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Printemps 1969, San Marina, petite ville touristique du Colorado, est saisie d'effroi. Un phénomène d'arythmie s'empare des enfants. Qui ose exercer un odieux chantage sur les familles par le biais de lettres anonymes ? La panique s'installe dans la population parce que les médecins assistent impuissants à la propagation de ce mal étrange. On suspecte le personnel de l'hôpital. A-t-on parjuré le serment d'Hippocrate ? Alan Katerman, éminent chirurgien, est appelé en urgence, pour déterminer la cause et retrouver la quiétude. Par ses qualités et ses talents d'enquêteur démontrés dans une précédente affaire, il fera trembler le criminel et mettra en lumière une vérité qui dépasse l'entendement.
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Seitenzahl: 208
Veröffentlichungsjahr: 2021
Du même auteur :
« L’île aux deux visages » THEBOOKEDITION
Prologue
La lettre
Dennis Barrett
L’arrivée
Étrange association
Problèmes de cœur
Révélations à haut risque
Rien ne va plus
Chiens enragés
Échappatoire imprévue
Bouleversements à San Marina
Épilogue
Sur la route, en direction de San Marina, Andrew Brown arborait un large sourire. L’acquisition de sa nouvelle voiture justifiait-elle cette attitude ? Il faudrait pouvoir se nicher dans son esprit, pour le confirmer. Au volant d’une Buick décapotable, gris métallisé, dissimuler sa gaieté relevait de l’impossible. Assise à ses côtés, Samantha, sa femme, une main posée sur sa cuisse, remarqua ces sourires. Sa nature curieuse l’incita à se prononcer.
— Tu sembles bien joyeux, aujourd’hui, Andrew ! Je suppose que c’est ta belle voiture qui te met dans cet état.
— Désolé, chérie ! Certes, je suis satisfait de ce bijou, mais pour autant, ce n’est pas cela.
Leur petite fille qui se situait à l’arrière intervint.
— Moi, je sais ce que c’est !
— Ah ! Qu’est-ce que c’est ? questionna la maman.
— Papa est en vacances ! s’exclama-t-elle, en glissant sa tête entre les sièges.
Cette remarque stupéfia ce père de famille.
— Mais comment as-tu deviné ? Tu lis dans mes pensées ! Dit-il ; accompagné d’un rire sardonique.
— Mais non ! C’est facile ! Chaque année, au départ des vacances, papa apparaît toujours aussi joyeux.
— C’est vrai ! Elle a pleinement raison. Mais vous avouerez les filles que j’ai des circonstances atténuantes.
D’un regard complice, elles affichèrent une grimace, car elles pressentirent, comme à son habitude, une explication à n’en plus finir.
— Passer les vacances à San Marina, c’est se nicher dans les canyons, revenir à l’époque de la ruée vers l’or, s’imaginer le travail des mineurs d’autrefois.
— Un vrai paradis ! reprirent-elles en cœur, avant même qu’il le dise.
Les cheveux au vent, toutes deux se dévisagèrent, souriantes, telle la complicité entre une mère et sa fille.
— Vous vous moquez de moi, je le vois bien ! Qu’importe ! Vous admettrez que je vous offre, en général, de belles vacances.
— Nous n’avons jamais pensé autrement, mon chéri. Simplement, te sentir envoûté par cette ville, ça nous amuse.
Chaque année, cet inconditionnel amoureux de la nature jetait son dévolu sur cette destination. Il trouvait toujours, sans mal, de bons prétextes pour imposer ce choix. De toute façon, les romantiques appréciaient explorer le Colorado, en toute saison. Les trois cents jours de soleil annuels ainsi que les vastes prairies, les montagnes majestueuses, les torrents et les paysages désertiques attiraient sans conteste les touristes, au grand désespoir de la population de San Marina. Les gens préféraient la quiétude à l’agitation.
Cette famille arriva donc dans la rue principale avec des visages empreints de gaieté. Parce que la sécurité des promeneurs s’avérait cruciale, elle recommandait de rouler au pas. Ainsi, ils ne passèrent pas inaperçus. Andrew, confus, renvoya un sourire aux curieux. Samantha perçut son mal-être.
