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Attendre son tour pour visiter la tour Eiffel, hésiter entre prendre le voile et mettre les voiles, nettoyer la vase accumulée au fond d’un vase… Chacun est à même de citer des exemples de noms communs dont le sens change avec le genre. Mais on sait moins qu’on peut se cacher derrière une prétexte, admirer un rencontre ou une couple de beaux gambettes, ou même cueillir une mille-feuille après avoir pêché un ombre avec sa trouble. Notre dictionnaire se propose de vous emmener à la découverte de ces mots aux deux visages, l’un féminin, l’autre masculin.
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Seitenzahl: 196
Veröffentlichungsjahr: 2016
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Epigraphe
Chapitre A
Chapitre B
Chapitre C
Chapitre D
Chapitre E
Chapitre F
Chapitre G
Chapitre H
Chapitre I
Chapitre J
Chapitre L
Chapitre M
Chapitre N
Chapitre O
Chapitre P
Chapitre Q
Chapitre R
Chapitre S
Chapitre T
Chapitre V
Chapitre X
Les mots que nous n’avons pas retenus
Bibliographie
Lexique
Attendre son tour pour visiter la tour Eiffel, hésiter entre prendre le voile et mettre les voiles, nettoyer la vase accumulée au fond d’un vase… Chacun est à même de citer des exemples de noms communs dont le sens change avec le genre. Mais on sait moins qu’on peut se cacher derrière une prétexte, admirer un rencontre ou une couple de beaux gambettes, ou même cueillir une mille-feuille après avoir pêché un ombre avec sa trouble. Notre dictionnaire se propose de vous emmener à la découverte de ces mots aux deux visages, l’un féminin, l’autre masculin.
Plutôt qu'un ouvrage de référence, nous avons voulu concocter un guide de vagabondage, d’un mot à un autre, d’un univers à un autre. Nous nous sommes d’abord intéressés aux mots pour eux-mêmes, leur définition, leur histoire, leur place et leurs résonances dans la langue. Nous ne nous sommes interdit aucune parenthèse, aucune digression, nous laissant porter par les interrogations que chacun d’eux nous inspiraient. « Le premier souci de l’homme est de penser à autre chose », écrivait Alexandre Vialatte. Cette maxime a continuellement guidé nos pérégrinations.
Puisque c’est le point commun qui nous a fait les réunir, nous avons aussi voulu examiner ce que révélait et ce qu’impliquait l’appartenance de ces mots aux deux genres. Pour un francophone, il va de soi de classer les noms soit dans le genre féminin, soit dans le genre masculin. De même qu’il y a le monsieur et la madame, un enfant apprend et admet sans rechigner qu’il y a la chaise et le fauteuil, la route et le trottoir, qu’au bout d’un bras se trouve une main et qu’au bout d’une jambe se trouve un pied. Bien sûr, il tique un peu quand il apprend qu’il y a des chouettes mâles et des hiboux femelles, mais au bout du compte il intègre sans peine que sa langue partage le monde entre ce qui est féminin et ce qui est masculin. En italien comme en espagnol, c’est à peu près la même chose.
Mais, il n’en va pas de même pour toutes les langues. Nombre d’entre elles ont aussi un neutre, principalement pour parler des choses inanimées. D’autres encore, comme le hongrois, n’ont tout simplement pas de genre, en tout cas aucun système de classification des mots qui s’y apparente. A contrario, certains idiomes peuvent en compter plusieurs dizaines. Chez certains Bantous par exemple, il y a des genres pour distinguer ce qui est liquide de ce qui est solide, ce qui est plat de ce qui est en relief, ce qui est rond comme une bague de ce qui est rond comme une balle, ce qui est plat comme un drap de ce qui est semblable à un bloc de sucre, etc.
On le voit, le genre grammatical ne va pas de soi, et encore moins sa confusion avec l’appartenance sexuelle. Au fil de notre balade parmi les mots hermaphrodites, à cheval sur la frontière entre féminin et masculin, nous avons voulu partir à la recherche de ce que le genre grammatical veut dire, de ce qui a présidé à cette étrange partition du monde, et des effets que celle-ci a sur notre perception du réel et sur notre sentiment de la vie.
