Les dynamiques en sciences humaines et sociales - Innocent Fasse Mbouya - E-Book

Les dynamiques en sciences humaines et sociales E-Book

Innocent Fasse Mbouya

0,0

Beschreibung

La multiplicité et la diversité des bouleversements observés au sein de l'espace public désormais éclaté appellent les chercheurs, producteurs des savoirs, à s'intéresser aux dynamiques qui les sous-tendent et à la manière dont elles impactent la reconfiguration sociale. Ces changements multiformes s'observent, sans que l'énumération qui suit soit limitative, dans plusieurs domaines d'activités scientifiques : pédagogie, économie, espaces socio-identitaires, relations internationales, TIC et médias, multiculturalisme, etc. Par cet ouvrage, les auteurs se proposent de mettre en tension les dynamiques en sciences humaines et sociales et la reconfiguration des nouvelles formes de socialités au Cameroun.

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 348

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Table des matières

Introduction générale

Chapitre 1

er

 : Désenclavement, urbanisation et développement local au Cameroun : les effets de la réhabilitation routière sur l’émergence de la ville de Ntui

Jean Baptiste DIMBO NDAMA

Chapitre 2 : Cross linguistic experiences and the integration of internally displaced students in the Littoral Region, Cameroon

Brenda NACHUAH LAWYER

Chapitre 3 : Humiliation and commodity: exploring black diasporic woes in selected female narratives

Mary Louisa LUM

Chapitre 4 : Dynamique de la violence dans l’espace public à Douala en situation coloniale (1845-1945)

Pascal NDJOCK NYOBE

Chapitre 5 : Les dynamiques des acteurs sur les réseaux sociaux numériques : entre construction/déconstruction et reconfiguration de la réalité sociale au Cameroun

Jacques TEMADJO

Chapitre 6 : Les bases du développement local au Cameroun sous mandat français : 1919-1945

Norbert Aimé MELINGUI AYISSI

Chapitre 7 : Les relations de coopération bilatérale nippo-camerounaises pendant les luttes (dé) coloniales et la guerre froide : genèse, enjeux et dynamique (1960-1990)

Amadou SOULEYMANOU

Chapitre 8 : La dynamique du make-up du cadavre féminin chez les Sawa : “geste’’ identitaire ou pratique entrepreneuriale dans la ville de Douala ?

Léa Lili. KEMEGNE SIMO

Conclusion générale

Introduction générale

Innocent FASSE MBOUYA & Jean Baptiste DIMBO

Les bouleversements touchant les sociétés contemporaines se manifestent à travers des dynamiques de reconfiguration des formes de socialité et des structures de l’espace public. Les sciences humaines et sociales en tant que disciplines centrées sur l’étude des interactions humaines et des dynamiques sociétales se retrouvent en pôle position dans la compréhension et l’analyse de ces mutations profondes. L’interdisciplinarité aidant et prenant appui sur des contributions variées touchant divers domaines (développement local, migration, économie informelle, réseaux sociaux numériques, violences historiques et pratiques culturelles), cet ouvrage collectif intitulé Les dynamiques en sciences humaines et sociales. Reconfiguration des nouvelles formes de socialité au Cameroun, interroge lesdites dynamiques sociales et les transformations multiformes qui redéfinissent le vivre-ensemble au Cameroun.

Le premier chapitre, dont le titre est « Désenclavement, urbanisation et développement local au Cameroun : les effets de la réhabilitation routière sur l’émergence de la ville de Ntui », explore la relation entre les infrastructures et le développement local. À travers l’exemple de la ville de Ntui, cette réflexion met en lumière la manière dont la réhabilitation des infrastructures routières contribue à l’urbanisation et à l’émergence de nouveaux pôles économiques, transformant ainsi les dynamiques locales.

La problématique des déplacés internes, de même que leur intégration sociale et linguistique sont abordées dans le deuxième chapitre qui a pour titre « Cross linguistic experiences and integration of internally displaced students in the Littoral region, Cameroon ». Ce texte examine les défis que rencontrent les étudiants déplacés internes dans un environnement linguistiquement diversifié, ainsi que les mécanismes qui favorisent ou freinent leur intégration.