— Voyons, Andrew ! Pourquoi es-tu gêné de la sorte ?
— Je l’avoue, ma chérie. Mais que veux-tu ? Le regard des gens me touche et je constate, une fois de plus, de la réticence.
— Tu sais bien que la ville préfère rester dans son cocon plutôt que subir la venue d’étrangers. Quoi qu’il en soit, nous avons tant travaillé, nous méritons ces vacances.
— Oui ! Tu as raison ! De toute façon, nous allons nous restaurer, je meurs de soif.
Il se gara à proximité d’un pub. Puis une fois sortit de la voiture, il étira les bras pour les décontracter. Le trajet jusqu’à ce paradis, sur une route risquée, laissait des traces de fatigue.
Sur la terrasse, les tables à l’ombre étaient assiégées, car la chaleur devenait presque insupportable. Une année caniculaire. Cette halte procurait le plus grand bien. Fort heureusement, une petite brise venait caresser les visages, de façon intempestive. Elizabeth apposait son verre de jus de fruits, contre sa joue, afin d’en récupérer la fraîcheur. Samantha agitait son chapeau en guise d’éventail. Pour les besoins de la clientèle, le propriétaire du pub avait installé un tuyau d’arrosage, percé, dissimulé dans cette tonnelle arborée, plus précisément dans la glycine. De temps en temps, ce brumisateur apportait une douceur bienvenue.
Andrew observait les lieux. Après un rapide tour d’inspection, il remarqua peu de changements, depuis l’année passée. Audelà, les imposantes Rocheuses capturaient tous les regards. Le temps s’était arrêté et l’on se sentait bien. Il scruta la rue et retrouva ces magasins d’antiquités, qui émeuvent les estivants. La ville réunissait, à la fois, le côté pittoresque avec son charme de l’ancien et la modernité. Puis, il aperçut des sourires, complices, sur les visages de sa petite famille.
— Je vous vois rire ! Vous me dissimulez quelque chose ?
— C’est-à-dire qu’on avait réfléchi.
— Ho ! Vous avez comploté des magouilles, dans mon dos ! S’exprima-t-il ; avec une légère appréhension.
— Nous ne te cachons aucun mystère, mon chéri. Seulement, Elizabeth partage mon point de vue que San Marina correspond à la ville dont nous avons toujours rêvé.
Andrew resta contemplatif de cette remarque. Certes, il convint qu’elle était située entre plaines et montagnes et apportait, ainsi, un cadre de vie inespéré. On se sentait transporté dans un autre monde. Les Rocheuses incarnaient le mythe américain où la nuit, on produisait des rêves, inoubliables, à déceler des cachettes et engager une chasse aux pépites. De plus, San Marina offrait toutes les activités pour qu’Elizabeth puisse jouir de ses passions. En fait, la seule chose qui le bloquait, ce fut lui-même, à proprement parler. Samantha, différente dans ces moments-là, se montra plus entreprenante. Ainsi, tombée amoureuse de cette contrée, elle trouva les mots justes, pour pousser son mari à s’établir, définitivement, dans cette ville.
Mardi 27 mai
En cette année soixante-1969 neuf, l’apparition des beaux jours signifiait la fin de l’hiver. Située dans une résidence agréable, la famille Brown demeurait dans un charmant pavillon. Elizabeth, entourée de nombreux copains, issus des environs, rayonnait de bonheur. Tel un rituel, auquel ils ne dérogeaient jamais, ses parents invitaient chaque semaine leurs voisins, avec leurs enfants. Ils avouaient adorer, pardessus tout, les ambiances conviviales et chaleureuses.
Cela fait précisément, à ce jour, six années qu’Andrew décrocha une place de professeur de mathématiques, dans l’université de San Marina. Peu après, Samantha obtint une mutation dans l’hôpital, en tant qu’aide-soignante. Selon toute apparence, ce déménagement se présentait comme un franc succès. Progressivement, ils s’épanouirent dans cette nouvelle vie, notamment par la présence de leurs bons amis. En outre, le bonheur de leur fille les réjouissait au plus haut point. Ce jeune couple, de nature sociable, favorisait toujours les échanges, dès que la situation le permettait. Ajoutés à cela, dynamiques et volontaires pour le bien-être de tous, ils créèrent une association pour les sansabri. Sans aucun doute, la population afficha à leur intention, une considération de plus en plus marquée, au fil des années, pour cette initiative fortement appréciée. Par conséquent, aujourd’hui, le nom des Brown frappe tous les esprits.