Nous commençons par une question de mythologie : la corne d’abondance est-elle une corne de chèvre ou une corne de bœuf ?
Au féminin, l’abondance est la profusion, la grande quantité, la multitude. Dans leur panthéon extra-large, les anciens Grecs hébergeaient la divinité Abondance, belle jeune femme fleurie à foison et tenant dans sa main une corne regorgeant de victuailles. D’où tenait-elle cette corne ? De la chèvre Amalthée, celle-là même qui allaita Zeus dans son jeune âge.
La corne d’abondance serait donc bien celle d’une chèvre.
Si ce n’est qu’au masculin, l’abondance est un bœuf. Reconnaissons-le : l’abondance est rare. Cette race d’origine haut-savoyarde représente à peine plus d’un pour cent du cheptel bovin laitier français. Il n’empêche qu’une corne d’abondance peut tout aussi bien être celle d’un bœuf.
Par ailleurs : l’abondance au masculin désigne aussi le fromage à pâte pressée que l’on fabrique à partir de ces mêmes vaches de la race abondance.
Au masculin, un adonis est un jeune homme remarquablement séduisant. Là encore, le terme nous vient de la mythologie grecque : Adonis, mortel beau comme un dieu, tapa dans l’œil à deux divines frangines, Aphrodite et Perséphone. Pour arbitrer la querelle, leur père Zeus demanda qu’Adonis passât son temps pour un tiers avec l’une, pour un tiers avec l’autre, et pour le dernier tiers avec tout autre amoureuse de son choix. Hélas ! C’est avec Aphrodite, la véritable élue de son cœur, qu’il voulut jouer les prolongations, déséquilibrant ainsi l’arrangement convenu. Des remous s’ensuivirent dans le landerneau divin, qui se soldèrent par une fatale vengeance. Au cours d’une partie de chasse, Adonis tomba sous la charge d’un sanglier, sans doute missionné par un rival ou un ennemi d’Aphrodite, agité par l’affaire (Arès ? Apollon ? L’enquête n’a rien conclu).
Le sang du beau jeune homme coula, à une goutte de ce sang se mêla une larme d’Aphrodite. Et de ce mélange naquit une adonis, petite renonculacée rouge, aussi appelée goutte-de-sang, et puissamment toxique pour le cœur des humains…
Par ailleurs : l’adonis au masculin est aussi un beau papillon bleu, ainsi qu’un gros poisson d’eau douce.
Au féminin, l’affixe est un nombre complexe associé à un point du plan. Pour ceux qui ont passé leurs cours de maths à perfectionner leur pratique du morpion, rappelons qu’un nombre complexe est l’association de deux nombres : l’un dit « réel », et l’autre dit « imaginaire », ces deux nombres correspondant à l’abscisse et à l’ordonnée d’un point dans le plan. Cela paraît artificiel comme ça, mais en géométrie, notamment, l’outil s’avère d’une remarquable puissance.
C’est en linguistique qu’on emploie affixe au masculin. Il y désigne un élément qu’on accole à un radical pour former un nouveau mot. Par exemple, les préfixes et les suffixes sont des affixes. Le mot affixe lui-même contient un affixe : sur le radical fixe (ce qui ne bouge pas), s’est greffé le préfixe a-, qui exprime l’idée d’une absence ou d’une privation.
Une affixe pour les matheux, un affixe pour les khâgneux. Pourquoi ? Mystère. Ah ! Si le français avait un neutre…
Une aide, c’est un soutien, une contribution.
Un aide, c’est la personne qui apporte cette aide. Le terme contient l’idée d’une infériorité hiérarchique de l’aidant vis-à-vis de l’aidé. Ainsi, dans l’armée, un aide de camp seconde un chef militaire, veille à la transmission et à l’application de ses ordres. Quand un colonel crie « À l’aide ! » il attend donc aussi bien une aide qu’un aide. Quand un troufion de base crie « À l’aide ! », il a intérêt à avoir des copains.
