Le guide du Réac - Olivier Moos - E-Book

Le guide du Réac E-Book

Olivier Moos

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Beschreibung

« C’est à cause du patriarcat », « les stéréotypes fabriquent les inégalités », « les disparités de résultats prouvent l’existence de discriminations », « le sexe est assigné à la naissance », « c’est à cause du colonialisme »… ces assertions sont des refrains si souvent psalmodiés que l’objection en deviendrait presque blasphématoire. Comme le muguet au printemps, ces idées reviennent chaque année plus fleuries, imperméables à la contradiction, rarement examinées. Elles irritent quelque peu les esprits critiques, invitent parfois la moquerie, mais, trop souvent, les contre-arguments viennent à manquer, les outils nécessaires pour élaguer cette jungle des causalités imaginaires trop souvent dispersés.

C’est à cette pénurie que le Guide du Réac espère remédier. Composé en trois actes, il propose une déconstruction argumentée des slogans du féminisme, du transgenrisme et de l’antiracisme. Les mauvais esprits y trouveront matière à rire et suffisamment de références pour gâcher leur repas de Noël ou sonner le glas de leur carrière académique. Le lecteur fatigué par l’autoritarisme des petits caporaux de la « justice sociale » y trouvera suffisamment de grains de sable pour enrayer la machine à indignation et, n’en doutons pas, sera récompensé par un aller simple pour un séminaire de sensibilisation au genre ou un atelier de promotion de la diversité.

À PROPOS DE L'AUTEUR



Olivier Moos a un doctorat en Histoire contemporaine de l’Université de Fribourg et de l’École des hautes études en sciences sociales, Paris.

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Seitenzahl: 241

Veröffentlichungsjahr: 2024

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OlivierMoos

Le Guide duRéac

Comment perdre ses amis et mourirseul

Prélude

Le conservateur, écrivait le philosophe Roger Scruton (1944-2020), n’a d’autre choix que de composer un grand opéra pour défendre ses idées alors que son interlocuteur de gauche peut se contenter de chantonner Imagine de John Lennon. Inspiré par cette allégorie musicale, le présent guide propose au lecteur quelques partitions qui lui permettront de composer sa propre petite opérette, avec suffisamment de dièses et de comédie pour lui gâcher son repas de Noël ou signer le deuil de sa carrière académique.

Les termes « conservateur » ou « réac » ne désignent pas ici une allégeance politique. Ils traduisent plutôt un ensemble d’intuitions morales articulées sur des valeurs, telles qu’un attachement plus prononcé à son pays et à sa culture, le respect de l’autorité et du sacré, une préférence pour l’homogénéité sur le multiculturalisme, la réforme plutôt que la révolution, la liberté individuelle plutôt que l’égalitarisme, le bon sens plutôt que l’idéologie. Ces intuitions morales et philosophiques forment une structure de préjugés et d’inclinations qui précèdent la rationalisation et tendent à lui conférer contours et direction. Elles peuvent s’exprimer aussi bien à droite qu’à gauche sur le spectre des appartenances de partis.

Pour répondre à une grisante utopie qui promet la justice cosmique, l’équité pour « toutes et tous » et la libération des contraintes du réel, le réac souffre d’un évident désavantage. Les tricounis de la tradition aux pieds, ce gâche-fête bouge lentement et sans fanfare. Pessimiste, il considère la nature humaine faillible, limitée et tribale, parle de prudence, de responsabilité et de coûts, rappelle qu’il n’y a pas de solutions seulement des arbitrages, que l’expérience vaut mieux que le brio, que le plus idiot des révolutionnaires peut aisément détruire une cathédrale, mais que l’effort de création demeure lent et laborieux.

