La Porte du traître - Edgar Wallace - E-Book

La Porte du traître E-Book

Edgar Wallace

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Beschreibung

Comment voler les Joyaux de la Couronne? Par la Porte du Traitre, bien sûr! Un thriller d'Edgar Wallace qui joue avec les nerfs alors que se dévoilent les préparatifs minutieux de ce vol inouï... Et le lecteur de se demander ce qui va aller de travers: car peut-on vraiment réussir une entreprise aussi audacieuse? Bons et méchants, les personnages sont entraînés vers leur destin: Dick Hallowell, l'officier de la garde, et Hope Joyner, son amoureuse à l'origine mystérieuse, le colonel du régiment et son épouse acariâtre, Graham, le frère délinquant de Dick et Diana, l'ancienne fiancée aux relations troubles, Colley Warrington, le vénal homme du monde et Tiger Trayne, le ' cerveau ' criminel, Rikisivi, le rajah indien et Eli Boss, le capitaine aux trafics douteux... et même Jane Ollorby la consultante de Scotland Yard qui ne manque pas de flair. Tous, ou presque, seront réunis dans un final de grand style et un sauvetage à grand renfort d'avion et de destroyer.

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Veröffentlichungsjahr: 2022

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La Porte du traître

La Porte du traîtreIIIIIIIVVVIVIIVIIIIXXXIXIIXIIIXIVXVXVIXVIIXVIIIXIXXXXXIXXIIXXIIIPage de copyright

La Porte du traître

Edgar Wallace 

I

« Reposez…, armes ! »

Trente et un fusils retombèrent d’un seul mouvement, trente et une mains gantées de blanc, comme mues par quelque mécanisme invisible, vinrent s’appliquer contre la couture de trente et un pantalons.

Immobile, au « garde à vous », la rangée de tuniques écarlates et de bonnets de poils d’ourson se tenait dans un alignement impeccable. Dans un crescendo de tonnerre, la clique exécuta les dernières mesures de la marche qu’elle venait de jouer, et se tut au moment précis où les quatre serre-file disparaissaient derrière l’angle de la grande tour blanche.

« Rompez les rangs ! »

Avec un claquement sec, Bobbie Longfellow fit glisser dans son fourreau la lame mince de son sabre, assura son monocle dans son orbite et porta ses regards vers la silhouette trapue de la chapelle de Saint-Pierre ad vincula, qui semblait s’assoupir sous les rayons de ce matin d’été. Au bout de quelques instants, il eut la sensation qu’une dame corpulente et de taille médiocre s’était approchée de lui, un guide à la main. Le sergent du détachement se tenait à quelques pas, au « garde à vous ». Derrière le masque d’un visage bruni comme du vieux bois, il semblait rire silencieusement.

« Pardon, monsieur… »

Le visage de la grosse dame était gras, congestionné, cordial et l’officier remarqua qu’elle possédait un menton en triple exemplaire et un nez d’un caractère plutôt masculin.

« Pourriez-vous m’indiquer la tombe de Jane Grey ?

— La tombe de qui ?

— De Jane Grey, monsieur. »

Bobbie lança vers son sergent un regard de détresse, tandis que ses doigts tortillaient sa maigre moustache.

« Avez-vous ? Euh… Avez-vous jeté un coup d’œil dans le cimetière ? prononça-t-il lentement, attendant que son subordonné vint à son secours.

— Quel cimetière, monsieur ?

— Vous feriez mieux de vous renseigner auprès d’un gardien, madame. »

C’était le premier jour de service à la tour du jeune officier, et cette besogne lui déplaisait souverainement. Il éprouvait un sentiment de haine pour la température trop chaude, sa tunique écarlate trop ajustée, et surtout pour l’odieux bonnet de poils d’ourson qui le faisait transpirer. À vrai dire, le lieutenant Robert Longfellow eût souhaité, à ce moment, être n’importe qui ou même n’importe quoi…, sauf un officier subalterne du régiment des gardes de Berwick de Sa Majesté.

La grosse dame, de nouveau, consultait son guide.

« Où se trouvent les joyaux de la couronne ? les fameux joyaux de la couronne ?

— Dans le coffre-fort, chère madame », répliqua Bobbie avec promptitude.

Fort heureusement, à cet instant, parut un guide authentique qui, à l’intense soulagement de l’officier, prit en charge la visiteuse et la conduisit vers la tour de Wakefield.

« Quel satané diable d’empoisonnement ! murmura Bobbie. Qu’attendait-elle que je lui dise, sergent ?

— Rien du tout, sir », répliqua le sergent

Et le visage de Bobbie s’éclaira.

Il entra dans le corps de garde et gagna ses appartements privés, tandis que Mrs. Ollorby continuait sa visite. Et pourtant, la grosse dame au visage rubicond, en vérité, ne s’intéressait pas plus aux joyaux de la couronne qu’à l’infortunée princesse dont la tête gracieuse avait roulé à quelques mètres à peine de l’endroit où s’était déroulé le douloureux interrogatoire du lieutenant Longfellow.

