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L’auteur, à travers quatorze contes fantastiques, met en perspective la réalité qui, bien souvent, a plusieurs visages. Le récit principal englobe et rythme les différentes histoires, donnant ainsi une unité à l’ouvrage. De fait, ce livre s’inscrit entre le recueil de nouvelles et le roman. Nous sommes dans un futur lointain à une époque de renaissance de la science des anciens… L’histoire débute en l’an de grâce 3851 du calendrier néo-religieux « catho-lithique ». Des druides font parler les pierres. Et grâce à la mémoire gravée dans leurs formes, elles nous content des histoires plus étonnantes les unes que les autres. Nous rencontrons un pêcheur malsain, une idée qui se joue de nous, des moines peu sages, un dieu singe, un homme de sable, de dangereux bandits ou encore des astronautes malveillants et bien d’autres personnages encore qui vont nous emmener à travers le miroir de la réalité… “La réalité est une apparence plus trompeuse que l'apparence de l'art.” (Hegel, Esthétique)
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Seitenzahl: 116
Veröffentlichungsjahr: 2015
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Je remercie toutes les personnes auxquelles j’ai confié les épreuves de mon livre. Elles m’ont apporté une critique constructive et je tiens à les associer à la parution de cet ouvrage :
Catherine Laurent, Ghislaine Caquinot, Anne Bouffard, Christiane Heinz, Marie-Thérèse Klotz, Nathalie Raynaud, Didier Le Stir, Patricia Siffredi, Annabelle Beaupuy, Joëlle et Fabien Caspar, et tous ceux qui m’ont fait part de leurs suggestions.
Un grand merci également à mes parents, André et Marie-Thérèse KLOTZ, qui m’ont toujours soutenu dans mes élans artistiques, notamment la sculpture et l’écriture.
Le pêcheur
Vécu par nos idées ?
Le Nirvana
Les chevaux des steppes
L’univers dans une goutte de pensée
La sélection naturelle
L’ADN spirituel
Le Désintisseur
Cauchemar sans fin
Impressionnisme
Songe d’une nuit d’été
La chute
Le marchand de sable
Aux origines de l’homme
An de grâce 3851 du calendrier néo-religieux « catho-lithique ». Contrairement à ce que les savants catastrophistes de l’ancien temps prédisaient, ce n’est pas l’enfer sur terre. Mais ce n’est pas le paradis non plus. Les hommes ont évolué sans vraiment changer. Il y a quelques siècles déjà, une partie d’entre eux s’est même émancipée de la terre pour errer dans les étoiles grâce à une technologie de pointe basée sur les nano-combustibles. Les autres ont décidé de rester sur terre ou peut-être n’ont-ils simplement pas été conviés au voyage céleste réservé à la nomenklatura d’alors.
Après de multiples catastrophes climatiques et de guerres pour se disputer les ressources restantes d’une planète qui n’avait plus rien de bleu, les hommes ont été contraints de vivre simplement. La technologie des survivants de ce radeau stellaire, par rapport à la gabegie des années précédant les cataclysmes de l’anthropocène1, semble bien précaire, mais ce n’est qu’une apparence…
L’Homme, qui a vu sa population réduite à portion congrue, a eu le temps de méditer ses erreurs et trouver un mode de développement plus en phase avec la nature. Aujourd’hui, la terre redevient lentement verte, et pour tout observateur des temps passés, ses habitants auraient ressemblé à de simples paysans. Mais en réalité, cette population jouit d’un grand bien-être et d’une technologie très avancée.
La science est devenue moins invasive et s’est intégrée à la nature. Quelques exemples étayeront mieux mon propos : après de nombreuses mutations, certaines plantes fournissent une sève qui a les propriétés du sang pour les transfusions ; les vers à soie produisent un fil qui a les caractéristiques de l’acier et la légèreté de la toile d’araignée ; il existe des ordinateurs organiques constitués de végétaux vivants…
Améliorer la vie humaine est devenu la préoccupation majeure de cette nouvelle société et l’on y évalue d’ailleurs la valeur produite en termes de bien-être2.
On ne vit pas spécialement vieux, on ne trouve pas forcément de biens à profusion. Mais on est heureux. Enfin on essaye... L’idée du bonheur des uns n’est pas forcément celle des autres…
Dans les petites villes, il y a des écoles et chaque enfant reçoit une solide éducation. Cette société, comme toutes celles qui la précèdent, chérit et rend hommage à ses racines. Aussi d’anciennes traditions subsistent-elles depuis les années sombres des purges et des autodafés informatiques.
Disques magnétiques holographiques, supports mémoriels synthétiques ou organiques avaient été brûlés lors des révolutions religieuses des Thechnoclastes, il y a près de mille ans. Durant ces années sombres, un groupe d’hommes s’était réuni pour faire subsister la science et la culture humaine à travers le renouveau d’une ancienne religion druidique vénérant les pierres. Pour éviter toute destruction de leurs écrits, ils avaient inventé une langue nouvelle, basée sur des signes cabalistiques gravés sur des cailloux. Ces cailloux, taillés de manière à imiter l’érosion naturelle, passaient inaperçus aux yeux des profanes et donc, des Thechnoclastes. Les initiés se transmettaient les secrets de la taille des pierres et de leur langage afin de perpétuer le savoir du genre humain.
