Erhalten Sie Zugang zu diesem und mehr als 300000 Büchern ab EUR 5,99 monatlich.
Tobias Kramer est un thanatopracteur tout ce qu'il y a de plus normal. Jusqu'au jour où il reçoit un courrier et un billet d'avion pour Paris. Là, tout son monde s'écroule et s'ouvre sur un passé oublié dans les remous de Léthé. Mais il ne voulait pas croire en ces fadaises. Lui, un dieu ? Lui, Hadès ? Connerie ! Mais certains événements vont l'amener à peut-être revoir son point de vue... Dans le monde actuel, alors que rien ne laisse présager le danger qui menace la planète, Gaïa envoie un signe à ses petits-enfants en éveillant leur conscience car l'heure est grave. Cronos, le père des dieux de l'Olympe, est sur le point de s'évader de Tartare.
Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:
Seitenzahl: 302
Veröffentlichungsjahr: 2023
Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:
Prologue
001 Une Invitation Anonyme
002 Paris
003 Les Enfers
004 Accident de Cheval
005 Discussion entre Frères
006 Une Obole pour le Passeur
007 Affronter un Titan
008 Sang Doré
009 Un Amour Fidèle
010 La Visite du Commissaire Oneill
011 Vague Déferlante
012 La Route du Trident
013 Des Rêves Ressassés
014 L’Oracle d’Apollon
015 Retrouvailles Familiales
016 La Porte des Enfers
017 Entre les Racines du Grenadier
018 Une Promesse sur Styx
019 La Détresse d’Héra
020 Convaincre Arès
021 La Rencontre
022 La Lame d’Otos
023 L’Erreur de Zeus
024 Mission : Défendre le Phlégéton
025 Vaincre Campé
026 Combat sur le Pont
027 Feu Intérieur
028 Le Repos du Guerrier
Epilogue Cinq Ans Plus Tard
REMERCIEMENTS
Une ombre se glissa dans les Enfers. Petite, dissimulée sous une cape des plus sombres, elle ne voulait pas se faire repérer. Elle longea rapidement la rive de Styx, sachant très bien que le nocher était parti avec les nouvelles ombres récemment défuntes. Il ne la verrait donc pas.
Arrivée à un passage à gué, elle sauta de rocher en rocher pour traverser le fleuve impétueux. Elle parcourut ensuite les terres arides en prenant garde à ne pas se faire voir des gardiens ni des érinyes. Surtout des érinyes. Elle ne voulait pas avoir à inventer un mensonge, dans le pire des cas sous la torture, pour expliquer sa présence ici-bas. Plus personne n’avait visité les lieux depuis le départ des Olympiens. Les deux gardiens étaient seuls avec leurs souvenirs. Mais comme tout descendant de Cronos, ils seraient capables de sentir le mensonge si elle venait à s’expliquer. Éviter la confrontation était donc la meilleure solution.
Elle arriva bien vite au pont surplombant Phlégéton, le fleuve de feu. Elle voyait de loin la grande tour de fer qui surplombait l’île de l’autre côté. Elle approchait du but. Plus que quelques instants de marche et la solution à tous ses problèmes s’ouvrirait devant elle. Elle trépignait presque d’impatience rien qu’à l’idée d’arriver à destination.
Elle descendit le long chemin de terre d’un pas plus rapide. Elle veilla toutefois à rester silencieuse et à se dissimuler derrière chaque rocher quand des ailes se faisaient entendre. Les érinyes semblaient fort actives. Des âmes des plus mauvaises semblaient être envoyées au Tartare et étaient sur le point d’expier leurs fautes pour l’éternité sans espoir de rédemption. Cela rendait sa progression plus difficile. Mais pas impossible. Elle était maligne. Elle s’armait juste d’une infinie patience car elle touchait vraiment au but.
Elle finit par arriver devant les immenses portes de Tartare. Les panneaux d’airain étaient sombres, teintés de noir par la brume constante et la poussière qui régnaient dans les Enfers depuis la nuit des temps.
Alors qu’elle tendait la main vers l’un des pans, elle se figea. L’idiote ! Tant de précautions pour rien ! Elle s’était précipitée sans réfléchir ! Comment avait-elle pu oublier ce détail si essentiel à son plan ?! Les portes de Tartare étaient bien évidemment scellées. Trois grands verrous barricadaient la porte de part en part. Chacun portait un emblème, un pour chacun des grands dieux de l’Olympe. Zeus, Poséidon et Hadès.
Elle resta un instant là, immobile, à ruminer sa rage dans le silence le plus total. Comment résoudre ce problème ?
Un nouveau battement d’ailes la ramena à elle. Elle partit se cacher dans la tourbière et plongea presque totalement dans la source de Cocyte, à côté de la porte. Cela la transit de froid et elle résista au désespoir qui la gagnait peu à peu.
Qu’elle détestait ce fleuve !