L’ouvrage élargit la réflexion sur la reconfiguration sociale dans le troisième chapitre « Humiliation and Commodity: Exploring Female Diasporic Woes in Selected Female Narratives ». Ce texte aborde les expériences de marginalisation et d’aliénation vécues par les femmes de la diaspora. Au-delà du machisme naturellement revendiqué par les hommes sur les femmes, la stigmatisation se manifeste avec acuité à l’intérieur même du genre féminin sur une base raciale, faisant des femmes noires des exclues de la société. À travers l’analyse de récits féminins, ce texte interroge les thématiques du genre, de l’exil et de la marchandisation du corps féminin dans un contexte diasporique.

La violence est prégnante et atemporelle dans l’espace public, et fait à juste titre l’objet d’une étude historique. Le quatrième chapitre intitulé « Dynamique de la violence dans l’espace public à Douala en situation coloniale (1845-1945) » étudie les formes de répression coloniale dans la ville de Douala. Cette contribution montre comment la violence coloniale a participé à façonner les structures sociales et les mémoires collectives, influençant la dynamique urbaine et identitaire de cette ville. Des épisodes d’une cruauté inouïe légitimée par les velléités d’accaparement du colon ont laissé des stigmates indélébiles dans la mémoire collective. Les affres de ces actions ont ainsi contribué à renforcer le repli identitaire des peuples ayant vécu sous leur joug.

Le rôle des réseaux sociaux numériques dans la redéfinition de la réalité sociale est examiné dans le cinquième chapitre qui questionne « Les dynamiques des acteurs sur les réseaux sociaux numériques au Cameroun », dans la perspective de la « construction/déconstruction et reconfiguration de la réalité sociale ». Ce texte met en lumière la manière dont les dispositifs de communication que sont les plateformes numériques sont devenus des espaces d’expression, de contestation et de transformation des réalités sociales au Cameroun. La tendance à la cristallisation des mœurs en milieu social au travers des réseaux sociaux numériques a conduit à dresser un nouveau profil identitaire de la société camerounaise. Les plateformes numériques sont ainsi devenues un dispositif de « mise en scène » et d’expression de la vision sociétale. Le retour à des mœurs classiques nécessite de faire recours à la conscience individuelle et collective profonde, seule brigade de veille pour une société reconfigurée par des valeurs morales et éthiques.

L’ouvrage, à travers le sixième chapitre qui fait le plein feu sur « Les bases du développement local au Cameroun sous mandat français : 1919-1945 », se penche sur la dynamique du développement local au Cameroun en scrutant la période sous-mandat français (1919-1945). Ce chapitre s’appuie sur la documentation et les entretiens ciblés et propose une analyse du lien entre le développement du territoire et la forme d’organisation sociale qui le sous-tend, rendant ainsi compte des bases du développement local, y compris les instruments de la promotion économique. Il se conclut par une implication favorable du mandant (la France) dans les secteurs d’activités économiques et son apport dans l’action de développement endogène pendant ladite période.

Le septième chapitre de l’ouvrage poursuit la réflexion sur les dynamiques de coopération. Il a pour titre « Les relations de coopération bilatérale nippo-camerounaise pendant les luttes (dé)coloniales et la guerre froide : genèse, enjeux et dynamique (1960-1990) ». L’auteur revisite les relations historiques qu’entretient le Cameroun avec le Japon. Celles-ci pourraient être qualifiées d’adultérines en raison de l’exclusivité du monopole de la France sur le Cameroun. Le chapitre présente une coopération certes sincère, mais entachée d’hésitations du fait des entraves induites par les accords de coopération entre le Cameroun et la France.

L’ouvrage se clôture avec une brèche sur la mort à travers le huitième chapitre intitulé comme suit : « La dynamique du make-up du cadavre féminin chez les Sawa : “Geste’’ identitaire ou pratique entrepreneuriale dans la ville de Douala ? ». Il s’agit d’une invite à une réflexion scientifique sur un fait très commun, mais peu abordé dans la littérature scientifique. En tant que régulateur de vie, la mort vient donner à cet ouvrage la connotation du "tout entier" en questionnant les usages et la symbolique autour de la manipulation des dépouilles humaines chez le peuple Sawa de Douala. Entre le make-up d’un corps assimilable à de l’embaumement et les rituels qui lui sont dévolus, l’idée est celle d’un voyage dans l’au-delà, dans une apparence qui captive l’admiration des vivants. Le constat d’une pratique qui revendique davantage de visibilité, voire de célébrité, insinue les velléités d’un marketing autour de la mort au détriment de la sobriété et du recueillement attendus dans des circonstances funèbres.

