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Royan, ville de la côte de beauté, 1980, Joshua, jeune étudiant exaspéré et singulier, se croit investi d'une mission capitale : supprimer nos anomalies mentales. Une amie s'amuse de ses théories ahurissantes et l'accompagne dans sa quête. Malgré les mises en garde, elle espère capturer ce coeur récalcitrant. Joshua fera bénéficier de son remède aux "élus". Il éclairera son Nouveau Monde pour découvrir la joie du lâcher-prise. Cependant, des effets détourneront l'esprit du devoir de morale vers une soif de l'interdit. Au-delà du soupçon provoqué par la vague de crimes qui s'abat sur la région, Joshua devra accepter l'échec. Conservera-t-il la lucidité nécessaire pour mettre un terme au danger ? Sous l'apparence d'un roman fantastique, laissez-vous glisser dans la psychologie de ses personnages.
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Seitenzahl: 228
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Du même auteur :
« L’île aux deux visages » Éditions BoD
« Le serment d’Hippocrate » Éditions BoD
Prologue
Le grand jour
Domino et Nina
La quête de l’absolu
Concept particulier
Douce thérapie
Douce thérapie -
Lucie
Prémices
Prémices –
Christiane
De nouveaux amis
Le monde de Domino –
Lucie
Le monde de Domino –
Bernard
Le monde de Domino
Que la vérité éclate ! –
Soline
La guérison
Épilogue
Je ne vous vois pas, mais devine vos pensées. Vous jugez insolite, étonnant, voire anormal, qu’un jeune étudiant passe la plupart de son temps dans les églises. Vous obtiendrez des éclaircissements le moment opportun. Ainsi, mes raisons vous paraîtront nobles et légitimes.
Je me sens heureux ! Vous devez jouer les aveugles ou fermer les yeux sur mes sourires pour ne pas les remarquer. J’éprouve de la fierté à afficher un tel visage et l’idée qu’il déteigne sur les vôtres illuminerait ces lieux. Par contre, je vous parle à voix basse, car déranger le curé et plus encore perturber sa messe renvoie une attitude irrespectueuse. Aussi, je reporte cette conversation dans un contexte plus approprié. Merci de votre compréhension.
Le prêtre catholique Jacques Herman réalise une fois de plus, de façon efficace, sa mission de sacrement pour rendre présent son Christ devant l’assemblée. En ce dimanche matin, il s’efforce de convaincre d’éventuels non-croyants par son sermon. Les bras tendus face au créateur, il éprouve de sérieuses difficultés à cacher ses émotions. L’intonation témoigne de sa sensibilité. Habité par une foi sans limites pour son seigneur, il s’emploie en cet instant à favoriser un lien de communion entre les fidèles. Ainsi, il sollicite la prière et invite à recevoir la miséricorde. Toutefois, toute personne réfractaire au caractère religieux de cette réunion prendrait ce discours pour une aberration et fuirait au plus vite cet endroit.
Père Jacques a perdu l’habitude de pointer du doigt les méfaits. Chaque dimanche, il donne sa préférence à l’amour de Dieu plutôt que de prodiguer la bonne parole. Implorer la clémence relève d’une mission naturelle pour un homme de foi. Cependant, faire émerger toutes les horreurs et tous les péchés provoque un déchirement dans son cœur. Le désarroi envahit son esprit. Il s’enhardit de le supprimer au point qu’il s’éponge nerveusement le front de son mouchoir. Par bonheur, une chose le réconforte assurément, c’est ma présence. Oui ! Lorsqu’il se sent défaillir, il cherche dans mon regard un soutien, une force inégalée.
Dans l’assistance, j’écoute avec attention ce messager. Je prête un intérêt fondamental à ses propos bien plus que le simple croyant, car j’ose espérer la naissance de ce jour où ses paroles divines convergeront vers les miennes. Je m’acharne à cet espoir, mais ma naïveté me piège et me prive de cette issue salutaire.