Il y avait cependant, dans la tour de Londres, ce matin-là, une autre visiteuse que le triste destin de Jane Grey faisait soupirer d’émotion. Debout auprès de la chaîne qui empêche les curieux de fouler aux pieds la petite dalle carrée sur laquelle se consomma le sacrifice, Hope Joyner fixait du regard la simple inscription gravée sur la pierre. Puis, elle leva les yeux vers la petite chapelle où la jeune femme dormait de son dernier sommeil.

« Pauvre…, pauvre petite », murmura-t-elle doucement.

Et Richard Hallowell n’eut pas la moindre envie de sourire.

N’avait-il pas devant les yeux l’image même de la jeunesse pleurant la mort de la jeunesse ? Il pouvait admirer un profil parfait, une silhouette plus gracieuse encore dans son abandon ému, un visage aux couleurs douces et sans défaut se détachant sur le fond sombre des murailles noircies par les ans.

« Oui, c’est horrible, n’est-ce pas ? Mais Hope, pourquoi prenez-vous plaisir à attrister cette radieuse matinée ? »

Elle lui sourit et posa la main sur son bras.

« Je suis stupide, Dick. Je vous promets que je ne le ferai plus… Cette resplendissante créature ne serait-elle pas Bobbie ? »

La silhouette efflanquée de l’officier de garde venait d’apparaître sur un balcon.

« C’est Bobbie. Il est rentré hier soir de permission et c’est aujourd’hui sa première expérience du service de garde à la tour. »

Il eut un rire amusé.

« C’est la première fois que je vous vois rire ce matin, Dick », lui dit-elle.

Il aurait pu lui répondre que, précisément, il avait, ce matin, d’excellentes raisons pour ne pas sourire ; mais il préféra garder le silence.

Dick Hallowell, dans son uniforme noir bien ajusté, qu’égayait seule la note vive de la ceinture écarlate, insigne de son grade, dominait sa compagne de toute une tête. Visage aux traits fins et énergiques, yeux gris au regard droit, il y avait, dans sa silhouette souple comme dans sa démarche aisée, quelque chose d’athlétique, susceptible de se transformer instantanément en un bondissement impétueux.

Il reprit :

« Je vous ai tout montré, à présent. J’espérais que cela nous prendrait toute la journée. »

Elle eut un rire :

« Ce n’est pas vrai, depuis le moment où votre ordonnance est venue vous parler, vous êtes, au contraire, impatient de vous débarrasser de moi. Un visiteur vous attend, n’est-ce pas ? »

Avant qu’il eût le temps de répondre, elle poursuivit :

« Je suis terriblement curieuse par nature, et, d’ailleurs, je connais bien la tour…, mais j’avais une envie folle de vous voir en uniforme. »

Marchant lentement, ils parcoururent la pente douce conduisant à la porte du Lion et s’arrêtèrent ensemble sous la voûte pour regarder la triste muraille de bois derrière laquelle coule le fleuve.

« La porte du Traître… »

Ils poursuivirent leur route, passèrent devant les sentinelles qui présentaient les armes et bientôt débouchèrent sur la grande place de Tower Hill.

La voiture de la jeune fille vint silencieusement se ranger le long du trottoir. Dick ouvrit la portière.

« Quand vous reverrai-je ? »

Elle sourit.

« Toutes les fois que cela vous fera plaisir. Souvenez-vous que mon nom est dans l’annuaire des téléphones et que j’adore déjeuner à l’Embassy.

— Qu’allez-vous faire, à présent ? »

Elle eut une petite grimace.

« J’ai la perspective d’affronter bientôt une assez déplaisante entrevue », dit-elle en le regardant au fond des yeux.

Lui-même était attendu et allait avoir un entretien pénible. Mais il ne le dit pas à la jeune fille.

Il attendit, avant de se retourner, que la voiture eût disparu ; puis, le visage grave, il rebroussa chemin et traversa la passerelle qui enjambe le vieux fossé.

À l’entrée de son logement, Brill, son ordonnance, l’attendait.

« Le gentleman m’a demandé d’aller à votre recherche, sir. Il dit qu’il a un rendez-vous. »

Dick Hallowell inclina lentement la tête :

« Je n’aurai pas besoin de vous pendant un quart d’heure, Brill. Mais vous feriez bien de rester ici, et, si quelqu’un me demande, vous répondrez que je suis très occupé.

— Bien, sir Richard.

— Et, dites-moi, Brill, le… gentleman vous a-t-il parlé de… de lui-même ? »

Brill eut un instant d’hésitation.

« Non, sir. Il paraissait d’assez mauvaise humeur… Il m’a dit que vous pouviez vous estimer heureux de posséder un pareil logement. »

De nouveau, il hésita.

