Le neuvième cercle - Bruno Bouchière - E-Book

Le neuvième cercle E-Book

Bruno Bouchière

0,0

Beschreibung

Après «Pretium Doloris», Bruno Bouchière est de retour avec une nouvelle enquête entre Oléron et Niort !

Un cadavre flottant, ramené sur le rivage par la tempête Xynthia et qui porte d’étranges stigmates, est découvert aux pieds du pont de l’île d’Oléron. Yankee et sa brigade spécialisée dans les meurtres à caractère rituel et ésotérique sont appelés sur les lieux.

En parallèle, Gautier est sollicité par une ancienne collègue de la MASF qui s’inquiète de la disparition de son père, notaire à Niort.

Le couple improbable d’enquêteurs de Pretium doloris va de nouveau se retrouver au cœur d’une étrange série de meurtres qui suit une logique implacable et mystérieuse.

Cette enquête va mettre en lumière un secret monstrueux.

Découvrez une nouvelle enquête en Charente-Maritime, à la recherche de la vérité qui entoure une série de meurtres bien étranges, dans un polar à l'intrigue haletante !

EXTRAIT

Gautier n’ayant jamais de montre ne se rendit pas compte du temps qui s’était écoulé avant qu’il n’entende la sirène des pompiers suivie des sons plus habituels pour lui des véhicules de police.
Yankee se précipita vers la cabane suivi du Capitaine des pompiers de St Trojan : « Avant de faire quoi que ce soit, il faut nous assurer qu’il s’agit bien d’abeilles ou de ce genre de saloperies ! »
Le pompier acquiesça : « Donnez-moi une lampe torche, beugla l’Américain, je vais jeter un œil à l’intérieur !
− Vous êtes complètement taré ! répondit Gautier, vous n’avez aucune idée du danger ma parole ? »
Mais l’Américain ne l’écoutait plus et avait déjà allumé la Maglite que lui avait tendue le pompier avant de couper le cadenas.
Il entrebâilla la porte de la cabane pour la refermer aussitôt, entouré par une dizaine d’abeilles qui lui tournaient autour du crâne : « Bordel de merde, arrosez-moi ce merdier ! »
− Cela risque d’endommager sérieusement les preuves, fit remarquer un policier de « La scientifique ».
− Je n’ai pas d’autre choix, rugit Yankee, et si vous avez une meilleure idée je suis preneur !
− J’en ai une, répondit le Capitaine des pompiers. J’ai quelques notions concernant les abeilles. Elles sont généralement pacifiques, sauf quelques cas d’abeilles tueuses ! Mais nous n’en avons que très peu par ici. Par contre, nous possédons toujours dans le camion des combinaisons que nous utilisons contre les insectes, ajouta le Capitaine des pompiers

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

À PROPOS DE L'AUTEUR

Bruno Bouchière est responsable de projets en Ressources Humaines et Formation au sein de la MAAF.  Le neuvième cercle est son second polar après Pretium doloris – Meurtres au pays des mutuelles paru chez le même éditeur. Il vit à La Crèche.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern

Seitenzahl: 298

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.


Ähnliche


LE NEUVIème cercle

Collection dirigée par Thierry Lucas

© 2014 – Geste éditions – 79260 La Crèche

Tous droits réservés pour tous pays

www.gesteditions.com

Bruno Bouchière

LE NEUVIème cercle

3 personnes peuvent garder un secret… 

… Si deux d’entre elles sont mortes.

Benjamin Franklin

Le danger n’est pas de traverser l’enfer, le danger c’est le mal et l’attraction qu’il procure, les pulsions sexuelles qu’il déclenche, la jouissance qui en découle.

Je suis le voyageur, je suis le sadisme ou la bonté, le mensonge ou la vérité !

Je suis le disciple d’Aristote, le maître de « Ceux qui savent » !

Je suis le voyageur, j’irai vers l’obscurité, le bruit, la puanteur du cloaque des âmes, j’irai jusqu’au fond de la terre.

Je suis le voyageur, je suis le mal, l’horreur… Ce que je vais entreprendre je dois le mener à bien, pour lui, pour les autres, sans doute… 

… pour Dieu, peut-être.

J’irai jusqu’au bout… 

… Et j’ai peur !

Dans la forêt obscure

La mouette se laissait porter nonchalamment, bercée par le léger clapot du ressac.

Elle était indifférente aux beautés alentour : les parcs à huîtres qui émergeaient lentement avec la marée basse, le clocher de Marennes qui tranchait l’horizon, la lumière diaphane du soleil levant, la silhouette du pont d’Oléron et ses ampoules bleues, Fort Louvois… 

La mouette laissa échapper un ricanement idiot lorsque son radeau improvisé heurta un bouchot, la privant de sa quiétude matinale.

Puis, à contrecœur, elle s’envola, mais auparavant se soulagea quelque peu sur son support flottant.

Il est vrai que la mouette ne respecte rien, même pas les cadavres.

Car il s’agissait bien du corps d’un homme que la tempête Xynthia avait ramené jusqu’au rivage.

Il portait d’étranges stigmates et des scarifications que l’effet de l’eau et la putréfaction naturelle n’avaient pas encore effacés.

Son torse était recouvert de motifs curieux qui pouvaient s’apparenter à une sorte de tableau, une peinture rupestre.