— Jésus est seigneur et sauveur ! Nous, soldats de Dieu, devons ramener les brebis égarées dans le troupeau. Apprenez mes frères et mes sœurs à pardonner, au nom de Dieu. Supportez avec amour celui ou celle qui s’écarte du droit chemin. Seigneur ! Prends pitié de nous. L’homme qui vient de vous agresser, ne l’encouragez pas dans la violence, mais épargnez son âme. Tendez-lui l’autre joue.
— Non !
Un cri strident de révolte surgit soudainement. Il se propage telle une vague qui submerge les visages des fidèles jusque dans les hauteurs de la nef. La frayeur déclenche un mouvement de recul. Surpris, le prêtre lève les yeux vers la personne qui trouble son audition. Je me révèle incapable d’affirmer si la tristesse s’empare de moi. Prend-elle l’ascendant sur ma joie ?
J’assume sans regret avoir poussé ce hurlement de détresse. Ce discours me paraissait insupportable. Au diable les regards incrédules des adeptes. Je leur transmets des sourires qu’ils croient comme hypocrites. Qu’ils se détrompent, soyez rassuré ! Simplement, je suis persuadé d’avoir bien agi. Cessons sur le champ toutes ces sottises. Je quitte ma chaise et me mets à l’écart.
Vous trouvez ridicule ma posture à genoux. Par le biais de ce rituel, je me déconnecte de l’emprise du curé et de ses convictions. La chaleur du soleil se répand au travers des vitraux et me procure le plus grand bien. Maintenant, le calme et l’apaisement envahissent mon être.
De ma main, je touche mon petit calepin au fond de ma poche. Certes, un signe de faiblesse, mais j’en ressens le besoin. Sous mes doigts la couverture m’offre ce vif désir d’y apposer mes lèvres avec dévotion. Par opposition, ces faibles paroissiens s’évertuent à lire un missel. Ils espèrent trouver des réponses pour se guérir de leurs tourments.
La messe terminée le prêtre range dans la sacristie le vase sacré et les ornements. Les fidèles quittent cet endroit avec les visages réjouis et l’esprit en paix. La tête baissée, Joshua reste prosterné et médite sur les paroles religieuses, les yeux rivés sur son carnet. Dans un état de béatitude, Jacques Herman effectue quelques pas. Il se dirige au cœur de l’église et observe machinalement dans la direction de l’étudiant. Le silence imprègne la nef. Perplexe, il se décide à le rejoindre.
— Bonjour Joshua !
Je me lève et remets le carnet dans ma poche parce que légèrement confus de mon attitude. Les sourcils froncés de Jacques Herman témoignent de mon comportement inadéquat avec ce lieu saint. Toutefois, impossible de dissimuler mon bonheur, car j’affiche une physionomie souriante. Ainsi, une illusion de moquerie ou de manque de respect émane malgré moi.
— Bonjour mon Père !
Son regard sévère m’inquiète et m’incite à intervenir.
— Vous me paraissez contrarié, mon père !
— Ta présence à la messe me procure une agréable surprise. D’habitude, tu te maintiens à distance dans un coin de l’église. Aujourd’hui, tu as assisté, écouté, mais tu as poussé un cri ! Pourquoi un tel changement ?
— Comme vous le savez, je possède ma propre perception de l’être humain. Je souhaitais entendre votre sermon et m’assurer qu’il approuve le sens de mes pensées. Est-ce un mal, mon père ?
— Non ! Bien au contraire. Auparavant, je te voyais passer du rire aux larmes. Pendant la messe, tu as donné lieu à une réaction de révolte. Je te trouve bien étonnant !
Le prêtre apprécie beaucoup Joshua, car séduit par cette âme dénuée de mauvaises intentions. Cependant, la franchise du garçon semble vexante lorsque des désaccords se manifestent. Jacques Herman possède une nature conciliante qui pousse à la tolérance.