Pourtant, personne ne pouvait imaginer que cette famille, tant respectée, subissait une souffrance, peu ordinaire. En effet, une succession d’évènements, angoissants, apparut dans la ville. Cela se manifesta par l’arrivée de nombreux enfants, à l’hôpital, tombés soudainement mal en point. L’information circula à une vitesse vertigineuse, si bien qu’elle provoqua un vent de panique dans la population. Samantha qui, en temps normal, montrait une assurance incroyable et une détermination sans faille perdit tous ses moyens. La maladie toucha sa propre fille. Fort heureusement, Andrew réagissait différemment. Il faisait preuve de force mentale pour mener à bien toutes les difficultés. Par sécurité et pour écarter les problèmes, ils avaient mis, dans la confidence, uniquement, des amis proches et discrets.
— Messieurs, si vous pouviez surveiller le barbecue, ça éviterait de recevoir la fumée dans la maison. Expliqua Samantha ; accompagnée d’une grimace.
Jeff qui avait remarqué ce ton autoritaire, informa Andrew.
— Je trouve, tendue, Samantha, aujourd’hui.
— Ce sont les soucis à l’hôpital, ça la stresse. Elle possède un tempérament comme ça, qu’exiges-tu ?
— Ho ! Je ne lui en veux pas. Tu as raison. Après tout, je ne dormirais pas de la nuit, si j’exerçais son métier. Répondit-il ; en riant un peu trop.
— Qu’est-ce qui vous amuse ? interrogea Amber, sa femme.
Samantha scrutait, en douce, les visages.
— Pas grand-chose ! C’est notre façon de s’occuper du barbecue. On a l’impression d’émettre des signaux « indiens ». On va intoxiquer tout le voisinage, si ça continue.
Jeff, riait intensément et incitait toute la troupe à l’imiter. Samantha éprouvait des difficultés à sourire. Ces deux familles sympathisaient depuis fort longtemps et avaient pris pour usage de festoyer, chez l’un ou chez l’autre.
Ce mardi soir, lorsque le couple se retrouva, de nouveau seul, à la maison :
— Je t’assure, mon chéri, c’est la meilleure solution !
Andrew ne répondait pas. Les yeux rivés sur cette seconde lettre anonyme, il acceptait mal se soumettre. En conséquence, il avait rempli la sacoche, de liasses de billets posées sur la table, sans dire un mot. Samantha, angoissée, ne pensait qu’à Elizabeth. Elle n’avait pas hésité, un seul instant, à respecter les consignes, en vue de mettre un terme à cette horrible histoire. Mais elle avait peur que son homme change d’avis, par fierté, plus que par rébellion.
— Dépêche-toi, Andrew ! Tu ne dois surtout pas rater le train.
Samantha apparaissait comme l’ombre d’elle-même. Elle faillit s’effondre en larmes, dans les bras de son mari. L’angoisse montait à la gorge. Elle redoutait une émotion, supplémentaire. Puis, Andrew prit la lettre et la broya de sa main. Ensuite, il brandit le papier froissé, au visage de sa femme, accompagné d’un regard de colère. Il mit la sacoche sous le bras et quitta la maison, en claquant la porte, avec brutalité. Bien évidemment, ce geste représentait sa manière de se révolter et non son hostilité. Samantha, les yeux en pleurs, culpabilisait énormément. Elle avait tant insisté pour s’installer dans cette ville.
Elizabeth, qui lisait dans son lit, avait entendu le bruit. Poussée par la curiosité, elle sortit de sa chambre.
— Maman ! Que se passe-t-il ?
— Ce n’est rien, ma chérie ! Va te coucher.
Elle essuya ses larmes et essaya, au mieux, de masquer son inquiétude.