Cette manifestation d’art n’avait en aucun cas ému la mouette qui tourna une ou deux fois au-dessus du cadavre puis disparut vers les claires.

Car, malheureusement, il est également avéré que la mouette n’a aucun sens artistique !

*

Utiliser le mot « Scène de crime » eut été exagéré tant la situation était iconoclaste : des enquêteurs en cuissardes qui tentaient vainement de récolter des indices sur un corps trempé et en décomposition avancée, des spécialistes de la recherche de preuves et des photographes de l’identité judiciaire tournant et retournant autour des bouchots dans un concert de bruits douteux et chuintements liés aux bottes qui s’enfonçaient dans la vase puis s’en extirpaient avec peine, comme autant de silhouettes fantomatiques du petit matin.

C’était un brave touriste en pleine quête de palourdes qui avait découvert le corps.

Il avait fallu prévenir le SAMU car le choc de cette découverte l’avait, disons, quelque peu secoué.

Le corps fut extrait de l’élément iodé pour atterrir dans un compartiment plus frais à la morgue de La Rochelle.

L’ordre était tombé de très haut : « On vous envoie quelqu’un, un spécialiste ! Mais avant, silence complet – pas un mot à la presse et ne touchez pas au corps. »

Le Capitaine Roussel haussa les épaules : « Si ça les amuse, grommela le policier, qu’ils envoient leur gugusse, nous on va commencer à chercher qui c’est ce type. »

Les lieutenants présents se mirent au travail, non sans une certaine mauvaise humeur, liée au fait qu’une fois de plus ils avaient le sentiment qu’on les prenait pour des billes.

L’information qu’ils attendaient ne tarda pas à tomber : le gugusse en question, « The » spécialiste, officiellement détaché de la capitale était en fait le responsable de la toute dernière création du 36 quai des Orfèvres – « La section des crimes et délits ésotériques et rituels ». Il faut vivre avec son temps !

« Tout un programme, grogna Roussel ! Si ça se trouve, c’est le même qui a démantelé « Le gang des capotes roses ».

Il faisait allusion à un épisode marquant de la vie trépidante niortaise qui avait eu lieu quelques années auparavant et qui avait très sérieusement ébranlé le petit monde des mutuelles locales – la MASF en particulier.

Une série de morts subites avait frappé une dizaine de jeunes gens dans la force de l’âge. Série qui avait pour origine une toxine glissée judicieusement à l’intérieur de préservatifs roses.

Celui qu’on surnommait « l’Américain » s’était illustré en mettant au jour une secte locale dont l’activité ne s’était jamais éteinte et qui commanditait lesdits crimes.

Depuis ce haut fait d’armes et, jalousie oblige, on nommait « l’Américain » ou encore « Yankee » le spécialiste des capotes roses !1

*

Aux antipodes de toute cette agitation, assez inhabituelle il est vrai dans un commissariat Rochelais, Jacques Gautier, dans une pièce de sa maison de La Crèche aménagée en bureau, ramassait quelques notes éparses pour reconstituer un énième écheveau tout en écoutant une compilation de Judas Priest.

Quatre années s’étaient écoulées depuis qu’il avait mis fin, avec Yankee, à la « Secte des idolâtres », laquelle organisation était responsable d’une série de décès qui avait mis fin aux jours de jeunes gens principalement issus de la MASF, Mutuelle d’Assurance des Salariés de France.

Au cours de cet épisode, il avait connu les affres du décès de son ex-épouse dans des circonstances affreuses, mais aussi la redécouverte du bonheur de vivre en couple grâce à l’amour que lui portait sa nouvelle conjointe Véronique.

Depuis, Véronique avait été mutée au siège de la MASF où elle occupait un poste de Chef de produit – titre pompeux mais qui ne veut pas dire grand-chose en fait si on y regarde de près, tant ils sont nombreux à sévir sur le site et tellement dispersés dans leurs activités qu’ils en deviennent aussi faibles que des virus qui se développent trop vite.

Sa fille Amandine avait douze ans et commençait à entrer de plain-pied dans l’âge ingrat avec une acné annonciatrice de futures heures difficiles entre autres maux liés à la perte de sa mère dans des conditions atroces.

Grâce aux largesses de Yankee, Gautier, lui, avait renoncé à sa fonction d’inspecteur corporel au sein de cette même MASF pour se consacrer à l’étude de la criminologie et du profilage en particulier.

Il collaborait de temps à autre avec les policiers et donnait également des cours en faculté – Poitiers, Bordeaux, Rennes.

Sa maîtrise de droit, mal nécessaire pour un inspecteur corporel de base, lui avait permis de passer trois années d’études pour obtenir le précieux sésame de profileur – En Français !

En fait Gautier avait surfé, comme on dit, sur la mondialisation du phénomène des « Serial killers ».

En effet, contrairement à un bourrage de crâne savamment orchestré par les médias, ce phénomène n’est pas uniquement un pur produit des USA.

La Chine a eu son serial bomber, l’Égypte, son infirmière de la mort, la Colombie son « Monstre des Andes », les femmes de Ciudad Jarez au Mexique, etc., etc.

Et dans notre beau pays qu’est la France ? Que nenni, nada, nothing ! Les serial killers ne sont, officiellement, qu’un produit américain. Fermez le ban.