« C’est tout, sir… Il s’est mis ensuite à ricaner. Je trouve qu’il a un fameux toupet de venir ici pour tout critiquer. D’après ce que j’ai pu voir, c’est un pas grand-chose.

— Oui, Brill… C’est un pas grand-chose. »

Dick gravit l’escalier de pierre et s’arrêta devant une porte qu’il ouvrit d’une poussée.

Un homme se tenait debout devant la fenêtre du confortable salon de Dick Hallowell et paraissait absorbé dans la contemplation d’une escouade qui manœuvrait dans la cour. Sa figure, à demi tournée vers le jeune homme, était mince et chagrine ; ses vêtements étaient râpés et ses chaussures aux talons éculés attestaient d’un trop long usage. Cependant, ses traits et son maintien présentaient une étrange ressemblance avec ceux de l’officier qui l’observait silencieusement.

« Hello ! »

Il se tourna avec un grognement pour considérer le nouveau venu et mit dans cet examen une nuance hostile.

« Hello… Mon cher frère ! »

Dick ne répliqua rien. Lorsqu’ils se trouvèrent face à face, la ressemblance devint plus frappante encore, bien qu’elle ne fût pas absolue. Certes, si Graham Hallowell était parvenu à supprimer radicalement la dureté de sa voix, rien n’eût permis de les distinguer l’un de l’autre ; mais Graham avait oublié l’art de l’affabilité ; il avait oublié qu’un jour une université s’était enorgueillie de voir en lui son plus brillant élève. Ce dont il se souvenait seulement, c’est qu’il était un homme maltraité par le sort, un homme qui n’avait jamais eu « sa » chance. Il avait atteint le stade où l’on ne se souvient plus que des griefs et des amertumes de la vie.

« Ton accueil est aussi enthousiaste que de coutume, sir Richard, ricana-t-il, et je parierai même que tu n’as nullement l’intention de m’inviter à déjeuner au mess, hein ? Permettez-moi de vous présenter, mon frère, Graham Hallowell, sorti hier de la prison de Dartmoor et qui se fera un plaisir de vous conter quelques bien amusantes histoires sur l’enfer du bagne. »

Sa voix s’était élevée. Dick se rendit compte qu’il avait bu et se trouvait en proie à l’une de ses terribles crises de haine.

« Ton valet lui-même se croit autorisé à me traiter comme un lépreux.

— Tu n’es pas autre chose, murmura Dick sur un ton calme, mais net. Un lépreux… C’est ainsi que l’on pourrait te définir, Graham. Quelque chose d’impur et de malsain que les gens conservant quelque dignité évitent soigneusement…, quelque chose d’inhumain sans une seule des qualités susceptibles de justifier une existence aux regards de Dieu et des hommes. Et tu vas cesser de crier lorsque tu me parleras ; sinon, je te prends par la peau du cou et je te jette hors de chez moi. Est-ce clair ? »

L’homme eut une hésitation :

« Ne fais pas attention, Dick…, J’ai peut-être bu un coup de trop ce matin, mon vieux, mais songe un peu à ce que tu éprouverais si tu étais sorti de prison depuis vingt-quatre heures. Mets-toi à ma place… »

Dick l’interrompit brusquement :

« C’est impossible… Je ne puis concevoir ce que j’aurais éprouvé si ma conduite m’avait fait mériter la prison, prononça-t-il avec froideur. Je n’ai pas assez d’imagination… Quant à me « mettre à ta place », je ne puis me représenter droguant, pour le voler, un jeune officier de la garde qui avait eu confiance en toi, parce que tu étais mon demi-frère. Je puis encore moins me voir enlevant la femme d’un honnête homme pour l’abandonner ensuite sans ressources à Vienne. Et il y a bien d’autres choses que je ne puis imaginer. Qu’attends-tu de moi, au juste ?

— Je n’ai plus un sou, murmura Graham sombrement. J’avais pensé pouvoir gagner l’Amérique… »

Le jeune homme avait eu un rire bref, mais qui ne contenait pas la moindre trace de gaieté.

« Combien veux-tu ?

— Hum ! je crois que le prix d’un passage pour New York…

— Tu sais parfaitement qu’on ne te laissera pas entrer aux États-Unis avec un casier judiciaire comme le tien.

— Je pourrais prendre un autre nom…

— Mais non, tu ne partiras pas, et tu n’as pas la moindre intention de t’embarquer. »

Dick s’assit à son bureau, ouvrit un tiroir dont il tira un carnet de chèques.

« Tiens ! voici un chèque de cinquante livres. C’est le dernier argent que tu obtiendras de moi. Et si tu t’imagines que tu pourras me forcer la main en venant faire du scandale ici, tu te trompes. Mon colonel et mes camarades de régiment connaissent tous la vérité sur ton compte, et le jeune homme que tu as escroqué est précisément de garde en ce moment même. Si tu m’ennuies, je te fais coffrer… Comprends-tu ? »

Graham Hallowell glissa le chèque dans sa poche.

