Le réveil de Gallja - Tome 1 - L. S. Martins - E-Book

Le réveil de Gallja - Tome 1 E-Book

L. S. Martins

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Beschreibung

Un crash, une rencontre et une prophétie suffirent à bouleverser l’existence de Sarah. Pilote à ses heures perdues, elle navigue entre les sombres secrets de son passé et les mystères de son avenir.

Dans sa quête de vérité, elle découvrira à ses dépens les dualités qui régissent notre monde : la vie et la mort, la magie éthérée et l’obscurité, les peuples d’ici et d’ailleurs… Et se trouvera, malgré elle, au cœur d’une guerre sanglante qui forgera son destin.

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Le réveil de Gallja

Partie 1 - La naissance de Tiùviel

De : L. S. Martins

© 2022 - L. S. Martins

www.lsmartinsunivers.com

ISBN (Livre) : 978-2-38454-469-1 ISBN (Ebooks) : 978-2-38454-470-7

Corrections : Stéphane – Blob Editions Mise en page : L. S. Martins Couverture : Audrey LUCIDO Illustration couverture : Audrey LUCIDO

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Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur ou de ses ayant cause, est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes des articles L.335-2 et suivant du code de la propriété intellectuelle.

Préface

C’est toujours une grande joie de voir arriver le jour de la publication d’un livre que nous avons suivi. Après des mois – parfois des années – de travail, de lectures et d’échanges ; après les innombrables commentaires laissés dans le texte, les discussions enflammées autour d’une phrase, d’un mot, d’une virgule…, pour arriver enfin à la version finale, on repense à tout le chemin parcouru et on se sent reconnaissants de la confiance que nos auteurs nous apportent chaque jour.

C’est une aventure humaine autant que littéraire : on voit nos auteurs grandir, s’affirmer, se perfectionner dans leur art et c’est toujours un honneur de pouvoir partager un bout de chemin avec eux, de découvrir leur univers, de rencontrer leurs personnages qui, eux aussi, grandissent au fil des pages, se dévoilent à nous et, finalement, occupent une part de notre temps et de nos vies.

Aujourd’hui, un nouveau monde s’offre à vous, lecteur, qui feuilletez ces pages pour la première fois. Un monde magique et empli de mystère. Nous espérons qu’il vous procurera autant de plaisir qu’il nous en a procuré.

Nous vous souhaitons une bonne lecture.

Félicitations, Laure, pour ce roman que tu nous livres aujourd’hui. Nous savons combien tu as travaillé dur pour en arriver là. Surtout : merci. Merci pour ta persévérance et ta créativité. C’est ce qui donne un sens à notre métier.

Marjolaine et Stéphane – Blob Éditions.

Lorsque trois coups de tonnerre retentiront, Dans le noir, tous les mondes basculeront. Mi-d’ailleurs, mi-d’ici, De ses cendres, elle reprendra vie. Lorsque trois coups de tonnerre retentiront, Toutes vos peurs se réveilleront. Mi-d’ici, mi-d’ailleurs, Elle sera votre sauveur.

Lorsque j’ouvris les yeux, je fus prise d’un violent vertige. Un bruit assourdissant vrombissait à mes oreilles. Quelle en était l’origine ? Qu’avait-il bien pu se passer ?

Je voulus me relever, mais mon corps ne répondait pas. Une effroyable douleur m’arracha un cri et me fit renoncer. J’étais allongée dans une forêt sombre et terrifiante, seule et incapable du moindre mouvement. Un sentiment de panique me saisit et brusquement tout me revint.

Mes instruments de vol en panne. Ce brouillard épais si soudain. Mon avion perdant de l’altitude. Le choc. Et puis le noir absolu. Comment avais-je pu sortir de l’appareil ? Je n’en avais aucun souvenir.

Le sol autour de moi était couvert de sang. Mon sang. L’un des débris m’avait perforé l’abdomen. Comment avais-je réussi à ramper jusqu’ici ? Où avais-je trouvé la force ? La peur de mourir, peut-être.

J’avais trouvé refuge au pied d’un arbre plusieurs fois centenaire. Ses puissantes racines formaient une cage, me protégeant des éventuels prédateurs qui peuplaient cette forêt. Sans réfléchir, j’avais arraché l’énorme morceau de métal figé dans mon corps. Quelle idiote ! Cela n’avait fait qu’aggraver l’hémorragie. Je vivais mes derniers instants dans cette jungle immense, seule.

Seule. Vraiment ? Depuis mon réveil, j’éprouvais le sentiment étrange que l’on m’observait. Qui était là ? Et pourquoi ne venait-il pas à mon secours ?