Fort heureusement, et les mentalités changeant, quelques esprits plus ouverts que les autres chez les fonctionnaires de la police nationale commencent à envisager le phénomène du serial killer comme un fait planétaire et pas endémique de telle ou telle nation.

Par ailleurs, la France s’est dotée de l’outil SALVAC, qui est une base de données importante en matière de meurtres résolus ou non, d’agressions sexuelles, de viols, bref toutes ces joyeusetés qui font de notre beau pays un lieu où il fait bon vivre. Mais SALVAC n’en est qu’à ses débuts.

En complément du SALVAC, les fameux profileurs, ou encore psycho-criminologues ou analystes comportementaux sont les dépositaires des profils psychologiques mais ne sauraient remplacer une bonne enquête de papa !

Par ailleurs, et depuis 2003, les profileurs français doivent tous être des OPJ.

En reconnaissance des services rendus dans la résolution de l’affaire des « Idolâtres », Gautier avait obtenu une dérogation du Ministère de la Justice et l’autorisation officielle d’exercer.

Il gardait encore de fréquents contacts très généralistes avec ses anciens collègues de boulot MASF, à l’occasion de remise de médailles, de pots de départ en retraite – grotesques et hypocrites mises en scènes où, devant trois cacahuètes, des pistaches et un verre de mousseux tiède chacune et chacun déblatéraient les sempiternelles et admirables conneries sur le collègue admis à faire valoir ses droits à la retraite – c’est ainsi que l’on balaye trente ans ou plus de bons et loyaux services !… 

… et enfin, lors des enterrements de collègues plus âgés ou ayant fait un passage plus rapide sur terre.

Il avait gardé, par contre, un « Cercle » très restreint de collègues ayant plus ou moins d’ancienneté dans la maison avec qui il passait d’interminables soirées arrosées − trop arrosées ! − À refaire le monde et à critiquer tout ce qui bougeait alentour.

Il avait assisté dernièrement au départ en retraite d’un brave type de la MASF, un obscur gestionnaire sinistre, tout dévoué au culte des cas de barème et de la gestion en droit c­ommun.

Il avait la mine aussi heureuse qu’un futur opéré qui entre en salle d’anesthésie avant un triple pontage et, visiblement, l’idée de retrouver bobonne toute la journée, la semaine, le mois et le reste du temps ne l’enchantait guère.

Ses collègues avaient été généreux et lui avaient offert une magnifique barque de pêche avec moteur et tout le tremblement, des bouteilles de vin, et un proche avait osé gribouiller un tableau qui représentait une bestiole immonde et indéfinissable.

Plus qu’une croûte, c’était un véritable ­prurit !

C’est à cette occasion que la fille avait demandé un entretien en privé à Gautier. Il la connaissait. Elle s’appelait Marylise et devait bien avoir passé la quarantaine mais exhibait une silhouette enchanteresse. Seuls son visage assez marqué et une peau en mauvais état atténuaient les pulsions qu’elle pouvait susciter chez la gent masculine, d’autant que c’était une irréductible célibataire qui cumulait les conquêtes, en quête du grand amour sans doute ! Mais le maquillage sait effacer beaucoup de défauts !

Elle bossait au corporel médian, d’après ses souvenirs.

Le corporel médian c’est entre un légume coupé en rondelles et un légume en julienne. Les victimes ne sont pas assez touchées pour finir leurs jours dans un état de délabrement mais ne le sont pas assez peu pour toucher une indemnisation rapide : « Pas ici, avait-elle dit, il y a trop d’oreilles indiscrètes ! »

Ce sur quoi elle n’avait pas tort : « Sortons si vous le voulez bien, intima Gautier. »

Ils se retrouvèrent sur le parking de l’espace « Avenir », propriété de la MASF à Chauray : « Mon père a disparu ! »

Gautier s’appuya sur une voiture : « Le mien aussi, hélas !

− Je ne plaisante pas.

− D’accord, je plaisantais. Disparu, comment ça, et depuis quand ?

− À peu près depuis la tempête, cela fait… »

Gautier compta mentalement : Xynthia, le 28 février, nous étions le mercredi 03 mars : « Quatre à cinq jours ?

− Oui, c’est ça.

− Qu’est ce qu’il fait dans la vie ce brave homme ?

− Il est notaire à Niort.

− Ah, l’étude Papinaud c’est lui ? Je n’avais pas fait la relation avec vous : « Marylise Papinaud, pensa Gautier, voila qui sent bon la France, comme Maurice Chombier ou Bernadette Chouinard ! » Il se rendait où quand il a disparu ?

− À vrai dire, je n’en sais rien. Il fait partie de toutes sortes de clubs et amicales où ils se retrouvent tous.

− Qui ils ? »

Elle balaya l’air de sa main : « Des notables comme lui, d’autres notaires mais aussi des avocats, des médecins, des conseillers généraux, des dirigeants des mutuelles aussi, sans doute… Il reste très discret sur ses activités, vous savez.

− J’imagine, murmura Gautier songeur, je peux vous poser une question, disons, justement assez indiscrète ?… 

− Je vois ce que vous allez me demander… 

− … Je vous écoute… 

− … S’il avait une maîtresse ?

− Par exemple, ou un amant, je ne suis pas sectaire ni homophobe ?

