Le petit collège gaulois - Vincent Farjon - E-Book

Le petit collège gaulois E-Book

Vincent Farjon

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Beschreibung

Ce livre est un plaidoyer optimiste sur ce qu'il est possible de réaliser dans un collège. Un endroit où une communauté travaillerait de concert et en harmonie à l'épanouissement de chacun de ses membres. Il raconte la réalité d'un établissement entre 2007 et 2012. Il déconstruit des stéréotypes et des solutions toutes faites. Il se veut utile à tous ceux (élèves, professeurs, parents) qui rencontrent à l'école le fatalisme, la résignation ou l'injustice.

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Seitenzahl: 75

Veröffentlichungsjahr: 2025

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À Stéphane

TABLE

INTRODUCTION

QUELQUES VICTOIRES EXEMPLAIRES

LE COLLÉGIEN ET L’ENTREPRISE

LES ORPHELINS DE 16 HEURES

MIXITÉ DU COLLÈGE

MIXITÉ ET COLLÈGE UNIQUE

ÉCOUTER ET SOIGNER

SANCTIONNER : TOLÉRANCE 0 ?

LE CONSEIL DE DISCIPLINE

LES RAVAGES DU FOOT

AVOIR UN DISCOURS TOUJOURS POSITIF

DE L’INTÉRÊT DE NE PAS ÊTRE ZEP

DES EXPERTS PÉDAGOGIQUES : UNE ÉQUIPE EXCEPTIONNELLE .

TRAVAIL, FAMILLE, FRATRIE

CONCLUSION

INTRODUCTION

Le Petit collège gaulois est un collège d’éducation prioritaire qui a vu, entre septembre 2007 et juin 2012, ses moyens spécifiques réduits de 40 % et sa population se paupériser (part d’élèves issus de catégories défavorisées passée de 37 % à 46 %). Pourtant, dans le même temps, il a vu ses résultats au brevet des collèges passer de 54 % à 92 %, son taux de passage de troisième en seconde générale passer de 48 % à 61 % et le nombre d’élèves non affectés en voie professionnelle se réduire à 0.

Il existe dans les médias grossièrement deux discours.

L’un, nostalgique, qui nie les transformations de notre société et qui tente d’imposer un retour aux fondamentaux « soumission », « maîtrise de la lecture et de l’écriture » et « refus de prise en charge du côté éducatif du métier ». J’appellerai dans la suite de l’ouvrage les adeptes de cette doctrine les « Tais-toi et marche » (les TTM).

L’autre, centré sur le manque de moyens, qui ne voit de progrès possible

qu’avec une augmentation substantielle des moyens (en particulier du nombre de postes d’enseignants). Je nommerai les adeptes de cette doctrine les « File-moi des sous » (les FMS).

Dans l’institution scolaire, les tenants de ces deux doctrines ont en partie raison de militer pour leur cause, mais la vérité pour moi est ailleurs : l’investissement budgétaire doit être forcément important si l’on veut que l’école remplisse ses missions, et il n’y a pas de réussite possible sans incarnation quotidienne de l’autorité et sans que celle-ci soit reconnue par les élèves.

Le ciment de ces deux approches, qui sont en fait complémentaires et non antinomiques, doit être la confiance et la responsabilisation.

La réussite du Petit collège gaulois tient essentiellement à la qualité de ses équipes enseignantes, de vie scolaire et médico-sociale. Les échanges que j’ai pu avoir avec les différents acteurs de cet établissement ont toujours été constructifs, chacun refusant la fatalité et faisant systématiquement état de toute difficulté afin qu’une solution soit toujours trouvée. Il existe dans ce collège des logiques de solidarité qui ne sont en rien corporatistes, mais toujours tournées vers la réussite des élèves et l’excellence pédagogique.

J’entends souvent, et cela me navre, des discours négatifs sur les enseignants ou sur les élèves. Beaucoup de gens parlent sans connaitre la réalité du terrain. Les enseignants sont globalement extrêmement courageux, impliqués et professionnels. Les élèves sont pour 95 % d’entre eux (y compris dans un collège « difficile ») gentils et sans malice ni méchanceté. L’image pourtant reste négative.

En tant que chef d’établissement, j’ai accompagné les transformations de ce collège et essayé d’analyser les raisons profondes de cette réussite. Ce travail n’a rien de scientifique puisqu’il ne s’appuie que sur l’expérience d’un seul établissement, mais il concerne plus d’un millier d’élèves.

Ce livre espère donner de l’espoir à tous ceux qui croient encore à l’école, à la possibilité d’influer sur le destin des élèves, à tous ceux qui, au quotidien et loin des campagnes politiques et syndicales, s’investissent dans une mission et un métier de moins en moins mis en valeur.