De nos jours, le conservateur doit apprendre à naviguer parmi un ensemble de tabous qui corsètent le champ des idées respectables. Peu ou prou imposés par l’hégémonie rhétorique de la gauche progressiste1, c’est autour de ces totems que les élites culturelles aiment à signaler leur allégeance. Manquer de rendre hommage aux dieux de la cité peut mener le gaffeur à la ciguë. Il convient donc de préférer le pin’s violet à la médaille de Saint-Georges, d’ignorer les classes sociales au profit des groupes identitaires, d’appeler à la redistribution des pouvoirs et des statuts au profit des « désavantagés », à la restriction des droits et libertés pour les « privilégiés ».

Ces idées sont les nouveaux produits de luxe consommés essentiellement par la classe diplômée, celle disposant des ressources discursives nécessaires pour déguiser ses illibérales excentricités en promesses de progrès2. Contrairement au sac Vuitton ou à la Lamborghini, les coûts de ces signaux ostentatoires de statut3 sont assumés en aval par les classes vulnérables, au nom desquelles, naguère encore, ces mêmes élites pontifiaient. Abolir la police4, prêcher la déconstruction du modèle familial5, chanter les louanges de l’obésité6, abandonner le mérite pour la représentation7, ouvrir les frontières8… autant de dangereuses frivolités qui divertissent l’aristocratie progressiste et infligent des coûts à la roture. Généreux héritage du tournant révolutionnaire des années 1960-709, ces idées se sont considérablement radicalisées depuis une décennie, séduisant aussi bien parmi les jeunes consciences avides de grands soirs que parmi les prébendés universitaires qui n’ont jamais pardonné au capitalisme son succès.

Pendant que la droite intellectuelle somnambulait quelque part entre la nostalgie et la capitulation, la capture des institutions de production de savoir et de culture a été globalement un triomphe. Il suffira à l’esprit chagrin de lire la brochure d’une association de sociologie10, le compte rendu d’une conférence d’Études genre11 ou le programme « décolonial » d’un musée12 pour s’en convaincre. La civilisation européenne est une vieille bique à euthanasier au plus vite, le christianisme, un cabinet de curiosités promis à la brocante, l’Occident, un déprimant chapelet d’intolérance, d’esclavage et de pillages. Notre patrimoine matériel et immatériel semble être un objet de honte ou d’embarras, au mieux négligé au profit du nouveau et du fashionable. Il ne reste guère plus que les ploucs pour parler de vérité et de vertus, ou admirer les réalisations de nos aïeux, celles-là mêmes qui ont procuré connaissances, sécurité et ressources à leurs ingrats fossoyeurs. « Hey hey, ho ho, Western Civ has got to go », chantaient en 1987 leurs prédécesseurs sur le campus de Stanford. La longue marche à travers les institutions13 était à mi-parcours et ces iconoclastes enfonçaient déjà une porte ouverte.

Dans cet environnement caractérisé par un curieux mélange de pudibonderie, d’« individualisme expressif »14 et de passion pour l’étatisme, le réac, avec son régime carnivore, son réalisme pragmatique et sa voiture à essence, n’est plus simplement le trublion un peu attardé qu’il est prudent de tenir éloigné du cabinet à liqueurs. Il est devenu un être immoral, un hérétique à excommunier. C’est à ce dernier que cet opuscule s’adresse, au lecteur fatigué par l’autoritarisme des élites bienveillantes, agacé par la théâtrale moraline des petits caporaux de la « justice sociale ». Il y trouvera suffisamment de grains de sable pour enrayer la machine à slogans et, n’en doutons pas, sera récompensé par un aller simple pour un séminaire de sensibilisation au genre ou un atelier de promotion de la diversité.

1Beyond Red vs. Blue: The Political Typology, chapitre 11, Pew Research Center, 9 novembre 2021 ; E.O.W. Kirkegaard, J. Pallesen, E. Elgaard et N. Carl, « The Left-liberal Skew of Western Media », in Journal of Psychological Research, vol. 3, no 3, juillet 2021.

