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Un jeune étudiant se retrouvant subitement avec un mystérieux colis entre les mains, dont le contenu inconnu de tous doit être livré à temps en échange d'une généreuse récompense. Un prêtre blessé et affolé qui disparaît aussi rapidement qu'il est apparu. Un individu indiscernable avec un chapeau noir et un couteau. Une belle femme aux cheveux de blé avec un énigmatique tatouage sur l'avant-bras. Une véritable course contre la mort où la frontière entre le rêve et la réalité semble si mince... Une chute libre dans les eaux noires d'un puits sans fond au coeur des plus sombres abysses de l'âme humaine. Laissez-vous plonger dans les ténèbres du complot et de la démence.
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Seitenzahl: 120
Veröffentlichungsjahr: 2023
11 h15
12 h20
15 h12
12 juillet 2022 : 12h10
12 h23
21 h37
21 h54
22 h43
22 h51
Putain de cigarette. Ou putain de café, je ne sais pas trop. En tous cas, il fallait vraiment que j'arrête le « café-clope » parce que le goût que ça laissait dans la bouche était vraiment horrible. A vrai dire, je ne savais même pas pourquoi je continuais à fumer. Je n'étais pas un vrai fumeur, à tirer comme un neuneu sur trois cigarettes par jour. Voilà le résultat d'un « allez, juste une taffe » un beau jour de lycée pour faire comme les potes. Je ne parlais plus à aucun d'entre eux, d'ailleurs. Ça valait le coup... Alors à neuf dollars les vingt clopes, ou plutôt à neuf dollars le cancer à crédit comme disait mon père, ça n'avait absolument aucun sens.
A croire que ça avait du style de déambuler dans la rue en crachant de la fumée et en gardant un petit rouleau de tabac coincé entre deux doigts. Je puais de la gueule, mes vêtements sentaient le tabac froid, même après lavage pour certains, et bien que j'avais les ongles courts, je les voyais légèrement jaunir au fil du temps. Sans compter que je me mettais à tousser de plus en plus souvent comme un vieux croûton en fin de course après avoir chopé une pneumonie foudroyante.
J'allais donc devoir à nouveau me trouver un job étudiant pour pouvoir continuer de me payer mes cigarettes. Et aussi pour me payer tous les trajets à faire entre mon appartement et mon lieu de travail. Travailler pour pouvoir aller travailler. Si c'était ça la vie, alors j'étais prêt à signer tout de suite un contrat à durée indéterminée pour le paradis. Au moins là-bas, assis sur un nuage et entouré d'anges à poil en train de jouer de la harpe, tous mes problèmes n'existeraient plus. Je m'étais toujours posé cette question quand j'étais gosse. « Est-ce qu'on peut s'asseoir sur un nuage ? » Pourquoi cette question ? Eh bien parce que les gosses ont toujours ce genre d'interrogations existentielles arrivés à un certain âge. Et cette gentille dame aux gros seins qui était mon institutrice à cette époque m'avait bien répondu que, les nuages étant simplement composés d'eau, je passerais à travers pour m'écraser comme une crêpe sur la terre ferme. Je pensais alors que les anges devraient certainement me porter. Mais que s'ils devaient porter tous les gens qui se retrouvaient au paradis, ils allaient vite manquer de main d’œuvre. Surtout avec tous les gens obèses qui rendaient leur dernier souffle... Enfin... Tout ça était le fruit d'une réflexion purement infantile.
Non, la réalité était tout autre. J'allais à l'université et pendant les vacances, il fallait bosser pour avoir un peu d'argent. Et ça tous les ans... Après plus d'université, mais simplement un travail. Pour payer les factures. La vérité, c'est que l'argent régissait notre vie. Et si tu n'avais pas un minimum d'argent, bah t'avais pas de vie.
Aujourd'hui, j'étais sur le chemin de la Sam Gary Branch Library après un coup de fil passé la veille. Ils avaient communiqué une annonce sur internet pour recruter deux personnes durant l'été. Il s'agissait essentiellement de ranger tous les livres brassés par les clients durant la journée et dépoussiérer régulièrement les étagères. Pour le reste, il y avait une femme de ménage. Je ne savais pas encore combien je serais payé, mais ce serait certainement à la hauteur de la tâche à accomplir. Autrement dit, pas grand chose. Mais je m'en fichais. Les horaires étaient accessibles et me laissaient du temps pour mes soirées Netflix. Avec une pause entre deux épisodes pour fumer ma clope du soir à la fenêtre du troisième étage...
Mieux valait que je ne m'enflamme pas tout de suite car après tout, ce n'était qu'un entretien. Et je n'avais pas spécialement envie de me vendre comme on était censé le faire pour obtenir un job. Ça va, c'était pas le taf de ma vie mais juste un boulot nécessaire à mon porte-feuille. Si jamais je n'étais pas pris, peu m'importait. Dans une ville de plus de sept cent mille habitants comme Denver, les offres d'emploi ne manquaient pas. Surtout durant l'été.