Un aigle est un grand rapace diurne. Oiseau altier, il évoque la force, le prestige, la majesté. Rien d’étonnant à ce qu’il soit devenu le symbole de nombreux états, et plus spécialement d’empires. Les légions romaines en faisaient leur emblème, le Saint Empire romain germanique en hérita, Napoléon les imita. L’aigle orne encore aujourd’hui diverses armoiries et plusieurs drapeaux nationaux : en Albanie, l’animal est gratifié de deux têtes ; en Moldavie, il porte une croix dans son bec, un rameau dans une patte et un sceptre dans l’autre. Au Mexique, il triomphe d’un serpent, tout en étant perché sur un cactus, ce qui, il faut l’avouer, n’est pas à la portée du premier volatile venu.
Lorsqu’il est représenté, l’oiseau n’est plus un aigle mais une aigle. Faut-il en conclure qu’il s’agit alors de femelles et non de mâles ? C’est fort douteux : dans la nature, distinguer à distance le sexe de l’aigle est impossible. Et il serait bien téméraire d’aller y voir de plus près. A fortiori, dans les représentations stylisées, rien ne saurait le déterminer.
Cette particularité du langage héraldique est en fait un héritage de la langue latine. Aquila, l’aigle, y est un mot féminin. Les héraldistes ont conservé le genre tandis que l’usage commun l’a progressivement inversé au fil des siècles. Pourquoi ce changement ? Est-ce à cause de la voyelle initiale, qui engendre souvent une incertitude sur le genre ? Est-ce par analogie avec les autres noms de rapaces, très majoritairement masculins ? Difficile de l’établir, mais on ne peut s’empêcher une remarque cependant : jusqu’au XVIe siècle, le mot aigle est encore féminin. Et c’est justement au siècle suivant, lorsque s’assoit plus fermement l’autorité du roi, en même temps que celle du père, son lieutenant au sein de la famille, que l’aigle, oiseau noble et puissant, surplombant la piétaille et symbolisant le pouvoir, va devenir masculin.
Amour, délice et orgue : c’est le fameux triptyque des mots qui changent de genre quand ils changent de nombre. Mais il arrive aussi que les amours soient masculins : c’est qu’on parle alors des angelots personnifiant l’amour ou représentant ses divinités (Éros, Cupidon…). Signalons au passage que les délices aussi peuvent être masculins lorsqu’ils sont précédés de « de » : on dira « un de mes plus grands délices ». Mais doit-on dire « un de mes plus belles amours » ?
Une aria est un chant mélodique interprété par un soliste, accompagné par une petite formation musicale. Le genre se pratiqua surtout au cours du XVIIIe siècle, et Bach ne fut pas le dernier à en composer.
Tandis qu’un aria, c’est soit un amoncellement embarrassant d’objets hétéroclites, soit un tracas imprévu. Le terme est franchement désuet, mais on le rencontrait encore sous la plume d’auteurs du siècle dernier, comme Montherlant ou Francis Carco.
Nous avons affaire ici à des mots totalement distincts, sans autre rapport entre eux que leur parfaite homonymie. Un aria dérive du vieux français harier, qui signifie harceler ; une aria est un emprunt à la langue italienne (aria y signifie air de musique). Pure coïncidence donc, où il ne faut voir aucune anti-mélomanie…
L’arrière-main, c’est le dos de la main. Puisqu’il est construit sur le mot main, le terme a logiquement hérité de son genre féminin. Ne dit-on pas de même une arrière-cour, un arrière-train, un arrière-goût,…
Mais cette belle évidence se trouble dès qu’on parle de jeu de paume : l’arrière-main y est un coup du revers de la main. Même chose dans le domaine de l’équitation : l’arrière-main y désigne la partie postérieure du cheval, celle qui est derrière la main du cavalier. Les sources ne s’accordent plus alors sur le genre du mot. Les partisans du masculin (Littré en tête) avancent qu’il s’agit dans les deux cas du vestige d’une ellipse : un (coup de l’) arrière-main pour le jeu de paume, un (train de l’) arrière-main pour l’équitation. Les partisans du féminin, eux, n’arguent rien, nous laissant dans le doute, le dilemme, la déréliction.
En versification gréco-latine, un asclépiade est un vers de quatre ou cinq pieds, selon qu’il est dit petit ou grand.