À bout de forces, je me laissai partir. Le froid mordait ma peau, quelle sensation curieuse ! C’était loin d’être aussi désagréable que je ne l’aurais cru. Le stress, la culpabilité, la tristesse…, ces sentiments si néfastes néanmoins si présents dans ma vie me laissaient enfin tranquille. Une étrange paix intérieure m’envahit. Quelle ironie ! Ma mort s’avérait être plus douce que ne le fut mon existence. Mes dernières pensées furent pour Al. Et dans un ultime soupir, un mot se dessina sur mes lèvres :

— Adieu… 

I

— Al ? Je vais bientôt arriver dans le Triangle. Tout est OK, le ciel est dégagé. Je devrais arriver à destination vers 23 heures. Je t’appelle dans une heure.

— OK, Sarah. Fais attention.

— Comme d’hab’, tu me connais !

Cela faisait déjà plusieurs heures que je planais au-dessus de l’océan Atlantique à bord de mon vieux coucou, le Liberty. Un voyage fastidieux pour un vol en solo et une première pour moi ! Mais on ne discute pas les exigences d’un client riche. Ses conditions étaient claires : aucune escale en survolant obligatoirement le Triangle des Bermudes, une livraison spéciale et une femme aux commandes. Al avait longuement hésité avant de me confier cette mission, mais je demeurais la seule pilote à des kilomètres à la ronde. Une chance pour moi ! J’avais vraiment besoin de cet argent.

— 50 000 euros si tu effectues la livraison dans les temps, m’avait-il informé. De quoi couvrir tes frais et apporter toutes les modifications dont nous avions parlé sur ton vieux coucou.

Cher payé pour un boulot aussi simple. Le trajet s’annonçait éprouvant, mais une fois à Haïti, j’allais profiter du soleil et de la plage avant de revenir à ma misérable vie. J’étais bien décidée à accepter toutes les extravagances de cet homme, si cela me permettait de m’évader quelques heures.

Le rendez-vous avait été fixé à minuit aujourd’hui avec un dénommé Doe. Quelle originalité ! La livraison était prévue à l’aéroport de Jacmel, habituellement réservé aux échanges commerciaux. Curieux, mais peu importe. J’avais besoin de cet argent.

Comme à notre habitude, Al et moi avions établi le plan de vol la veille. J’avais décidé de me plier aux étranges volontés de notre cher monsieur Doe, mais il en était autrement pour Al. Une vieille superstition le hantait, l’incitant à planifier un détour pour éviter le Triangle des Bermudes. Combien de fois m’avait-il conté ces légendes sur cet endroit ?

— Le Triangle est une zone dangereuse, m’avait-il répété pour la centième fois. Je sais que tu ne crois pas à ces histoires, mais les faits sont là ! Comment peux-tu justifier ces disparitions ? ces pannes improbables des instruments de navigation ? On a recensé les premiers mystères du Triangle dès le XIXe siècle.

Je l’écoutais en souriant alors qu’il continuait, en vain, à négocier :

— Très bien, j’ai compris. Tu me prends pour un de ces vieux loups superstitieux. Je suppose qu’un crochet par la Floride n’est pas envisageable, n’est-ce pas ? Nous ne sommes même pas obligés de l’indiquer sur ton plan de vol.

Il était ardu de lui faire entendre raison, mais le timing était beaucoup trop court et un détour aurait nécessité un arrêt pour faire le plein de carburant. Je ne pouvais pas me permettre d’arriver en retard, sans quoi je ne toucherais pas la totalité. Al finit par capituler, comme toujours, mais il exigea une chose : que l’on reste en contact tout au long du vol.

***

Quel bonheur, cette sensation de liberté. Seule, parmi les nuages et les étoiles. Bercée par le ronronnement des moteurs. Je rêvais d’autres mondes. D’autres univers. D’autres paysages. En dehors des contrats qu’Al me proposait, mon existence était vide et insipide. Alors ces heures derrière mon manche étaient de véritables bouffées d’oxygène !

Ma vie terrestre était lamentable. Je vivais en solitaire et n’avais aucun ami. Aucun, sauf Louis. Nous nous connaissions depuis deux ou trois mois, pourtant lui seul me comprenait réellement. Les heures à ses côtés étaient aussi salvatrices que celles passées dans les airs. J’étais libre d’être moi-même. Je n’avais plus besoin de cacher mes failles, mes faiblesses.

À 16 ans, j’avais arrêté l’école. Lasse des moqueries de mes camarades de classe. De leurs regards en coin, de leur méchanceté et de leur cruauté. J’étais le vilain petit canard, toujours à côté de la plaque.

Depuis, j’enchaînais les boulots quelconques pour payer mes factures et l’entretien du Liberty. Malheureusement, sans diplôme, c’était illusoire d’espérer trouver une place derrière un ordinateur, loin de tous. J’avais tout essayé : barmaid dans l’unique bar du coin, qui faisait office de discothèque les vendredis et samedis soir ; caissière dans une supérette ; aide-ménagère en maison de repos et dogsitter pour ces vieilles bourgeoises trop bien pour promener leur chien. Le dernier job en date : serveuse dans un restaurant routier. Les pourboires étaient minables, mais personne ne me connaissait. Aucun jugement. Aucun préjugé. Aucune raillerie. Quel bonheur ! Même l’équipe me laissait tranquille, tant que j’effectuais correctement mon travail.