Je tournais en suivant le trottoir pour déboucher sur la Trentième Avenue lorsque je sentis mon téléphone vibrer contre ma cuisse. En faisant attention de ne pas faire tomber mon sac à dos et en coinçant ma cigarette entre mes lèvres, je tins le haut de mon jean avec ma main gauche pour en extirper plus facilement mon écran cinq pouces fendu sur le coin gauche. Forcément, un téléphone sans protection qui se prend un bord de table en verre, ça fait du dégât. Il fallait bien préciser que je l'avais jeté contre la table. Tout ça parce que j'arrivais pas à me connecter à mon compte Spotify. Stupide, je sais... Mais sur le coup, on ne réfléchit pas à la stupidité de notre acte et ses éventuelles conséquences. Auquel cas je n'aurais pas jeté mon téléphone.
Ashley. Pourquoi voulait-elle me contacter ? Cela faisait des jours qu'on ne s'était pas appelé et qu'on avait simplement conversé par SMS parce que « madame » avait envie de faire un break, et elle se décidait à m'appeler maintenant. Alors qu'elle savait très bien que j'avais un entretien. Elle était au courant. Je lui avais dit et j'avais aperçu le « vu » en bas à droite du message. Alors qu'elle ne me prenne pas pour un c...
Bref. Bouton rouge. Mode silencieux. C'est bon, je la rappellerais plus tard. Elle devait certainement se faire chier dans son trou à rats du Michigan, à la ferme de ses parents. Mais elle voulait prendre l'air, alors j'allais lui en laisser, moi, de l'air. En lui mettant un vent, tiens. Pas de raison que ça aille que dans un sens.
J'étais sur Quebec Street, il ne me restait plus qu'à rejoindre Martin Luther King Jr Boulevard, et je pourrais déboucher sur Roslyn Street où je trouverais la librairie sur ma droite. Si les instructions du marchand de journaux étaient exactes. J'étais né et j'avais grandi à Denver, mais je ne connaissais pas trop de coin-là. Même si ça faisait un an et demi que je logeais sur California Street.
Je me rapprochais du restaurant thaïlandais. Normalement, ça devrait sentir bon, mais les poubelles sur le côté du vieux bâtiment débordaient toujours jusqu'à joncher le sol et être éparpillées par les chats errants. Le gérant était très gentil. Il ne parlait pas très bien anglais et avait un air bête que je n'arrivais pas à mettre de côté à chaque fois que mon regard croisait le sien, mais au moins son sourire était franc et il distribuait parfois du poulet mariné aux sans-abris du quartier. Très honorable de sa part. Néanmoins, c'était un peu douteux niveau hygiène, alors je n'avais jamais pensé à y manger. Bien que les nouilles n'étaient pas chères.
Cet enfoiré de taxi n'avait même pas daigné me déposer directement à la librairie. « J'ai une course à faire, et ce n'est pas sur ma route », m'avait-il lancé. Mais c'est pas toi qui est censé aller là où je te le demande ? Je te paye pour ça, connard ! Bah non. Au lieu de ça, je lui avais donné sept dollars et quatre-vingt cents pour six kilomètres, au lieu des dix dollars prévus pour le trajet le plus court jusqu'à la librairie. Ridicule...
Après un rapide coup d’œil à droite et à gauche, je traversai la chaussée en me faisant klaxonner par deux ou trois voitures. Oui, le bonhomme était rouge, et oui je m'en fichais. Je n'étais pas particulièrement pressé, mais je n'avais pas envie d'attendre sur le trottoir à regarder les véhicules passer. Alors... Un doigt d'honneur par dessus mon épaule, en espérant qu'il ne s'agissait pas des flics. C'était une réponse qui ne demandait pas d'effort et qui était suffisamment claire à comprendre, même par le plus débile des êtres humains comme le cuistot thaïlandais.
Roslyn Street. Je pouvais apercevoir le grand bâtiment avec la large tour centrale. J'étais perdu dans mes pensées à ce moment-là. J'étais en train de me demander de quand pouvait dater la structure à en juger par l'architecture, donc lorsque cette main ferme et invisible empoigna la capuche de mon sweat sans manche, je ne pus réprimer un petit cri de surprise tandis que je me faisais happer dans une ruelle comme si j'étais subitement aspiré par un ouragan.
Je me débattais comme un diable en agitant les jambes dans tous les sens, traîné sur plusieurs mètres alors que je voyais la rue principale s'éloigner à mesure que mes semelles semblaient creuser le bitume. Puis la force invisible lâcha son emprise et ma tête retomba sur le sol. Bien qu'aveuglé par le ciel clair, j'eus tout juste le temps d'apercevoir une silhouette sombre qui se penchait sur moi.
Sans plus attendre, je roulai sur moi-même et m'appuyai sur le mur pour m'aider à me relever, mais le type était plus rapide que moi. Je sentis une nouvelle main ferme me plaquer contre le mur bétonné, et je devais bien dire que je fus surpris par la personne qui se présentait devant moi.
C'était bien un homme. Il était aussi grand que moi et haletait comme s'il avait couru un marathon. Ses mèches de cheveux brunes bouclées étaient humides de transpiration et de fines gouttes de sueur perlaient sur ses tempes. Il était tout crasseux et ne sentait pas très bon de la bouche...