« Tu as un cœur de pierre, gémit-il. Si père savait…

— Père est mort, Dieu merci, murmura Dick gravement. Mais il en a cependant appris suffisamment pour mourir d’une crise cardiaque. C’est encore un grief que j’ai contre toi, Graham. »

Graham soupira sourdement. La crainte seule contenait la rage qui l’enflammait. Il désirait passionnément blesser, déchirer, humilier ce demi-frère qu’il haïssait tant… Mais le courage lui manquait.

« En regardant par la fenêtre, je t’ai vu bavarder avec une ravissante jeune fille.

— Tais-toi, coupa sèchement Dick. Je ne consentirai jamais à parler avec toi de n’importe quelle femme comme il faut.

— Tout beau, Dick. [Graham avait retrouvé un peu de sa violence.] Je posais une simple question… Diana est-elle au courant ? »

L’officier marcha vers la porte qu’il ouvrit toute grande, d’un geste brusque.

« Voici ton chemin.

— Diana…

— Diana ne m’est rien. Je te prie de te souvenir de cela. Et d’abord, j’ai horreur de son entourage.

— C’est pour moi que tu dis cela. »

D’un geste de la tête, Dick désigna l’escalier à son frère. Avec un insolent haussement d’épaules. Graham franchit le seuil.

II

La sonnerie du téléphone résonna pour la troisième fois. Alors seulement, Diana Martyn étendit nonchalamment le bras, pour saisir le récepteur. Elle savait d’avance qui l’appelait ainsi : Colley, probablement maussade et tout prêt à perdre quelques minutes en vaines lamentations parce que Diana l’avait fait attendre.

« Croyez bien que si nous avions pu deviner que c’était Votre Altesse Sérénissime qui nous appelait ainsi, nous nous serions précipitée à la première sonnerie », murmura Diana sur un ton qui ne présageait rien de bon. Rien de bon, du moins, pour Colley, qui détestait le sarcasme.

« Pouvez-vous venir me retrouver au Ciro’s pour déjeuner ? demanda-t-il.

— Impossible ! Je déjeune avec Graham Hallowell. »

Cette nouvelle constituait évidemment une surprise pour Colley.

« Hallowell ! Je ne vous entends pas distinctement. Vous fumez, Diana ?

— Non, mais j’articule probablement assez mal. La perspective de me trouver seule avec un gentleman qui vient de sortir de prison est passablement déprimante. Il n’est nullement conforme au modèle classique, vous savez. D’abord, il n’a pas été condamné injustement.

— Écoutez, Dianette… »

Elle l’interrompit avec colère.

« Je vous défends de m’appeler Dianette.

— Diana. Le patron veut vous voir. Vrai. C’est lui qui me l’a dit.

— Eh bien, dites au patron que je n’ai pas envie de le voir, moi, répliqua-t-elle avec calme. Un criminel par jour, c’est amplement suffisant. »

À ce moment, Dombret, la femme de chambre, frappa discrètement à la porte :

« Voulez-vous recevoir miss Joyner, mademoiselle ?

— Miss Joyner… Vous êtes sûre ?

— Oui, mademoiselle, une charmante jeune fille.

— Faites-la entrer. »

Dombret sortit de la pièce.

« Miss Joyner… »

Diana s’avança, la main tendue, un éblouissant sourire illuminant son visage ordinairement pâle. Elle connaissait très exactement sa puissance de séduction, elle avait en elle-même une confiance absolue et possédait une conscience fort nette de son élégance, ainsi que de la splendeur chatoyante de sa chevelure rousse.

« Comme c’est gentil à vous, miss Joyner. »

Hope Joyner prit la main qu’on lui tendait et le regard clair de ses yeux gris croisa, sans se teinter de la moindre nuance d’hostilité ni même de suspicion, celui de Diana.

« Je craignais que ma visite ne vous déplût », murmura-t-elle.

Ainsi c’était Hope Joyner ? Elle était charmante.

Diana, critique sévère, fort difficile à satisfaire, ne trouva rien à redire : ni dans la silhouette, ni dans la voix, ni dans la carnation de sa visiteuse.

« Je suis tout à fait ravie, au contraire. Asseyez-vous donc, je vous en prie.