À travers ces contributions, cet ouvrage collectif offre une perspective multidimensionnelle, interdisciplinaire et transdisciplinaire sur les dynamiques contemporaines en sciences humaines et sociales, en lien avec la reconfiguration de nouvelles formes de socialité. Il invite les populations locales à réfléchir sur les nouvelles formes d’interactions sociales, économiques et culturelles qui redéfinissent les sociétés d’aujourd’hui, en prenant comme point d’ancrage des études de cas et des analyses immergées dans le contexte camerounais. Ce recueil est ainsi un espace d’échange et de dialogue entre des thématiques diverses, mais interconnectées, qui nous permettent de mieux saisir la complexité des changements à l’œuvre dans les sociétés contemporaines.

Chapitre 1er

Désenclavement, urbanisation et développement local au Cameroun : les effets de la réhabilitation routière sur l’émergence de la ville de Ntui

Jean Baptiste DIMBO NDAMA

Résumé

Les localités autrefois inaccessibles et en marge des préoccupations sociétales au Cameroun s’illustrent aujourd’hui comme des vitrines d’un développement en marche. Le présent chapitre s’immerge dans la réalité des campagnes camerounaises, dont les villes tutelles, jadis perdues dans l’oubli, élargissent le spectre de leur rayonnement au-delà de leur territoire d’influence. Il essaie de rendre compte de l’implacable fait qu’arbore fièrement la ville de Ntui : celui d’être aux avant-postes des localités en course pour le développement au Cameroun. Le chapitre ambitionne de mettre à contribution les analyses et observations faites sur le terrain, ayant été complétées par les avis issus des enquêtes par sondage. Il s’est agi de recueillir les opinions libres des personnes interrogées, dans quelques-uns des villages traversés par la nationale N° 15, autour de la ville de Ntui. La collecte des données a permis de toucher toutes les composantes de la population. La méthodologie s’est appuyée sur des informations obtenues dans les archives du bureau camerounais du recensement de la population et de l’habitat. La représentation cartographique a été réalisée à partir d’un maillage d’images diachroniques de la localité. Les outils utilisés pour la collecte de données étaient constitués d’un questionnaire d’enquête et d’un smartphone pour la prise d’images sur le terrain. L’échantillon de répondants a été ajusté à la taille de la population d’étude, ainsi que des entretiens libres et observations directes. Selon les analyses, la réhabilitation de la route nationale n° 15 constitue le catalyseur principal du développement de cette ville. Cela illustre bien l’affirmation de René Dumont, qui a inspiré cette réflexion. Elle l’est par le phénomène de migration retour des natifs et d’une ruée frénétique des gens de toutes origines, pour justifier une explosion de la population qui a triplé en l’espace de deux décennies. En même temps, elle y a favorisé un afflux massif de populations allogènes en quête de terres à cultiver. Les conséquences de cette transformation sont bien visibles sur le plan de la reconfiguration du paysage de la ville de Ntui et de son arrière-pays.

Mots-clés : désenclavement, réhabilitation routière, développement local, national n° 15, Ntui

Abstract

Localities that were once inaccessible and on the fringes of society's concerns in Cameroon are now emerging as showcases of ongoing development. This chapter immerses itself in the reality of rural Cameroon, whose umbrella towns, once lost to oblivion, are extending their influence beyond their territory of influence. It attempts to take account of the implacable fact that the town of Ntui proudly displays: that of being at the forefront of localities in the race for development in Cameroon. The chapter aims to draw on the analyses and observations made in the field, supplemented by opinions from sample surveys. The aim was to gather the freely expressed views of respondents in a number of villages crossed by the No. 15 road around the town of Ntui. All categories of the population were included in the data collection. The methodology was based on information obtained from the archives of the Cameroon Population and Housing Census Bureau. The cartographic representation was based on a mesh of diachronic images of the locality. The tools used for data collection consisted of a survey questionnaire and a smartphone for taking images in the field. The sample of respondents was adjusted to the size of the study population, and open interviews and direct observations were used. The analyses carried out show that the rehabilitation of the N15 trunk road is the essential catalyst for the town's development, as René Dumont, the main inspiration behind this study, would have said. This is due to the phenomenon of the return migration of natives and the frenetic rush of people of all origins to justify a population explosion that has tripled in the space of two decades. At the same time, it has encouraged a massive influx of non-native populations in search of land to farm. The consequences of this transformation are clearly visible in the reconfiguration of the landscape of the town of Ntui and its hinterland.