- C'est quoi, ce bordel ? m'emportai-je en dégageant sa main d'un geste vif.
Pour toute réponse, l'homme baissa la tête en s’efforçant de respirer normalement. Je remarquai qu'il tenait quelque chose dans son autre main. Il s'agissait d'une boîte, format boîte à chaussure, enroulée dans du scotch marron. Quand monsieur-je-ne-sais-pas-qui redressa sa tête, je remarquai qu'un petit crucifix pendait à son cou.
Mais qui était ce type ? Et qu'est-ce qu'il me voulait, bordel ?
- Je suis désolé, dit-il simplement d'une voix rauque.
- Désolé... Mais encore ?
L'individu secoua la tête et plaqua la boîte sur mon torse.
- Je suis désolé que ce soit tombé sur toi, mon garçon. Mais sache que ça n'a rien de personnel. On ne se connaît pas, et c'est toi qui est passé à ce moment-là.
- Attendez... soupirai-je fermement, sentant encore mon cœur me déchirer la poitrine. Je comprends rien à ce que vous dites. Alors je ne sais pas si vous êtes sous traitement pour quoi que ce soit, mais je me fiche complètement de votre boîte et je pourrais très bien vous mettre une bonne droite après ce que vous venez de me faire. Ça pourrait très bien être perçu comme de la légitime défense...
- Tu ne comprends pas !
Cette fois, il avait crié. Ce gars avait un sérieux problème. Ses mâchoires étaient serrées et sa respiration se faisait de plus en plus rapide. Il ne me tenait plus et posait dorénavant sa main sur son abdomen. Je retins ma respiration et écarquillai les yeux en apercevant une grosse tâche sombre sur sa chemise blanche. Est-ce que c'était du sang ? Évidemment que c'était du sang. Mais parfois l'esprit refusait de voir la réalité des choses lorsqu'elle était dure à accepter. Je me rendais juste à un entretien d'embauche en fumant une cigarette et maintenant, je me retrouvais nez à nez avec un type louche qui voulait me donner une boîte et saignait du bide.
- Vous... Vous êtes blessé ?
Le type travaillait toujours sa respiration sur et ne pouvait s'empêcher de lancer des regards inquiets vers la rue. J'enfouis ma main dans la poche de mon jean pour attraper mon téléphone.
- Je vais appeler les secours.
L'homme ne me laissa même pas composer mon code à quatre chiffres et m'arracha mon cellulaire des mains.
- Ça va aller, fit-il en plongeant enfin son regard dans le mien.
Il remit le téléphone dans ma poche d'un geste bienveillant qui n'avait plus rien à voir avec son comportement initial. Ce qui m'embêtait, c'est que sa boîte était toujours plaquée contre mon torse.
- Écoute, j'ai très peu de temps, reprit-il avec une voix sûre. Je suis conscient que ce que je m'apprête à te demander va te sembler bizarre. Mais c'est de la plus haute importance.
- J'ai un entretien dans à peine dix minutes, monsieur, alors si vous voulez bien demander à quelqu'un d'autre...
- Arrête de parler ! me coupa-t-il. Je vais être concis. Tu vas devoir garder ce paquet avec toi. Ne le donne à personne, ne le montre à personne. Garde-le jusqu'à demain matin, sept heures. A ce moment-là, un homme t'attendra près de la Cathédrale Saint-Jean sur North Washington Street, à l'arrêt de bus. Tu sais où c'est ?
Bien sûr que je savais où c'était. Combien de fois j'ai pu attendre comme un con sous cet abri-bus pour mes trajets jusqu'au lycée. Vingt minutes de bus pour un aller direct. D'ici, on devait être à neuf ou dix kilomètres de la cathédrale. Très beau monument d'ailleurs. Je me souvenais l'avoir visitée étant petit. On avait reproché à ma mère d'utiliser le flash de son appareil photo. Pourtant, il me semblait bien que le petit Jésus accroché à sa croix était bien mort, et que même une lampe torche hyper puissante dans la tronche ne le dérangerait pas.
- Oui, mais...
- Très bien, souffla le type. Tu sauras qui c'est, ne t'inquiète pas. Et tu seras généreusement récompensé, cela va de soi.
Il se cambra après un haut-le cœur, mais rien ne sortit de sa bouche.
- Je ne veux pas me mêler de vos histoires de drogues ou autre, mon gars...
- Cela n'a rien à voir... Mais... Je ne peux pas te dire ce qu'il y a dedans. Je ne peux pas. Retiens bien que personne, absolument personne d'autre que toi ne doit détenir ce colis.
- Vous êtes complètement dingue...
- Ne l'ouvre sous aucun prétexte et ne va pas voir la police, fais simplement ce que je te dis. Tu n'imagines même pas à quel point le monde compte sur toi, mon garçon... Je ne voudrais pas te mettre la pression en te disant que c'est une question de vie ou de mort, mais... C'est réellement le cas.
- OK, on va arrêter là. Je vais vous conduire moi-même à l’hôpital le plus proche. Vous n'allez pas bien, et vous saignez...
- Demain matin. Sept heures. Sans faute. Et tu pourras reprendre ta vie.