− Ma mère est morte il y a presque cinq ans dans des circonstances dramatiques, Monsieur Gautier… 

− C’est-à-dire ?

− Elle s’est pendue sans donner d’explications, du moins, pas à moi… Donc il n’aurait pas besoin de se cacher, si vous voyez ce que je veux dire ?

− Vous marquez un point ! C’était juste une question. Et que voulez-vous que je fasse ? Je ne suis pas enquêteur privé.

− Vous avez vos entrées dans la police, Monsieur Gautier. À moi ils ne veulent rien dire. Ils se contentent de hausser les épaules et de me demander d’attendre. Et puis il y a l’autre… 

− Quel autre ?

− … Le cadavre qui a été retrouvé à Marennes. Il n’a pas encore été identifié. Vous ne lisez pas le journal ?

− Non, désolé. Excusez-moi !

− C’est moi qui m’excuse. Je suis très inquiète et j’ai peur que ce corps soit le sien. J’en deviens agressive.

− Pourquoi à Marennes ? Qu’est ce qu’il pourrait faire là bas ?

− Nous avons une maison sur l’île d’Oléron, à Saint Trojan précisément.

− Et le téléphone ? Fixe ou portable ?

− Les flics ne veulent rien lancer pour le moment, je vous le répète. En fait, je crois qu’ils s’en foutent !

− Et vous n’avez pas été vérifier sur place ?

− Les voisins l’ont fait pour moi et la maison est vide, désespérément vide.

− Et son portable ? Je veux dire, informatique.

− Il est à la maison mais je n’ai pas son code d’accès.

− Ma question était très conne, oubliez-la.ça se complique un peu, avoua Gautier. Mais je pense que vous seriez déjà au courant à mon humble avis si ce cadavre était celui de votre père. Écoutez, je ne vous promets rien.

− Admettons. Si c’est de l’argent que vous voulez, ce n’est pas un problème !

− Là, vous m’insultez chère enfant.

− Je ne voulais pas, excusez-moi.

− Donnez-moi vos coordonnées et je vais voir ce que je peux faire. »

Il laissa les protagonistes du pot de départ à leurs agapes et rejoignit sa voiture avec un sourire narquois : des notables ! C’est ce qu’elle avait dit. Mais de façon évasive et d’un ton péremptoire qui ne souffrait aucune question complémentaire.

Il n’était pas certain du tout que cette petite en sache aussi peu qu’elle le laissait paraître.

Demain matin, il téléphonerait quand même à La Rochelle, sans trop d’espoir que les flics soient plus prolixes avec lui.

Il enclencha « Rust in peace » de Megadeth et repartit vers la crèche.

Entre une mise à la retraite et un notable disparu dans la nature, le titre paraissait approprié !

*

L’air sentait l’eau de javel agrémentée d’un désinfectant industriel.

Le légiste resta quelques instants prostré, comme en admiration devant le corps puis il enfila sa tenue à usage unique, posa son masque anti projections sur le visage et l’ajusta soigneusement.

Il fit de même avec sa charlotte puis chaussa ses gants anti coupures sous sa paire UU.

Avec ses bottes en caoutchouc, il aurait pu passer pour un ramasseur de coquillages, les autres accessoires en moins, bien sûr !

En face, l’Américain avait refusé de porter quoi que ce soit et avait envoyé balader copieusement le protocole en place.

Ce que voyaient les deux hommes les rendait perplexes :

Depuis le pubis, des arbres ou une forêt, stylisés en vert faisaient place à une sorte de chemin qui remontait vers le pectoral droit.

La base de ce chemin, sorte de pyramide était évasée au-dessus des organes génitaux du mort pour remonter vers une colline en arrière plan, ou peut être une vallée ? nota mentalement l’Américain.

Le soleil émergeait au-dessus de cette colline ou vallée.

De l’autre côté, sur le pectoral gauche, ils pouvaient entrevoir la silhouette d’une panthère accompagnée d’un lion et d’un chien, du moins quelque chose qui ressemblait à un chien ou un canidé.

Le visage était maquillé comme celui d’une statue antique.

« Ça pourrait représenter n’importe quoi », souligna le légiste.

− Je ne crois pas au « N’importe quoi » ajouta l’Américain, il doit y avoir une ­explication.

− À vue de nez, ce type est mort vidé de son sang. Vous voyez cette trace d’aiguille sur le bras ? Et sans vouloir trop m’avancer… 

− Mais un peu quand même, demanda Yankee.

− Je pense que les peintures, appelez ça comme vous voulez, ont été diluées avec le sang de la victime. Il en a fallu beaucoup, beaucoup de sang. Le tueur s’est repris plusieurs fois, comme s’il effaçait et recommençait une toile. Il y a un arrière-plan au fusain ou du moins un pigment noir qui lui ressemble.

− Et bien, nous savons au moins qu’il s’agit d’un artiste. Cherchez du côté de ce mélange.

− Ça nous change des bourrins habituels. Je trouve cela assez excitant.

− Oh toubib, ce n’est pas un adolescent cette fois-ci. Calmez vos ardeurs habituelles. »

Ce brave légiste était homosexuel et savait rappeler qu’il préférait autopsier des corps plus jeunes : « toujours aussi drôle Yankee. Je vais faire analyser les pigments.

− Ce type a peint une allégorie. Vous avez une idée de ce que ça représente ?