— Vous me connaissez bien mon père. Ce sont vos paroles que je bois avec gourmandise. Elles font vibrer en mon plus profond des cordes sensibles, je l’avoue.
Ce jeune homme, aux yeux bleus qui pétillent, rayonne de bonheur. Malgré un physique particulier où son teint blafard donne constamment une image de garçon malade se dégagent de remarquables qualités. L’extrême gentillesse qui émerge de sa personnalité évoque le parfait exemple. Elle suscite la jalousie. De plus, il perçoit les gens d’une façon très exclusive et déroutante.
— Dis-moi, Joshua ! Je définis l’humain naturellement bon. Partages-tu ce sentiment ?
— Oh ! Oui ! Sur ce point, je n’ai aucun doute.
— En conséquence ! Pourquoi t’emportes-tu quand je fais référence à son âme qui s’égare, lorsqu’il commet des méfaits ?
Malgré cette divergence de point de vue, je distingue une lueur taquine qui brille dans ses yeux. Il espère obtenir des excuses.
— Je me suis indigné mon père parce que vous faites erreur. Nul ne peut tenir l’âme humaine comme responsable.
— Mais ! Que racontes-tu, là, Joshua ? Justifie-toi, ordonne-t-il, le visage envahi d’inquiétude.
Puis, la tête baissée, il s’éloigne.
— Vous devez comprendre et admettre cette incapacité de corrompre ou altérer par quoi que ce soit l’âme de l’homme ou celle de la femme. Votre confusion naît de votre diagnostic. Toute dérive ou toute action odieuse s’explique par une anomalie mentale, me suis-je écrié.
— Calme-toi, Joshua ! Tu vas sauter par bonds comme la fois dernière. Tu avais de la fièvre et frémissais d’une intense excitation. Pourquoi une telle agitation ? Prends garde et reste dans le droit chemin. La fougue de la jeunesse incite-t-elle aux abus et aux écarts de conduite ?
— Non ! Je ne peux encore rien vous dire. Patience et bientôt le grand jour va arriver !
L’anxiété du curé m’échappe. Je dois manquer de lucidité. À ce propos, je m’autorise des relâchements comme toucher ses bras, ses mains. Je dévoile des familiarités. Je le considère au même titre qu’un ami plutôt que le serviteur de Dieu. S’il savait tout, il partagerait ma joie.
— Je suis persuadé de cela ! ai-je proclamé.
— Je n’ai aucune idée de tes intentions, Joshua. En revanche, je perçois dans tes yeux un esprit tourmenté.
— Il n’est pas tourmenté, mon père ! Au contraire, tout devient maintenant évident. Je vais améliorer l’être humain !
Sur cette réponse, le prêtre manifesta son étonnement puis éclata de rire.
— Ha ! ha ! ha ! Excuse-moi, Joshua ! Ce sont tes paroles qui me font réagir ainsi. Je te félicite de posséder tant d’imagination. Le jeune âge te permet de passer pour un doux rêveur. Voyons ! Restons sérieux. D’où provient cette idée de chercher à améliorer l’homme ? Et de quelle façon ? Garde cela en secret sinon tu risques les moqueries.
Par amitié, Jacques Herman me donne une accolade fraternelle et m’accompagne vers la sortie. Sur le seuil de la porte, l’air salin de la Charente gifle avec saveur nos visages.
— Je demeure sérieux, mon père. Vous avez dit ramener les brebis dans le troupeau. Sans vouloir vous manquer de respect, je mets en doute les paroles de Dieu. Croire qu’elles vont tendre l’être humain vers le meilleur. C’est une naïve théorie ! ai-je répondu sans oser le regarder.
Je souhaite éviter sa colère malgré mon rire sardonique, aussi je m’éloigne à petits pas. Je marche sans me retourner. Le chien, il vit dans son monde de chien et l’homme il évolue dans son monde d’être humain. Espérer l’approbation de Jacques Herman, cela équivaut à la volonté de faire communiquer ces deux mondes.
