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Raymond, jeune cafard curieux et intrépide, a fui sa campagne natale pour arriver à la Charbonnière, petite résidence de la banlieue parisienne. Ayant rapidement investi le système de tuyauterie, il va accéder aux six appartements et découvrir, au fil des jours, les secrets inavouables des étranges locataires. Entre ombre et lumière, vacarme et silence, Raymond va entreprendre un voyage extraordinaire, un aller sans retour possible, qui l’entraînera au-delà des limites de sa condition d’insecte rampant.
À PROPOS DE L'AUTRICE
Issue d’une famille de comédiens de théâtre,
Doriane Podoriezack découvre le plaisir de la lecture puis de l’écriture au travers d’œuvres classiques et contemporaines. Aujourd’hui, chargée de recrutement, elle accompagne les entreprises dans le conseil en ressources humaines. "Le cafard" est sa seconde production littéraire.
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Seitenzahl: 70
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Doriane Podoriezack
Le cafard
Nouvelles
© Lys Bleu Éditions – Doriane Podoriezack
ISBN : 979-10-422-0024-4
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Le cafard, appelé aussi « la blatte », est un insecte de couleur noire ou brunâtre, avec un corps ovale et plat, reposant sur de longues pattes garnies d’épines. Sa tête, mobile et triangulaire, est ornée de deux antennes. Sa taille est très variable, de quelques millimètres à plus d’un centimètre. Il vit en groupe et s’adapte à tous les climats. On peut le retrouver caché sous les pierres, dans les hautes herbes, près des commerces et naturellement, dans les cuisines. Le cafard affectionne l’obscurité, la chaleur et l’humidité. Se nourrissant la nuit de miettes végétales, voire de plastique, il est capable de détecter le moindre courant d’air. Il est très rapide quand il prend la fuite : jusqu’à deux mètres par seconde. C’est pour cela qu’on a l’impression qu’il peut éviter toute attaque. On estime que c’est l’insecte le plus résistant au monde et qu’il est quasi impossible de l’éradiquer. Au fil des siècles, il a réussi à s’adapter à la plupart des poisons que l’Homme a tenté, en vain, d’utiliser contre lui.
Son espérance de vie est en moyenne de seize mois.
Seize mois… C’est le temps qu’il a fallu pour construire la résidence de la Charbonnière. Située à cinq kilomètres de la gare en face d’un restaurant chinois, elle fait office de monument, avec ses deux étages avec balcon, au milieu du quartier décharné de Puteaux. La municipalité avait décidé de redynamiser le secteur et les six appartements, proposés à bas prix, avaient été achetés avant même la fin des travaux. Après quelque temps, le restaurant chinois avait laissé place à une enseigne de grande distribution et plusieurs autres commerces avaient fleuri le long des avenues. Autrefois délaissé, le quartier grouillait maintenant de monde et de bruit.
Aujourd’hui, les cafards occupent les quatre coins du globe, et se sont développés dans tous les milieux. Ils ont investi les villes aussi bien que les campagnes, et ont adapté leur mode de vie à leur environnement extérieur. Les cafards des champs sont des blattes d’extérieur. Ils fréquentent surtout les zones boiséeset se déplacent en colonie.
Raymond est l’un d’eux, il vit avec son groupe, non loin d’une ferme dans le Berry. Les journées sont identiques, pour lui et ses congénères. Ils se terrent le jour durant, et la nuit ils se déploient en marée noire sur les champs attenants, pour se rassasier sous la chaleur de la lune. Raymond est un jeune cafard, gras et agile comme ses semblables. Peu de prédateurs à proximité. Les grenouilles et les lézards étaient loin de leur implantation et les quelques voisins, les rats des champs, avaient bien assez pour se nourrir dans la ferme voisine. Le fermier, lui, n’utilisait jamais de pesticide, ce qui en faisait le garde-manger idéal. Ainsi vivaient les cafards des champs, heureux et insouciants. Mais ils restaient dans un espace bien délimité et ne franchissaient jamais la barrière de la ferme. Ils n’avaient jamais vu l’intérieur d’une habitation humaine et avaient été créés et conditionnés pour rester ainsi.