— Où est papa ? Il est fâché ! Il a claqué la porte.
Elizabeth, âgée de onze ans, grandissait à vue d’œil. Samantha ne voulait en aucun cas la perturber. Aussi, elle décida, pour la circonstance, de lui raconter un petit mensonge.
— Mais non, voyons ! Où vas-tu imaginer de telles choses ? La porte lui a échappé des mains, voilà tout. Et, maintenant ! Sois gentille ! Va te coucher ! Il se fait tard.
La petite remarqua la contrariété qui envahissait le visage de sa maman. Toutefois, elle préféra obéir. Lentement, elle remonta les marches. La tête baissée, elle repartit dans sa chambre.
Comme prescrit, Andrew devait prendre le train de 20 h 25. Dans la gare, il s’était précipité pour récupérer son billet. Parce que trop énervé ou bien à cause de son apparence blême, son comportement avait paru suspicieux aux yeux du personnel. De ce fait, on lui demanda ses papiers, au guichet. Depuis plusieurs semaines, des familles originaires de San Marina subissaient du chantage. En fait, on visait directement la vie de leurs enfants. En conséquence, elles déposèrent des plaintes auprès des autorités. Le shérif Barrett menait une enquête, mais malgré tous ses efforts, ne progressait guère. Cela cachait quelque chose de louche. C’est ainsi que la population commença à devenir nerveuse. Le climat avait cette tendance à la méfiance, comme dans cette gare.
Le train apparut, soudainement. D’un pas décidé, sur le quai, il se dirigea vers l’avant-dernier wagon et monta à bord. Une femme, plongée dans sa lecture et un vieil homme, quelques sièges devant, attendaient le départ. De façon générale, peu de monde prenait les trajets du soir. Malgré ses envies de révolte, il suivait les instructions à la lettre. Par conséquent, il s’assit à l’arrière du train et déposa, au préalable, la sacoche au-dessus de lui. La tête penchée en avant, il se demanda, encore, si tout cela n’était pas un mauvais rêve et qu’il allait bientôt se réveiller.
— Votre billet ! s’il vous plaît.
Andrew sursauta à la demande du contrôleur.
— Heu ! Oui ! un instant.
Il tendit le billet en dévisageant l’agent de la sûreté ferroviaire. Conscient que la situation ne se prêtait pas à être remarqué, il baissa les yeux et ne dit mot. Après une bonne minute qui lui parut interminable, il récupéra son ticket.
— Vous portez-vous bien, monsieur ?
— Comment ?
— Je vous vois regarder partout, vous semblez affolé. Avez-vous un problème ?
— Non, tout va bien. Répondit-il, nerveusement.
En raison de son expérience, l’agent soupçonnait, fortement, que l’homme cachait la vérité. Il ne savait pas si Andrew avait des soucis ou s’il s’apprêtait à en commettre. Dans la mesure où il ne pouvait reprocher son attitude, il s’éloigna.
Soudain, on ressentit une petite secousse, ce qui annonça le départ. Par instinct, Andrew se releva et saisit sa sacoche pour la garder, tout contre lui. Le train roulait vite et atteignait, à présent, son allure de croisière. C’était la première fois qu’il voyageait si tardivement. Toutefois, il connaissait bien le trajet, il le prenait tous les jours, pour se rendre à son travail. En dépit de la nuit, qui commençait à prendre possession des lieux, on percevait encore assez bien le paysage, au travers de la vitre. Malgré tout, en soirée, les sons semblaient amplifiés, si bien que le moindre bruit inconnu favorisait la frayeur. Tendu, il regardait sa montre et redoutait ce fameux virage, ce point de repère à partir duquel il devait agir. Cette décision de se soumettre à cet odieux chantage le mettait hors de lui. Perdre cet argent était presque sans importance. Il avait encore la possibilité de faire marche arrière et de se réfugier chez le shérif Barrett, pour tout expliquer. Samantha s’était clairement opposée à cela, prétextant que c’était trop dangereux, qu’ils ne devaient pas entrevoir cette solution risquée, pour leur fille.