En revanche, qu’elle soit grande ou petite, une asclépiade n’a toujours qu’un pied. Cette plante sauvage collectionne les atouts, puisqu’on peut s’enivrer de son puissant parfum, se régaler de ses gousses, et qu’on espéra même un temps en extraire du caoutchouc. Mais ce sont surtout ses vertus médicinales qu’apprécièrent les Grecs, à tel point qu’ils l’appelèrent la plante d’Asclépios, le dieu de la médecine.
Oui, mais bon : un asclépiade et une asclépiade, quel rapport ?
C’est aussi au dieu grec que le vers doit indirectement son appellation. Le nom d’Asclepiades fut adopté par diverses familles de médecins qui, en toute modestie, prétendaient descendre d’Asclépios. Le grand Hippocrate lui-même était des leurs. A la manière des « Philistins épiciers » moqués par Richepin et chantés par Brassens, cette noble caste voyait assurément toute sa progéniture reprendre le caducée. Mais pour bien les punir, un jour ils ont vu venir sur terre, un poète. Sur cet Asclepiades à plume, on sait peu de choses, si ce n’est qu’il créa le vers dont nous parlons.
De l’aune du Roy au roi des au(l)nes…
A nouveau, une histoire de pieds. Une aune en valait à peu près quatre. Avant la Révolution, c’est en aunes que les drapiers du royaume de France mesuraient leurs tissus.
Pour nous qui sommes coutumiers du mètre et de ses impeccables décimales, le système d’unités de l’Ancien Régime a des allures d’indémêlable jungle. Toises, perches, cannes, brasses, lieues, encablures, grandeurs variables selon les époques, les usages, les régions…
Ainsi l’aune mesurait-elle 81 cm à Troyes, 1,45 m à Bordeaux, 1,19 m à Paris. François Ier tenta d’y mettre bon ordre en fixant l’aune du Roy (ou aune de Paris) à 3 pieds 8 pouces. Mais comme personne n’était vraiment sûr de la taille du pied pris pour référence, cela n’a pas très bien marché.
Au masculin, l’aune est une variante orthographique de l’aulne, cet arbre qui croît volontiers dans les lieux humides et brumeux. Dans ses bois rôde l’Erlkönig, le roi des Aulnes, le voleur d’enfants que versifia Goethe, et qui inspira bien plus tard Michel Tournier. À l’âge adulte, il mesure 20 à 30 mètres (l’aune, pas Michel Tournier), soit 25 aunes environ.
Les deux mots sont étrangers l’un à l’autre.
Par ailleurs : l’expression « à l’aune de » fait bien sûr référence à l’unité de longueur, et signifie justement « en prenant pour référence ».
De la même façon que l’arrière-main vu(e) précédemment, l’avant-main peut désigner soit la partie avant de la main du côté de la paume, c’est alors un mot féminin ; soit la partie du corps d’un cheval devant la main du cavalier. Il peut alors être masculin.
Les joueurs de paume ne parlent pas d’avant-main mais de paume. Sinon leur sport s’appellerait le jeu d’avant-main.
Nous sommes ici dans le cas d’une double substantivation du même adjectif. Ce qui est automatique, c’est ce qui fonctionne seul, ce qui s’accomplit sans intervention extérieure. L’adjectif a donné l’automatique au féminin, la science et la technique de l’automatisation, et plus généralement la science des systèmes. Tandis que l’automatique au masculin va désigner un pistolet, ou un système téléphonique automatique.
Au féminin l’idée générale, la discipline, au masculin l’application particulière. Une répartition des genres qu’on retrouvera de maintes fois dans ce dictionnaire.
La baliste était une machine de guerre en usage dans l’Antiquité et jusqu’au Moyen Âge. Elle servait à projeter des flèches, des pierres, des torches en flamme… Une catapulte, en somme ? Pas tout à fait : là où la catapulte exploite le principe du balancier à contrepoids, la baliste tire sa force de la mise en tension d’une corde entre deux bras élastiques. Ce qui en fait plutôt une espèce de très grosse arbalète montée sur des roulettes.
Le baliste est un poisson de mer. Selon l'espèce, il peut être clown ou royal, tacheté ou ondulé, cabri ou léopard, écharpe ou boomerang, ou même picasso. C’est dire s’il est beau. Mais méfiez-vous de l’animal : sa nageoire dorsale porte un aiguillon capable de se redresser brusquement pour frapper un éventuel assaillant. C’est cette arme de choc qui lui valut dès l’Antiquité d''hériter du nom de la machine de guerre.