Aujourd’hui, en cette époque de renaissance culturelle, les druides enseignent ouvertement leurs connaissances scientifiques à tous, mais aussi les contes du passé, pour le plus grand bonheur des enfants.
Comme à chaque fin de cycle scolaire, les élèves qui le souhaitent vont avec leur maître écouter les pierres qui chantent dans la « caverne monde » du druide. Vêtus chaudement, ils gravissent une montagne aux flancs abrupts pour aller à la rencontre du passé.
C’est ici que commence mon histoire.
Il y a déjà plus de quarante ans, l’un de ces élèves pas très dégourdi, c’était moi…
Devant une caverne bordée de quelques arbrisseaux nous attendait un druide, vêtu d’une tunique en pure laine vierge, tenant dans sa main une crosse de bois naturellement tourmentée. Ses cheveux étaient blancs comme la neige de la cime des montagnes, son regard perçant comme celui de l’aigle cherchant sa proie, et ses mains noueuses comme les racines d’un vieil arbre qui se cramponne à la montagne pour survivre.
Nous étions impressionnés par sa physionomie fine, sa haute stature et sa voix qui semblait venir du fond des temps.
Le vieil homme nous fit signe de le suivre dans une caverne creusée par l’érosion millénaire d’une ancienne rivière asséchée qui courait sous la montagne.
Le calcaire qui s’était dissout dans l’eau durant des millénaires avait tapissé le fond de son lit et celui-ci ressemblait à présent à un toboggan sinueux qu’un créateur de jeu de fête foraine fou aurait taillé dans la pierre tendre. Sur le bord du cours d’eau asséché étaient disposées de grandes jarres remplies de cailloux de toutes formes. Ils étaient ronds, ovales, triangulaires, aux angles pointus ou arrondis. En fait, la plupart avait une forme patatoïde, si bien que rien ne les distinguait d’un galet de rivière. Ils étaient tous traversés de profondes fentes dont on ne pouvait savoir si elles étaient le fruit de la nature ou de l’homme. Le druide s’avança et nous dit :
« Vous êtes là pour apprendre le langage des pierres et être les gardiens de notre histoire, enfin pour ceux qui le souhaiteront. Nos anciens, voilà plus de mille deux cents ans, ont consigné par écrit leur savoir et notre histoire en taillant et en gravant des pierres. Ils ont fait cela pour les soustraire à la tyrannie religieuse de cette époque sombre. Chaque pierre a une forme spécifique et lorsqu’on la jette dans la rivière sèche, elle roule jusqu’au point le plus bas en émettant des sons divers. »
Il en jeta une pour nous montrer l’effet obtenu : « Ting clac, tic tic tic clac, tac ping tic, taclic cling… ».
« Ces sons, tout comme les chants produits par les tourne-fix magnético-luminescents modernes dont raffolent les jeunes, nous racontent une histoire écrite par nos prédécesseurs et préservée sur ces roches. Un sage antique, d’avant les grands bouleversements de l’anthropocène, a dit : “ L’imagination est plus importante que le savoir. ” Il s’appelait Einstein.
Je vais donc vous conter quelques fables de cette période lointaine pour que vous vous familiarisiez avec cette langue. Nous pourrons ensuite, pour les plus courageux, passer à l’étude des sciences. »
Le druide prit une pierre et la jeta dans le lit de la rivière souterraine. Puis, on entendit un long bruit fait de cliquetis et de claquements, accompagné de perceptibles silences lorsque la pierre rebondissait plus haut, comme une phrase avec ses ponctuations, comme un chant avec ses refrains. « Clic cling… clac pling, ploc cling, tac pac ting… ». Cette musique lithique étonnamment harmonieuse était entourée de chœurs. En effet, les échos de la caverne répétaient, dupliquaient, amplifiaient les sons.
Et le druide, concentré, les sourcils froncés, l’oreille tendue et les yeux fermés, se mit à interpréter le chant de la pierre…
Les histoires qui suivent, cher lecteur, sont en fait la transcription la plus fidèle qui soit de ce que le druide nous raconta ce jour-là. En revanche, mon vocabulaire n’étant pas à la hauteur de l’éloquence de ce conteur au savoir immense, je vous prie de pardonner le côté parfois lapidaire de mes histoires écrites à la sauvette sur un bout de papier.
Pour d’obscures raisons dont je vous parlerai peutêtre ultérieurement, on ne me permit pas d’apprendre cette langue pourtant si belle et si poétique…
◊
La première pierre, jetée par le druide, ressemblait à un poisson mal dégrossi. Peut-être était-ce un hasard, mais l’histoire qu’elle nous conta était celle d’un pêcheur…
1 Anthropocène : époque géologique durant laquelle l’homme est le facteur majeur de la transformation de la terre.
2 L’indicateur du Bonheur National Brut (BNB) a été préconisé par le roi du Bhoutan en 1972 et est actuellement utilisé pour mesurer le développement de ce pays par ses autorités.