Keywords: opening, road rehabilitation, local development, national n°v15, Ntui

Introduction

La mobilité étant une condition préalable au développement, tout commence par une route. La maxime dumontienne l’atteste à suffisance lorsqu’elle affirme que « Là où la route passe, le développement suit ». Elle semble bien avoir été énoncée, comme dans une prédiction au sujet de Ntui, un bourg situé à 80 km au nord de la ville de Yaoundé. Dans une large mesure, de même qu’une économie dynamique dépend du mouvement des produits et des services, les populations sont tributaires des routes pour l’accès à l’emploi, à l’éducation et aux soins de santé ainsi qu’à tout autre service de première nécessité.

En effet, trois ans seulement après le lancement du projet de réhabilitation de la Nationale 15, alors que le chantier est loin d’être livré, les travaux étant encore en cours, la fièvre du changement s’est emparée des localités longeant le tronçon Batchenga-Ntui-Lena. On aurait dit pour celles-ci que le coup de gong n’avait que trop duré. Ceux qui y accourent aujourd’hui, à la faveur du passage de cet axe routier, semblent n’avoir pas eu écho des prédictions de ELONG (2004) qui voyait déjà en cette région vaste, fertile et sous-peuplée (Mbam-et-Kim) un capital foncier à conquérir par les chasseurs de terres agricoles affluant des contrées voisines. Toutefois, cette situation questionne les équilibres socio-environnementaux ayant caractérisé jusqu’alors cette localité, au-delà des attraits dont elle fait désormais l’objet du fait de l’aménagement de l’axe routier qui la traverse. La ville de Ntui et sa commune sont dès lors amenées à vivre et à composer avec les réalités urbaines importées et imposées à une communauté qui n’y était guère aguerrie. Il s’agit d’une transmutation dont la symétrie porte le visage de l’adversité, et engage la responsabilité de la force publique locale.

Comprendre les dynamiques socio-spatiales qui se jouent dans la Commune de Ntui en général et sa ville en particulier sollicite une rétrospective sur son proche passé, ce qui permettra d’en apprécier les évolutions éventuelles à la lumière des occurrences actuelles.

1. Méthodologie

Le présent chapitre porte sur la ville de Ntui, chef-lieu du Département du Mbam-et-Kim dans la région administrative du Centre (Cameroun). Il essaie de traiter des effets, aussi soudains que surprenants, du désenclavement de cette localité. Pour ce faire, les analyses se sont fondées sur le vécu à partir de l’observation de l’évolution dans le temps de la localité d’étude, les résultats du Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) de 1987 et 2005 et une série d’enquêtes effectuées dans la ville et ses environs. La taille de l’échantillon constituant l’élément essentiel pour tout travail de terrain, sa représentativité, dans le cadre de ce travail, devra permettre d’aboutir aux résultats escomptés. Une enquête a été menée auprès d’un échantillon représentatif de la population de Ntui, sélectionné au hasard et réparti sur dix sites spécifiques de la ville (voir le tableau 1).

Répartition de la population enquêtée dans la ville de Ntui

Quartiers/Villages

Sujets enquêtés

Ménages enquêtés

Odon

11

2

Ancien Abattoir

13

3

Biatchota

10

2

Quartier Haoussa

34

7

Mission catholique

18

4

Bololo

26

5

Yang-yang

20

4

Biangwena

15

3

Centre-ville

41

8

To’o

27

5

Binda-Ndjengue

08

2

Total

225

45

Source : DIMBO, février 2023

Au cours des 10 dernières années, la ville de Ntui a connu une croissance remarquable, ce qui nous a conduit à mener des enquêtes hors du centre urbain et dans la périphérie rurale, qui est elle-même fortement affectée par l’urbanisation (figure 1). Par conséquent, les villages de Biatchota, Odon ou Binda-Ndjengue ont été considérés, ce qui explique la faible participation des personnes interrogées ou du nombre de ménages couverts. Dans le même temps, nous avons observé l’évolution de la valeur foncière, au regard d’une demande de plus en plus croissante. Tout ceci montre que les 100 % des personnes interrogées ont un avis positif sur le passage de la Nationale n° 15. Cependant, 79,5 % de cette population, notamment celle habitant le rayon urbain direct, relèvent le côté mitigé de ce projet routier en accusant la survenance de l’insécurité jamais vécue par le passé.