Durant mon temps libre, je me cachais derrière les couvertures de mes livres fantastiques et de science-fiction. Je m’évadais dans un monde imaginaire dans lequel je me sentais normale et utile. Je m’identifiais au héros et vivais à travers les mots ses aventures. J’avais la sensation d’exister, d’être quelqu’un d’important. Comme les jeunes de mon âge, mal dans leur peau, j’imagine. Mais Al était là pour moi. Il m’aimait et m’acceptait telle que j’étais.

Mes parents étaient morts, j’avais à peine sept ans. Ce jour funeste resterait gravé dans ma mémoire. Je me souviens du visage accablé de la directrice qui était venue me chercher à 15 heures, en classe. Elle avait saisi ma main et l’avait serrée très fort tout en me conduisant dans son bureau austère et sinistre. Étrangement, un policier nous y attendait, debout près de la fenêtre. Il m’avait demandé, d’une voix posée et réconfortante, d’entrer et de m’asseoir sur le vieux fauteuil devant lui, élimé par le passage de tant d’élèves. Il avait alors fermé la porte et s’était accroupi face à moi.

Je me souvenais parfaitement de ses mots. Ils m’avaient anéantie. Mais à ce moment précis, il m’avait été impossible de les comprendre, de les entendre. Chacun de mes sanglots rendait ma respiration de plus en plus laborieuse. Mes yeux s’étaient embués. J’aurais voulu être ailleurs. Loin de tout. Loin de ces personnes qui m’étaient étrangères et qui essayaient de me faire croire à ces horreurs. Une main sur mon épaule avait tenté, vainement, de m’apporter le réconfort que seul le sourire de ma mère aurait pu me donner.

Et soudain, une douce chaleur s’était emparée de moi. M’enveloppant délicatement. Protégeant mon cœur brisé. À travers cet épais brouillard de larmes, je pouvais l’apercevoir. Ce visage rassurant. Ce regard maternel empli d’amour et de tendresse.

Depuis ce jour, j’éprouvais la surprenante sensation de n’être jamais seule, de distinguer mes parents dans chaque reflet. Dans chaque coin sombre. J’avais essayé de parler avec eux, en vain. Je n’avais fait qu’attirer l’attention sur moi : il était impensable, dans un établissement comme celui-là, d’avoir une fille aussi perturbée ! Cela m’avait valu de nombreux rendez-vous avec le psychologue de l’école. Il avait rassuré mon entourage : mon état était tout à fait naturel. Je traversais, selon lui, la phase de déni du deuil. Cela pouvait prendre du temps, c’est pourquoi il avait insisté pour poursuivre les séances.

La cour de récré était devenue mon cauchemar. Les autres m’évitaient. Cela n’était pas inhabituel, bien sûr, j’étais une solitaire. Mais jusque-là, j’étais transparente. Je n’avais jamais été le sujet des moqueries si féroces des enfants. Quoi que je fasse, j’éprouvais cette sensation terrifiante de ne pas être à ma place, d’être différente.

Les services sociaux m’avaient confiée à ma seule famille, le frère de mon père, Al. Il m’avait acceptée et élevée comme sa propre fille, dans un village du Sud de la France. C’est d’ailleurs à lui que je devais cette passion pour le vol.

Mon baptême de l’air, il me l’avait offert pour mes huit ans. Al était à la tête d’une modeste société spécialisée dans l’épandage aérien. Cela signifiait en réalité qu’il était le seul à posséder un avion et le permis allant avec. Il était donc fréquemment sollicité par les divers agriculteurs de la région.

Chaque soir, après l’école, nous décollions pour une heure de pur bonheur. Il lui arrivait même de me donner le manche. Je me sentais libre. Heureuse. Loin de ce monde qui m’était incompréhensible. Loin de ce monde qui me jugeait et me méprisait.

Al. Notre dernier échange m’avait laissée pensive. Une peur irrationnelle commençait à me serrer la gorge. Super ! Il a réussi à m’effrayer avec ses histoires !

Je pris une profonde inspiration et pointai tous mes appareils. Tout fonctionnait. Le ciel était clair. Conditions parfaites pour voler ! Cependant, plus je me rapprochais du Triangle, plus cette angoisse me rongeait. Je ne pouvais m’empêcher de penser à ces légendes. À ces navires fantomatiques à la dérive. À ces équipages volatilisés. À ces pilotes disparus. Que leur était-il réellement arrivé ?

J’y étais. Je survolai enfin cette zone maudite. La peur au ventre, j’essayais vainement de me rassurer. Tout était si calme. Aucune explosion. Aucune tempête. Alors pourquoi paniquer ? Pourquoi penser au pire ? C’était totalement absurde. Les mains tremblantes sur le manche, une boule au creux de l’estomac, j’avais les yeux rivés sur mes appareils.