— Joshua ! Prends garde ! Chercher à rendre possible l’impossible, c’est sombrer dans la folie. Inutile de franchir l’entrée de cette église sans avoir retrouvé l’esprit en paix. M’entends-tu ?
L’appréhension se lit sur le visage du prêtre. Maintes questions sur les intentions de Joshua accaparent ses pensées. La personnalité imprévisible de ce jeune homme éveille la méfiance. Tel un appel au secours, il l’interpelle dans l’espoir de le raisonner.
— Joshua ! Ne commets pas de bêtise, surtout !
J'avoue accuser d’un retard significatif. Cependant, c’est une tout autre raison qui me pousse à descendre quatre à quatre les marches de mon immeuble. Dans cet escalier, je dois faire attention. J’épouse les murs de mes mains et récupère toute la crasse. Peu importe ! La rugosité sous la paume me rassure. Tomber dans un moment crucial comme celui-là se révélerait de la pure stupidité. Inutile de prétendre que j’ai attrapé une insolation ou que je suis victime d’un coup de folie en me voyant déambuler de la sorte. Je suis saint d’esprit. Je devine par avance les sarcasmes de mes amis. Est-ce mal d’agir tel un gamin excité ? Certes, ma conduite suscite la moquerie. En effet, je possède une relation particulière avec Royan, car j’aime jouer aux aventuriers. Oui ! Tel un enfant, je m’imagine le plaisir d’investir ses rues, connaître tous ses moindres recoins et dénicher des trésors cachés.
— Vous vous égarez ! ai-je proclamé à voix haute.
Même si vous présumez que la beauté de la Charente-Maritime et la chaleur du soleil justifient ma bonne humeur, vous tombez dans le piège. Toutefois, je reste convaincu que vous avez déjà ressenti ce genre d’émotions. Rappelez-vous cette période où vous brûliez d’impatience de crier votre réussite sur tous les toits.
Le problème s’avérait pourtant difficile. Je dois admettre qu’à la vue des résultats tout se comporte bien au-delà de mes espérances. Je profite, au-jourd’hui, du fruit de mes recherches. Mon attitude s’apparente à celui d’un enfant en pleine exaltation et mes vingt ans me portent préjudice. Qu’importe ! La raison à fournir va vous surprendre en fait. Je me livre à vous ivre de bonheur. Voilà tout !
Royan apparaît comme la ville de tous les espoirs pour Joshua. Elle lui permet de suivre un enseignement dans les sciences comportementales. Malgré une préférence pour le calme à l’agitation, il est tombé sous le charme de cette station balnéaire. L’originale église Notre-Dame et son marché couvert en forme de conque attirent avec certitude les touristes. Le sable blanc, les belles villas, la visite de phares renommés et parcs naturels garantissent des sorties d’exception aux aventuriers. Toutefois, la majorité des vacanciers souhaitent se prélasser sur la plage. L’air salin assure un effet bénéfique pour sa fragile santé. Pourtant, il se différencie des jeunes de son âge. Il se moque de la séduction. Au sortir de l’adolescence, l’homme cherche sa promise, celle avec laquelle il va pouvoir s’élever. Non ! Ses aspirations s’orientent dans une autre direction. Son plaisir, il le délègue dans ses recherches scientifiques. Tout autre divertissement doit être écarté sans état d’âme.
Joshua est un étudiant enclin au bien-être d’autrui, une mission qui lui tient à cœur. Toutefois, au travers de sa personnalité se détache une émotivité excessive. Imprévisible, elle peut se traduire par un passage brutal du rire aux larmes ou montrer de l’insouciance. Elle se manifeste et agit comme une bouffée d’oxygène. Le voir galoper à cloche-pied sur la route principale, en direction du bord de mer, le prouve de façon incontestable.