Dès qu’elle le put, elle en sortit et repartit d’un bon pas, dissimulée dans chaque ombre qu’elle trouvait. Elle quitta les Enfers aussi clandestinement qu’elle y était entrée.
Son plan simple venait de se compliquer. Pour pouvoir ouvrir les portes de Tartare, il lui faudrait trouver les clefs. Mais y parviendrait-elle seulement ?
Elle se rendit dans la forge abandonnée la plus proche. C’était Héphaïstos qui avait forgé les serrures des portes de Tartare. Il y avait une chance qu’elle ait un début d’élément de réponse… Mais lui serait-il utile ?
Je me tenais debout dans le métro, appuyé contre la barre à laquelle je m’accrochais. J’étais fatigué de ma journée de travail. Pourtant, on ne pouvait pas dire que j’en avais beaucoup aux pompes funèbres. C’était relativement calme ces derniers temps. A peine un ou deux décès à déclarer. Parfois, ne rien faire était bien plus fatiguant que le reste…
— Arsenal, fit une voix métallique.
Je relevai la tête en soupirant et je me frottais un instant les yeux pour en chasser la fatigue. Le grand air me ferait sans doute du bien. J’avais encore quinze minutes à marcher avant de pouvoir rentrer chez moi. Je sortis mes lunettes de soleil et je déambulais donc en direction du bâtiment où je vivais, mon sac à dos suspendu négligemment sur l’épaule.
Une fois rentré, je récupérai mon courrier dans la boîte aux lettres commune et ouvris la porte de mon studio. Je déposai mes clefs dans le bol en terre cuite que l’une de mes sœurs avait fait pour mon anniversaire. Mon regard glissa sur le téléphone et je remarquai le voyant indiquant un message. J’appuyai sur le bouton pour l’écouter.
— Bonjour, mon lapin, c’est Maman.
— Salut, soupirai-je en posant ma veste sur le dossier d’une chaise.
— Voilà, c’est pour te demander quand est-ce que tu as l’intention de passer à la maison. Cela ferait certainement plaisir à tes sœurs. Tu n’es plus venu depuis plusieurs mois.
— Je travaille…
— Oui, je sais ce que tu vas me dire, tu travailles. Mais ce serait bien que tu passes un peu plus de temps avec les vivants qu’avec les morts, mon chéri. Je ne comprends pas comment tu as pu choisir un métier pareil. S’occuper des morts… Bruh ! Rien que d’y repenser, j’en ai des frissons dans le dos.
— C’est un métier comme un autre, marmonnai-je. Et au moins les morts ne me fuient pas comme certaines personnes que je croise…
— Bon allez, je te laisse, mon lapin. Rappelle-moi quand tu auras ce message pour me dire quand est-ce que tu passes dire bonjour.
— D’accord…
— Tu nous manques beaucoup. Bisous.
— Bisous, Maman.
Je secouai la tête. Je l’appellerais demain. Je n’avais pas envie maintenant. Trop épuisé. Quand j’entendis le bip indiquant la fin des messages enregistrés. Je soupirai dans le calme de mon foyer. Calme qui ne durerait pas longtemps au vu de l’heure, ce seraient bientôt les infos à la télévision. J’entrepris donc de l’allumer et de m’installer dans le canapé pour éplucher mon courrier. Il y avait les publicités habituelles, quelques factures pour l’eau et l’électricité… Je vis enfin l’enveloppe que j’attendais depuis deux mois : ma facture d’hôpital pour mon contrôle dermique semestriel.
Les joies d’être albinos… Ma mère disait que cela me rendait mignon. Pourtant, je n’avais jamais eu d’amis ou très peu. Au contraire, j’ai toujours eu l’impression d’effrayer les autres. Peut-être mes yeux… Ils leur arrivaient de devenir rouges.
Mais finalement, être seul ne me dérangeait pas. C’était même pour le mieux quand j’ai vu ce que l’homme pouvait faire à ses congénères : moqueries, trahisons, conflits, guerres… sans parler de tous les problèmes anodins qui venaient irrémédiablement avec les relations sociales ! C’était pourquoi j’avais notamment choisi un métier qui m’en préserverait. Les morts ne pouvaient plus agir, ni parler. Ils étaient partis et n’étaient plus que des corps sans vie attendant d’être préparés pour leur dernier voyage.
Mais attention, ce n’était pas parce que je n’aimais pas fréquenter les autres que je n’avais pas de vie sociale ! J’adorais discuter avec mes sœurs sur Messenger. Ou alors jouer avec elles sur quelques jeux vidéo en ligne quand elles me le demandaient. Je n’étais pas un grand fan de ces activités mais si c’était pour leur faire plaisir, je m’y pliais volontiers. C’étaient mes petites sœurs, mes petites princesses. Je ferais n’importe quoi pour elles.