Tout en relevant la tête, il s’aperçut que le contrôleur l’observait avec discrétion. Ce regard inquisiteur le mettait mal à l’aise, comme une impression qu’on lisait dans ses pensées. Puis, la femme avait replié son journal, prit son bagage et se dirigeait vers la sortie. On approchait de la prochaine gare. À contrecœur, il se leva et se déplaça vers l’arrière. Entre les deux wagons existait un espace, avec une petite fenêtre de train, laquelle pouvait s’ouvrir à 45°. Il attendait l’instant propice, plus exactement celui où l’on passe sur le pont. À travers la vitre, il aperçut les wagons de tête, il en déduisit qu’on amorçait le virage. C’était le moment d’agir. Il ouvrit la fenêtre et glissa la sacoche dans l’ouverture. Les instructions étaient précises : sur le pont, il devait balancer l’argent et ainsi clore tous ses ennuis. L’action, rapide, comme un éclair, se réalisa en toute discrétion et une fois faite, il remarqua une silhouette qui courrait, en contrebas, au pied du pont. En premier lieu, l’individu, muni d’une lampe torche, scruta le contenu du sac. Puis, il disparut, en douce, à bord d’une moto. Tristement, la beauté de la lune, dans cette nuit noire, ne pouvait pas servir à elle seule de consolation.
Abasourdi, par cet évènement, Andrew chancela quelque peu. Le contrôleur qui ne l’avait pas quitté des yeux l’aida à se rasseoir.
— Ça va bien, merci. Répondit-il ; après avoir recouvré ses esprits.
— Êtes-vous sûr ? Vous paraissez sonné.
Andrew le dévisagea de nouveau. Il prit conscience de cette assistance sincère, mais personne ne pouvait s’immiscer dans son affaire.
— Je vous remercie, j’ai éprouvé un moment de faiblesse, mais ça va, mieux, maintenant.
Le contrôleur n’insista pas. Andrew, la tête entre ses mains, se remémora toute l’histoire.
Sauf erreur, ce fut un vendredi aprèsmidi, deux semaines auparavant, lors d’une fête organisée par la famille Howard, que tout commença. Elizabeth avait reçu une invitation. Aux anniversaires, on avait pour habitude de convier tous les gamins de la résidence. C’était une belle journée ensoleillée. Dans une pièce spécialement préparée, pour le bonheur des enfants, au programme on distribuait ballons, serpentins et cotillons. En revanche, une table pourvue de quelques alcools attirait les grands. Le verre à la main, les conversations allaient bon train.
— Alors, Samantha ! Ma chère ! Quoi de neuf ?
— Peu de chose, Ashley, pour tout t’avouer. Beaucoup de travail à l’hôpital. D’ailleurs ! T’ai-je dit que la petite Kate attend son premier enfant ?
— Ha ! Non ! Elle doit rayonner de bonheur. Je me rappelle ce que l’on ressent à l’approche de cet évènement.
Ashley agitait sa main devant son visage pour évacuer les vapeurs de l’alcool. Elle resta songeuse et se remémorait ses propres émotions. Puis, soudain, elle s’exclama.
— À ce propos, en parlant d’enfants, je sais que ce n’est pas le moment approprié, mais as-tu appris la rumeur ?
— Celle concernant tous ces petits malades ? Ce n’est malheureusement pas une rumeur. Avoua Samantha.
Elle but son verre d’un trait et poursuivit.
— Depuis quelque temps, des enfants, toute une hécatombe ont des problèmes de cœur et des difficultés respiratoires.
— Alors les filles ! De quoi parlez-vous ? Intervint Alexander ; affichant un beau sourire.
— Heu ! De ta superbe cravate. Répliqua Samantha.
— D’accord, je vois. Je ne veux pas déranger. Je vous laisse entre filles !
— Maman ! Me permets-tu d’aller jouer, dehors, avec les autres ?
— Bien sûr, mais fais attention à tes vêtements.