− Que dalle. En tout cas c’est de la qualité pour avoir résisté à l’eau de mer.

− Vous pensez qu’on pourrait retrouver le point de départ de son voyage ?

− Oh Yankee, je suis légiste, pas hydrologue ou je ne sais quoi.

− Ça je sais, le seul liquide que vous êtes capable d’analyser c’est du Ricard ou la moiteur d’un jeune éphèbe !

− La perfidie liée à l’humour ne mène nulle part, et sachez que vous n’êtes pas mon genre l’Américain.

− Dieu me préserve de le devenir un jour toubib, continuez… 

− … Chez le cadavre frais, disais-je avant cette interruption saugrenue, de nombreux signes sont fréquemment retrouvés, et sont parfois considérés de façon abusive comme des marqueurs de la noyade, par exemple la cyanose des extrémités, une congestion en pèlerine, une congestion multi viscérale, des pétéchies sous-conjonctivales ou sous-cutanées, une peau ansérine, je continue ?

− J’adore votre poésie toubib… 

− Ça m’étonnerait ! Enfin, chez le cadavre putréfié, il n’existe en règle générale aucun élément d’observation permettant d’affirmer voire seulement d’évoquer la noyade vitale. Aux signes classiques de la putréfaction vont se surajouter un certain nombre de phénomènes comme la macération des téguments, un détachement cutané en gant ou en chaussette, et plus tardivement la transformation en adipocire « Gras de cadavre » ou des incrustations calcaires. Tous ces signes témoignent seulement d’un processus de décomposition en milieu humide ou hydrique, et sont sans valeur pour apprécier la cause du décès.

− Cherchez quand même. Quand nous saurons d’où il vient nous pourrons peut être reconstituer son emploi du temps et, toubib, attendez avant de le charcuter, termina Yankee, j’aurais besoin de faire des croquis et de prendre d’autres photos. Peut être que j’interrogerai des peintres sur ce mélange. Si vous avez raison toubib !

− J’ai toujours raison, sans vouloir vous vexer. Faites comme vous voudrez mais faites vite, si vous voyez ce que je veux dire ? »

Yankee haussa les épaules. Cela faisait des années qu’il voyait et revoyait toutes sortes de cadavres.

Il savait, de fait, que la décomposition allait s’accélérer, rendant plus difficiles encore les recherches d’indices.

Mais une fois de plus, ce qu’il cherchait n’était pas étendu sur la table.

« Déjà, je lance un appel à témoins avec une photographie de son visage tel qu’il est. Nous verrons bien. »

Son portable vibra et il mit la main dans sa poche… 

*

Gautier avait téléphoné au commissariat de La Rochelle dès le lendemain matin.

Il fut accueilli fraîchement. Le flic n’avait pas envie de parler de l’affaire – secret de l­’instruction.

Il se contenta d’un : « De toute façon on nous a retiré l’affaire, il faut voir avec l’Américain.

− L’Américain ? »

Gautier eut un mauvais pressentiment qui lui rappela un passé pas si éloigné que ça : « Oui, un grand type avec une queue de cheval, un ponte de Paris.

− C’est un catogan, pas une queue de cheval, rectifia Gautier.

− Vous le connaissez ? Le ton du flic sembla se radoucir.

− Nos chemins se sont déjà croisés.

− Alors, appelez-le, vous voulez son portable ? »

Ce que fit Gautier.

« Nom de Dieu, Gautier ! Comment avez-vous eu mon numéro ?

− Vous le refilez à tout le monde, ce n’est pas de ma faute.

− Ils sont vraiment très cons ces Rochelais ! Qu’est ce que vous devenez ?

− Grâce à vous, je vais bien. Je profile, je profile !

− Parfait, parfait. Mais vous m’appeliez pourquoi ? Certainement pas pour me raconter votre vie ?

− Je cherche quelqu’un qui a disparu.

− Très original ! Ce n’est pas le rôle de la police en principe ?

− Hélas, vos collègues ne sont pas aussi dévoués que vous grand Maître. Et puis vous faites toujours partie de la police, il me semble ?

− Mais vous savez aussi que ce n’est pas mon rayon… 

− Ça dépend. Il parait que vous êtes sur le cadavre de Marennes.

− Exact, et alors ?

− C’est peut être mon bonhomme.

− C’est qui votre gus ?

− Maître Papinaud, un notaire de Niort.

− Nous n’en savons rien encore, le corps a été travaillé, disons, de façon très particulière. Pour le moment, toute identification est délicate. Le corps a séjourné longtemps dans l’eau.

− Je suis patient.

− Et entêté, je sais. Mais j’y pense, pourquoi vous ne viendriez pas ? Votre intuition est précieuse.

− Elle l’était, mais l’est-elle encore ?

− Nous vérifierons. Ne vous faites pas désirer Gautier, sinon je vous balance entre les bras du légiste ! Vous faites quoi en ce moment à part rechercher des gens ?

− Rien de particulier.

− Alors, venez. Vous savez où est la morgue de La Rochelle ?

− Je trouverai.

− Je vous envoie un SMS. Et après nous irons déjeuner quelque part, pour parler du bon vieux temps. Vous devez avoir des adresses sympas, non ?

− J’en ai. Ce qui me rassure, murmura Gautier, c’est que vous ne pensez toujours qu’à bouffer !