Mes yeux s’arrêtèrent soudain sur une enveloppe jaunâtre au milieu du courrier. Elle n’avait pas de nom. Pas même le mien. Ni de timbre d’ailleurs. Cela me fit relever un sourcil. Peut-être une lettre de voisinage… Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir à l’intérieur un billet d’avion pour Paris ainsi qu’un carton d’invitation avec une heure et une adresse en plein centre de la capitale française. La seule autre inscription était un grand oméga. Enfin, je croyais que c’était un oméga. Une lettre grecque en tout cas, j’en étais certain.
J’eus une vision d’une immense double porte antique en métal avec ce grand symbole en or cloué sur les deux pans et scindé en deux en son milieu pour permettre l’ouverture. Des mains les poussèrent et un immense palais ancien dans des nuances de marbre blanc se révélèrent et au centre un immense brasero brûlait, réchauffant les lieux par sa lumière accueillante.
Je clignai des yeux et reposai mon regard sur la carte. Je devais avoir rêvassé ou peut-être une scène de film qui venait de me revenir à l’esprit. Je ne savais pas trop. Etrange… Tout comme ce carton d’invitation.
La date du rendez-vous aurait lieu la semaine suivante et concordait parfaitement avec mes congés. Pourquoi pas… Un petit voyage gratuit pour Paris. Ou du moins l’aller. Cela ne se refusait pas. Celui ou celle qui m’avait invité n’avait peut-être pas grande importance mais j’irai quand même le voir par respect. Et après, j’en profiterai pour visiter la capitale. Cela faisait un moment que je souhaitais me rendre en France… Cela se ferait simplement plus tôt que prévu et à moindre prix puisque j’avais un billet en moins à acheter.
Je relevai la tête du courrier quand j’entendis le générique annonçant les infos du jour. Puis, je pris un bref repas et une douche avant d’aller me coucher. J’étais épuisé.
J’appliquai soigneusement de la crème sur mon visage et mes mains pour me protéger du soleil. Je redressai ensuite le col de mon manteau pour éviter une brûlure sur la nuque. Ma peau était si sensible que je préférais en général sortir tôt au matin ou alors au soir, voire carrément la nuit. En tout cas depuis que j’avais frôlé de peu un cancer de la peau, je faisais très attention.
Mais là je n’avais pas le choix. Le carton d’invitation indiquait midi dans un petit café-théâtre en plein cœur de Paris.
L’heure arrivant, je pénétrai dans l’établissement et allai me renseigner auprès du barman.
— Vous aussi, vous avez été invité par Gautier ? me demanda-t-il directement tout en nettoyant un verre de bière.
— Qui ? demandai-je.
— Gautier. Gautier Chevalier.
— Je n’ai eu que cette carte me demandant à me rendre ici aujourd’hui, fis-je en tendant la carte de visite avec l’oméga à l’homme.
— Vous êtes la troisième personne qui vient ici avec cette carte, commenta ce dernier.
Il soupira et lâcha son verre.
— C’est bien Gautier. J’espère pour vous que vous n’avez pas fait trop de trajet pour venir jusqu’ici.
— J’arrive de Londres.
— Vous vous déplacez souvent dans un autre pays à la demande d’un inconnu ?
La question me prit de court et j’y réfléchis un instant. Il était vrai que ce n’était pas quelque chose que j’aurais fait en temps normal. Mais là, la situation s’accordait si bien avec mon désir d’aller en France et mes congés. A moins qu’il y ait encore autre chose ? Je ne saurais le dire.
— Non, avouai-je alors. Disons que je profite de l’occasion pour visiter.
Le barman me sourit.
— Tobias Kramer, fis-je ensuite en tendant la main.
— Dupuy, répondit l’homme en la serrant. Aiden Dupuy. Je vous sers quelque chose ?
— Un café, s’il vous plaît.
Je fis une pause.
— Savez-vous pourquoi Mr Chevalier a demandé à me voir ?
— J’en ai une petite idée, confirma Aiden Dupuy dans un autre soupir. J’espère que vous aimez rire ou vous allez vous ennuyer.
— Comment cela ?
— Gautier est un humoriste dans son genre. Enfin… non. Il croit réellement en ce qu’il dit. Mais c’est amusant dans un sens quand même. Il se prend pour Apollon.
— Ah !
J’échangeai un sourire un peu surpris avec l’homme. Voilà une chose à laquelle je ne m’attendais pas du tout. Mais bon, maintenant que je me trouvais là et que le soleil battait de toute façon son plein dehors.
Aiden Dupuy me conduisit alors dans la salle d’à côté.
Là, il y avait une série de tables entourant un espace dégagé légèrement surélevé, sûrement la scène. Un homme et une adolescente étaient assis d’un côté, au fond de la salle et discutaient mais je ne pus percevoir clairement aucune parole à cause de la musique de fond.