— J’ai reçu une lettre de vous…, une lettre assez singulière, prononça lentement Hope Joyner. Peut-être pourrais-je vous la lire… Vous avez, sans doute, oublié ce qu’elle contenait. »

Diana n’avait pas l’habitude d’oublier jamais de telles choses ; elle ne formula, cependant, aucune objection, se contentant d’observer la jeune fille d’un air détaché, tandis que celle-ci tirait de son sac une grande enveloppe et dépliait une large feuille d’un épais papier à lettres gris. Sans préambule, elle commença à lire :

« Chère Miss Joyner,

« Je veux espérer que vous ne m’accuserez pas d’impertinence si je vous écris pour vous entretenir d’un sujet qui me touche de très près. Je vous connais suffisamment pour savoir que vous n’abuserez pas de la confiance que je vous témoigne ainsi. Voici, en bref, la désagréable situation dans laquelle je me trouve :

« Avant que vous entriez en scène, j’étais fiancée à sir Richard Hallowell…, bien qu’en ce moment nous nous trouvions en froid à cause d’une affaire de famille qui ne saurait vous intéresser. On vous a rencontrée fréquemment en sa compagnie depuis quelque temps et les gens parlent de vous sans bienveillance, demandant qui vous êtes, d’où vous venez, quelle est votre famille. Mais tout cela, pourtant, compte beaucoup moins pour moi que… »

Elle s’arrêta un instant pour tourner la feuille couverte d’une écriture serrée.

« … que mes propres espérances de bonheur. J’aime Dick très tendrement, et il m’aime aussi, bien que, pour le moment, nous nous adressions à peine la parole. Me sera-t-il permis de faire appel à votre générosité et pourrai-je espérer que vous nous fournirez l’occasion de renouer les liens d’affectueuse amitié qui nous unissaient ? »

Elle se tut, replaça la lettre dans son sac, qu’elle referma avec calme.

« Je pense que cette requête n’a rien de déraisonnable, murmura Diana avec froideur.

— Vous me demandez, en un mot, de m’effacer pour vous laisser la place, n’est-ce pas ? poursuivit Hope de sa voix tranquille et incisive. Mais pourquoi le ferais-je ? Vous pouvez vous-même faire naître les occasions de renouer vos relations avec Dick. Et je crains que vous n’attendiez trop de moi. »

Diana, pensive, se mordait les lèvres.

« Cette lettre était ridicule, je l’avoue, mais je n’étais pas dans mon état normal lorsque je l’écrivis. D’ailleurs, le fait que vous soyez une amie de Dick ne signifie nullement que vous l’aimez, vous aussi. »

Hope secoua la tête.

« Ce n’est pas ce que je voulais dire. Je tenais seulement à vous demander si vous n’aviez pas conçu une idée exagérée de la faculté du sacrifice dont je puis être capable. »

Diana ferma à demi ses paupières.

« Voudriez-vous donc dire que vous l’aimez ? »

Hope Joyner inclina la tête sans sourciller :

« Exactement. »

La franchise de cette confession suffoqua Diana, qui demeura, pendant quelques instants, sans pouvoir prononcer une parole.

« Comme c’est touchant ! » finit-elle par murmurer.

Elle continua :

« Ainsi, je dois conclure que ma requête, pourtant fort raisonnable, ne modifiera en rien vos… vos ambitieux projets ?

— Est-ce donc tellement ambitieux, demanda Hope avec un air d’innocence assez déconcertant, que d’éprouver de l’affection ou de l’amour pour Dick Hallowell ? »

Diana s’efforçait de conserver une entière maîtrise de soi. Elle n’avait pas espéré grand-chose de bon de l’envoi de la lettre, écrite, à la vérité, sous l’impulsion d’une humeur capricieuse. Elle avait peut-être voulu blesser Dick Hallowell ou, du moins, le troubler. Mais, aujourd’hui, la présence devant elle de cette jeune fille lui semblait un défi. Et Diana était une personne qu’il valait mieux ne pas défier.

« Je vais vous montrer quelque chose. »

La jeune femme sortit de la pièce et revint quelques secondes plus tard, tenant à la main un petit écrin de cuir. Elle appuya sur le fermoir ; le couvercle se souleva brusquement, laissant apparaître une bague ornée de trois brillants, que Diana déposa de force dans la main de sa visiteuse.

« Lisez, je vous prie, l’inscription gravée à l’intérieur de cet anneau. »

Machinalement, la jeune fille obéit, bien qu’au fond d’elle-même elle n’éprouvât pas le moindre sentiment de curiosité. La face intérieure de la bague portait, gravés, ces mots : « Dick à Diana. 1932. »

« Qu’en dites-vous ? murmura Diana.

— Une bague de fiançailles. »

Diana baissa la tête. Hope la regardait, un peu embarrassée.

« Est-ce là un argument plus décisif que tous ceux que vous avez employés pour me contraindre à interrompre mes relations avec Dick ? Je savais déjà que vous aviez été fiancée…, il me l’avait dit. Mais la plupart des gens ne se fiancent-ils pas plusieurs fois ? En toute sincérité, miss Martyn, j’ignore si je me conduis en ce moment avec cynisme ou avec sagesse, mais vous attendez-vous à ce que j’accepte de ne plus jamais revoir Richard Hallowell ?