Je reprenais difficilement confiance lorsque mon altimètre commença à s’agiter sans raison apparente. Je tapotai dessus pour le stabiliser, mais sans résultat. Simple coïncidence, rien d’autre. Je devais garder mon calme et rester concentrée.

Je tentais de maintenir le cap vers ma destination lorsque mon altimètre, suivi des autres instruments de navigation, se mit à dérailler. Que se passait-il ? Plus rien ne fonctionnait, pas même ma radio. Heureusement, les moteurs tournaient encore et le ciel était dégagé.

Ce mince espoir fut de courte durée. Un épais brouillard, aussi soudain qu’imprévisible, se leva et m’enveloppa. Le black-out total. Je venais de perdre toute visibilité et volais désormais à l’aveugle, les mains moites accrochées à mon manche, paralysée par cette peur incontrôlable. Une véritable tempête se déchaînait sous mes yeux incrédules. Un éclair déchira le ciel et frappa l’une des ailes du Liberty, qui prit aussitôt feu.

La suite se déroula à une vitesse inouïe. Privée de tout repère, le moteur gauche HS. J’étais devenue simple spectatrice. Je m’imaginais au fond de l’océan. Agonisante. Seule. Je pensais à Al, soucieux, attendant désespérément de mes nouvelles derrière sa radio, à ses histoires tragiques sur le Triangle. Je m’apprêtais à rejoindre les légendes contées par ces hommes que d’autres que moi traiteraient de superstitieux. Peu à peu, l’angoisse de la mort laissa place à une certaine amertume. À la terrible déception de ne pas avoir réellement vécu.

Et soudain, le calme absolu. La tempête s’était apaisée aussi subitement qu’elle avait commencé. Le brouillard se dissipa aussi brusquement que ma désillusion, remplacée par une béatitude et une incompréhension totale.

Sous le nez de mon avion, des cimes d’arbres gigantesques se rapprochaient dangereusement. Les rayons de la Lune dévoilaient une véritable forêt luxuriante. Magnifique. La beauté du paysage et surtout son improbabilité m’hypnotisaient.

Ce que je contemplais ne pouvait exister. Quelques minutes avant, je survolais les eaux profondes de l’océan Atlantique, bien loin de toute terre. Je n’avais pas passé assez de temps au cœur de cette tempête. Pas suffisamment pour atteindre Haïti ou l’une des îles avoisinantes.

Il était nécessaire que je recouvre mes esprits et analyse la situation. Tout n’était pas perdu. Je tirai de toutes mes forces sur le manche dans l’espoir de redresser le nez du Liberty et de réduire ma vitesse, en vain. J’avais réagi trop tard. L’inévitable arriva. Je fus secouée dans tous les sens. J’entendis les cimes des arbres frapper mon vieux coucou. Les branches arrachèrent des lambeaux de sa carlingue. L’aile droite craqua et disparut. Quant à moi, je ne pouvais rien faire d’autre que prier.

Lorsque, enfin, on vint percuter le sol humide, il ne restait presque rien de mon compagnon de métal. Le vent fouettait mon visage. Des morceaux de verre et d’acier volaient tout autour de moi. Une douleur épouvantable me transperça le corps, puis ce fut le noir le plus total.

II

Mon réveil fut particulièrement pénible. Une sensation abominable de brûlure avait envahi mes poumons. L’air ambiant était tel de l’acide, m’arrachant un râle de douleur à chacune de mes inspirations. J’étais confuse, mais des bribes de souvenirs me revenaient progressivement : les histoires d’Al, le Triangle des Bermudes, la tempête, le crash… Et enfin, le baiser glacé de la mort qui m’avait laissé un goût étrange sur la langue et un agréable sentiment de paix.

Alors, pour quelle raison étais-je encore en vie ?

Mes yeux mirent du temps à s’adapter à la pénombre de la nuit, mais je pus rapidement discerner des formes, dont l’ombre de mon avion à plusieurs mètres. Quant à moi, j’avais trouvé refuge, je ne sais comment, sous les racines noueuses d’un arbre gigantesque, allongée sur ce sol poisseux. Une odeur de sang flottait dans l’air et l’humidité ambiante imprégnait mes vêtements qui me collaient à la peau. J’avais si froid et mon corps meurtri me faisait terriblement mal.

J’étais désespérée. Seule. Perdue sur une île mystérieuse au beau milieu de l’océan Atlantique. Al ferait certainement tout pour me retrouver, mais il me semblait peu probable qu’il y arrive. Il fallait que j’agisse. Que je trouve de l’aide. Mais le moindre mouvement me demandait un effort colossal. Après de longues minutes, je réussis enfin à me redresser, non sans peine ni sans un cri de douleur.

