Le caissier les mouettes et les poissons rouges - Bruno Dehaye - E-Book

Le caissier les mouettes et les poissons rouges E-Book

Bruno Dehaye

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  • Herausgeber: Ex Aequo
  • Kategorie: Krimi
  • Sprache: Französisch
  • Veröffentlichungsjahr: 2024
Beschreibung

Antoine est le petit caissier d'une petite banque. Le jour où il se fait braquer, sa vie change. Humilié par sa hiérarchie, qui le tient pour responsable, il décide de remonter la piste fraîche de son braqueur. Il tombe sur une bande de brutes, mélange de pieds nickelés et de branquignols. Peu à peu, Antoine va prendre de l'assurance, se faire accepter par ces voyous, et devenir lui aussi voleur à la sauce Robin des bois. Et quand son patron toxique, un certain Cunégonde, débarque dans le jeu et menace la vie précieuse de son poisson, il voit rouge. Ça tombe bien, c'est la couleur dudit poisson.
Toute cette équipe de bras cassés décide alors de frapper un grand coup, et de dépouiller le riche paternel de Cunégonde.
Vous avez déjà vu un braquage grand format se passer le plus sereinement du monde ? Pas ici en tout cas.
Bruno Dehaye, adepte des polars déjantés et des jeux de mots border-line, livre ici un petit ouvrage plein de références et de bonne humeur. Quitte à insulter les mouettes !


À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Dehaye a écrit dans les fanzines de S.F. dans les années 1990 avant de publier des ouvrages historiques. Il a ensuite écrit une dizaine de livres traitant des affaires criminelles, continuant parallèlement à publier nouvelles policières, poèmes et autres articles avec obstination et éclectisme.



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Bruno DEHAYE

LE CAISSIER,LES MOUETTES ETLES POISSONS ROUGES

polar

ISBN : 979-10-388-0823-2

Collection : Rouge

ISSN : 2108-6273

Dépôt légal : février 2024

© Couverture Ex Æquo

© 2024 Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction intégrale ou partielle, réservés pour tous pays. Toute modification interdite.

Éditions Ex Æquo

6 rue des Sybilles

I

Il y a toujours une phrase, un terme, une locution, qu’on rêve de placer dans une conversation. Un bon mot. Classe. Savant. Ou simplement déconcertant. Un truc qui laisse des traces, quoi…

Ce n’est pas un rêve qui m’obsède, habituellement. Mais là, soudain, d’un coup, j’ai eu envie. Puisque mon territoire était envahi, je me devais de le défendre. Pas avec mes muscles — c’eût été difficile — mais avec ma cervelle. Ou avec mon sens de l’à-propos. Ou plutôt mon absence de sens commun.

Quand on est un petit caissier derrière un petit comptoir d’une petite banque, on n’a pas forcément l’ambition de ses envies – ou l’inverse, je ne sais pas trop – mais subitement, je me suis dit : vas-y pépère, fonce, lâche-toi.

Et ça a donné ça :

— Suceur de mouettes !

J’étais assez fier de moi. C’est pas souvent qu’on peut glisser ce vocable, convenez-en.

Enfin, fier.... Relativement. Car quand le gugusse a crispé son doigt sur la gâchette, et qu’il a davantage appuyé le canon froid du machin sur mon front moite de caissier, ma fierté a eu vite fait de se racrapoter au fond de mes chaussettes. Et je parle de ma fierté, pas du reste...

— Pardon ?

— Euh, rien, Monsieur.... Rien du tout, c’était juste pour dire quelque chose.

— Contente-toi de me filer le fric, et ferme ta gueule !

— Oui Monsieur.

Servile, j’ai pris les billets — pas nombreux — raclé les fonds de tiroirs — pas lourds — et donné le tout au hold-upeur qui me tendait un sac Carrefour miteux.

— Ya que ça ?

— Oui Monsieur.

— Et le coffre ?

— Y’en a pas. On est une toute petite agence.

Il a paru réfléchir un peu, un bras tendu avec son pistolet braqué sur mon front de plus en plus moite, un bras tendu — l’autre — avec le sac Carrefour à moitié plein... enfin, à moitié vide de son point de vue.

Puis il a rangé ses bras, et s’est tiré vite fait, les épaules tombantes et la tête basse.

Me laissant seul derrière le comptoir, désemparé, tremblant. Et sans grande envie de placer un bon mot.

Les mouettes avaient encore de beaux jours devant elles.

II

— Vous êtes viré !

Ah, j’oubliais. Je n’étais pas complètement seul. Mon Petit-Chef était dans le petit bureau, à droite du comptoir — à droite forcément, un idiot pareil, c’est jamais à gauche — et me regardait avec un regard aussi meurtrier que le bout du canon du machin froid de tout à l’heure.

Je me levai, les jambes pareilles à la voix de Julien Clerc, et me dirigeai lentement vers lui. Pas certain d’avoir compris. Je pénétrai dans la minuscule pièce d’où il passait son temps à m’engueuler, assis derrière son bureau en plastique.