— Je m’attends à vous voir agir comme il vous plaira », répliqua Diana sur un ton assez aigre.

Elle haussa les épaules.

« C’est évidemment une question de goût et de bonne éducation. Vous ne pensez tout de même pas que je vais résoudre ce problème pour vous ? »

Ses yeux ne quittaient pas le sac à main de Hope.

« J’ai peut-être agi imprudemment et sans réfléchir, en vous écrivant cette lettre. Rendez-la-moi, je vous prie. »

De nouveau, leurs regards se croisèrent. D’un geste rapide, Hope ouvrit son sac, en tira la lettre et la déchira en quatre morceaux, qu’elle déposa sur la table. Puis, après un bref signe de tête, elle se retourna et quitta la pièce.

Diana était surprise des sentiments qu’elle éprouvait ; elle n’arrivait même pas à discerner ce qui, inconsciemment, la faisait agir. Il y avait des années qu’elle ne songeait plus à Dick Hallowell et le rôle qu’il avait joué dans sa vie lui paraissait tellement lointain, tellement estompé dans les brumes du passé…

Elle essayait encore de mettre de l’ordre dans son esprit, lorsque Dombret pénétra dans la pièce pour annoncer un visiteur qui, d’ailleurs, la suivait pas à pas.

Diana s’était assise sur une banquette près de la fenêtre, d’où l’on découvrait toute l’étendue de la rue. Les bras croisés, un doigt fin et blanc sur les lèvres, elle examina sans indulgence le personnage loqueteux qui entrait. Celui-ci gardait le silence, un mauvais sourire errant sur son visage, les deux mains dans les poches.

Lorsque Dombret se fut retirée, Diana se tourna vers lui :

« Peux-tu m’expliquer ?

— T’expliquer quoi ?

— Ce que signifie cette tenue déguenillée ? »

Graham Hallowell jeta en ricanant un regard sur son vêtement crasseux et élimé :

« J’ai oublié de changer de costume. »

Elle hocha la tête :

« Ainsi, tu as été rendre visite à l’illustre Richard. Et l’illustre Richard a-t-il été impressionné par ta misère ? »

Sans répondre, il se laissa tomber sur le large divan, tira de sa poche un paquet de tabac et une feuille de papier, puis se mit à rouler une cigarette.

« Y a-t-il une raison particulière, continua Diana, pour que tu te montres dans Curzon Street vêtu comme un épouvantail ? J’aime mieux te prévenir tout de suite que cela ne m’impressionne nullement, moi…

— Lui non plus, répliqua-t-il lentement en lançant vers le plafond un nuage de fumée. Tout ce que j’ai pu en tirer, c’est un malheureux chèque de cinquante livres. J’ai failli le lui jeter au visage.

— Mais tu t’es retenu, n’est-ce pas ? »

Il y avait longtemps qu’il ne s’irritait plus du ton sarcastique de Diana. Certes il y avait eu un temps où ces subtiles moqueries le rendaient fou de rage. Mais ce temps était bien loin, aujourd’hui.

« Tu escomptais, sans doute, qu’il satisferait toutes tes exigences, simplement afin de se débarrasser de toi. Et, bien entendu, il n’en a rien été. Ah ! si tu connaissais Dick comme je le connais !

— Je ne le connais que trop, grommela-t-il, ce pharisien ! »

Elle ne répondit pas tout de suite. Ses dents blanches mordillaient sa lèvre inférieure.

« Pharisien ? certainement pas. Dick n’a rien d’un pharisien… »

Elle fit une pause, puis reprit :

« Il n’a pas fait allusion à moi ?

— Il m’a seulement dit qu’il ne tenait pas à entendre parler de toi… Si cela peut te faire plaisir… »

Elle inclina la tête.

« D’où je conclus que c’est toi qui t’es chargé de parler de moi.

— Il a une nouvelle petite amie, poursuivit Graham sans se troubler. Elle est ravissante… Je les ai aperçus qui roucoulaient auprès de la dalle des exécutions. »

Diana parut peu intéressée par cette remarque. Son compagnon, avec effort, se résolut à lui poser la question qu’il eût certainement déjà formulée le soir précédent, si le courage ne lui avait soudainement fait défaut. La jeune femme, en effet, lui inspirait toujours un vague sentiment de crainte.

« Tu as un appartement magnifique, Diana. Mais, si mes souvenirs sont exacts, tu logeais modestement en meublé lorsque je partis… J’étais au courant de ton changement d’adresse ; mais cette magnificence présente me laisse stupéfait. »

Ses revenus, il le savait, ne dépassaient pas, chaque année, quelques centaines de livres, c’est-à-dire à peine de quoi payer le loyer de ce somptueux appartement. Certes, elle rédigeait, de temps à autre, quelques articles ; mais son indolence naturelle ne lui permettait pas de tirer de gros profits de son activité de journaliste.