Vous prétendez que vivre heureux tous ensemble paraît utopique. Ce garçon est persuadé du contraire. En conséquence, je vous avertis de sa colère si vous l’en dissuadez. Vivement attaché à la nature humaine, il espère apporter sa contribution au niveau de la vie en communauté. Est-ce interdit et malsain de rêver d’un monde meilleur ? Posez-lui la question et il se sentira profondément choqué. Malgré toute son indulgence, il produira tous les efforts pour vous faire croire à la véracité de ses pensées et de l’intérêt capital de ses activités scientifiques.
Si j’ai passé l’essentiel de mon temps dans ma chambre à étudier et réaliser mes expériences, c’est pour le bien-être des hommes et des femmes. Courir avec la hâte d’annoncer au monde entier la grande nouvelle est une réaction normale. En convenez-vous ? Au diable les reproches ! Rien ne m’écartera de ma mission. Pas même l’amitié. Rassurez-vous, j’arrive parfaitement à définir mes priorités et m’imagine, peut-être à tort, qu’une force suprême m’a choisi pour cela. Je l’en remercie. Excusez-moi si j’apparais aussi volubile. J’attends ce jour depuis si longtemps. Mon cœur bat à tout rompre. Qui pouvait prédire que Domino et Nina occuperaient un rôle majeur dans cet enjeu ? Que de courage pour mes deux petites souris !
De ma marche intermittente où à chaque arrêt je ressasse toute cette histoire, je me remémore ce jour où elles sont devenues ma propriété. Sans honte, je verse une larme de joie et j’appose mes lèvres sur mon calepin. À cette époque, elles manifestaient beaucoup d’agressivité. Malgré mon tempérament combatif, je m’inquiétais sur mes capacités à accomplir l’objectif fixé. Vous jugerez vous-même si la chance et la ténacité ont eu un impact sur ma réussite. Tout ce que je peux vous affirmer c’est que ces deux petits monstres déclenchent ma jubilation dans cette rue. Oui ! Deux ans plus tard, je clame ma victoire et pleure de bonheur.
Sauf erreur, ce fut dans un bus par une journée pluvieuse que tout a commencé. De souvenir, je m’étais réfugié à l’arrière pour espérer trouver la tranquillité. Mes yeux rivés sur mon paquet posé sur la banquette, je ressentais l’impatience de me cloîtrer dans ma chambre d’étudiant. Cependant, j’aime les gens ! Prétendre le contraire serait absurde. Par contre, je désirai garder bien précieusement secret l’achat de mes deux souris. Personne ne devait savoir que je vouais un intérêt sans limites pour ces omnivores sinon une rumeur des plus folles se serait dissipée à mon égard. Vous m’auriez dit que j’avais tendance à la paranoïa, vous auriez eu pleinement raison. Aussi, je me suis efforcé de rester souriant et paraître innocent. Pourquoi cacher la névrose phobique qui sommeille en chacun de nous ? Cette dernière nous pousse à l’évitement et la peur de l’angoisse nous paralyse. Voilà que le bus stoppait, à présent. Plus que deux arrêts et j’allais enfin retrouver ma liberté. Quelle angoisse !
Tous les mercredis, pour rompre l’isolement et apporter la culture, une association prévoyait une promenade pour les personnes âgées. Une excellente initiative. Alors, sans aucune surprise, un groupe s’immisça dans le véhicule et prit d’assaut les places libres. Dans ces circonstances, l’être humain agit sans sagesse ni politesse. L’âge avancé excuse-t-il toutes les réactions ? La perte du contrôle de soi impliquait la suprématie des instincts primaires et tous les coups devinrent permis. Jos-hua s’empara de son paquet et le tint fermement entre ses bras. L’inquiétude envahissait son visage, une vieille dame vint à son niveau.
— Bonjour mon garçon ! Quelle idée de sortir par ce temps !