De l’autre côté, il y avait quelques personnes assises à différentes tables. Une femme en tailleur était penchée sur quelques papiers de différentes couleurs allant du blanc au rose en passant par le jaune et le bleu. Deux tables plus loin, on pouvait voir une religieuse qui lisait assez étrangement un roman d’aventure à en juger par la couverture. Et à quelques mètres de moi, j’aperçus un homme que je crus reconnaître.
Ce fut d’ailleurs vers lui que je me dirigeai.
— Commissaire Oneill ?
— On se connaît ? demanda l’homme en retour.
— Non, fis-je en secouant la tête. Mais je vous ai vu plus d’une fois aux infos. Je m’appelle Tobias Kramer, ajoutai-je en lui tendant la main.
Il la serra.
— Je travaille aux pompes funèbres dans l’ouest de Londres.
— Oui, je vois, fit Oneill avec un hochement de tête. Que faites-vous aussi loin de chez vous, Mr Kramer ?
— Probablement la même chose que vous, soupirai-je en lui montrant mon carton d’invitation.
— Avez-vous une idée du pourquoi nous sommes ici ?
— Non mais je sais que c’est probablement ce monsieur là-bas qui nous a demandé de venir.
Je lui montrais l’homme et l’adolescente au fond de la salle.
— C’est également ce que Mr Dupuy m’a raconté.
Le commissaire regarda sa montre.
— On devrait bientôt en savoir plus, ajouta-t-il ensuite. Il va être bientôt midi.
D’autres personnes arrivèrent entre-temps et nous nous sommes retrouvés à quinze. Quatorze adultes et une adolescente. Plus le temps passait, plus j’avais l’impression que j’étais l’une des nombreuses victimes d’une farce. Il n’y avait aucune chance que j’aie gagné quelque chose d’une quelconque manière. Je n’avais pas joué à la loterie, ni même participé à un concours. Nous semblions tous très différents les uns des autres, sans parler de la présence d’une mineure dans le lot.
Celui qui devait être Gautier Chevalier s’éclaircit la gorge et tous les regards se tournèrent vers lui. Il arborait un visage sérieux mais ses yeux rayonnaient d’une certaine joie alors qu’il prenait la parole.
— Mesdames, Messieurs, puis-je avoir votre attention ? fit-il en frappant une fois dans ses mains. Je vais vous expliquer d’emblée la raison de votre venue.
— Tu as intérêt, Gamin, maugréa un quinquagénaire habillé comme un militaire. Je n’aime pas me déplacer pour rien !
J’étais tout à fait d’accord avec lui. Mais cela, je n’allais pas le dire à voix haute. Je me trouvais là moi aussi. J’étais venu alors que j’aurais très bien pu ignorer le courrier et rester à ma petite vie londonienne tranquille. Et puis commenter pourrait me faire passer pour un hypocrite puisque je profitais du billet malgré tout. Je n’aimais pas les faux semblants…
— Oui, bien sûr, Arès. J’y viens.
— Oh non, rit doucement Aiden Dupuy. Gautier ! Sérieusement ?!
— Je suis très sérieux, Didi !
— Tu ne vas pas intégrer des étrangers dans ton délire, quand même ?!
— Ce n’est pas un délire, c’est la réalité ! De toute façon, ils n’auront pas besoin de me croire sur parole maintenant, il fallait juste lancer le processus de réminiscence !
— Le quoi ? demandèrent plusieurs personnes.
— Réminiscence de quoi ? fit la religieuse.
— De vos vies antérieures, répondit Gautier Chevalier.
Je relevai un sourcil, sceptique. Je n’étais pas sûr de la signification du terme “réminiscence” mais “vies antérieures” … Ça, je comprenais parfaitement. Et c’était … complètement fou et impossible ! J’échangeai un regard avec Oneill avant de reporter mon attention sur Mr Chevalier. Quitte à devoir rester là à écouter des inepties autant les écouter avec attention plutôt que de s’ennuyer. Peut-être que cela m’amuserait un peu ou m’apprendrait quelque chose. J’en doutais sérieusement mais on ne savait jamais …
— De quoi parlez-vous ? demandai-je alors.
— Que vous êtes tous des réincarnations de dieux et déesses.
— Vous plaisantez, fis-je à moitié en rigolant alors que d’autres exprimaient leur amusement ou moquerie à leur façon.
— Pourquoi plaisanterai-je avec la fin du monde, Hadès ?
J’eus un blanc. Comment cet homme venait-il de m’appeler ? Hadès, c’est ça ? Comme le dieu des Enfers ? J’avais à la fois envie et pas envie de rire. Entre ça et l’annonce de la fin du monde, ce Gautier Chevalier devait être un peu dérangé. Pourtant, à le regarder, il y croyait dur comme fer alors… Je gardai le silence.
— Mon oncle est très sérieux ! s’exclama alors l’adolescente à côté de Mr Chevalier en se redressant avec fougue.
— Et vous êtes qui, jeune fille ? demanda Oneill.