Sous les pâles rayons de la Lune, j’aperçus soudain mes mains tremblantes et sanglantes. À qui pouvait appartenir ce sang ? À moi ? Non, je n’avais pas une égratignure. Aucune. Et cette souffrance atroce lors du crash ? Ce morceau de métal figé dans mon abdomen ? Je ne les avais pas inventés.

Mon regard se posa sur le dernier indice qui me donna raison : un bout de carlingue rouge et poisseux. Je n’étais pas folle. Tout cela était bel et bien réel.

S’il s’agissait d’une farce de cette garce de Faucheuse, ce n’était pas amusant. Je ne croyais pas à ces inepties de paradis et d’enfer. La Terre abrite un monde noir empli de vices, de mort et de cruauté. Le peu de naïveté et de bonté ne suffirait pas à racheter l’horreur de la guerre, des meurtres et d’autres atrocités dont est capable le genre humain. Et ces religions ne sont qu’illusion : une promesse d’éden en échange d’une simple confession ; la garantie de vous absoudre de vos péchés — même les plus terribles —, de tout vous pardonner. À quoi bon vouloir éviter l’enfer si tout le monde acquiert sa place au paradis ?

Malgré tout, j’éprouvais l’étrange certitude que la mort n’était pas une finalité, qu’autre chose nous attendait au-delà. J’avais cru entrevoir mes parents après leur décès, et ce, à de nombreuses reprises. Ils étaient là, quelque part, à veiller sur moi.

Al avait raison. Le Triangle était maudit. Je ne l’avais pas pris au sérieux. Et maintenant, je ne le reverrais plus. À cette pensée, une profonde tristesse me submergea. C’était donc ça, la vie après la mort. Être condamnée à errer éternellement, invisible, à travers ce monde. Quelle chance ! Mais étais-je réellement décédée ? Après tout, je pouvais ressentir chaque parcelle de mon corps meurtri.

Bien décidée à me prouver que j’étais encore en vie, je pris appui sur les racines qui m’entouraient et entrepris de sortir de mon abri de fortune. Les jambes flageolantes, je me libérai enfin de cette prison de bois pour me diriger vers l’épave de mon avion. Chaque pas était un véritable supplice, mais, paradoxalement, me redonnait un peu d’espoir. Non pas par pur masochisme, simplement parce que cette douleur me confirmait une chose : j’étais bel et bien vivante !

Le Liberty se dressait fièrement devant moi : l’aile gauche déchiquetée, la droite manquante, le cockpit criblé de verre. La carlingue avait été déchirée à plusieurs endroits. Il était dans un piteux état. Plus jamais il ne volerait. C’était l’unique certitude que j’avais. Mais il pouvait me servir de refuge. Et qui sait, avec un peu de chance, abriter quelques instruments intacts.

J’essayai, non sans difficulté, de prendre place dans le fauteuil du pilote. Quelle folie de croire que ma radio serait encore fonctionnelle. Tout était HS. Le siège sur lequel je m’étais écroulée était l’unique survivant de cette catastrophe.

Je fis un bref état des lieux avant de me lever et de me diriger vers l’arrière. Seuls l’espoir et la curiosité faisaient que je ne m’effondrais pas. L’espoir de trouver un moyen de contacter Al. La curiosité pour cette mystérieuse cargaison. Celle-là même qui m’avait menée à ma perte. Quelle idiote ! Accepter de telles conditions d’un parfait inconnu, sous prétexte qu’il payait bien. J’aurais dû écouter Al et les prendre plus au sérieux, lui et ses stupides superstitions.

À ma grande stupéfaction, je découvris la caisse de transport à peine abîmée, ouverte, posée sur ce qu’il restait du sol. Tant de contraintes et de mystères pour un unique coffre, cela n’augurait rien de bon. Probablement des armes ou des objets de contrebande.

En m’approchant un peu plus, je remarquai qu’elle renfermait une énorme malle métallique. Sur le dessus, une inscription dans une langue étrangère ̶ je crus reconnaître l’alphabet arabe, mais sans conviction ̶ accompagnée d’un pictogramme signalant un produit dangereux.

Le plus étonnant était qu’elle m’appelait. M’attirait. Je ne pus m’empêcher de la caresser du bout des doigts. Un geste que je regrettai aussitôt. Une décharge électrique me brûla la main, me repoussant contre la carlingue déchirée. L’air se fit plus lourd, presque menaçant. Suffocant. Je reculai, effrayée, cherchant à comprendre ce qu’il se passait, quel malheur allait s’abattre sur moi. Mais rien. Il n’y eut absolument rien. Pourtant, je ressentais un besoin irrépressible de m’éloigner de cette caisse étrange.

Dans ma fuite, je découvris mon sac pris dans un morceau de métal, près de ma mystérieuse cargaison. Inimaginable ! Je me précipitai pour le récupérer, arrachant dans ma hâte l’une des bretelles, avant de retourner dans le cockpit pour vérifier son contenu.