Quiconque souhaite obtenir l’approbation de ses pensées et de ses sentiments s’adresse au premier individu qui dénonce une attitude complaisante. Je vous promets être demeuré insensible et n’avoir commis aucun geste pour solliciter cela. Pourtant, je distinguais clairement son regard sur ma personne et ma boîte. Je n’inventais rien et devais trouver une échappatoire. Je percevais un mauvais présage de cette invasion.
— Désirez-vous que je vous cède ma place, madame ?
— Non merci ! Vous êtes bien gentil, jeune homme.
— Pardon si j’insiste auprès de vous, mais ma jeunesse me permet de rester debout.
— J’apprécie beaucoup votre bienveillance, car c’est bien rare de rencontrer un garçon de votre génération aussi urbain. Si je me fie à mes rhumatismes, je devrai suivre votre conseil. Ils se réveillent, parfois, en cas de temps maussade. D’ailleurs, c’est toujours un sujet houleux avec ma sœur Noémie. Elle prétend que je devrai m’épargner au lieu de forcer la mécanique.
Pourquoi devais-je subir un tel discours ? Après tout, personne ne s’opposait à ce que je me lève et m’asseye à l’autre bout du bus. Je doutais que ce fût la meilleure solution. Ils auraient envoyé sans délai un nouveau soldat. Parfois, on se pose la question sur les évènements à venir, s’ils sont écrits par avance. Vous espériez tous que j’ouvre ma boîte et me débarrasse de ses occupants. Je vous ai laissé dans vos bêtises. J’arrivais à cerner vos manigances et ce qui se complotait. Je voyais clair dans votre jeu. Je vous ai sommé d’examiner ce couple de vieux situé dans l’angle. Le regard sournois qu’ils jetaient de temps en temps dans ma direction, je le discernais malgré leur franche rigolade. Quand bien même tout le groupe se serait ligué contre moi, j’aurai affronté la situation.
Le véhicule reprit sa destination. Par endroit, la route provoquait des secousses. Bousculée sans ménagement, la femme continuait son monologue. Elle me rappelait ma grand-mère avec laquelle je ressentais une joie folle à me promener en forêt et à partager une collation dans la nature. Comparable à celle-ci, elle parlait de tout et de rien. Elle se plaignait de ses articulations. Comment pouvait-on se montrer aussi bavarde et égocentrique ? Je m’excuse si je vous paraissais cruel, vis-à-vis de cette inconnue.
J’affichais à présent une physionomie austère. Savoir qu’elle observait discrètement ma boîte suscitait ma frayeur. À l’égard de mes deux hôtes, je devais demeurer prudent. Je me considérai comme chanceux de leur silence. La grand-mère se révélait semblable aux femmes prises de curiosité ou de méfiance. Croyez bien que le moindre sourire déclencherait un dialogue. Dans un autre contexte, j’aurai discuté sans retenue et avec grand plaisir. Sans percevoir un caractère soupçonneux, son comportement me motivait encore plus dans ma mission. Toutefois, était-elle l’unique responsable ? Son cerveau régissait ses émotions. Vous vous refusez à admettre la vérité. Toutes nos pensées et tous nos actes se tournent vers un seul but. Rassurer notre mental. L’être humain se définit ainsi. C’est sa faiblesse.
Aussi, dans mon esprit je visais à détruire toutes ces anomalies. J’avais hâte de faire connaissance avec mes nouveaux amis et me mettre au travail. Mes pensées vous semblent dogmatiques ! Je m’appuyais sur mes recherches scientifiques et mes solides connaissances sur ces omnivores. En revanche dans ce groupe, aucun de ses compagnons n’aurait toléré des affinités avec mes rongeurs et encore moins ces femmes qui éprouvaient toujours une peur instinctive à leur vue. Elle s’apparentait à une phobie irrationnelle ou de type obsessionnel, mais elle était exagérée et entraînait des réactions démesurées. J’avais conscience qu’une souris en contact avec l’alimentation la rendait inutilisable, à cause des maladies qui pouvaient être transmises. Cette chose insignifiante était considérée comme un nuisible et tous ces petits vieux souhaitaient la supprimer. Quelle ingratitude pour mes futurs collaborateurs ! Je m’imposais la promesse qu’un jour ces gens se prosterneront à leurs pieds. Une noble récompense !
