Le Cauchemar d’Innsmouth - Howard Phillips Lovecraft - E-Book

Le Cauchemar d’Innsmouth E-Book

Howard Phillips Lovecraft

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Beschreibung

Écrit en 1931 par Howard Phillips Lovecraft, sans nul doute l’auteur fantastique le plus influent du XXe siècle, "Le Cauchemar d’Innsmouth" nous narre les aventures d'un jeune homme qui, en visitant la ténébreuse Innsmouth, se rend compte que la ville possède un terrible secret qu'il va tenter de percer à ses risques et périls. 
La narration rend compte à merveille de l'atmosphère oppressante de la ville, l'horreur est tapie partout, même là où on ne l'attend pas...

"Le Cauchemar d’Innsmouth" fait partie de la série du mythe de Cthulhu.

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table des matières

LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH

1

2

3

4

5

Notes

LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH

Howard Phillips Lovecraft

1

Au cours de l’hiver 1927-1928, des fonctionnaires du gouvernement fédéral menèrent une enquête mystérieuse et confidentielle à propos de certains faits survenus dans l’ancien port de pêche d’Innsmouth, Massachusetts. Le public ne l’apprit qu’en février, à l’occasion d’une importante série de rafles et d’arrestations, suivie de l’incendie volontaire et du dynamitage – avec les précautions qui s’imposaient – d’un nombre considérable de maisons délabrées, vermoulues et qu’on supposait vides, le long du front de mer abandonné. Les esprits peu curieux considérèrent cet événement comme l’un des affrontements les plus graves de la guerre intermittente contre les trafiquants d’alcool.

Néanmoins, les plus attentifs lecteurs de la presse s’étonnèrent du nombre prodigieux des arrestations, des forces de police exceptionnelles qu’on y mobilisa, et du secret qui entourait le sort des prisonniers. Il ne fut pas question de procès, ni même d’accusation précise ; et l’on ne vit par la suite aucun des captifs dans les geôles officielles du pays. Il y eut de vagues déclarations à propos de camps de concentration, de maladie, et plus tard de dispersion dans diverses prisons militaires et navales, mais on ne sut jamais rien de positif. Innsmouth elle-même resta presque dépeuplée, et c’est à peine si elle commence aujourd’hui à donner quelques signes d’une lente renaissance.

Les protestations de nombreuses organisations libérales donnèrent lieu à de longs entretiens tenus secrets, et l’on emmena leurs représentants visiter certains camps et prisons. À la suite de quoi, lesdites organisations devinrent singulièrement passives et réticentes. Les journalistes furent plus difficiles à manier, mais ils finirent par coopérer, pour la plupart, avec le gouvernement. Un seul journal – un petit format toujours suspect d’extravagance – parla d’un sous-marin de grande profondeur qui aurait déchargé des torpilles dans l’abîme situé au-delà du Récif du Diable. Cette nouvelle, recueillie au hasard d’un café de matelots, parut vraiment très invraisemblable puisque le bas et noir récif se trouve à un bon mille et demi du port d’Innsmouth.

Les gens de la campagne et des villes environnantes échangèrent maints propos à voix basse, mais n’en dirent presque rien aux étrangers. Depuis bientôt un siècle qu’ils parlaient de l’agonisante Innsmouth à moitié déserte, rien de nouveau ne pouvait être plus hideux et délirant que ce qu’on avait chuchoté et insinué dans les années passées. Bien des incidents leur avaient appris à se taire, et désormais on aurait en vain tenté de les contraindre. D’ailleurs ils ne savaient pas grand-chose car de vastes marécages, désolés et sans habitants, séparent Innsmouth de l’intérieur des terres.

