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La matinée avait pourtant débuté de façon ordinaire, semblable à toutes les autres. Mais après avoir maudit l’alarme de son réveil, englouti un café, puis traîné sa carcasse jusqu’à la salle de bain, la terrible et inéluctable découverte était sur le point de bouleverser les perspectives journalières de chacun. En un instant, les vêtements avaient disparu sans laisser de trace, mystérieusement remplacés par quelque chose d’aussi incongru que ridicule. La semaine promet d’être longue…
À PROPOS DE L'AUTEUR
Entre les murs de la ville,
Alexandre Flenghi recherchait une brise légère, empreinte d’humour. En créant des récits pour s’évader, cet écrivain a développé un attachement pour ses histoires et il souhaite à présent les partager avec vous.
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Seitenzahl: 127
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Alexandre Flenghi
La vérité est tailleur
Roman
© Lys Bleu Éditions – Alexandre Flenghi
ISBN : 979-10-422-1776-1
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122- 5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122- 4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335- 2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
À mes parents
« Ça par exemple ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? s’exclame le second valet de chambre du président, alors qu’il ouvre l’armoire à costumes.
— Mais tais-toi donc, idiot ! lui ordonne aussitôt le premier, en criant à voix basse. Tu vas réveiller monsieur Tintamarre avec ton boucan ! Tu sais pourtant comme moi ô combien il est soupe au lait quand il se lève du pied gauche.
— Quand on est de droite, c’est d’autant plus contrariant…
— Je peux savoir ce qu’il te prend de brailler ainsi, à six heures du matin ?
— Correction, cinq heures… N’as-tu pas lu le sous-titre ?
— Mais ça n’a aucune importance, cornichon ! On ne hurle pas comme un aveugle qui a perdu son bâton quand le président dort, bon sang !
— Je te trouve très bruyant, pour quelqu’un qui réclame le silence…
— Tu m’agaces, à la fin ! Je te signale qu’il nous reste à peine une demi-heure pour préparer les habits et le petit-déjeuner de monsieur avant que son réveil sonne la Marseillaise. Tu vas donc aller chercher une belle chemise blanche, bien gentiment, une jolie cravate en soie et un fichu costume, avant que je fasse un rapport sur ton évident manque d’efficacité dans l’exercice de tes fonctions !
— Justement… les costumes…
— Quoi, les costumes ? Ils sont dans l’armoire, comme depuis toujours !
— Ça, je le sais bien !
— Ne me dis pas que tu as égaré la clef, bougre d’andouille que tu es ?
— Tu me prends pour un irresponsable, ma parole ! L’armoire à costumes ne ferme pas à clef, je ne risque donc pas de la perdre… CQFD ! Que dis-tu de cela ?
— J’en dis que tu es un imbécile, voilà tout ! Ras la couenne de toi et de tes remarques stupides qui me font perdre mon temps… je vais aller le chercher moi-même, ce costume !
— Tu vas t’excuser de t’en être pris à moi quand, à ton tour, tu vas ouvrir cette armoire…
— M’excuser de rien du tout, oui ! Seul un benêt dans ton genre est capable d’hésiter durant vingt minutes devant une armoire pleine de costumes, tous bleus et identiques !
— Tu vas le regretter…
— Ça par exemple ! Qu’est-ce que c’est que ce cirque ? »
Brisant soudainement le doux silence d’une reposante nuit, l’affreuse alarme téléphonique du brigadier Maxime Tamain se déclenche, le tirant aussitôt de sa torpeur. L’homme se redresse, d’un coup d’un seul, s’asseyant sur le bord du matelas en agitant la nuque d’un mouvement circulaire, comme pour dégraisser ses articulations rouillées par un sommeil trop profond. La semaine commence à peine, mais elle s’annonce abominable…
Son supérieur hiérarchique, le brigadier-chef Magret, a prévu plusieurs jours de mise à l’épreuve pour ses subalternes, comprenant toute une batterie de tests ridicules ayant pour but de mettre ses hommes à niveau, afin qu’ils soient en mesure de faire face à des situations auxquelles ils ne seront jamais confrontés. Maxime porte en horreur ces soi-disant exercices de la fonction publique, tous aussi inutiles qu’avilissants au possible, mais courbe docilement l’échine en bon soldat de l’État, acceptant l’impensable par souci du devoir ; veillant pour la patrie, telle est leur devise.
Foutue semaine en perspective, je vous le dis !