QUELQUES VICTOIRES EXEMPLAIRES

J’ai choisi de commencer mon propos par des parcours d’élèves. Ces parcours sont étonnants, et bien qu’ils ne soient pas achevés, ils sont porteurs d’espoir.

Shéhérazade

Elle nous arrive au collège en classe non francophone, ses parents n’ont que peu de temps à lui consacrer, pas plus qu’à sa petite sœur. Elle a un caractère bien tranché, la langue bien pendue et un investissement dans le travail scolaire bien difficile à cerner. Sa cinquième est chaotique et sa quatrième s’annonce sous les pires auspices.

La principale adjointe lui ayant accordé la possibilité d’un stage durant cette année de quatrième (elle a déjà deux années de retard), Shéhérazade comprend alors que le quotidien d’une vendeuse n’est pas un avenir qui lui convient. Première prise de conscience, mais sans influence sur son attitude scolaire. Elle est moins insolente, mais son rythme de travail reste très faible.

Année de troisième, premier trimestre médiocre : direction le lycée pro et la voie de garage dans une filière non choisie. Elle part alors en stage dans un cabinet d’avocats où elle donne satisfaction et expose son vrai projet : devenir juge pour enfants ! Dans ce cabinet, elle rencontre une avocate qui lui raconte que ses propres parents, avec lesquels elle est arrivée du Portugal, ne parlaient pas français. Elle explique à Shéhérazade qu’en travaillant dur tout est envisageable.

Conseil de classe du deuxième trimestre : les notes sont toujours faibles, mais les enseignants ont vu une évolution nette dans son ardeur au travail.

Conseil de classe du troisième trimestre : elle a gagné trois points de moyenne générale, l’ensemble reste fragile, mais tout le monde reconnaît qu’elle a mérité sa chance : elle ira en seconde générale.

Shéhérazade a eu son bac L en trois ans et entame aujourd’hui des études de droit.

Mourad

Ce gaillard nous arrive durant son année de cinquième, il nous est affecté par l’inspection académique à la suite d’un placement dans une famille d’accueil. Il connait le juge et les services de police, il est pluri-exclu (déjà de nombreux conseils de discipline à son actif). Je le reçois avec la CPE avant son affectation en classe : il a deux ans de retard, fait 1,70 m pour 75 kg, il a 14 ans, mais en fait bien 17, exècre l’école et tout ce qui peut ressembler à un professeur (de sciences en particulier), il veut devenir cuisinier. Problème : comment l’intégrer à une cinquième où les élèves ont à peine douze ans et trois têtes de moins que lui ?

Nous nous apercevons déjà qu’il double sa cinquième, car ses problèmes personnels l’ont empêché de finir l’année et que le collège précédent a donc décidé de le maintenir (alors que la classe de cinquième ne devrait pas se doubler). Il a l’air aussi avenant et souriant qu’un végétalien obligé de manger du steak à tous les repas. Avec la CPE, nous tentons alors un coup de poker : assistés de son éducateur, nous lui proposons un passage immédiat en quatrième, sous réserve qu’il se tienne bien et qu’il travaille à trouver un patron pour un préapprentissage (impossible en fin de cinquième). Il dit banco et nous le dispensons de six heures de cours afin qu’il poursuive le travail qu’il a engagé avec son éducateur pour se reconstruire.

Son intégration est difficile, il manque encore souvent la classe, et ses relations avec son professeur de mathématiques sont plus que houleuses (un professeur exceptionnel, à la fois tenace, têtu, opiniâtre et d’une patience hors du commun) et il lui en fait voir de toutes les couleurs. Trois mois plus tard, comme nous n’avons déploré aucun incident grave, nous lui proposons ce que nous lui avions promis : un stage de quinze jours dans un restaurant. Son oncle nous donne l’adresse d’un établissement prêt à l’accueillir. Je m’y rends et rencontre un patron à poigne qui signe la convention. La semaine suivante je vais donc y manger, déguste une salade mouradesque, le cuistot venant tout sourire me saluer à la fin de mon repas. L’espoir revient, même si quelques mises au point seront nécessaires.

En fin d’année, Mourad entre en préapprentissage restauration, le patron le prend dans son restaurant. Un an plus tard, je décide de repasser prendre des nouvelles de Mourad. Le patron m’explique que pour parfaire son apprentissage, Mourad ne pouvait rester ici : il est désormais dans un très bon restaurant du 8e arrondissement de Paris…

Kevin

Kevin est en cinquième, c’est un élève lambda du collège : des capacités, mais beaucoup de nonchalance et peu d’ambition. Le foot, les copains ça lui suffit, il y a chez lui un petit côté « Alexandre le bienheureux » qui ne demande qu’à s’exprimer. L’internat d’excellence de Marly-le-Roy cherche à recruter ses premiers pensionnaires et j’ai déjà