Il y avait des rations, des cartes, une trousse de soins et le téléphone satellite qu’Al m’avait donné. C’était inouï ! Mais mon espoir fut de bien courte durée. Il avait reçu un coup lors du crash et refusait de s’allumer.

Épuisée et découragée, je me laissai tomber sur le fauteuil et attrapai une barre chocolatée. Je mourais de faim. Les mains tremblantes, je déchiquetai l’emballage et mordis dans cet encas avec envie. Enfin une chose positive. Le réconfort dont j’avais besoin.

— Beurk !

Un goût abject envahit mes papilles et me brûla la gorge. Je fus ensuite prise de convulsions. Mon corps se contracta comme pour évacuer du poison et je finis par vomir la mince bouchée que je venais à peine d’avaler. Un frisson me secoua violemment malgré la chaleur étouffante. L’air se fit de plus en plus lourd, accentuant ce sentiment de malaise qui n’avait cessé de me tourmenter depuis mon réveil. Une énergie mystique électrisait les lieux en un bourdonnement assourdissant.

Prise de panique, je me levai, non sans difficulté, pour observer tout autour de moi. Je ne savais pas à quoi m’attendre. J’étais totalement impuissante face à ce changement incompréhensible d’atmosphère. Incompréhensible et inquiétant.

Soudain, surgissant de nulle part, je le vis. Un homme, d’une beauté froide et saisissante, debout face à l’épave. Juste devant moi. Il semblait tout droit sorti d’un film fantastique. Sa chemise immaculée ouverte laissait apparaître la pâleur de sa peau, rehaussée par le noir d’une grande veste en cuir. Ses cheveux étaient d’un blanc scintillant, avec des reflets bleu argenté, mi-longs, coiffés en arrière. Lui donnant un air de mauvais garçon, ils mettaient en valeur son visage anguleux et sa barbe de plusieurs jours.

Je n’étais pas seule. Tout n’était pas perdu. Peu importe qui il était, d’où il venait. Cela m’était égal tant qu’il pouvait m’aider. Tant qu’il pouvait m’expliquer où nous étions exactement et même me permettre de quitter cet endroit.

L’inconnu grimpa avec une aisance déconcertante dans le cockpit, me sourit puis disparut à l’arrière sans la moindre hésitation. Que faisait-il ? Était-il là seulement pour la cargaison ? Comment pouvait-il en connaître l’existence ?

Un bruit métallique me fit sursauter et il réapparut aussitôt avec deux poches remplies d’un liquide rouge, identiques à celles utilisées dans les hôpitaux. Il en ouvrit une et me la tendit sans une explication. J’ignorais ce qu’il attendait de moi. Que je fasse un cul sec avec lui ? Mais cela ne risquait pas d’arriver !

Il se contenta de m’observer, silencieusement, ce qui me rendit folle. À tel point que je ne pus retenir mes paroles :

— Tu ne me feras pas avaler ça ! Pas la peine d’insister !

Mes mots sonnaient étonnamment, comme s’ils avaient été prononcés par une autre personne. Mon ton avait été bien plus méprisant que je ne l’avais voulu. Presque sauvage. Et cette voix. Ce ne pouvait être la mienne ! Elle semblait surnaturelle. Irréelle. Glaciale et caverneuse.

Peut-être était-ce dû à cette abominable sensation. J’avais de plus en plus de mal à déglutir. Ma bouche était sèche et ma gorge douloureuse. Probablement les séquelles de cette horrible barre chocolatée ou du choc de l’accident.

Confuse, je regardais cet homme sans vraiment le voir. J’avais besoin de réponses, mais, de toute évidence, il n’était pas décidé à me les donner.

Il claqua des doigts devant moi. Perdue dans mes pensées, je sursautai, ce qui sembla fortement l’amuser.

— Allô, la Terre ? Tu es avec moi, ma Belle ?

Il était donc capable de parler ! Son sourire arrogant et son air condescendant m’exaspéraient. J’avais une terrible envie de lui mettre mon poing dans la figure et je ne savais pas ce qui m’en empêchait.

Il arbora une expression amusée et ses yeux noirs semblèrent briller. Il me désigna son col de chemise, taché de sang, et reprit d’une voix comparable à un ronronnement :

— J’ai toute ton attention ? C’est bon ? Tu ne faisais pas tant de manières tout à l’heure. Tu as déjà oublié notre premier baiser ? Tu me brises le cœur… Et moi qui croyais au coup de foudre !

Notre baiser ? De quoi parlait-il ? Je n’avais aucun souvenir de notre première rencontre. Soit j’étais devenue totalement amnésique, soit il divaguait complètement. Il était impensable que j’aie pu embrasser un parfait inconnu sans en garder la moindre trace dans ma mémoire.

Tout tournait si vite dans ma tête. J’étais désorientée. Incapable de réfléchir, paralysée par la peur et la faim. Une faim si intense qui me consumait de l’intérieur. J’avais soif, mais certainement pas de ce liquide sous vide.