Elizabeth était comblée de bonheur, car elle adorait ce genre de fête. Telle une coutume, comme à chaque anniversaire, les Howard avaient fait appel aux services d’un clown. Cela réjouissait les petits et les grands. Par conséquent, au-dehors, les enfants rigolaient de bon cœur, en le voyant réaliser ses pitreries. Toutefois, lorsque ce colossal bonhomme distribuait, entre deux tours, des friandises, les mamans montraient de gros yeux, par peur de la crise de foie.
— Comme elle grandit vite ta fille ! s’exclama Ashley.
— Oui, elle se transforme et bientôt elle me dépassera.
Durant toute l’après-midi, on ne signala rien de particulier qui pouvait attirer l’attention. C’était une fête comme les autres où tout le monde s’était bien amusé. La seule différence, ce fut Elizabeth qui afficha une petite mine, pendant le trajet de retour à la maison, de telle façon que Samantha s’en inquiéta.
— Ça va, ma chérie ! Tu n’as pas l’air bien.
— Depuis tout à l’heure, j’ai mal au cœur. Répondit-elle.
Spontanément, Andrew et Samantha cherchèrent une explication dans leurs regards. Allongée à l’arrière de la voiture, Elizabeth pâlissait à vue d’œil.
— Approche-toi, ma chérie. Je voudrais t’observer de plus près.
La paume sur le front, puis sur les joues, elle opérait un rapide diagnostic. Elle s’adressa à son mari.
— Elle a certainement de la fièvre, car elle transpire et ses joues semblent chaudes. On ferait mieux de faire demi-tour et l’emmener voir un médecin.
Sans connaître le contexte, on pourrait considérer ce genre de réaction comme exagérée. Toutefois, Elizabeth décrivait tous les premiers symptômes de ce mal étrange, ressemblants à ceux des autres enfants. En revanche, Samantha n’était pas de nature à se soucier inutilement. Andrew prit la direction de l’hôpital et notamment celle des urgences. Une fois sur place, Elizabeth se plaignait, sérieusement, de douleurs au cœur. Sa maman faisait au mieux pour la rassurer, tandis qu’Andrew se présentait à l’accueil.
— Bonjour monsieur Brown ! s’exclama l’infirmière.
Par exception, elle sortit de son bureau et vint à sa rencontre. La notoriété engendrait ce genre de réaction, de sorte qu’elle s’adressa à la maman.
— Bonjour Samantha. Qu’est-ce qui t’amène ? Rien de préoccupant, j’espère.
Afin de ne pas perdre de temps, Andrew préféra employer un ton de circonstance.
— Pourriez-vous appeler Moreno ? C’est important.
Le visage sévère qu’il affichait ne laissait aucun doute sur la gravité de la situation. L’infirmière décrocha le téléphone et pria le médecin d’intervenir au plus vite.
Une personne, de taille inférieure à la moyenne, vint à leur rencontre.
— Monsieur et madame Brown. Bonjour, que puis-je pour vous ?
De façon la plus formelle, il posa la question. Moreno est un homme soigneux. En effet, toujours vêtu d’une chemise et d’une cravate assorties, sous sa blouse, c’était sa signature. Les cheveux bruns, courts et ses grosses lunettes carrées en acajou, qui cachaient d’épais sourcils, lui donnaient constamment la physionomie de quelqu’un d’antipathique. La réputation de Moreno, d’homme mélancolique, définissait un être étrange, en particulier discret, peu bavard et capable de s’emporter avec le personnel, en cas de désaccord.
La cinquantaine, bien avancée, c’était toutefois un excellent soignant. Fort diplômé en chimie, il obtenait la reconnaissance de ses pairs. Madame Riley Cooper, la directrice de l’hôpital s’était appuyée sur ses compétences médicales pour l’affecter au poste de médecin principal. Pourtant, depuis quelque temps, la relation entre ces deux personnages n’apparaissait pas chaleureuse. C’est dans ce contexte que notre petite famille s’adressa à cet homme.
— C’est à propos d’Elizabeth. Elle se plaint d’un mal au cœur. Expliqua Samantha, les yeux larmoyants.
Les mains dans les poches, le stéthoscope autour du cou, il s’avança vers la fillette. Malgré la dureté que renvoyait son visage, il prodiguait des gestes très doux avec ses patients. Ainsi, Moreno emmena gentiment Elizabeth par la main. Il s’approcha de l’infirmière, murmura quelques consignes et lui confia l’enfant. Enfin, il revint vers les Brown.