Mais Raymond, lui, lors des sorties nocturnes admirait, souvent en secret, les lumières qui venaient de l’intérieur de la ferme. L’Inconnu le terrifiait et l’attirait en même temps. Quelquefois, quand il s’approchait trop près de la barrière, les autres cafards le sommaient toujours de revenir vers eux. Mais un soir, alors que le ciel était sombre et que la lune n’éclairait pas les champs, Raymond avait dépassé la barrière. Il se faufilait, haletant, entre les herbes folles que le vent faisait danser. Il foula pour la première fois une terre nouvelle au parfum inconnu. Il fut attiré, presque hypnotisé, par un rayon de lumière à l’entrée du garage. Il entendit le vrombissement du moteur de la camionnette. Elle démarra… la poussière, et puis le silence. Raymond était monté sur le tabouret, puis l’établi du garage où les outils étaient méticuleusement rangés. Il perçut une odeur inconnue, mais délicieuse et découvrit un peu de graisse translucide sur la lame d’un couteau : de la colle végétale. Il s’en délecta, ça ne ressemblait pas à ce qu’il avait l’habitude de manger. Il se sentit léger : l’euphorie de la découverte peut-être ? Ou l’effet psychotrope de la substance… Rapidement, Raymond vacilla et s’endormit sur le tabouret, assommé, quand déjà, la colonie, lasse de le chercher, était retournée dans leur repère, derrière les champs.
Le jour s’était levé depuis peu quand Raymond ressentit un air chaud sur sa mince carapace. De la bave dégoulinait sur ses antennes. Le Cané corso du propriétaire avait senti la présence d’un intrus. Raymond, ayant récupéré ses réflexes, disparut rapidement sous l’établi. Puis le jardin… la barrière… et enfin les champs. Là, il interrompit sa course folle. Il regarda le ciel ensoleillé qu’il n’avait jamais vu, la couleur des herbes en plein jour et la chaleur sur sa carapace. La chaleur du soleil qui se mêlait au doux parfum des fleurs… Puis, il se dirigea vers son repère, grisé par son expérience extraordinaire, et empressé de le raconter aux autres.
Mais il trouva porte close, la colonie refusait désormais qu’il revienne. L’odeur de colle qu’il transportait sur ses antennes, et surtout son esprit subversif, mettrait en péril la survie du groupe.
Il fut banni de la cité des champs et ne connut aucun soutien.
Il se réfugia d’abord quelque temps dans le garage de la ferme, puis dans la cuisine où il osait s’aventurer certains soirs quand le chien couchait dehors. Mais il se lassa rapidement de cette vie sans surprise, où le soir, regardant ses frères se répandre voracement sur les champs d’en face, il contemplait sa sollicitude et son ennui. Un soir, il prit la décision de partir et il s’infiltra, sans difficulté dans la camionnette qui était stationnée dans le garage. Il patienta la nuit durant, caché sous un siège, puis pendant tout le trajet, jusqu’à ce que le véhicule s’arrête enfin. Il poursuivit son voyage plusieurs jours dans une cagette en bois, puis dans un grand container entre des boîtes de conserve.
Son périple prit fin un lundi matin, à Puteaux, sur le trottoir du supermarché, en face de la résidence de la Charbonnière. La façade de l’immeuble venait d’être ravalée et l’odeur de peinture était encore perceptible. Raymond qui s’était habitué aux vapeurs de la colle végétale fut attiré indéniablement par ce nouvel effluve. Il pénétra dans la résidence par l’entrée principale comme s’il se sentait déjà chez lui.
Raymond avait infiltré la résidence de la Charbonnière depuis quelques heures quand il découvrit, au sous-sol, que le système de tuyauterie, dans les caves, alimentait tous les appartements de la résidence. L’accès au monde de « l’intérieur » devint alors illimité, les séances d’observation de Raymond commencèrent par :
L’appartement C1 au deuxième étage, à gauche :
C’est un grand appartement avec des meubles en chêne et un vieux canapé. La musique y est souvent forte, et toujours la même. L’homme de la maison, Bernard a le verbe haut. Il a aussi la main leste et la descente facile. Raymond n’entend jamais la voix de la femme qui vit là. Sauf quand il est caché sous l’armoire de la chambre et qu’elle, elle est seule. Mais même là, elle sanglote sans bruit comme s’il ne fallait pas qu’on la surprenne. Elle est frêle et petite avec des cheveux longs et plats. Le soir avant de dormir, elle les brosse longuement avant de les nouer en chignon. Ses bras maigres sont couverts d’hématomes et aujourd’hui sa lèvre est un peu fendue. Elle sort très peu et uniquement quand c’est nécessaire.
De l’autre côté du palier, à droite, au C2