— Je m’appelle Sylvia Chevalier mais je suis également Artémis.
— Mais c’est de la folie ! dit une femme. Les dieux, les héros, la mythologie… Tout cela n’existe pas ! Ce ne sont que de vieilles histoires pour effrayer les anciens et leur donner une explication pour les choses qui échappaient à leur compréhension !
— Héra, laisse-nous finir…
— Je ne m’appelle pas Héra mais Jasmine Leblanc ! Et je pars ! J’ai autre chose à faire que d’écouter des foutaises. J’ai bien assez avec les bêtises de mes enfants pour écouter celles d’un inconnu !
Je ne pus donner tort à cette femme qui partait déjà avec quelques autres. J’en aurais bien fait autant si le soleil brûlant ne m’attendait pas dehors pour me rôtir. Je savais m’en protéger mais si je pouvais tout simplement l’éviter, c’était bien aussi. Alors je restais à écouter les élucubrations de ce Gautier Chevalier qui me prenait apparemment pour nul autre qu’Hadès, le dieu des enfers de la mythologie grecque. J’en avais de la chance…
— Mais Apollon…, fit l’adolescente en observant les autres partir.
— Laisse, ‘Témis. De toute façon, le processus est lancé. Ils reviendront. Grand-Mère me l’a assuré.
Je fronçai les sourcils à ces mots, intrigué. Je fixai à nouveau Oneill qui était resté avant de reprendre la parole.
— Admettons. Nous sommes des dieux réincarnés. On devrait faire quoi ? Régner sur le monde ?
— Non…, commença l’homme avant d’être coupé.
— Vous le croyez ? me demanda une femme, une militaire elle aussi à en juger par ses habits et les quelques insignes qu’elle avait sur la poitrine.
— Je n’ai pas dit cela. Mais je suis curieux. Cela pourrait être une bonne histoire… Je suis en vacances de toute façon. J’ai du temps à perdre.
— Nous devons retrouver nos artefacts personnels et nous préparer à marcher sur les portes de Tartare afin d’empêcher le Titan Cronos de sortir et remonter à la surface pour détruire tout ce qui s’y trouve, répondit Gautier Chevalier.
— Et pourquoi ce … Cronos voudrait tout détruire ? demanda alors Oneill qui me suivait dans l’idée d’en savoir plus juste par curiosité.
— Recréer le monde tel qu’il était lors de son premier règne, le premier âge d’or. Mais pour cela, il doit détruire tout ce qui existe.
— Et pourquoi devrions nous vous croire ? demanda une autre femme.
Gautier Chevalier fit un sourire.
— Voilà qui est rassurant, et même amusant pour moi. Il ne m’est pas nécessaire de vous convaincre. Je devais simplement tous vous rassembler ici pour lever le voile de Léthé et briser le sceau de Gaïa sur nous. A sa demande.
— Pourquoi ? demandai-je. Je ne suis pas très connaisseur en mythologie ou en légende mais il me semble que Cronos est le fils de Gaïa.
— Et notre père également. Ou grand-père en ce qui me concerne, fit-il en aparté en haussant des épaules. Mais ce sont des choses qui arrivent. Nous devons empêcher Cronos de s’enfuir du Tartare, et s’il y parvient malgré tout, l’y renvoyer tout simplement.
— Tout simplement, répétai-je avec un sourire. Jolie histoire. Très distrayante. Vous pourrez en écrire un roman passionnant, je n’en doute pas.
— Mais ce qu’il dit est la vérité, s’exclama la jeune Sylvia Chevalier. Nous avons des preuves !
— Des preuves, répéta Oneill. Lesquelles ?
En le voyant réagir, je compris pourquoi. L’homme était policier. Qu’on lui parle de preuves devait sûrement plus l’intéresser que des élucubrations fantaisistes. Il en allait de même pour la militaire qui avait relevé un sourcil, sceptique. La question était maintenant : les preuves étaient-elles valables ?
Pour moi, ce n’était qu’une petite blague qui pourrait effectivement faire l’objet d’un bon livre. Et comme j’aimais énormément lire, je ne serais pas contre l’idée de me le procurer une fois qu’il paraîtrait. J’avais bien lu les Percy Jackson quand j’étais adolescent. C’était d’ailleurs pour cela que j’en savais un tout petit peu sur la mythologie. Mais c’était tout.
Les deux Chevalier échangèrent quelques mots et l’homme fit un geste de tête vers un sac.
— Tu peux les sortir, fit Gautier.
La jeune fille sortit une pile de dossiers.
— Alors, fit l’homme en les prenant un par un. Major Oneill, vous êtes Zeus. Héra est partie.
Il déposa le dossier sur la table, à côté de la pile.
— Tiens, ça c’est le tien, ‘Témis.
— Merci.