Maxime traîne péniblement ses pieds sur la moquette de la chambre, évitant de faire trop de bruit pour ne pas réveiller son épouse, Christelle, qui a la chance de pouvoir profiter de trente minutes supplémentaires de sommeil avant d’affronter à son tour la fatidique alarme. Tel un zombie programmé pour effectuer chaque jour les gestes similaires ; Maxime se rend dans la salle de bain, envoie une giclée d’eau sur son visage sans même prendre le temps de se regarder dans le miroir, puis il traverse le couloir qui mène à la cuisine, vacillant, heurtant les murs à la façon d’un homme ivre, cherchant dans la pénombre le salvateur interrupteur qui le sortira peu à peu de son brouillard. Comme les réveils sont difficiles…
Maxime ouvre un placard et attrape une boîte de laquelle il sort une capsule. Fort heureusement pour lui (ainsi que pour tous ceux qui ne sont pas du matin), la technologie actuelle rend la préparation du café si facile que même un somnambule arthritique en serait capable. La machine vibre de tout son être, faisant un assourdissant vacarme qui semble pourtant si insignifiant en pleine journée, quand la vie bat son plein. Il attrape ensuite une tasse et tire une chaise dans laquelle il s’affale, avant de commencer un long travail d’émergement qui va tout doucement le ramener à la réalité.
« Coucou p’pa ! fait subitement Léo en entrant à son tour dans la cuisine. Le petit déjeuner est prêt ?
— Mais… bloque Maxime en se frottant les yeux. C’est quoi cette tenue ?
— J’arrivais plus du tout à dormir, alors je me suis déjà préparé pour l’école. Au moins, je ne me ferai pas disputer aujourd’hui parce que je suis en retard, pas vrai ?
— Ça ne répond pas du tout à ma question ! s’agace le père. Tu peux me dire pourquoi tu es habillé en costume de pirate pour aller à l’école ?
— Je n’ai pas trouvé mieux en cherchant dans ma commode…
— Tu vas arrêter de te ficher de moi, oui ? File dans ta chambre et enfile quelque chose de convenable avant que je m’énerve pour de bon !
— Mais, papa…
— Y’a pas de mais ! Se lever aussi tôt est déjà une épreuve en soi, je n’ai pas besoin de tes gamineries pour me compliquer la tâche. Disparais ! »
Et baissant piteusement le front, Léo s’en retourne à sa chambre pour obéir à son père, laissant ce dernier en slip au beau milieu de la cuisine, recouvrant peu à peu ses esprits le temps que le café fasse son effet.
« Je peux savoir ce qui te fait beugler dans la maison à une heure pareille ? fait alors Christelle qui arrive en peignoir, des marques d’oreillers encore fraîchement imprimées sur un des côtés de son visage.
— À ton avis ? s’irrite aussitôt Maxime. Le petit débarque attifé d’un costume de pirate pour aller à l’école, mais c’est encore moi qui me fais enguirlander parce que je (il mime des guillemets) “beugle dans la maison”.
— Léo n’a pas de costume de pirate.
— Eh bien, ce devait être un costume de corsaire… quelle différence ?
— Tu me prends pour une idiote ou je rêve ? se froisse immédiatement Christelle. Tu me crois incapable de faire la différence entre un pirate qui pille sans foi ni loi les bateaux et un corsaire mandaté par l’autorité de sa nation pour combattre les navires ennemis en temps de guerre ?
— Et voilà, c’est parti… Notre chère professeure des écoles commence sa journée en faisant sa madame je-sais-tout, avant même le lever du soleil !
— Mais ça n’a rien à voir, imbécile ! Tu cherches toujours à me dévaloriser en prétendant ma méconnaissance sur tel ou tel sujet, alors que je sais très bien qu’un corsaire et un pirate sont deux choses totalement différentes !
— Non, mais j’hallucine là ! On est vraiment en train de parler des pirates dans notre cuisine, à même pas 7 heures du matin ?
— Coucou maman ! intervient alors Léo qui fait son retour, interrompant au bon moment une conversation qui allait dégénérer.
— Mais enfin, mon chéri… s’étonne Christelle alors qu’elle tournait la tête en direction de son fils. Où as-tu donc déniché ce drôle de costume de clown ?
— C’est papa qui m’a dit d’aller me changer.
— Pas comme ça, voyons !
— Qu’est-ce que je te disais, hein ? nargue aussitôt Maxime en affichant un sourire satisfait. Mais j’imagine que pour toi, le seul problème est de nous expliquer maintenant la différence entre un clown et un arlequin…
— Ça suffit maintenant ! prévient Christelle, rouge d’agacement. Un mot de plus et je jure que tu passes le reste de l’année à dormir sur le canapé ! Bon, Léo… tu sais quel jour nous sommes ?
— Lundi, maman.
— Tout à fait, lundi, un jour d’école. Tu sais donc ce que tu dois faire ?
— Aller à l’école ?
— Oui, mais pour ça il faut commencer par mettre une tenue appropriée. Tu comprends bien qu’aller à l’école vêtu comme un clown n’est pas quelque chose de possible, n’est-ce pas ?
— Oui, oui, maman.
— Et d’ailleurs, à qui appartient ce costume ? C’est un copain qui te l’a prêté ?
— Non, non, maman. Je l’ai trouvé dans ma chambre.
— Voyons, c’est impossible ! Je ne t’ai jamais acheté ce déguisement ni celui du supposé pirate que ton père a vu auparavant. Tu vas arrêter de nous raconter des salades ou cela va mal finir !