— Je remarque vos sourires moqueurs. Soyez rassuré, je consens à ces écarts. C’est normal à votre âge de se comporter de cette manière. Voyez ! Je me tiens à la barre. Comprenez-vous ? J’évite de rester assise sur la durée.
Mince ! Je me rendis compte que j’affichais un rictus, un signe de contentement, malgré moi. Horreur ! Je ressentais une envie de rire ! Heureusement, la fenêtre à mes côtés me permit de détourner mon regard. Par ce mauvais temps, on distinguait mal au travers. Toutefois, la goutte d’eau qui glissait sur la vitre obtenait un rôle salvateur. Je me concentrai sur son parcours en vue d’avorter ce fou rire.
Ha ! Soudain, le bus ralentit. Pendant tout ce trajet, j’avais l’impression de vivre une course contre la montre. Mon paquet subissait les effets d’une bombe qui risquait d’exploser à tout moment. Après cet arrêt, ça sera à mon tour de partir. Je serai enfin libéré de cette hantise.
— Joshua ! Heureuse de te voir là !
Munie d’un coupe-vent tout trempé, une jeune femme afficha son beau sourire. Dans son dos, doté d’une imposante carrure, Martin se recoiffait de ses doigts. À la vitesse de l’éclair, la douce Lucie prit des mains le précieux paquet.
Malgré tout, un sentiment de soulagement me traversait l’esprit. L’arrivée de mes amis me sembla une solide alliée, mais surtout un moyen efficace pour contrecarrer les plans de tous ces conspirateurs. J’allais enfin sortir de ce cauchemar.
— Qu’est-ce que c’est, Joshua ? s’interrogea-t-elle, en s’asseyant sur mes cuisses.
Lucie s’était embaumée des pieds à la tête d’un parfum. Désirait-elle m’enivrer afin que je devienne prisonnier de son odeur ou qu’il serve de sérum de vérité ? Vous pouvez sourire, mais cette idée me rendit qu’en partie joyeux. Pour rien au monde je ne devais réveiller mes instincts primaires. Je précise qu’elle était habillée d’un short et de ce fait je ressentais ses jambes mouillées sur les miennes.
— Cela me paraît évident. Observe l’emballage rose bonbon. C’est un cadeau pour une fille, intervint Martin de sa voix nerveuse. Il la fixait du regard et escompta une réaction mitigée.
— Heu ! Vous vous trompez. Je me suis offert un cadeau. Fais attention ! C’est fragile !
À regret, je la percevais semblable aux autres, sous l’emprise de sa propre curiosité. Ce besoin permanent de rassurer son cerveau prenait le dessus sur tout le reste.
— Est-ce vrai, Joshua ? Un cadeau pour une fille !
Elle me dévisageait davantage par taquinerie que par jalousie. Telle une joueuse, elle contemplait le paquet sous tous les angles et collait son oreille pour espérer entendre un bruit révélateur de son contenu. Ajouté à la crainte qu’elle découvrît les souris, un signe particulier vint me troubler. Avaitelle volontairement fait tomber son espadrille ? À chaque secousse, je sentais le contact de ses jambes autour des miennes à la manière d’un serpent qui étouffe sa proie. De plus, ses délicats doigts de pieds caressaient mon mollet. Cette douce attention dévoilait clairement la nature de ses sentiments.
— Voyons Lucie ! Tu sais bien que c’est un cadeau pour toi. Ne feins pas l’évidence, souligna Martin dans un ton de reproche.