— Zacharie Schmidt, continua l’homme qui se prenait pour Apollon. Vous êtes Poséidon. Aphrodite et Déméter sont parties aussi… pareil pour Héphaïstos et Arès… Ember Moore, vous êtes Athéna. Alain Berger, Hermès. Aliénor Jardin, vous êtes Hestia. Claire Boulanger, vous êtes Perséphone. Aiden, tu es…
— Dionysos, je sais. Tu me l’as déjà rabâché cent fois, soupira le propriétaire du café-théâtre en attrapant son dossier.
— Et Tobias Kramer, vous êtes Hadès.
Je pris mon dossier avec scepticisme et je l’ouvris. J’étais curieux de voir ces … preuves. Un peu comme tous ceux qui étaient restés.
Je vis à la première page une fiche sur la divinité des Enfers. Ses origines, ses attributions et ses liens familiaux. Je la parcourus en diagonale avant de passer à la feuille suivante. Je m’attendais à … Je ne sais pas… Mais certainement pas à ma fiche d’identité. Et elle était relativement précise en plus ! Mon âge, mon lieu de naissance, ma famille, les écoles par où j’étais passé, mes diplômes, mon métier… Même mon statut d’albinos y était consigné ! C’était pour tout dire.
Je pouvais accorder quelque chose à ce Gautier Chevalier, il avait fait des recherches. Mais là, cela violait ma vie privée. Je jetais un œil à Oneill et le vit tiquer en examinant une fiche similaire à la mienne mais avec sa propre photo. C’était le cas pour tout le monde apparemment.
Je tournai la page, ne sachant plus trop à quoi m’attendre. Je tombai à nouveau sur mon siège, enfin tout comme puisque je ne m’étais pas levé. Devant moi, il y avait une nouvelle fiche d’identité, une autre personne qui avait vécu dans les années 1920. Ce qui me marquait le plus sur celle-ci, c’était la photo. Elle était certes en noir et blanc mais je pouvais me reconnaître étrangement. Un ancêtre ? Peu probable vu le nom hongrois. Je n’avais pas de racines dans ce pays. Autre point important, l’homme était aussi un albinos et il était un fossoyeur. Moi, j’étais un thanatopracteur.
Une autre fiche me présenta un homme semblable né en 1847. Il était aumônier dans un hôpital. Là encore, nous possédions les mêmes caractéristiques physiques. Les deux feuilles suivantes furent essentiellement des listes de noms qui remontaient plus loin dans le temps. Pas toujours avec une photo ou une gravure quelconque le représentant avec des habits de l’époque.
— Je n’ai pas pu retrouver tout le monde à chaque fois, expliqua Gautier. Certains d’entre vous ont une personnalité plus effacée que d’autres. Et il y a aussi certains facteurs de vie qui peuvent changer votre localisation mais dans l’ensemble, nous vivons toujours tous plus ou moins ensemble dans la même zone géographique en même temps. Cela se voit surtout pour Arès, Zeus, Poséidon et Hadès. Vous êtes les personnalités les plus fortes… ou particulières en ce qui te concerne, Hadès.
— Parce que je suis albinos et que je m’occupe des morts ?
— Précisément. Quelle que soit ta vie, tu es toujours proche des morts. C’est ta vocation. Tu veilles sur eux et tu les empêches de rester ici.
Là, je jugeai que cela allait trop loin.
— C’est juste une coïncidence, rétorquai-je alors. Les albinos fuient en général la lumière du soleil pour des raisons de santé. Ils nous brûlent plus que vous autres parce que nous n’en sommes pas protégés.
— C’était pareil pour Hadès.
Je me levai.
— Je ne suis pas Hadès, m’énervai-je alors en montrant le dossier. Ceci ne prouve rien ! Ce n’est qu’une série de personnes prises au hasard. Les dieux n’existent pas ! Pas plus que les centaures ou les sirènes ! Merci pour la petite histoire. Je vous souhaite bonne chance pour la publier.
Je pris ma veste et l’enfilai.
— Messieurs, Dames, Commissaire Oneill, au plaisir, fis-je ensuite avant de sortir de l’établissement.
Le soleil m’éblouit quelques instants et je m’empressais de mettre mes lunettes de soleil. Malheureusement, comme un idiot, j’avais oublié de prendre un chapeau dans ma valise. Il était peut-être l’occasion d’en acheter un nouveau ? A voir si j’en trouvais un qui me conviendrait.
Je marchais donc dans les rues de Paris, mon Smartphone en main pour me guider. Je retrouvais le Louvre et sa pyramide de verre bien facilement et je fis le tour des incontournables comme la Joconde, Picasso ou quelques sections du musée comme la partie égyptienne ou grecque.
Je suis d’ailleurs resté dans cette section pour observer les statues et les poteries. Après ce que je venais d’entendre, même si je n’en croyais pas un mot, j’étais perplexe. Gautier Chevalier était vraiment convaincu de cela et il avait été jusqu’à me payer le billet d’avion. Et ces dossiers qu’il avait rassemblés, les photos et les similitudes. C’était quand même déroutant, me voir en costard des années 1930-1940 avec la petite moustache traditionnelle de l’époque. Quelque part dans l’histoire, il y avait eu des personnes qui me ressemblaient comme deux gouttes d’eau.