— Soyez rassurés, le personnel qualifié va suivre, de près, votre fille.
Samantha avait l’habitude de ce genre de phrase, tout faîte ; cela ne le tranquillisait pas. Andrew ne comprenait pas ce qu’il voulait expliquer.
— Qu’allez-vous pratiquer sur Elizabeth ? Savez-vous ce qu’elle a ?
Les questions préoccupaient Moreno. Non seulement il pressentait qu’avec les Brown, il ne pouvait pas se permettre de donner de faux espoirs, mais en plus, ils attendaient des réponses.
— Écoutez, vous pouvez rester toute la soirée, ici, si vous le désirez. Tout ce que je peux vous révéler c’est que j’ai fait administrer un calmant à votre fille. Elle bénificie d’une surveillance constante. Je ne peux rien apporter de mieux, pour l’instant.
Aucun message ne transpirait de son regard noir et son attitude stoïque impressionnait. Par conséquent, quiconque devait connaître l’homme pour ne pas perdre confiance. À regret, ils durent admettre que le médecin avait pris la bonne décision. Andrew tint sa femme par la taille et l’emmena vers la sortie. Moreno les accompagnait des yeux. Puis, sans montrer la moindre émotion, il se dirigea vers l’ascenseur pour rejoindre son bureau.
Au volant de sa voiture, Andrew roulait prudemment. Quelque chose le perturbait, vis-à-vis du comportement de ce médecin. De son côté, Samantha se posait des milliers de questions, sur la santé d’Elizabeth. Ils restèrent silencieux pendant les premiers kilomètres, qui les séparaient de la maison. Toutefois, sans même se parler, fatalement, la première lettre anonyme refit surface, dans leurs esprits. Une semaine, auparavant, ils avaient découvert un étrange courrier. Tout d’abord, son contenu, de mémoire, figurait assez vague. Il faisait référence à une menace telle que verser une somme d’argent, sinon leur fille subirait du danger. Bien que cette lettre fût confectionnée à l’aide de caractères découpés dans les journaux, Andrew et Samantha avaient pris cette déclaration pour une blague. Aujourd’hui, ils justifiaient le fait de se poser l’interrogation sur les liens probables entre ce message et les problèmes de santé, de leur enfant. Un point demeurait certain : la maladie s’emparait d’Elizabeth. Parce que de nombreuses questions manquaient de réponses, Samantha se décida à parler.
— Crois-tu, mon chéri, qu’une relation existe entre la lettre anonyme et Elizabeth ?
— Je ne pense pas. De toute façon, nous le saurons bien assez tôt. Elizabeth ne tombe jamais malade.
— Tu as raison, j’occupe une place qui me permet d’être au fait qu’elle va passer une série d’examens.
Elle s’imagina tous les scénarios dans sa tête.
— Et si elle avait subi un empoisonnement ! annonça-t-elle ; à voix haute.
— Je te le répète, ma chérie, nous le saurons bientôt. Mais, si c’est le cas, croismoi, j’irai voir Barrett.
— J’ai tendance à fabuler, mais avoue que les quatre autres enfants qui ont des problèmes cardiaques, à l’hôpital, ne nous rassurent pas.
Andrew ressassait les paroles de Moreno. Après un instant, il lui fit part de sa réflexion.
— Non ! Ce que je trouve étrange, c’est Moreno. Pourquoi ne paraît-il pas plus inquiet que cela ? Pourquoi n’a-t-il pas ausculté notre fille ? s’ajoute à cela ; il ne lui a posé aucune question. Il n’a pas cherché à savoir depuis quel moment ces problèmes de cœur ont débuté.
— Oui ! C’est vrai, ce que tu dis là, je n’y avais pas prêté attention. Renchérit Samantha, avec de grands yeux écarquillés.
— Soit, il ne prend pas conscience de la gravité. Soit, nous exagérons et les risques s’avèrent mineurs. Je te l’affirme, Samantha, je trouve bizarre ce médecin.