La barbe c’est ce qui pousse au menton et aux joues des hommes, voire de certaines femmes. Les animaux aussi ont des barbes, la chèvre notamment. Mais chez eux, elle n’est pas toujours faite de poils : ainsi, la barbe de coq est une partie charnue de sa crête, la barbe d’un poisson plat est une excroissance cartilagineuse qui lui sert de nageoire. Et si l’on vous parle de barbe-de-bouc et de barbe-de-renard, il s’agira plutôt d’un salsifis sauvage et d’un arbuste épineux.
Le cheval aussi peut avoir une barbe, et même deux : certains d’entre eux ont du poil au menton, et par ailleurs c’est ainsi qu’on appelle la zone de leur lèvre inférieure où se réunissent les deux parties de la mâchoire.
Mais surtout un cheval peut être un barbe : il est alors de la race que chevauchent les Berbères depuis des millénaires. Robustesse, endurance, rapidité, intelligence : le barbe avait tout pour devenir une monture guerrière très prisée, des Carthaginois jusqu’aux troupes du général Rommel. Les Romains l’appelaient le cheval de Barbarie. Par apocope, il est devenu le cheval barbe, puis le barbe.
Et la Barbarie, c’est aussi la contrée des barbares, ces étrangers mal dégrossis que les Grecs se représentaient copieusement barbus. Le barbe et la barbe sont donc deux proches cousins.
Par ailleurs, en argot, le barbe désigne un maquereau. Pas le poisson, vous l’aurez compris. Le mot est né par apocope de barbeau, autre nom de poisson, et autre synonyme de souteneur.
En boucherie, la barde est une fine tranche de lard dont on entoure une viande que l’on va rôtir. Il convient de l’y ficeler solidement, à l’aide d’une corde appelée la bride.
Il en est un autre qu’on ficelle volontiers à l’heure où le banquet se profile, c’est Assurancetourix, le barde des aventures d’Astérix. Goscinny et Uderzo se sont amusés à en faire un poète un peu lunaire et non-violent, un compagnon gai et sympathique, et surtout un chanteur calamiteux. Rendons-lui un peu justice en soulignant l’importance du barde dans les sociétés gauloises : dépositaire de la tradition orale, il transmettait les mythes et les chants sacrés, et assumait les fonctions d’instituteur. Sans être l’égal du druide, le barde constituait une véritable sommité de la communauté.
Du barde à la barde, point de passerelle : le premier vient du celte, la seconde de l’arabe barda’a, une sorte de selle qui a aussi donné barda, le chargement du soldat.
Précision : le barde admet un féminin, non pas la barde, mais la bardesse.
Une barge est soit un oiseau échassier, soit un bateau à fond plat. Un barge, apocope de barjot, lui-même verlan de jobard, c’est un type carrément maboul. Pas de lien entre ces deux mots.
Nous sommes en 1891 à Springfield, dans le Massachusetts. Le presbytérien John Naismith enseigne à la fois la Bible et la culture physique. Si l’étude des saintes écritures s’accommode des rigueurs hivernales, c’est moins vrai pour la pratique du base-ball et du soccer. Quelle activité d’intérieur proposer à ses jeunes gaillards d’élèves, peu enclins à ressasser leur gymnastique suédoise en attendant la fonte des neiges ? Naismith imagine, détourne, expérimente, et au bout de longs mois de brainstorming solitaire, élabore et fignole les règles du basket-ball, sport d’équipe qui consiste peu ou prou à mettre un gros ballon dans un petit panier (basket en anglais).
Le jeu rencontre un succès immédiat. Et c’est alors, déduirez-vous, que pour pratiquer le basket sans se tordre les chevilles ni valdinguer dans les gradins, on invente la basket. Erreur ! D’une certaine façon, la basket a précédé le basket. C’est dès 1868 que la Candde Manufacturing Co de New Haven a mis au point une chaussure de sport en toile et à la semelle de caoutchouc. Cette merveille trouve bien sûr un heureux débouché avec la création du professeur Naismith. Et c’est un peu plus tard – 1908 pour être précis –, que Converse met au point la première véritable basket, chaussure tout spécialement conçue pour ce sport.