— Je suis viré ?

— Vous venez de perdre... combien.... deux mille euros ?

— Un peu moins.... sauf que je ne les ai pas perdus. On a été cambriolés ! Volés ! Dévalisés ! On m’a menacé, insulté !

— Vous auriez pu éviter cela. Que va dire le patron ?

— Il va pas être content, forcément.

— Alors vous êtes viré.... Sauf....

— Sauf si quoi ?

— Retrouvez les sous, et je dirai rien au patron. Cherchez le bandit, bousculez-le, harcelez-le, faites-en du hachis pour la cheminée ou du petit bois pour le parmentier. Mais ramenez-moi ce fric !

— Et les flics ?

— Pas question d’appeler les flics. Retrouvez ce qui nous a été dérobé et j’oublie tout.

Je remarquai à quel point il était blanc. Je m’approchai un peu plus de lui. Il recula, faisant couiner les roulettes de son fauteuil de bureau. Apeuré.

J’aperçus une large tache, gris-humide, entre son auguste derrière et son fauteuil fatigué. C’est moi qui avais été braqué, et c’est cet abruti qui s’était pissé dessus !

Je fis alors demi-tour.

Je n’étais qu’un caissier de rien du tout, tout petit, tout maigre, sans rien d’autre qu’un poisson rouge pour compagnon et qu’une télé pour horizon exotique.

Mais il m’avait énervé ce con... Alors je venais de prendre une décision. J’allais le lui rapporter, son fric. Quitte à braquer une autre banque.

Mais pas pour lui faire plaisir. Juste pour montrer que j’en avais une plus grosse que lui.

M’apprêtant à quitter les lieux, je lui lançai par-dessus mon épaule, méprisant :

— Suceur de mouettes !

Deux fois dans la journée, ça commençait à devenir jubilatoire.

III

Après avoir fait le trottoir pendant un petit quart d’heure, remontant la rue jusqu’en haut et la descendant, à l’inverse, jusqu’en bas, je me dis que j’étais vraiment barré. Des gens marchaient sous la grisaille d’octobre. Des voitures s’agaçaient dans les rues. Des commerçants garnissaient leurs tiroirs-caisses. La vie quoi.

Mais retrouver le fric ? Comment ? Où ? Le braqueur était entré dans la banque, visage penché en avant, casquette vissée sur le crâne, et tombant bas sur le front. Il m’avait tourné le dos un moment, le temps d’enfiler un bas sur le visage, puis s’était tourné d’un coup, nez écrasé par l’élasthanne, son bras magnifié par son pistolet menaçant. Comment était-il vêtu ? Aucune idée. Pas le moindre souvenir. J’avais juste la vision de cet œil noir et métallique qui se précipitait à l’assaut de mon front. C’est tout.

Quel imbécile !

Après ce quart d’heure passé à arpenter le bitume, je pris une décision. J’irais voir les flics. Moi tout seul. Merde. Après tout, je n’avais rien à me reprocher. Et peut-être que Petit-Chef aurait eu le temps de changer de futal. Finalement, je n’avais plus envie de jouer, là…

De plus, il commençait à pleuvioter. Et j’aime pas être mouillé. Tiens, faudrait que j’en parle à Petit-Chef. Enfin, moi je ne risquais qu’une tête humidifiée. Lui, par contre...

Je levai le nez, chien flairant la bonne piste, puis j’avisai la rue qui hébergeait l’hôtel de police. Presque en face, un peu sur la gauche. C’était un bâtiment tout neuf. Et déjà décrépi. On voyait où allait l’argent. On voyait également son inefficacité. Je pris une respiration importante, histoire d’oxygéner mon cerveau enfin décidé, et je déplaçai mon pied droit dans le sens de la marche, avec la ferme intention de lui faire suivre le pied gauche, et ceci jusqu’à extinction de la distance séparant le commissariat du lieu où je me trouvais... quand mon œil se posa sur une voiture, genre camionnette, qui stationnait sur un emplacement de stationnement. Rien de surprenant jusqu’à maintenant. Juste une coïncidence provoquée.

Un homme était assis à la place du conducteur, la tête sur le volant. Deux mains le serraient à s’en blanchir les phalanges. Au tressautement de ses épaules, je me rendis compte qu’il pleurait. À chaudes larmes.

Encore un qui ne craignait pas d’être mouillé.

Savez-vous qui est plus humain qu’un curé en voie de canonisation ? Plus compatissant qu’une bonne sœur en transe bénédictine ? Plus bienveillant qu’un responsable des Restos du Cœur ? Un caissier.

Parfaitement, un caissier.

Car un caissier, ça passe son temps à rendre les gens heureux. Forcément, qui est-ce qui distribue du sonnant et trébuchant à longueur de journée ? Voilà, vous avez compris. Un caissier, c’est un distributeur automatique de bonheur. Alors quand un type dont c’est le métier — moi en l’occurrence — découvre un pauvre être en tristesse, son réflexe premier, c’est de réconforter le pauvre être en question. La Mère Teresa du quartier, c’est bibi.

