaient les bagages. Sa valise apparut, il s’en saisit et fila vers la sortie sous le regard indifférent des douaniers.

Lorsqu’il franchit les dernières portes vitrées, il se trouva face aux gens qui guettaient le retour d’un proche ou attendaient un visiteur. Il longeait la barrière qui les tenait à distance, quand il entendit appeler son prénom. Tournant la tête, il découvrit avec stupeur le visage de Luc Duport.

– Qu’est-ce que tu fais là ?

– Tu vois, je suis venu te chercher.

– Comment as-tu su que j’étais dans cet avion ?

– On me l’a dit.

– Qui ?

– On en discutera dans ma voiture. Viens, je te ramène chez toi.

Vaguement inquiet, Joseph rejoignit son camarade et ils se dirigèrent vers les ascenseurs. Ils avaient le même âge, mais tout les distinguait. Joseph était grand, svelte, il avait de fins cheveux gris. Luc, petit et empâté, était chauve. Tandis qu’ils marchaient côte à côte, d’un pas inégal, Joseph jetait des regards furtifs sur Luc, cherchant à deviner ses intentions. Ils arrivèrent à la voiture sans échanger une parole. Joseph déposa sa valise dans le coffre. Ils prirent place dans le véhicule. Les mains posées sur le volant, Luc demanda avec autorité :

– Tu l’as sur toi ?

– Sur moi ?

– La clé USB contenant le logiciel, tu l’as sur toi ?

– Non.

– Elle est où, alors ?

– Nulle part.

– Comment ça ?

– J’ai échoué. Je n’ai pas pu te prévenir. Là où j’étais, il n’y avait pas de réseau. Ensuite, je n’avais plus de batterie.

– Tu te fous de moi ?

– Tu ne me crois pas ?

– Je ne te crois pas.

– C’est pourtant la vérité.

– Ne me prends pas pour un imbécile !

– Je vais tout t’expliquer.

– Non ! C’est moi qui vais t’expliquer ! Tu as copié le logiciel, ils n’y ont vu que du feu, et tu vas le vendre à plus offrant que mon commanditaire.

– Pas du tout ! Ils s’en sont tout de suite rendu compte. J’ai failli y laisser ma peau !

– Mais oui ! C’est ça ! Et au lieu de te tuer, ils t’ont offert le billet de retour pour Paris.

– Tu vas m’écouter à la fin ? protesta Joseph. Si tu fais encore les questions et les réponses, je m’en vais !

Décontenancé, Luc se tassa dans son siège. Joseph lui raconta la folle semaine qu’il venait de vivre. Quand il eut terminé, Luc dit d’un ton radouci :

– Tu n’oserais pas inventer une histoire pareille.

– Je te jure que c’est vrai !

– Je te crois, mais ça ne suffira pas à te tirer d’affaire. Il y a des gens qui comptaient sur toi. Ils vont être très déçus. Tu auras de leurs nouvelles.

– C’est une menace ?

– Non, une mise en garde. Ils t’ont vu monter dans l’avion, c’est pour ça que je suis ici. Ça m’étonnerait que tu ne sois plus surveillé. Maintenant, prends ta valise et un taxi.

Joseph ressortit du parking et traversa l’aérogare jusqu’à la file des taxis. Il était accablé. Sa situation n’était déjà pas réjouissante, Luc Duport venait encore de l’assombrir. C’était la première fois, depuis des décennies, qu’il voyageait en classe éco. Ces quelques heures de vol avaient été un supplice pour lui, doublé d’une humiliation. Ses déplacements professionnels s’étaient toujours effectués en classe affaires, mais cette fois, ICR avait voulu le sanctionner. Et quand il voyageait avec son épouse, c’était en première classe. Où qu’ils aillent, ils s’offraient les meilleurs hôtels, les meilleurs restaurants. Ils avaient visité le monde entier. Rien ne manquait à leur vie dorée, sinon l’amour. Un jour, une dispute fut la dernière. Joseph dut quitter l’hôtel particulier de sa femme pour se trouver un appartement. Il ne disposait plus que de son salaire et de l’héritage de ses parents. C’était encore beaucoup, mais pour lui, ce n’était presque rien.

Les taxis se succédaient, Joseph n’attendit pas longtemps. Une heure plus tard, il s’arrêtait devant un bel immeuble ancien du Marais. C’est là qu’il s’était acheté un trois-pièces avec l’essentiel de son capital. Il descendit, le chauffeur sortit sa valise du coffre, Joseph s’en saisit et disparut sans laisser de pourboire. Il n’avait plus les moyens de se montrer généreux.

Son appartement sentait le frais. La femme de ménage était passée. Il allait devoir s’en séparer pour réduire ses dépenses. Mais depuis sa naissance, il avait vu sa mère, puis sa première épouse, puis le personnel de sa seconde épouse prendre en charge toutes les tâches domestiques. Saurait-il s’y astreindre à soixante ans ?

Découragé, il se laissa tomber dans un fauteuil et alluma la télévision. Arte diffusait un documentaire animalier. Des ours polaires erraient sur la banquise, tandis qu’une voix tranquille annonçait leur prochaine extinction. Joseph fit défiler les autres chaînes, sans y trouver plus d’intérêt. S’il voulait s’arracher à sa mélancolie, il devait bouger. Il quitta son fauteuil et partit défaire sa valise. Quand il eut terminé, la vision du panier de linge sale qu’il venait de remplir l’accabla plus encore que les ours polaires. Il ne saurait jamais se charger des tâches ménagères…

Le réfrigérateur était vide. La femme de ménage ne savait pas quand il rentrerait, elle n’avait rien préparé. Malgré la fatigue causée par sa nuit blanche et le décalage horaire, Joseph sortit pour déjeuner.

Dans le petit restaurant où il avait ses habitudes, sa table était occupée, ce qui le contraria plus que de raison. Le patron s’excusa en souriant et lui offrit l’apéritif en même temps qu’il l’installait à une autre table. Joseph jugea le menu du jour satisfaisant. Après une semaine de cuisine tibétaine, suivie du plateau-repas qu’on lui avait servi dans l’avion, il était devenu moins exigeant. Au fil du déjeuner, le niveau de son moral remonta à mesure que diminuait celui du vin dans sa bouteille. En ressortant du restaurant, il fut surpris par la douceur de l’air et l’éclat du soleil. Après les tourbillons de neige et le ciel plombé du Ladakh, le climat parisien lui semblait tropical. Il décida de se promener jusqu’à la place des Vosges.