— C’est la vérité, je le jure ! Comme je le disais à papa tout à l’heure, je n’ai rien trouvé de mieux à me mettre en cherchant dans ma commode.
— J’en ai assez ! s’emporte subitement Maxime. On ne va pas passer la matinée à écouter ces ridicules histoires de costumes, il y en a qui doivent aller au boulot, ici ! Montre-moi là, ta satanée commode, on va bien voir si tu continues à te comporter comme un menteur quand je vais l’ouvrir devant toi ! »
Et saisissant son fils par le colbac, ou plutôt la collerette de l’habit de clown ; Maxime somme son fils de les conduire à sa chambre, lui faisant presser le pas en le poussant dans le dos. Arrivés devant ladite commode, Léo tire doucement le tiroir du haut sous l’œil sévère de ses parents, voyant ces derniers s’écarquiller quand ils en découvrent le contenu. N’osant y croire, Christelle plonge les mains dans cet amas de tissu pour exposer à la lumière les différentes pièces qu’elle extirpe, une à une ; un costume d’homme-araignée ; un déguisement de sorcier ; un ensemble complet de policier avec une casquette, un beau badge en plastique brillant et une matraque en faux bois ; la fameuse tenue de pirate, ou peut-être de corsaire… Enfer et damnation !
Les vêtements du bambin ont bel et bien disparu, tous remplacés par ces accoutrements grotesques dont la seule utilité serait de vêtir les fous d’un carnaval.
Les matinaux et autres lève-tôt furent les premiers à découvrir l’incroyable disparition du contenu de leur penderie. Ce n’est d’ailleurs pas cette dite disparition qui alimentait la grande partie de leur étonnement ; un vol aurait été une explication davantage rationnelle, même si ce dernier avait été opéré dans la chambre à coucher, au nez et à la barbe des victimes. En revanche, c’est le fait de constater que l’ensemble des vêtements avait été remplacé par une foule de ridicules déguisements d’Halloween (compliquant grandement la logistique d’une telle entreprise, vous en conviendrez) qui laissait les malheureux dépouillés dans un état déconcerté.
On crut tout d’abord à une blague.
Les plus amusés accusèrent aussitôt leur conjoint, saluant néanmoins la remarquable organisation d’une telle plaisanterie.
Les moins amusés accusèrent également leur conjoint, les traitant de tous les noms d’oiseaux pour cette farce immature qui n’avait d’autre but que de les mettre en retard.
Puis en fouillant les maisons, en vidant les armoires, en retournant les commodes, placards et autres greniers, il fallut bien se résoudre à accepter l’inacceptable… Par on ne sait quel sortilège, enchantement de magie noire ou phénomène paranormal ; les vêtements s’étaient subitement volatilisés on ne sait où, changés en ces grotesques frusques de carnaval, étrangement toutes parfaitement taillées si l’on se décidait à les enfiler.
Pour beaucoup, le premier réflexe fut d’attraper son téléphone pour tenter de joindre un proche ou un ami, afin de savoir si cette affaire était localisée ou non. Au fur et à mesure que se passaient les appels et que pleuvaient les messages, on comprit rapidement que cette contagion était collective et qu’elle semblait très étendue. On alluma alors les postes de radio et les télévisions, espérant en apprendre davantage, mais les chaînes d’informations diffusaient en boucle l’annonce d’un « problème technique », assurant reprendre l’antenne à douze heures tapantes.
La si savante toile en personne ne permit pas d’apporter un éclairage suffisant, du moins pour le moment. Il y avait certes de nombreuses théories fumeuses qui fleurissaient, comme de coutume ; mais les discussions et différents articles partaient dans tous les sens, ne donnant aucune explication plausible ni même intelligente. On put néanmoins apprendre que les quatre coins du globe étaient pareillement touchés, faisant de ce fléau une incroyable pandémie.
La ville s’éveillait doucement, mais le battement de son cœur, qui résonnait d’habitude dès le petit matin, demeurait silencieux sur les trottoirs et les avenues.
Se posait maintenant la question de savoir quoi faire… Les enfants devaient aller à l’école, les adultes au travail et la vie devait bien poursuivre son cours, d’une façon ou d’une autre. En quelques minutes, les réseaux téléphoniques devinrent saturés ; les salariés paniqués tentèrent de contacter leurs supérieurs ; les supérieurs harcelés essayèrent de joindre leurs patrons ; les patrons désemparés implorèrent leur PDG de leur apporter, sinon une réponse, une solution provisoire ; et finalement les PDG, avant-dernier maillon de la chaîne, essayèrent de jouer leurs ultimes cartes afin de prendre contact avec les hauts gradés de l’état pour obtenir la parole divine, leur dictant quoi faire pour la gestion de cette crise.
En vain…
Les lignes émettaient un signal occupé et les appels se perdaient, un à un, empruntant un chemin qui ne les mènerait nulle part, sans réponse…
Finalement réveillé de force afin d’être informé au plus tôt de la malédiction qui avait frappé le pays et le monde ; le président Tintamarre