− Et à boire Gautier, et à boire… »

*

Le ventilateur brassait l’air dans lequel se mélangeaient relents de formol et divers fluides corporels.

Le légiste avait mis une musique que Gautier identifia comme du Bach ou du Dietrich Buxtehude dans toute sa gaîté baroque.

Il aurait largement préféré « I love the Death » ou « Welcome to my nightmare » de Alice Cooper, pour rester dans le ton général mais le légiste préférait d’autres mélopées.

C’était la première fois que Gautier entrait dans une salle d’autopsie et il se jura que ce serait sans doute la dernière tant il se sentait mal à l’aise.

Assurément il avait tort de penser cela mais il ne le savait pas encore !

Yankee et le légiste se retournèrent comme un seul homme : « Monsieur Gautier, quelle bonne surprise ! hurla le légiste avec une petite voix de fausset. Qu’est-ce qui nous vaut cette visite ?

− C’est moi qui lui ai proposé de venir, précisa Yankee qui lui serra chaleureusement la main, en lui broyant quelques phalanges au passage. Voilà la bête Gautier. »

Le légiste venait d’extraire le corps de son casier réfrigéré et l’avait fait glisser sur la table d’autopsie avec l’aide d’un jeune assistant à qui il envoyait des œillades appuyées.

Gautier en siffla d’admiration : « Nous avons affaire à un véritable artiste !

− N’est ce pas, ajouta Yankee, ça vous inspire quoi ?

− Patience, patience. Laissez-moi le temps de l’examiner. Le profilage n’est qu’observation et minutie.

− Dites-moi Gautier, vous n’avez pas l’impression de vous la péter un peu ? Demanda Yankee.

− Je déconnais, messieurs. Vous l’avez trouvé où ?

− C’est la mer qui l’a déposé sur la vase. Nous supposons que c’est Xynthia qui a transbahuté le corps.

− Dommage, car nous n’avons pas de scène de crime n’est-ce pas ?

− Exact.

− Pourtant, la scène de crime est un plan merveilleux : la disposition des lieux, la configuration du ou des corps, leurs attitudes dans la mort, les angles de vue, les ombres, la lumière, les taches de sang et autres fluides douteux… 

− Et alors ?

− … Ce n’est pas évident devant un corps étendu ou une photographie.

− C’est bien ce que je disais, rugit Yankee, Monsieur se la pète !

− Rien de tout cela Yankee, ce sont les bases d’une bonne investigation, et surtout, j’aime comprendre avant d’agir, c’est tout.

− Je suppose, rétorqua l’Américain, que vous avez entendu parler des premières quarante-huit ?… 

− Pas vraiment, non.

− Les chances de résoudre un homicide diminuent quasiment de moitié quand on n’arrive pas à le faire dans les 48 heures. Donc ?

− Donc Xynthia vous a mis dans la merde, pérora Gautier.

− Voilà mon vieux, vous avez tout compris. Alors, cette œuvre d’art sur viande vous inspire quoi ? »

*

Gautier regarda longuement le corps étendu devant lui : « À votre avis Docteur, il pèse combien ?

− Environ 100 kilos.

− Donc on peut en déduire que nous avons affaire à un tueur costaud, très costaud même. Sauf si la victime était en confiance.

− Vous voulez dire s’il la connaissait ? demanda Yankee.

− C’est possible.

− Ou alors ils étaient plusieurs, ajouta l’Américain.

− Statistiquement, c’est assez rare, rétorqua Gautier, du moins si nous avons affaire à un tueur organisé. Ce qui semble être le cas. Nous avons des exemples de jumeaux impliqués dans un crime commun, mais c’est extrême.

− Avec des sextuplés, ça doit être très amusant, ricana le légiste. »

Le flic lui jeta un regard consterné. Gautier continua : « Mais vous savez déjà tout ça Yankee, termina l’ex-inspecteur corporel.

− Possible Gautier, mais je suis impatient de connaître la suite de votre analyse. D’autant plus que généralement si le visage de la victime n’a pas été détruit ou rendu méconnaissable, cela veut dire que le meurtrier ne la connaissait pas ce qui peut étayer aussi l’hypothèse d’un tueur désorganisé.

− Je sais, mais le rituel, les peintures vont dans le sens d’une parfaite organisation, bien au contraire. Avez-vous trouvé des traces de violences, de tortures ?

− Mise à part la trace de piqûre, non, répondit le légiste. Pas de traces de violences sexuelles non plus. Mais je vérifierai plus avant.

− Pour ça je vous fais confiance ! Sans lieu de crime, on peut se laisser aller à toutes sortes d’hypothèses, ajouta Yankee.

− C’est vrai mais je persiste et signe. Pour moi, tout a été parfaitement planifié et contrôlé, dans le temps je veux dire. Car il en fallut du temps pour réaliser ce petit chef-d’œuvre rupestre.

− Pourquoi dites-vous « Rupestre » ? Demanda Yankee.

− Parce que certains stigmates ressemblent à des peintures indigènes. Je ne suis pas un spécialiste, mais je maintiens qu’il y a une certaine maîtrise des pigments de couleur. On retrouve parfois cette technique chez les autistes ou chez des peuplades que nous, êtres soi-disant supérieurs et autorisés à raconter n’importe quelle connerie, qualifions de sous-développées comme les aborigènes d’Australie par exemple, mais je ne suis pas expert, je vous le répète.