Je me surpris à imaginer le goût que pouvait avoir le sang de cet inconnu énigmatique. Quelle serait la sensation lorsque je planterai mes dents dans sa peau si pâle.

J’aurais dû être effrayée, voire dégoûtée, mais je n’y arrivais pas. À ce moment précis, je n’étais plus moi-même. Seulement une créature sauvage, affamée, assoiffée, salivant devant son prochain repas. Tel un prédateur, je me délectais de son odeur. J’admirais le magnifique dessin violacé sous sa peau nacrée.

Lorsque ma langue vint effleurer mes lèvres, je le vis sourire. Le temps sembla se figer. Je me tenais à présent debout face à cet homme si beau et si froid. Face à ma proie. J’observais la moindre de ses réactions, le moindre de ses gestes. Attendant le bon moment, guettant la moindre faille.

En un mouvement fluide et furtif, presque instinctif, je me jetai enfin sur l’objet de ma convoitise. Je sentis mes canines s’allonger et s’enfoncer dans la chair fraîche de cet étranger. Je savourais avec plaisir son sang sucré.

Surpris par mon attaque, il n’avait pu m’éviter. Mais il me repoussa rapidement et avec une telle violence que je fus projetée à plusieurs mètres de l’épave.

Je me recroquevillai sur ce sol froid, tentant de recouvrer mes esprits. Le monstre en moi s’était évanoui, sa faim rassasiée, me laissant seule. Écœurée. Je voulus tout recracher, en vain. J’étais incapable de vomir. J’avais halluciné. Il était plausible que lors du crash je me sois pris un méchant coup sur la tête. Je souffrais d’une commotion. C’était certain. Sinon, comment expliquer que je me sois délectée de ce grand cru prélevé directement à la gorge de cet inconnu ?

Sans réellement comprendre pourquoi, une profonde colère m’envahit. Une rage intense contre lui et ce dénommé Doe pour tout ce qui m’était arrivé. Pour cette livraison stupide. Pour ce voyage sans escale. Pour mon accident.

Un épais brouillard nous enveloppa, chargeant l’air d’une humidité suffocante. Un vent puissant et chaud se leva et fit tout tourner autour de nous. Les feuilles, les morceaux de bois, les débris de mon avion…, tout se mit à voler dans cette épouvantable tornade. Tout, sauf cet homme. Il paraissait imperturbable, comme si rien ne pouvait l’atteindre. Pas même la mort.

Tel un félin, il s’approcha doucement de moi. Son regard de braise me transperçait, me consumait. Sans un mot, il se baissa et me prit la main. Il la porta délicatement à sa bouche pour y déposer un baiser. Je sentis mon cœur fondre. Une véritable midinette ! Mais, étrangement, ma fureur s’apaisa, tout comme la tempête, pour laisser place à une fatigue intense.

— Enfin ! Je commençais à croire que notre accident n’était qu’un pur hasard ! me lança-t-il.

À quoi faisait-il allusion ? À la tempête ? À l’apparition soudaine de cette île ?

Un sourire carnassier se dessina sur son visage, dévoilant deux grandes canines d’un blanc étincelant.

— Attends ! Je ne rêve pas ? ! Tu es un de ces tarés adeptes des prothèses dentaires ? Ridicule !

— Outch ! Tu veux me faire mal, ma Belle ? J’aime ça.

— Arrête de jouer au con et réponds-moi !

— OK, je pensais que c’était purement rhétorique. Je suis un vampire. Tout comme toi !

— Oui ! Très amusant… Attends ! Tu as dit « notre accident » ? Tu plaisantes ? Tu étais planqué dans l’appareil ? !

— Eh oui ! J’étais ta précieuse marchandise.

— Quoi ? Dans cette boîte métallique ? T’as un sérieux problème !

Je commençai de nouveau à m’énerver et j’entendis l’orage gronder au-dessus de nous.

— Calme-toi. S’il te plaît. Tu ne voudrais pas me griller sur place avant d’avoir obtenu tes réponses. Bon, reprenons depuis le début. Je me présente : Raphaël. Je devais me rendre, et ce, avec une discrétion absolue, à Haïti. Ce qui explique pourquoi j’étais dans cette caisse. Les raisons exactes ne te concernent en rien.

— Quoi ? Je me trouve dans cette merde avec toi et ça ne me concerne pas ! C’est une mauvaise blague ?

Il ne me répondit pas. Son regard, aussi noir et intense que de l’onyx, me transperçait comme s’il cherchait à résoudre un mystère. Il était terriblement séduisant. Tout chez lui était parfait : ses cheveux argentés, son teint de porcelaine, son corps d’athlète et cette manière de se déplacer avec fluidité et aisance, tel un serpent. Mortellement hypnotisant. Quant à son sang, une pure merveille. J’en avais encore le goût sur la langue. Ce même goût sucré et subtilement métallique avec lequel je m’étais réveillée. Que m’était-il arrivé ? Tout était si confus.