Mais je vais enfin braver l’interdit qui fait le silence sur cette affaire. Les résultats, j’en suis certain, sont tellement décisifs qu’à part une violente répulsion, on ne risque aucun dommage public à laisser entendre ce qu’ont découvert à Innsmouth ces enquêteurs horrifiés. Du reste, il peut y avoir à ces découvertes plus d’une explication. J’ignore dans quelle mesure on m’a raconté, même à moi, toute l’histoire, et j’ai bien des raisons pour ne pas avoir envie d’approfondir. Car je m’y suis trouvé mêlé plus étroitement qu’aucun autre profane, et j’en ai reçu des impressions qui peuvent encore me mener à des décisions radicales.

C’est moi qui, affolé, me suis enfui d’Innsmouth à l’aube du 16 juillet 1927, et dont les appels épouvantés ont entraîné l’enquête et l’action du gouvernement telles qu’on les a rapportées. J’ai préféré garder le silence tant que l’affaire était incertaine et de fraîche date ; mais maintenant, c’est une vieille histoire qui ne suscite plus la curiosité ni l’intérêt du public, et j’éprouve un étrange désir de dire tout bas les effroyables heures que j’ai passées dans ce lieu malfamé et malchanceux, havre de mort et de monstruosités impies. Le seul fait de raconter m’aide à reprendre confiance en mes propres facultés, en prouvant que je n’ai pas été simplement la première victime d’une hallucination contagieuse et cauchemardesque. Il m’aide aussi à me décider pour le pas terrible que je vais avoir à franchir.

Je n’avais jamais entendu parler d’Innsmouth avant la veille du jour où je la vis pour la première et – jusqu’ici – dernière fois. Je fêtais ma majorité en parcourant la Nouvelle-Angleterre – en touriste, amateur d’antiquités et de généalogie – et j’avais projeté d’aller directement du vieux Newburyport jusqu’à Arkham, d’où venait la famille de ma mère. N’ayant pas de voiture, je voyageais par le train, le tramway et le car, en choisissant toujours le trajet le plus économique. À Newburyport, on me dit que pour Arkham il fallait prendre le train à vapeur ; ce fut seulement au guichet de la gare, où j’hésitais, trouvant le billet trop cher, que j’appris l’existence d’Innsmouth. L’employé, gros homme au visage rusé, dont le langage prouvait qu’il n’était pas du pays, sembla comprendre mes soucis d’économie et me suggéra une solution qu’aucun de mes informateurs ne m’avait proposée.

« Vous pourriez prendre le vieil autobus, je crois, dit-il avec une certaine hésitation, mais on ne l’aime pas beaucoup par ici. Il passe par Innsmouth – vous avez dû en entendre parler – et ça ne plaît pas aux gens. C’est un type d’Innsmouth qui conduit – Joe Sargent – mais j’ai l’impression qu’il ne doit jamais charger aucun client ni ici ni à Arkham. Je me demande comment il fait pour continuer. Les places doivent pas être chères, mais j’y vois jamais plus de deux ou trois personnes – et toujours des gens d’Innsmouth. Il quitte la grand-place – en face de la pharmacie Hammond – à dix heures du matin et à sept heures du soir, à moins qu’il ait changé dernièrement. Ça a l’air d’une terrible guimbarde – j’ai jamais été dedans. »

Ce fut donc la première fois que j’entendis parler de la sombre Innsmouth. Toute mention d’une agglomération ni portée sur les cartes ordinaires ni mentionnée dans les guides récents m’aurait intéressé, mais la manière bizarre dont l’employé y avait fait allusion éveilla une sorte de réelle curiosité. Une ville capable d’inspirer à ses voisins une telle répugnance devait au moins, me dis-je, sortir de l’ordinaire et mériter l’attention d’un touriste. Si elle était avant Arkham, je m’y arrêterais – je priai donc l’employé de m’en parler un peu. Il fut très circonspect, et aborda le sujet d’un air un peu condescendant.

« Innsmouth ? Ma foi, c’est une drôle de ville à l’embouchure du Manuxet. C’était presque une cité – en tout cas un grand port avant la guerre de 1812 – mais tout s’est détraqué dans les cent dernières années à peu près. Plus de chemin de fer – le B. & M. {1} n’y passe jamais, et la ligne secondaire qui venait de Rowley a été abandonnée il y a des années.