− Et en plus il a mélangé ces pigments avec le sang de la victime, précisa le légiste, j’en suis quasiment certain.

− Ce qui nous ramène à la planification, murmura Gautier, il nous faut trouver le message qu’il y a derrière.

− S’il y a un message, ronchonna Yankee. C’est peut être un simple artiste meurtrier après tout.

− Je n’en suis pas persuadé, renchérit Gautier, il veut nous dire quelque chose. Nous mettre sur une piste.

− Vous pensez qu’il y en aura d’autres ?

− Très honnêtement, je ne vois pas quel intérêt aurait eu notre criminel à se donner autant de mal, car il s’est donné du mal, pour en rester là. Il y a quelque chose d’autre, de plus profond. J’ai un mauvais pressentiment. Je crois qu’il faut nous attendre à bien pire. C’est un jeu de piste malsain qui commence, et pour moi, ce n’est pas l’œuvre d’un psychopathe mais de quelqu’un qui cherche à délivrer un message. Ce quelqu’un veut dire quelque chose, quoi ? Et à qui ? C’est ce qu’il nous faut découvrir et vite fait à mon humble avis !

− Je fais confiance à vos pressentiments, et pour cause. J’ai quelques souvenirs qui me reviennent. Il nous faut le pedigree de ce type, murmura Yankee, et vite.

− Est-ce que je peux envoyer la photo du corps à ma cliente ? » Demanda Gautier.

Yankee balaya l’air d’une façon qui voulait dire : « Je m’en fous royalement. »

Gautier prit des photos sous plusieurs angles avec son portable. C’était une des rares applications qu’il savait utiliser.

Il envoya les photos à la fille.

Au cas où !

Puis ils allèrent déjeuner sur le port de La Rochelle car il fallait quand même que les activités normales et salutaires reprennent leur cours.

Et pour sceller de nouveau leur association, ils prirent trois tournées de pur malt.

On ne se refait pas !

Par contre, l’un comme l’autre savait qu’ils venaient une nouvelle fois de mettre le pied dans un sacré merdier.

Gautier, un peu alcoolisé il est vrai, récupéra son véhicule et prit la direction de Niort.

1. Relire « Pretium doloris – Meurtres au pays des mutuelles ». Du même auteur.

La porte de la cité dolente

« Going back to the beginning

We were only seventeen

I thought that we would last forever

But I was just too young to see

You took our love into your sunset

And left me dealing with the pain

When I think of you it brings a feeling

I can still remember

I was crying in the rain

It was the first time

Feeling lost and blind

And the story’s never ending

Someone’s heart in need of mending… 

La voix rauque de Jorn Lande, le chanteur de Masterplan, égrenait une énième fois « The dark road ».

Il replia « La nouvelle république » et se replongea dans ses pensées : « Ainsi Xynthia a déposé ‘‘Turnus’’. J’aurais préféré que le corps reste chez lui mais finalement la tempête m’a bien aidé. Heureusement que je n’ai pas été surpris comme tous ces pauvres gens.

La police pourra bien chercher. Ils ne trouveront rien car je n’ai rien laissé sur la scène de crime. Et puis l’eau a tout balayé.

À l’heure qu’il est ils doivent se demander la signification des signes.

Ils vont retrouver son identité et sa maison puis ils chercheront des pièces à conviction qu’ils ne trouveront pas.

Et ils ont compris que le temps presse, que je ne vais pas en rester là.

Vous avez des montres et vous regardez l’heure. Moi, j’ai le temps !

J’ai le temps d’une adolescence, celui d’une vie, balayée comme la tempête a balayé la côte en générant l’horreur et la désolation et en mettant à nu le plus noir de l’âme humaine, ses magouilles et atermoiements.

C’est au tour de ‘‘Charon’’ maintenant.

Nous allons voir s’il aime la compagnie de mes petites amies. »

… Now I stand on the dark road

Feeling so cold

And I dream of a place

For tomorrow without sorrow

Where my heart is never blue

The day goes on

And soon the lights grow dim

And my neon city shines the night

I wonder what waits up ahead for me

I still try to find the signs

I have learned to be the lonely

And I’m not the only one − No !

I found my own way of reason

And some kind of peace of mind… 

*

Le Bluetooth avisa Gautier qu’il avait un appel. C’était Marylise Papinaud : « Ce n’est pas mon père et je ne sais pas de qui il peut s’agir. Désolée ! »

La fille était on ne peut plus claire et Gautier se contenta d’un : « Tant pis !

− Par contre, j’ai oublié de vous dire quelque chose, reprit-elle.

− Quoi donc ?

− Mon père va souvent se reposer dans une espèce de cabanon de chasse en plein dans la forêt de Saint Trojan. Vous connaissez ?

− Oui je connais. J’ai également un pied à terre dans l’île, figurez-vous. Mais cette forêt fait plus de 1800 hectares, alors j’espère que vous savez où se trouve cette cabane de chasse parce que j’ai passé l’âge des courses au trésor !

− Vous avez de quoi noter ?

− Parce que vous voudriez que j’y aille maintenant ? Vous rigolez ou quoi ! Je suis sur la quatre voies au Relai de Benon et je viens de faire risette à un macchabée, excusez du peu !