— Tu ne te souviens vraiment de rien, n’est-ce pas ?

Il avait perdu son attitude arrogante. Tenant encore ma main, il affichait un air soucieux, presque compatissant. Je voulus le repousser, mettre de la distance entre nous, mais mon corps en avait décidé autrement. Il restait immobile, refusait de m’obéir. Alors, je me contentai de profiter de ce merveilleux contact.

Soudain, il se releva et fit un pas en arrière. Il me sourit et commença à m’expliquer ce qu’il s’était passé :

— Après le crash, tu as réussi à t’extirper de ce qu’il restait de cet avion. Ton cœur battait étrangement. Telle une douce mélodie au tempo irrégulier.

Il tapait dans ses mains, mimant ses paroles.

— … Tantôt fort et sourd, tantôt faible et imperceptible. Puis ce fut le silence le plus total. Je n’ai rien pu faire. Le temps que j’arrive à sortir de cette caisse, ta vie s’était envolée. Enfin, c’est ce que j’ai cru !

— Ben voyons ! Pourquoi je n’y avais pas pensé ! Je suis un fantôme ? C’est ça ? Tu me prends pour une idiote ?

— Je ne fais que te rapporter les faits, ma Belle. Tu avais un trou béant dans le ventre. Tu t’es simplement vidée de ton sang. J’ai voulu t’aider, mais, comme je te l’ai déjà dit, c’était trop tard. Lorsque je me suis penché sur toi pour ramasser ton corps, tu m’as littéralement sauté au cou ! Tu me serrais si fort que j’ai eu du mal à te faire lâcher prise !

— Je ne suis pas sûre de bien te suivre. Je serais morte et, comme par magie, je me suis relevée et je t’ai mordue ! C’est une plaisanterie ? Pardonne-moi la question, mais tu as l’air tellement convaincu par ces âneries !

Je fus prise d’un terrible fou rire. Le fou rire d’une folle en pleine crise de nerfs. Un vampire. Mais bien sûr ! Et des crocs me seraient poussés dans la nuit, comme par magie ! C’était du grand n’importe quoi.

— Vraiment ? me demanda Raphaël, comme s’il lisait dans mes pensées. Alors pourquoi cette nourriture a un goût de cendres ? Pourquoi as-tu bu à deux reprises de mon sang ?

Je le regardais, interloquée. Non pas à cause de ses questions complètement dingues, mais parce que j’avais l’horrible impression qu’il était dans mon esprit. Comment faisait-il cela ?

— C’est agaçant, n’est-ce pas ? Mais tu finiras par t’y habituer, tu verras, me dit-il.

— Dégage de ma tête et dis-moi la vérité ! Tu m’as droguée ? Ou c’est une caméra cachée ?

— Tu es sacrément têtue ! Combien de fois je vais devoir te le répéter pour que tu comprennes ?

Il faisait les cent pas devant moi. Je pouvais sentir sa frustration et son agacement. Soudain, il s’arrêta net et ajouta :

— J’ai une idée !

Il sortit une dague de la poche intérieure de sa veste, me prit la main et me taillada la paume avant même que je n’aie eu le temps de réagir.

— Eh ! Ça fait mal ! C’est quoi ton problème ?

La douleur vive laissée par la lame se dissipa rapidement en une infime brûlure, puis plus rien. Une terrible sensation de faim m’envahit et je ne pus m’empêcher de porter ma main à mes lèvres pour y lécher le sang frais. Il y en avait très peu. Trop peu pour ce type de blessure. J’observais ma plaie et ne vis qu’une fine ligne rose qui disparut sous mes yeux.

J’avais cicatrisé presque instantanément. Ma peau était de nouveau intacte. Plus aucune trace. Non. Ça ne pouvait pas être vrai. Et pourtant, cela expliquait l’absence de marque après cet atroce accident, et ce, malgré mes vêtements déchirés et le sang inondant le sol.

Je me sentais désemparée. Je ne comprenais pas ce qu’il m’était arrivé. Tout cela était impensable. Je portais mes doigts à ma jugulaire. Rien. Aucun pouls. Je voulus prendre une profonde inspiration pour me calmer. Mais, pour une raison obscure, ce réflexe si naturel était devenu désagréable. Difficile. Je crus étouffer. Les mains autour de ma gorge, la bouche ouverte, je paniquais. L’air me manquait, cependant je ne ressentais aucune douleur.

Mais alors, il disait vrai ? Non. C’était du délire. Je ne pouvais pas être morte et consciente. C’était inconcevable. Et l’idée même d’être devenu un vampire était encore plus absurde. Parce que, d’un, je ne croyais pas à ces légendes sur les buveurs de sang. Et de deux, en admettant qu’ils existent, jamais je n’avais été mordue.