2. Ntui : le visage d’une ville historique, jadis lointaine et difficile d’accès

2.1. Du village colonial à une ville en explosion

Les manuels et autres ouvrages d’histoire n’évoquent pas encore Ntui comme ayant contribué à l’écriture de l’histoire coloniale du Cameroun. Pourtant, située sur la trajectoire nord du chemin de l’exploration allemande de l’hinterland camerounais, Ntui est une localité qui a vu traverser les Allemands dans leur « Gerangel um Afrika » (une sorte de ruée des Européens sur le territoire africain). Le coup d’envoi de cette course fut donné lors de la Conférence de Berlin de 1884. Le village « Nachtigal », du nom de l’explorateur éponyme, est une illustration vivante de ce passage. C’est d’ailleurs lui qui a baptisé le fleuve du nom de Sanaga, qui est une jonction nominale de deux mots de la langue locale, le Tuki : Ossa, qui désigne le fleuve, et Nanga, qui signifie « maison » ou « village ». C’est donc tout naturellement que, à une demi-douzaine de kilomètres de là (à Ntui), ils établiront leur première base-vie de la rive droite du fleuve. Il devrait sans doute s’agir du hameau le moins désert de la localité, mais aussi le plus accueillant pour un camping paisible, si l’on considère la ténacité de la résistance dont ils avaient déjà fait l’objet jusqu’alors, depuis leur entrée sur le territoire. Les reliques de ce passage y sont d’ailleurs encore perceptibles, au travers des réalisations dans le domaine des infrastructures administratives et immobilières, pour celles qui ont pu résister à l’usure du temps. En effet, le projet d’exploration et de conquête s’accompagnait de la mise en place d’une cellule chargée d’assurer l’administration coloniale sur le plan local.

De cette escale allemande, Ntui deviendra la plaque tournante pour les contrées voisines. Les activités qui se développent autour de l’administration coloniale contribuent à faire de la localité un lieu d’attraction et de convergence des peuples occupant ces immenses forêts presque vacantes. Au fil des évolutions politico-administratives du pays, Ntui va bénéficier du statut de chef-lieu d’arrondissement, ce qui consacrera irréversiblement son statut de ville en devenir. Mais, le visage de la ville, quant à lui, ne va pas beaucoup changer. À en croire l’analyse diachronique des images satellitales sur deux périodes distinctes, la ville est presque restée la même de l’époque postcoloniale jusqu’au milieu des années 2010. Avec le lancement des travaux de réhabilitation routière, dont la clé de voute était le pont de Nachtigal sur le fleuve Sanaga, son étalement se montre très significatif.

Figure 1 : Dynamique de l’occupation du sol entre 2015 et 2022

Réalisation : Ewolo Achille, janvier 2023. Images Landsat des 12 janvier 2015 et 25 décembre 2022. Données de l’INC/Projection UTM WGS 1984 Zone 33N

En sept ans seulement l’emprise spatiale du bâti, par exemple, est passée de 563 ha en 2015 à 1269 ha en 2022, soit un étalement annuel de 101 ha. Ceci a logiquement impacté le milieu naturel à travers la régression de celui-ci, engendrant par endroit la mise à nu des sols.

Figure 2 : Évaluation des dynamiques spatiales de l’arrondissement de Ntui

Source : Enquêtes de terrain, Dimbo 2023

Dans la même lancée, la superficie de la forêt dégradée a connu une percée fulgurante, passant de 2484 ha en 2015 à 12 391 ha en 2022. Ainsi, la commune a perdu en sept ans 9907 ha de sa forêt dégradée, alors que la forêt dense a reculé de 2093 ha. Il en va de même de la savane qui s’est rétrécie de 8845 ha, soit 1263,6 ha par an, une évolution somme toute phénoménale. Toutes les pressions ainsi faites sur le milieu tiennent leur responsabilité de l’explosion démographique qui a marqué la commune au cours des dix dernières années. Ntui en étant l’unique ville, elle devient, de fait, le lieu central et le point d’ancrage du flot de populations qui y migrent assez régulièrement.