Il ressurgit dans le comportement de la femme, une qualité remarquable. Je fais allusion à celle qui permet de s’extirper de toute situation embarrassante. Je me lance à la dénommer intelligence féminine. Lucie en fit preuve avec justesse. Une sorte d’échappatoire finement placée pour éviter tout conflit éventuel.
— Félicitation Joshua ! Ta prestation à l’école ce matin, à propos du subconscient et de l’inconscient, je l’ai trouvée fantastique. En revanche, j’avoue n’avoir pas tout compris, précisa-t-elle dans un grand rire.
— C’est gentil, mais cela ne mérite pas tant d’éloges. Le sujet à traiter s’annonçait assez simple malgré les apparences.
— Inutile de vouloir minimiser ta réussite Joshua. Je te connais bien ! Moi, je me certifie sincère. Tu regorges de talent, conviens-en !
Je voyais bien que c’était en vain d’insister sur ce plan. Lucie exigeait que toute situation demeure claire dans sa tête. Ainsi, elle exprimait une tendance à exagérer la réalité. D’ailleurs, Martin me dévisageait avec sévérité. Devais-je percevoir là de la jalousie ? Elle venait à nouveau de se caler contre mon ventre et écartait les cuisses. Elle ne se rendait pas compte de ses actes. Du moins, je l’espérai. Là encore, je n’avais rien stimulé pour qu’elle s’imaginât être autorisée à ce genre de libertés. Au contraire, de manière insidieuse, je tendais mes jambes et serrai les fesses pour donner une inclinaison. De cette manière, elle glisserait fatalement ou alors sa position inconfortable la ferait déloger de ma personne. Je devais paraître idiot à ne pas m’affirmer et l’éloigner gentiment. Ce n’était pas la timidité ou le manque de courage qui s’emparait de moi. Non ! Je préférai laisser faire, car rien de malsain se révélait dans son attitude.
Enfin, l’arrêt tant convoité apparut telle une délivrance. Je me dégageai délicatement de la jeune femme en poussant les hanches de mes mains. Je me levais avec ma boîte sous le bras et jetais un ultime coup d’œil en direction de mes amis avant de descendre du bus. Cette attitude discrète à m’écarter sans prononcer le moindre mot sur ma fuite pouvait surprendre, mais j’avais hâte de clôturer cet émouvant trajet.
Lucie accompagnait Joshua du regard et ne pouvait s’en détacher, comme fascinée. Ce genre de réaction excédait encore plus Martin au point de rompre son silence.
— Tu admettras Lucie, il se comporte de façon bizarre ces derniers temps.
— Je ne trouve pas. Pourquoi dis-tu cela ? Certes, sa conduite s’éloigne de celle des autres, mais j’apprécie sa gentillesse, précisa-t-elle les mains croisées sur le cœur.
— Pff ! Tu me déçois ! J’ai l’esprit lucide et constate que tu tombes amoureuse. Tu te fais du mal, car il ne s’intéresse pas à toi, s’emporta Martin.
Cette réplique, il l’avait préparée depuis fort longtemps et attendait la situation adéquate pour la placer.
— Tu supposes cela parce que la jalousie te dévore ! Avoue-le ! Joshua possède une nature sensible, je dois me montrer patiente.
— Patiente ! Je ne comprends pas ce qu’une fille peut trouver de captivant chez un gars qui reste enfermé dans sa chambre comme un ermite. D’habitude, tu fréquentes des garçons plus enjoués.
Lucie ne disait plus un mot. Le détachement voire le renoncement que s’imposait Joshua envers les filles nécessitait des réponses. Aux yeux de la jeune femme, il agissait selon ses conceptions. Elle en était convaincue. Quoi qu’on pensât de ce garçon, ses sentiments semblaient inaltérables. Le visage larmoyant, elle se leva d’un coup, irritée, et se dirigea vers la sortie.