« Tu redoutes le pire, n’est-ce pas ? Eh bien, tranquillise-toi. J’accomplis un travail assez sérieux en ce moment. As-tu entendu parler du prince de Kishlastan ? »

Il secoua la tête.

« Je suis officiellement son agent de publicité, poursuivit-elle froidement, et ce travail me rapporte, en fait, quelque quatre mille livres par an… J’estime que c’est de l’argent bien gagné. Le prince a besoin d’assouvir une terrible rancune contre le monde en général et le gouvernement en particulier. C’est Colley Warrington qui me l’a présenté, il y a deux ans. Colley avait entrepris de saigner à blanc notre illustre ami, lequel, soit dit en passant, est outrageusement riche, et, comme il avait échoué, il eut l’idée de m’appeler à la rescousse. Bien entendu, j’ai immédiatement éprouvé la plus vive sympathie pour Son Excellence, et il ne m’a pas fallu longtemps pour découvrir le point faible de son armure dorée. Il a perdu deux coups de canon…

— Deux quoi ? répéta Graham, abasourdi.

— Deux coups de canon. Il paraît que le gouverneur français lui avait accordé la faveur d’être salué par neuf coups de canon lorsqu’il venait en visite officielle ; mais, à la suite de diverses histoires assez fâcheuses, et d’un certain nombre de scandales, ce salut fut ramené à sept coups. Il paraît que, dans l’Inde, ces choses-là ont une grande importance. Ajoute à cela que le prince de Kishlastan a la manie des pierres précieuses, et qu’il possède probablement la plus admirable collection de l’Inde entière.

— Est-il marié ? coupa Graham, soupçonneux.

— Plutôt neuf fois qu’une. Mais je n’ai pas eu le plaisir de faire la connaissance d’une seule de ses femmes. J’ai déjà rendu de grands services à Son Excellence : j’ai réussi à obtenir que notre ambassadeur à Paris s’intéresse à lui et j’ai écrit ou inspiré d’innombrables articles sur son compte. »

Graham, dont ces détails ne suffisaient pas à calmer les soupçons, se grattait rêveusement le menton. Diana éclata de rire :

« As-tu l’intention de me faire de la morale ?

— Non, mais je trouve tout cela bizarre. »

L’attitude de Diana n’avait rien d’amical, il s’en rendait parfaitement compte.

« Je rentre chez moi pour me changer, grommela-t-il en se levant. Et, j’aime mieux te le dire tout de suite, Diana, je n’aime pas beaucoup te voir accomplir cette besogne.

— J’en suis vraiment fâchée, riposta-t-elle avec ironie. Tu as deviné, j’espère, que le revenu annuel de quatre cents livres, dont je pouvais jadis, à la rigueur, me contenter, s’est depuis longtemps volatilisé. Dans un moment d’optimisme irréfléchi, j’ai confié mon capital à un jeune gentleman qui avait imaginé un plan magnifique pour faire fortune rapidement. Cette confiance, entre parenthèses, me valut de perdre un excellent fiancé. »

Elle parlait avec légèreté, mais on devinait dans sa voix une rancune et une amertume malaisément contenues.

« Cette perte est réparable, dit Graham. Tu sais que je dois toucher vingt mille livres lors de mon prochain anniversaire.

— Tu me l’as déjà dit, railla-t-elle. Par malheur, dès maintenant, ce legs est absorbé par les hypothèques, ainsi que je l’ai découvert après ton arrestation. »

Elle s’interrompit brusquement, puis reprit, sur un ton autoritaire :

« Rentre chez toi pour t’habiller de façon décente et reviens me prendre à une heure. Fais vite. J’attends la visite de Colley et, s’il ne te trouve pas ici, il croira que je lui ai menti. »

Elle l’accompagna jusqu’à la porte. Puis, une moue sur les lèvres, revint prendre place sur le divan. Elle était apparemment absorbée dans la lecture du plus passionnant des romans, lorsque Colley se fit annoncer.

Colley Warrington était un personnage d’une affligeante maigreur, au visage en lame de couteau, au crâne parcimonieusement revêtu de touffes de cheveux jaunes à peine suffisantes pour masquer une calvitie, qui n’en était pourtant encore qu’à ses débuts. Avec sa figure longue, ses traits profondément creusés, il avait l’apparence d’un homme vieilli avant l’âge. Les gens qui aiment les généralisations hâtives l’accusaient volontiers de prodigalité, non sans se demander d’où venait tout l’argent grâce auquel il pouvait se montrer prodigue.

À Londres, à New York, et plus généralement dans tous les lieux du monde que fréquente la bonne société, on rencontre ainsi un certain nombre de personnages brillants qui se font un devoir de s’occuper seulement des affaires d’autrui, surtout lorsque cet « autrui » figure au Bottin Mondain.