Le malheureux était garé le long du trottoir, à contresens, côté conducteur. Ce qui explique que j’avais repéré sa détresse tout de suite. Il continuait à sangloter, encore et encore.

Je me penchai pour me mettre à la hauteur de l’homme pleureur. Je m’apprêtais à toquer sur la vitre afin d’attirer son attention, quand, machinalement, je jetai un œil sur le siège passager. Sur lequel était déposé, tout en délicatesse, un sac Carrefour miteux, et un pistolet couleur froid-métal.

Quitte à me coltiner un lumbago subit, je restai sans bouger, à moitié penché, comme en apesanteur, le doigt replié, prêt à frapper le carreau, les yeux écarquillés sur le sac et le flingue. Figé. Coagulé sur place.

L’hôtel de police était tout à coup bien loin de mon esprit.

Le bonhomme triste était mon hold-upeur.

Mince. Sacré coup de pot. 伍

IV

J’eus soudain l’impression d’avoir couru pendant des heures, tellement j’étais essoufflé. Le choc, certainement. L’homme ne m’avait pas vu. Je fis le tour de la voiture, regardant avant de longer le véhicule si un abruti ne déboulait pas au risque de m’écrabouiller, et ouvris la portière du passager. D’un coup. Le gangster sursauta, tournant vers moi un regard brouillé de larmes, la morve au nez. Je fus rapide. En moins de temps qu’il n’en faut à un caissier pour distribuer son fric à une vieille rombière aux dents en or, je fus assis à ses côtés, le pistolet dans la main. Dirigé sur la tête du voleur.

— À ton tour de me traiter de suceur de mouettes, mon bonhomme.

Il renifla, s’essuyant les yeux, aussi rouges que mon poisson, d’un revers de manche ; le bout du nez, d’un revers de l’autre manche — décidément, il était doué pour se servir de ses deux bras, celui-là — et me répondit :

— Ça me viendrait pas à l’idée.

Il n’avait pas l’air particulièrement inquiet. Simplement paumé. Complètement.

— Pourquoi tu pleures ?

— C’est mon côté escargot.

— Ça pleure un escargot ?

— Non c’est pas ça.

— Alors ?

— Un escargot, quand il est menacé, quand il est triste, quand il est paumé, quand il pleut, il rentre dans sa coquille.

— Pas quand il pleut. Et pourtant, il pleut.

— Ah oui, tu as raison... Eh ben moi c’est pareil. Les pleurs, c’est ma coquille.

— Tu te sens menacé ? Je comprends.

J’admirais ma main, ferme sur le pistolet. Je continuais à le menacer, mes yeux transperçant les siens. Je compris d’un coup qu’un pistolet dans la main vous change un homme.

— Je pensais pas à toi. Les copains vont pas être contents.

— Tes copains, là... Ils espéraient plus. C’est ça ?

— Oui, c’est ça.

— Du coup tu pleures.... c’est logique.

À tâtons, je cherchai le sac Carrefour, quelque part sur le siège. Je mis la main dessus, vérifiai rapidement que le fric était à l’intérieur. Puis je m’extirpai de la voiture, quittant en même temps le siège et mon hold-upeur, le laissant à sa coquille et à son avenir sombre.

Je gardai le pistolet, l’escamotant à la vue des passants qui passaient sans me voir.

Et d’un pas allègre autant que joyeux, je repris le chemin de la banque. Aussi satisfait qu’un des sept nains rentrant de la mine, des diamants plein les poches.

Je m’en allais gaiement surprendre Petit-Chef.

Hé-ho, hé-ho.

V

La porte principale était fermée. Naturellement, sans la présence de quelqu’un qui l’accompagne, Petit-Chef avait fermé l’agence. Trop feignant pour prendre ma place le temps que j’accomplisse la tâche qu’il m’avait fixée. J’avais la clé de la petite porte. Alors avec la présence d’esprit qui me caractérise, je m’en servis pour pénétrer dans la banque. Un silence spectral m’accueillit. Mon siège n’attendait que moi. Pas sûr que ce fût réciproque. Petit-Chef était enfermé dans son bureau. En tendant l’oreille, je compris qu’il était au téléphone.

Sans bruit, déjà fier de lui remettre l’argent, j’ouvris doucement. Il était debout, un téléphone vissé sur son oreille. Tout en regardant par la fenêtre. Me tournant le dos.

— Je t’assure papa. J’ai tenté de l’en empêcher. Mais cet abruti d’Antoine était tellement paniqué qu’il ma bousculé. Et a fait main basse sur l’ensemble de la monnaie. Il y avait en caisse au moins vingt mille euros !

— ..., répondit le papa, à l’autre bout du téléphone.

— Si si, je te promets ! Vingt mille. Mais je te l’ai toujours dit, c’est un incapable. Et depuis aujourd’hui un lâche... Il lui a donné tout le fric, à l’autre crapule... Si, si ! Non, non ! Je te jure que j’ai essayé.

— …, continua papa.