Je découvris au fur et à mesure de ma visite beaucoup de choses sur Hadès dont je ne savais pratiquement rien. Ses pouvoirs, son histoire, sa connotation… pas négative mais empreinte de crainte et d’un profond respect. En l’observant, à travers sculptures et peintures sur poteries, et même dans l’art de la Renaissance, je ne me sentis pas spécialement proche de lui en une quelconque manière. Il pouvait peut-être y avoir une vague ressemblance parfois pour les représentations les plus anciennes mais à peine. Et les plus récentes n’étaient pas à prendre en compte de toute façon.
Me rendant compte au bout d’un moment de ma propre stupidité, je secouai la tête en soupirant et me pinçai l’arête du nez.
— Mais à quoi je pense maintenant ?
Je sortis du musée et retournai à ma chambre d’hôtel. J’irais visiter la Tour Eiffel et le château de Versailles le lendemain. Et après cela, je retournerais à la maison. Peut-être profiter du temps de congé qu’il me restait pour rendre visite à la famille. Cela ferait plaisir à ma mère depuis le temps qu’elle le demande… Et surtout à mes sœurs. J’avais hâte de les revoir aussi.
Je marchais dans les champs de cendres sans réel but. Je souhaitais juste m’aérer l’esprit. Du moins autant que cela était possible ici-bas. L’air chaud et renfermé soufflait quelques brises. Ces dernières étaient chargées en soufre et autres fragrances nauséabondes issues tout droit de Tartare. Toutefois, je me gardais de commenter pour ne pas vexer mon grand-oncle, ce n’était pas sa faute. Il était ainsi fait. Comme nous tous. Chacun notre particularité, les meilleures comme les pires.
Je fis couler mon regard sur mon royaume au paysage brumeux, ignorant les ombres innombrables qui y erraient çà et là, échos de ce qu’elles étaient de leur vivant. Les morts étaient si mornes et n’arrivaient plus à me divertir comme autrefois. La tristesse des lieux, et parfois même la solitude me pesaient ici. A un tel point que je me languissais de pouvoir remonter pour quelques heures lors du solstice juste pour revoir ma famille, mes frères, mes sœurs, mes neveux. Pour moi, la famille n’avait aucun prix, elle était tout. Cela m’était d’autant plus précieux que je n’avais que très peu de temps en leur compagnie à cause de la brûlure du soleil que je ne pouvais supporter plus de quelques instants.
Alors que je marchais toujours, je vis vaguement à travers la brume les portes d’airain qui marquaient la limite de mon territoire, le chemin de la surface. Les ombres en venaient par centaines, mais ne pouvaient jamais repartir. Cerbère les en empêchait, tel le bon chien de garde qu’il était, mon meilleur ami ici-bas sans doute.
Mes pas me menèrent jusqu’à lui et par habitude — et à défaut d’avoir un autre spectacle —, j’observai le flux des âmes que le nocher venait de déposer sur la rive de Styx. Je lui fis un bref hochement de tête avant de me déplacer au pied de l’immense rocher où Cerbère avait élu son domicile.
— Comment vas-tu, mon vieil ami ? lui demandai-je en tendant la main.
Des brumes, deux pattes massives descendirent et firent légèrement trembler le sol. Un énorme corps au pelage brunnoir les suivit. Je sentis un souffle chaud sur ma nuque et quelques halètements et sifflements se firent entendre. Je me retournai pour faire face à une tête de chien au moins deux fois plus grande que moi. Je lui souris et lui octroyai des caresses avant de me coller contre sa truffe sans m’inquiéter le moins du monde de sa bave ou même qu’il souhaite me lécher. Tant que j’avais de la compagnie agréable, le reste n’était que détail.
Je notai sans réellement souci non plus que les deux autres têtes de mon brave ami étaient tournées vers les grandes portes, attentives au passage des âmes afin de s’assurer qu’aucune ne tente de repartir. Rien ne pouvait sortir. Sauf peut-être les dieux quand ils en avaient l’autorisation. Cela se résumait à trois d’entre nous : Hermès, notre messager attitré, Perséphone, mon épouse, et moi-même.
Alors que j’avais les yeux fermés, le corps appuyé sur le museau de mon ami, je sentis à nouveau quelque chose au niveau de ma nuque. Je ne pris même pas la peine de regarder alors que je tendais la main. Contre mes doigts vinrent se frotter des corps fins et élancés recouverts d’écailles et parfois, quelques langues bifides venaient me chatouiller également. Les serpents de la crinière de Cerbère. Beaucoup de gens, surtout les Mortels, trouveraient sans aucun doute son aspect effrayant mais pour moi, le fait de les sentir autour de moi ne me prouvait qu’une seule chose, Cerbère était heureux.