Colley pouvait, de mémoire, exposer l’historique et contester la légitimité de tous les titres, fournir les renseignements les plus complets sur les parents ou les alliés de n’importe qui, mais seulement dans la mesure où ces parents et alliés occupaient, eux aussi, une situation de quelque importance. Il connaissait à une livre près le revenu de chacun et l’état de prospérité ou de délabrement de tous les patrimoines. Parcourir Bond Street en sa compagnie, c’était assister successivement aux drames et aux comédies les plus inattendus, car il découvrait, dans le moindre objet, une signification inaccessible à l’entendement du commun des mortels. Il était capable de monologuer indéfiniment.

« Voici Lily Benerley avec sa nouvelle Rolls… Un cadeau d’un fonctionnaire de l’ambassade d’Égypte. Là-bas, c’est la vieille lady Vannery, une vénérable pocharde, mais une pocharde millionnaire… Toute sa fortune doit revenir à son neveu Jack Wadser, celui qui a épousé Mildred Perslow… Vous savez bien, la jeune femme qui a fait une fugue au Kénia en compagnie du jeune Leigh Castol, le fils de Lord Mensem ?… »

Certaines personnes sans indulgence chuchotaient que Colley tirait d’importants profits de cet instinct qui lui permettait d’être au courant du moindre scandale. Un lord chancelier l’avait, un jour, assez justement qualifié de « gredin invétéré ». On n’ignorait pas, en outre, l’altercation du Paddock Club, dans la salle de jeu… Colley ayant discrètement donné sa démission, l’affaire avait été étouffée. Il s’était aussi trouvé à deux doigts d’une inculpation pour chantage. Au cours des débats, il avait jugé opportun d’aller faire une cure de repos à Aix-en-Provence. Certes, son nom ne fut jamais prononcé ; mais, lorsqu’un éminent magistrat déclara sévèrement à l’accusé : « Je crois savoir qu’une tierce personne vous aidait de ses conseils lorsque vous écrivîtes ces lettres de menaces », toute l’assistance sut fort bien à qui on faisait ainsi allusion.

Tel était l’homme qui venait de pénétrer en bougonnant dans le boudoir de Diana et examinait la jeune femme d’un air chagrin.

« Alors, Diana ?

— Asseyez-vous et cessez de récriminer.

— Où est Graham ?

— Il est rentré chez lui pour se changer. »

Il s’assit avec précaution sur le bord d’un fauteuil.

« Vous êtes folle de ne pas rompre toute relation avec Graham… Vous n’ignorez pourtant pas sa réputation.

— Comme lui connaît la vôtre, répliqua-t-elle avec un demi-sourire. J’ai remarqué que l’opinion que vous professiez sur le chapitre des relations utiles ou dangereuses coïncidait assez exactement avec celle de Graham, à cette seule différence qu’il pense, lui, que vous constituez la plus détestable fréquentation pour une honnête femme. »

Colley grommela. Diana reprit :

« Ne jurez pas et ne vous mettez pas en colère. J’ai besoin d’un renseignement. Vous êtes une véritable encyclopédie, Colley, mais je n’ai jamais encore eu l’occasion de vous consulter. Qui est Hope Joyner ? »

Son goût du commérage l’emporta aussitôt sur sa mauvaise humeur :

« Hope Joyner ?… Un magnifique appartement à Devonshire House… Deux voitures : une Rolls et une américaine. Très riche… Grande amie de Dick Hallowell. »

Diana l’interrompit avec un geste d’impatience : « Je vous ai demandé des renseignements précis. »

Il hocha la tête :

« Je ne sais pas grand-chose sur son compte. Un beau jour, elle a surgi de nulle part. Je crois qu’elle a fait ses études dans une de ces écoles d’Ascot où ce qui compte surtout, c’est la fortune. Il est bizarre que vous vous intéressiez à elle. J’en parlais il y a quelques jours avec Bobbie Longfellow, le lieutenant des gardes.

— J’ignorais que vous fussiez l’ami de Bobbie Longfellow, coupa Diana un peu brusquement.

— Je ne suis pas son ami, reconnut Colley avec franchise, mais cela ne nous empêche pas de bavarder de temps en temps. Hope Joyner est orpheline. Son père, riche Chilien, lui laissa, en mourant, une fortune considérable que gèrent Roke et Morty. Je me demande, d’ailleurs, comment diable on a pu confier à des gaillards comme Roke et Morty un patrimoine de cette importance. »

Diana l’interrogeait du regard. Il poursuivit :

« Roke et Morty sont louches. Ce sont presque des escrocs. Chaque fois qu’un procès criminel vient devant le tribunal d’Old Bailey, si le jeu en vaut la chandelle, Roke et Morty sont là. On ne les consulte que lorsqu’on se trouve avec une vilaine affaire sur les bras.

— Que savez-vous sur Hope Joyner ? reprit Diana.

— Diable ! vous m’en demandez trop… »