− Oh, pardonnez-moi, je deviens complètement folle, Monsieur Gautier, mais je suis terriblement inquiète, vous savez ? Peut être que les flics pourraient y faire un tour… Si ce n’est pas vous. »

« Ma petite, pensa Gautier, tu as de la chance que je sois fidèle, car je t’aurais bien proposé une monnaie d’échange pour ce service – putain, faire demi-tour pour repartir sur l’île. Heureusement que nous sommes en arrière saison ! ».

« Je me gare et je note. Dites-moi, vous avez d’autres infos que je devrais connaître ? Il n’a pas un appartement aux Antilles par exemple ? Parce que partis comme nous le sommes, je m’attends à tout. En revanche, là, je vous préviens, je ne prends pas l’avion !

− Je suis désolée, ça m’avait complètement échappé. Mais comme ses affaires sont restées à la maison, j’y ai pensé après.

− C’est bon, oubliez ce que je viens de dire et soyez « on ne peut plus précise » dans la description de l’itinéraire, j’aime marcher mais pas tourner et virer comme un con ! » 

*

La Forêt domaniale de Saint-Trojan est située dans la partie sud-ouest de l’île d’Oléron, s’étendant sur trois communes qui, du nord au sud, sont Dolus-d’Oléron, Le Grand-Village-Plage et Saint-Trojan-les-Bains.

Elle couvre une superficie qui représente le dixième de la surface totale de l’île d’Oléron, d’où les inquiétudes de Gautier.

Elle est bordée à l’ouest par l’océan Atlantique, au bord duquel se trouvent de grandes plages de sable fin. Ces plages font partie de la Côte Sauvage qui baigne tout le rivage occidental de l’île d’Oléron.

Cette Forêt est délimitée à l’est par la zone du marais d’Ors, où se trouve le Port des Salines, reconstitution d’un port ostréicole et d’un marais salant oléronais. Cette pinède prolonge celle de la Forêt de la Coubre, dans la presqu’île d’Arvert, que sépare l’étroit Pertuis de Maumusson.

La forêt de Saint-Trojan s’étend dans sa plus grande longueur sur environ huit kilomètres, du village de La Rémigeasse jusqu’à la pointe de Gatseau et, sur sa plus grande largeur, sur trois kilomètres au niveau de la station balnéaire de Saint-Trojan-les-Bains, qui est située face à la vaste embouchure de la Seudre.

Gautier gara son véhicule sur le parking de Gatseau puis s’enfonça ensuite dans la forêt par une grande allée forestière.

La description que lui avait faite la fille était très détaillée et il avançait vite.

Il trouva assez facilement la cabane qui se détachait d’un massif de pins maritimes et de chênes verts.

Quand il s’en approcha, l’odeur lui monta aussitôt à la gorge et il réprima difficilement un haut-le-cœur.

La porte était fermée par un cadenas assez sommaire mais visiblement neuf et rien, aucun interstice ou autre fente ne permettaient de regarder à l’intérieur.

Idem pour ce qui servait de fenêtre, comme si on avait voulu rendre la cabane étanche.

*

Il tendit l’oreille vers l’intérieur car un bourdonnement semblait venir du cœur de la cabane.

Gautier n’avait jamais supporté un quelconque insecte et ses sens émirent un signal d’alerte : « Putain, qu’est ce qu’il y a là dedans ? »

Il extirpa son portable pour appeler Yankee : « C’est Gautier. Vous feriez bien de rappliquer fissa. J’ai encore un mauvais pressentiment. »

Il expliqua la raison de sa présence, suite à l’appel de Marylise Papinaud.

Puis il décrivit la cabane, l’odeur d’excréments et de mort, le cadenas neuf, les ouvertures étanches et le bourdonnement qui résonnait à l’intérieur, qui pour lui, était caractéristique des abeilles : « Yankee, ajouta Gautier, je ne rentre pas dans la cabane, ni moi, ni qui que ce soit d’autre s’il s’agit bien d’abeilles ! Il faut de l’eau… 

− Pour quoi faire ?

− … Pour les tuer Yankee, pas pour leur servir un Ricard ! Il n’y a que l’eau pour flinguer des abeilles en les noyant, alors volez un camion de pompiers ou je ne sais quoi, vous êtes flic après tout ! »

Yankee se contenta d’un : « Bordel de merde ! Ne faites rien, nous arrivons avec les gars du labo et le toubib. Ne dites rien à la fille tant que nous ne savons pas ce qu’il y a derrière cette putain de porte ! » 

*

Appâter ce pauvre « Charon » n’avait été finalement qu’un jeu d’enfant : « Oui ?

− ‘‘Charon’’ ?

− C’est possible. Comment avez-vous eu ce numéro ?

− C’est ‘‘Turnus’’ qui m’a donné tes coordonnées… Il parait que tu as besoin de la compagnie d’un jeune homme ? − Les deux hommes faisaient dans le gay de temps à autre.

− C’est possible… ‘‘Turnus’’ parle trop ! »

« Il ne parlera plus jamais », pensa la voix.

« Turnus » ne s’était surtout pas méfié, excité comme il l’était par une bonne partie de jambes en l’air !

Le sexe lui avait fait perdre la raison depuis longtemps.