2 Raymond Boudon, Pourquoi les intellectuels n’aiment pas le libéralisme, Odile Jacob, 2004.

3 Will Storr, The Status Game: On Human Life and How to Play It, William Collins, 2021.

4 Amna Akbar, « An Abolitionist Horizon for (Police) Reform », in California Law Review, vol. 108, no 6, 2020; Gwenola Ricordeau, 1312 raisons d’abolir la police, Instinct de liberté, 2023.

5 S. J. Abrams et J. Kotkin, « The Rise of the Single Woke (and Young, Democratic) Female », AEI.org, 17 janvier 2023 ; Pierrette Fortin, « Un regard féministe sur les modèles de famille », in Atlantis : Critical Studies in Gender Culture & Social Justice, vol. 30, no 1, mars 2005.

6 Adwoa A. Afful et Rose Ricciardelli, « Shaping the online fat acceptance movement: talking about body image and beauty standards », in Journal of Gender Studies, vol. 24, no 4, 2015 ; A. Ravary, M.W. Baldwin et J.A. Bartz, « Shaping the body politic: Mass media fat-shaming affects implicit anti-fat attitudes », in Personality and Social Psychology Bulletin, vol. 45, no 11, 2019 ; T.J. Rose Spratt, « Understanding ‘fat shaming’ in a neoliberal era: Performativity, healthism and the UK’s ‘obesity epidemic’ », in Feminist Theory, vol. 24, no 1, 2023.

7 Alain-Gérard Slama, « Contre la discrimination positive : La liberté insupportable », in Pouvoirs, vol. 4, no 111, 2004 ; Heather McDonald, When Race Trumps Merit: How the Pursuit of Equity Sacrifices Excellence, Destroys Beauty, and Threatens Lives, DW Books, 2023.

8 Thomas Lacroix, « Ouvrir les frontières pour favoriser la paix », in Cause commune no 12, juillet/août 2019 ; « Soyons réalistes : 10 raisons d’ouvrir les frontières », in L’Obs, 25 juin 2015.

9 Helen Pluckrose et James Lindsay, Le triomphe des impostures intellectuelles : Comment les théories sur l’identité, la race, le genre gangrènent l’université et nuisent à la société, Gallimard, 2021.

10 Association Française de Sociologie, « Sur les révoltes en cours dans les quartiers populaires »,Afs-socio.fr, 17 juillet 2023.

11 Pascal Kohler et Lea Dora Illmer, « Renouveler la pensée sur la violence et les façons d’y résister », Congrès 2019 de la Société suisse d’Études Genre (SSEG), Gendercampus.ch, octobre 2019.

12 Letizia Gaja Pinoja, « L’art de décoloniser un pays sans colonies », in The Conversation.com, 26 juin 2023.

13 Cette expression est attribuée alternativement au philosophe marxiste italien Antonio Gramsci (1891-1937) ou au sociologue socialiste allemand Rudi Dutschke (1940-1979). Il désigne une stratégie de conquête des institutions de production de savoir, de culture et d’opinions, c’est-à-dire les véhicules qui auraient permis au capitalisme d’étouffer l’émergence d’une conscience de classe révolutionnaire. L’idée est que l’établissement d’une société « socialement juste » passe par une altération de son logiciel culturel permettant de rééduquer la population et de transformer la manière dont celle-ci interprète le monde.

14 L’expression est du sociologue Robert Bellah (1927-2013) qui la développa dans son essai Habits of the Heart (University of California Press, 1992) pour décrire les mutations de l’individualisme aux États-Unis. Elle désigne une conception anthropologique qui considère le soi individuel et atomisé comme l’unité fondamentale de la réalité humaine. L’individu n’est plus situé au sein d’un réseau d’attachements et de relations (famille, communauté, obligations, dépendances, etc.) qui contraindraient peu ou prou son identité et ses devoirs, mais défini par sa capacité à se construire à partir de la seule investigation de ses sentiments et de ses intuitions. Le soi et sa réalisation se font dans l’éprouvette étanche de sa vie intérieure et toute contrainte extérieure est vue comme un obstacle à son épanouissement.