C’était suffisamment rare pour être mentionné. Il devait avoir une vie tout aussi morne que la mienne dans cet endroit pour ainsi dire privé de lumière. De ce fait, il paraissait toujours menaçant avec sa taille, ses grandes dents et sa crinière de serpents. Mais au fond, tout comme moi, il était un cœur tendre. Il était juste difficile d’avoir sa confiance. J’étais l’un des rares à l’avoir.
Je passai alors du temps en sa compagnie, à simplement le caresser et lui parler pour décompresser.
Je préférais éviter de rester trop au palais en cette période de l’année. Perséphone venait de redescendre. Oh ! Je l’aimais ! Je l’adorais même ! Mais les deux premières semaines de son retour chaque année étaient toujours les plus difficiles à vivre car elle se plaignait constamment du manque de lumière, de l’odeur et d’à peu près tout en fait. La grande différence entre la surface et les souterrains, différence qu’elle me répétait souvent. Mais comme à chaque fois également, une fois qu’elle s’était réhabituée, elle redevenait la femme que j’avais épousée, douce et aimante, mais aussi la reine impitoyable de mon royaume, même plus que moi.
Mais quelque chose que nous n’étions pas : malveillants. Nous n’étions ni bons ni mauvais. Nous existions seulement. Nous étions les seigneurs d’un monde de morts et les gardiens des grandes portes de Tartare. Jamais elles ne devraient se rouvrir. Mon père et ses frères devraient à jamais rester enfermés là.
Cronos.
Je ne pus réprimer un frisson en repensant à lui et ma main se referma sur la clef de fer noire que je gardais constamment sur moi, attachée à une lanière de cuir autour de mon cou.
Mon père m’avait avalé dès la naissance. Tout comme mes sœurs avant moi, et mon frère Poséidon juste après. Seul Zeus avait réchappé à ce sort misérable. Grandir dans les entrailles de ce monstre sans rien connaître d’autre que l’obscurité et la sensation d’être constamment brûlé par la bile et les eaux noires du ventre du Titan. Enfin cela avait surtout été mon cas, mes sœurs essayaient de se protéger en se perchant sur des amas de victuailles qui ne cessaient de grandir mais qui sombraient aussi peu à peu dans ces eaux noires et acides qui représentaient autrefois notre monde. Moi, j’étais de trop et j’étais le plus souvent dans l’eau. Plus d’une fois, mes sœurs avaient bien voulu échanger leur place avec moi mais je refusais. Elles étaient plus douces et fragiles que moi même si elles étaient plus âgées.
Les choses avaient un peu changé avec l’arrivée de Poséidon. Mais pas de beaucoup. Nous étions dorénavant deux à baigner dans ces horribles eaux. Mais je restais le seul à souffrir. Poséidon avait le don de manipuler ce liquide et étrangement il n’en souffrait pas. C’était son pouvoir. Tout comme moi, je pouvais à l’époque voir dans le noir, Hestia générer une petite flamme dans le creux de ses mains, Déméter nous assurer une nourriture correcte pour que nous puissions survivre et Héra… Disons qu’à l’époque, elle ne savait pas trop en quoi elle était douée. Mais cela ne changeait rien pour nous, nous étions une famille unie et nous le serions toujours.
En tout cas moi, je lui serais toujours fidèle même si j’en étais presque constamment séparé. Tel était le prix que j’avais payé à baigner dans les eaux noires du ventre de mon père. Ma peau avait été si souvent attaquée, rongée par ces acides qu’elle ne se régénérait plus aussi bien qu’avant. Quant à mes cheveux, ils étaient devenus aussi blancs que la toison d’un mouton immaculé. Sans parler de mes yeux qui pouvaient devenir rouges par moment. Selon Perséphone, cela arrivait quand j’étais d’humeur orageuse.
Quelques craquements de roche me firent prendre soudain conscience du temps qui s’écoulait et je m’écartais de Cerbère. Je devais retourner au palais sinon Perséphone allait vraiment être insupportable.
Je pris alors la route des Champs Elysées. Pour y parvenir, je devais traverser Achéron. Mais je n’avais pas envie, ni même peut-être le temps d’attendre Charon. Je me postai alors sur la grève et attendis devant les torrents bouillonnant qu’un immense et sombre rocher passe. Il devait être suffisamment imposant pour supporter mon poids et me servir d’appui pour sauter jusqu’à l’autre rive. Je sortis une lanière de cuir de ma tunique et me penchai très légèrement pour observer mes gestes sur la surface fumante d’Achéron. Je préférais attacher mes longs cheveux pour ne pas être gêné lors de ma bondissante traversée. Loin de moi l’envie de les abîmer ou même de tomber et me brûler dans le fleuve. J’avais suffisamment baigné dans des eaux agressives et brûlantes pour le reste de mon existence.