Au féminin, le mot basket est tout simplement né par ellipse à partir de la chaussure de basket. De même, le polo est le vêtement de polo, et la tennis la chaussure de tennis. Mais alors pourquoi pas la football pour la chaussure de foot, la rugby pour la chaussure de rugby ? Sans doute parce que les baskets et les tennis ont su s’imposer comme des chaussures de ville, et conquérir leur autonomie loin de leur sport d’origine. Dès les années 1960, porter à toute heure et en tout lieu des sneakers, c’est pratique et c’est de plus en plus chic. Le sportswear prospère, jusqu’à la Marie-Antoinette filmée en 2006 par Sofia Coppola, qui compte dans sa garde-robe de superbes Converse All Star rose bonbon.
Lorsqu’il désigne un habitant de l’Euskadi, le mot Basque est ce qu’on appelle un épicène, c’est-à-dire un terme pouvant être des deux genres, et qui a la même forme au masculin et au féminin. Cela ne suffirait pas à justifier la présence du mot dans ces pages. Mais il s’avère que le basque désigne aussi la langue que l’on parle dans le susdit pays, et que par ailleurs, la basque est l’une des deux moitiés tombantes d’un vêtement qui couvrent le fessier, tels les deux pans de la queue-de pie.
La basque n’est pas l’invention de quelque tailleur biarrot, l’origine du mot se situant plutôt du côté de la Provence. Quant aux Basques, leur nom vient de celui des Vascons : c’est ainsi que les Romains appelaient les gens du coin.
D’où vient l’expression « lâche-moi les basques » ? Serait-ce un appel à soutenir les velléités d’indépendance de la région de Pampelune ? Non, bien sûr. C’est plutôt une invitation à lâcher ces deux morceaux de tissu qui pendouillent à portée de main de qui vous colle au train. La queue-de-pie se faisant rare, l’expression est aujourd’hui détournée en un plaisant « lâche-moi les baskets ».
Dans le langage populaire, une beigne, c’est une gifle, un coup porté au visage. A l’origine c’était plus précisément la bosse laissée par ce coup. Et la bosse, c’est grossièrement la forme du beigne, petit gâteau de pâte frite recouvert de sucre ou de glaçage que l’on déguste au Canada. Un cousin d’Amérique de la bugne, autre genre de beignet apprécié du côté de Lyon. Tous ces mots ont un même ancêtre : buyne, qui signifiait bosse en vieux français.
Ceux qui croyaient que le mot beignet devait son nom au fait qu’on le cuit en le baignant, se voient enfin détrompés.
1983 : le Haut Comité de la langue française, en liaison avec l’Académie tout aussi française et quelques autres défenseurs de la franco-francité de notre langue française, décide de s’attaquer à un nouvel ennemi : le cafard. En anglais : le bug. Au tournant des années 80, le bug se répand à vive allure. Venu du langage informatique, où il désigne un problématique défaut de programmation, il séduit de plus en plus le quidam dès qu’il s’agit d’évoquer toute forme d’anomalie ou de blocage. Il faut agir, et vite : boutons le bug anglois en lui trouvant un équivalent bien de chez nous.
Mais comment supplanter la parfaite simplicité, la puissance évocatrice de ce petit mot rigolo, qui semble tout droit sorti d’une bulle de comic strip ? Ça gamberge sous la coupole, ça trifouille dans les dicos, jusqu’à ce que jaillisse l’idée, la vraie : la bogue ! La bogue, c’est l’enveloppe couverte de piquants qui protège la châtaigne ou le marron. Quelle belle image pour évoquer le problème épineux posé par le bug ! Et, pense-t-on, la ressemblance entre les deux mots précipitera la substitution. Ni une ni deux, la recommandation paraît au Journal officiel du 30 novembre 1983.
Le bug vit ses derniers jours, veut-on croire en haut lieu.
Hélas, l’ici-bas fait souvent fi des directives officielles : non seulement le bug pullule de plus belle, mais les rares qui s’appliquent à adopter son challenger (pardon : son concurrent), renâclent à en faire un mot féminin, et c’est le