Un matin, dans la campagne verte et fleurie de la fin du printemps, un pêcheur allait s’adonner à son passe-temps favori. En roulant dans sa voiture, il se remémorait avec délectation sa dernière pêche. Cinquante truites sorties de la rivière en une demijournée ! Il était aux anges. Mais son amie ne l’entendait pas de cette façon. Elle lui demandait d’arrêter le massacre. Qui aurait pu manger tous ces poissons ? Il y en avait trop ! À qui les donner ? Dans son filet qui trempait dans l’eau, la moitié de ses prises étaient déjà mortes…
Sa vieille 4 L blanche, compagne d’une vie de débauche campagnarde, s’arrêta sur le bord de la route près d’un petit étang calme, perdu dans la nature foisonnante. L’homme sortit, le pas lourd et pataud, comme si ce mastodonte au corps rondouillard s’éveillait avec le jour naissant.
À son approche, les oiseaux se turent : un prédateur investissait leur petit havre de paix. L’homme au visage rougeaud saisit une canne à pêche en bambou et une valisette en bois dans son auto.
À présent tout à fait éveillé, d’un pas certain, il se rapprocha du trou d’eau enserré dans son écrin émeraude. Ses pieds chassaient les sauterelles qui, comme des dauphins, sautaient hors des vagues d’herbes courbées par le vent en devançant l’intrus.
Cette image furtive lui rappela sa jeunesse, quand il allait avec son père, un riche armateur qui par la suite fit faillite, pêcher le requin en mer des Caraïbes. Ils dépassaient toujours les quotas autorisés, non pour se faire de l’argent, mais pour atteindre ce pic d’adrénaline que procurait la pêche au moment où le poisson mord, cet électrochoc que l’on reçoit lorsque la canne tressaille pour la première fois, ce plaisir de posséder gratuitement un poisson volé à la mer. Chasser, avoir sans payer, accumuler par plaisir, telle était son obsession.
Il pensa qu’il avait eu bien raison de s’en être donné à cœur joie. À présent, ce ne serait plus possible. Les poissons se faisaient rares dans cette zone. Et puis cela avait permis, sans frais, de nourrir Brutus et César, leurs deux rottweilers.
Des gouttes de sueur perlaient déjà sur son visage bouffi, ravagé par l’alcool, et se mélangeaient à la rosée du matin provoquée par la brume qui enveloppait encore le val endormi. On n’entendait aux alentours que son souffle court qui rappelait le bruit d’une locomotive à vapeur en fin de vie. La technologie humaine pénétrait la sérénité de la nature…
Après une brève marche, il était sur le point d’arriver à l’étang, se frayant un chemin à travers les hautes herbes et les ronces qui semblaient vouloir protéger ce sanctuaire.
Déjà par le passé, avec Paulo son pote de toujours, ils parcouraient les champs et les bois à la recherche de trous d’eau poissonneux afin de faire leur razzia. Tout cela pour se vanter devant les gars et les filles du village de leurs nombreuses prises.
C’était à cette même saison qu’ils étaient allés pêcher la carpe. Mais ce printemps-là était plus chaud que les autres. Il fallait se désaltérer ! Alors ils avaient acheté à l’épicerie du coin six bouteilles de rosé premier prix et un pack de vingt-quatre bières pour la soirée. Comme lui, le Paulo, avait une bonne descente !
Ils avaient pris la voiture un peu avant minuit pour pêcher à la lampe. Quatre des six bouteilles de vin étaient déjà vides lorsqu’ils partirent !
La suite de l’histoire est moins claire dans les souvenirs de notre pêcheur. Une fois sur place, tous deux avaient marché dans la campagne, un peu éméchés, jusqu’à trouver un étang. Ils ne savaient pas où ils se trouvaient mais lorsque le jour reviendrait, leur chemin se dévoilerait à leur esprit désembué des vapeurs d’alcool. Tout en pêchant, ils discutaient de leurs exploits passés, faits de belles prises et de beuveries mémorables. La cinquième puis la sixième bouteille de rosé passèrent dans leur gosier sans qu’ils aient le temps de les savourer. Ils entamèrent le pack de bière. C’est sans doute là que Paulo glissa dans le trou d’eau. Son compagnon ne se souvenait plus exactement : était-ce en se retournant pour prendre une bière ? ou en jetant sa cannette à l’eau ?
Il ne put rien faire tant il était saoul. Son premier réflexe avait été de fuir devant son impuissance et sa culpabilité. Puis il tenta de rejoindre sa voiture pour prévenir d’hypothétiques secours. Lorsqu’il arriva au véhicule, il faisait déjà jour et son ami était mort depuis plusieurs heures, comme l’affirma plus tard le médecin légiste. Bah, après tout, c’était de sa faute à ce con. Il était adulte, c’est le destin.
« Enfin, c’était tout de même les bonnes années », pensa-t-il tout en s’asseyant seul sur un tabouret pliant qu’il sortit de la caissette.