« Il reste plus de maisons vides que de gens, je crois, et pour ainsi dire il n’y a plus de commerces sauf la pêche et les parcs à homards. Toutes les affaires se font surtout ici ou à Arkham ou Ipswich. Autrefois, ils avaient quelques fabriques, mais il ne reste rien aujourd’hui qu’un atelier d’affinage d’or qui fonctionne à très petit rendement.

« N’empêche que, dans le temps, c’était une grosse affaire, et le vieux Marsh, son propriétaire, doit être riche comme Crésus. Drôle de type, d’ailleurs, toujours bouclé chez lui. Il aurait attrapé sur le tard une maladie de peau ou une difformité qui l’empêcherait de se montrer. C’est le petit-fils du capitaine Obed Marsh, qui a fondé l’affaire. Sa mère devait être une espèce d’étrangère – on dit une insulaire des mers du Sud –, aussi ça a fait un boucan de tous les diables quand il a épousé une fille d’Ipswich voilà cinquante ans. On est toujours comme ça avec les gens d’Innsmouth, et ceux de par ici qui ont du sang d’Innsmouth essaient toujours de le cacher. Mais les enfants et les petits-enfants de Marsh, pour ce que j’en ai vu, m’ont l’air tout à fait comme tout le monde. Je me les suis fait montrer ici – bien que, maintenant que j’y pense, on n’ait pas vu les aînés ces derniers temps. Le vieux, je l’ai jamais vu.

« Et pourquoi tout le monde en veut comme ça à Innsmouth ? Ma foi, jeune homme, il ne faut pas attacher trop d’importance à ce que disent les gens du pays. Ils sont difficiles à mettre en train, mais quand ils ont démarré, ça n’en finit plus. Ils n’ont fait que raconter des histoires sur Innsmouth – ou plutôt chuchoter – pendant les cent dernières années, je pense, et j’en conclus qu’ils ont peur, surtout. Certaines de ces fables vous feraient rire – comme celle du vieux capitaine Marsh qui aurait conclu un pacte avec le diable et aurait fait venir des diablotins de l’enfer pour les installer à Innsmouth, ou ces espèces de cultes sataniques et de terribles sacrifices dans un endroit près des quais qu’on aurait découvert autour de 1845 – mais je viens de Panton, dans le Vermont, et tout ça ne prend pas avec moi.

« Pourtant, je voudrais que vous entendiez ces vieux à propos du récif noir, un peu à distance de la côte – le Récif du Diable, ils l’appellent. Il est bien au-dessus de l’eau la plupart du temps, et jamais loin sous la surface, mais on peut pas dire que c’est une île. Ils racontent qu’on y voit quelquefois toute une légion de diables – vautrés dessus, ou qui ne font qu’entrer et sortir de cavernes près du sommet. C’est une masse inégale et déchiquetée, à un bon mille du rivage, et vers la fin des années de navigation active, les marins faisaient de grands détours pour l’éviter.

« Je veux dire, les marins qui n’étaient pas d’Innsmouth. Une des choses qu’on reprochait au vieux capitaine Marsh, c’était censément d’y aborder de nuit, parfois, quand la marée le permettait. Il le faisait peut-être, car la nature du rocher est sans doute intéressante, et il est possible aussi qu’il ait cherché un butin de pirates, et même qu’il l’ait trouvé ; mais on prétendait qu’il allait y retrouver des démons. En fait, je crois bien que c’est vraiment le capitaine qui a donné au récif sa mauvaise réputation.

« C’était avant la grande épidémie de 1846, qui a emporté plus de la moitié des gens d’Innsmouth. On n’a jamais su exactement de quoi il retournait ; ça devait être une maladie étrangère rapportée de Chine ou d’ailleurs par les bateaux. En tout cas ça a fait du vilain : il y a eu des émeutes et toutes sortes d’horreurs dont la ville, je crois, n’a jamais été délivrée et elle ne s’en est pas remise. Il ne doit pas y vivre aujourd’hui plus de trois cents ou quatre cents habitants.

« Mais la vraie raison de l’attitude des gens d’ici, c’est simplement un préjugé racial – et je ne peux pas dire que je leur en fasse reproche. Moi-même j’ai horreur de ceux d’Innsmouth et je ne voudrais pas aller chez eux. Vous devez savoir – bien que je voie à votre accent que vous êtes de l’Ouest – que beaucoup de nos bateaux de Nouvelle-Angleterre avaient souvent affaire avec de drôles de ports en Afrique, en Asie, dans les mers du Sud et un peu partout, et qu’ils en ramenaient quelquefois de drôles d’individus. Vous avez sans doute entendu parler du gars de Salem qui est rentré chez lui avec une femme chinoise, et vous savez peut-être qu’il y a encore un tas d’indigènes des îles Fidji dans les parages de Cape Cod.

« Eh bien, il doit y avoir une histoire de ce genre dans le cas des gens d’Innsmouth. La ville a toujours été profondément coupée du reste du pays par les cours d’eau et les marécages, si bien qu’on connaît mal les tenants et les aboutissants de l’affaire ; mais il est plus que probable que le capitaine Marsh a ramené des spécimens bizarres quand il avait trois bateaux en service dans les années 1820 et 1830. Il y a sûrement encore aujourd’hui quelque chose de spécial dans le physique des habitants d’Innsmouth – je sais pas comment l’expliquer, mais ça vous met mal à l’aise. Vous le remarquerez un peu chez Sargent si vous prenez son bus. Certains ont la tête curieusement étroite, le nez plat, des yeux saillants et fixes qu’on ne voit jamais se fermer, et leur peau n’est pas normale. Elle est rêche et couverte de croûtes, toute ridée et plissée sur les côtés du cou. Ils deviennent chauves aussi, de très bonne heure. Les plus vieux sont les pires – en réalité, je ne crois pas en avoir jamais vu de vraiment vieux dans ce genre-là. Ils doivent mourir de saisissement en se voyant dans la glace ! Les animaux les détestent – ils avaient beaucoup d’ennuis avec les chevaux avant l’arrivée des automobiles.

« Personne par ici, ni à Arkham ou Ipswich, ne veut avoir de rapports avec eux, et ils se montrent eux-mêmes distants quand ils viennent en ville ou si quelqu’un essaie de pêcher dans leurs eaux. C’est curieux qu’il y ait toujours des tas de poissons au large d’Innsmouth quand il n’y en a nulle part ailleurs – mais essayez un peu d’aller en pêcher et vous verrez comment on vous fera déguerpir ! Ces gens-là venaient habituellement ici par le train – en allant à pied le prendre à Rowley quand la voie de raccordement a été abandonnée – mais à présent, ils prennent cet autobus.

« Oui, il y a un hôtel à Innsmouth – on l’appelle la Maison Gilman –, je crois qu’il n’est pas bien fameux et je ne vous conseille pas de l’essayer. Vaut mieux rester ici et prendre le bus de dix heures demain matin ; ensuite vous aurez un autobus pour Arkham à huit heures du soir. Il y a deux ans, un inspecteur du travail a couché au Gilman, et il a eu beaucoup à s’en plaindre. Ils ont de drôles de clients, on dirait : il a entendu dans d’autres chambres – bien que la plupart aient été vides – des voix qui lui ont donné la chair de poule. C’était une langue étrangère, à son avis, mais le pire c’était une certaine voix qui parlait de temps à autre. Elle avait un son tellement anormal – comme un clapotement – qu’il a pas osé se déshabiller ni se coucher. Il a veillé jusqu’au matin et il a filé à la première heure. La conversation avait duré presque toute la nuit.