2.2. Du temps de la MIDEVIV1 : l’espoir d’un développement manifeste

Dès son accession à l’indépendance, le Cameroun adopte une stratégie de croissance basée essentiellement sur le secteur agricole. La première décennie de développement sera marquée par de multiples actions prises par les pouvoirs publics pour accélérer la production du sous-secteur agricole d’exportation, source de devises nécessaires pour financer le développement du pays. Ainsi, parmi les structures d’encadrement créées, une grande place est accordée aux mouvements coopératifs qui, au demeurant, se préoccupent essentiellement de la commercialisation du cacao et/ou du café. C’est le cas des SAP (Sociétés artisanales de prévoyance), des SOMUDER (Sociétés mutuelles de développement rural) ou de l’UCCAO (Union centrale des coopératives agricoles de l’Ouest). Les réajustements effectués au cours du troisième plan quinquennal (1969/70-1974/75) aboutiront, en 1974, à la création de la MIDEVIV (Mission de développement des cultures vivrières, maraîchères et fruitières). Le programme qui lui était assigné consistait, au niveau de la production, à mettre sur pied des plantations de cultures vivrières et, au niveau de la commercialisation, à acheter et vendre les produits vivriers, pour enrayer la hausse des prix observée sur les marchés, et limiter les pertes à la production en développant les moyens de stockage. C’est au cours de cette période que Ntui va connaitre un essor remarquable impulsé par la présence de la structure : l’employabilité des jeunes et la disponibilité des produits issus des activités en feront la plaque tournante des échanges de la localité et le principal bassin de ravitaillement de la métropole Yaoundé.

2.3. Entre le bac de Nachtigal et le pont de l’Enfance, Ntui et son arrière-pays à l’épreuve de la claustration

Le début des années 1990 sonne le glas de la MIDEVIV, annonçant par la même occasion la fin d’une séquence glorieuse pour Ntui et son arrière-pays. Les licenciements et les mises en congé techniques qui s’en suivent lui prédisent un avenir moins luisant. Une bonne partie de la jeunesse qui constituait la main-d’œuvre ouvrière commence à chercher refuge dans les villes, notamment Yaoundé, dont elle bénéficie de la proximité. La contrée se flétrit peu à peu du fait de l’exode d’une jeunesse qui faisait pourtant sa vitalité, mais aussi de sa position recluse entre deux issues difficiles d’accès pour la ville de Yaoundé qui, de fait, devrait être une alternative favorable au rebondissement de la localité. Pourtant, même l’érection de l’arrondissement de Ntui en département en 1992 n’a pas beaucoup contribué à améliorer les conditions d’accessibilité de la localité. Celle-ci demeurait alors conditionnée par la révision épisodique d’un bac qui offrait, de façon très intermittente, un service minimum de jonction des deux rives du fleuve Sanaga.

En saison de grosses averses, la rupture était presque totale : voyager pour Yaoundé, quand l’urgence était établie, s’assimilait à un « chemin du calvaire » à l’issue incertaine. Si les 85 % du trajet reliant Ntui à la capitale étaient relativement parcourables, couvrir les 12 km de distance entre Ntui et Batsenga était presque suicidaire. Le voyage durait 4 heures d’horloge, alors que seules 45 minutes suffisaient pour couvrir les 70 km de distance entre Batchenga et Yaoundé. Cette situation est ainsi symptomatique du piteux état de la route (Ntui-Batsenga), l’état de santé du bac n’entrant pas en compte. En effet, la sollicitation de cet engin flottant n’était pas adaptée pour assurer un fonctionnement paisible à long terme. Par conséquent, la charge et la vitesse imposées allongeaient considérablement le temps de traversée : il fallait compter entre 10 et 15 minutes pour les 140 mètres environ qui représentent la largeur du fleuve à cet endroit.

Du côté du pont de l’Enfance, la situation n’était pas moins enlisée. Les 120 kilomètres qui séparent Ntui de Yaoundé en passant par Sa’a demandaient assez de force et de courage pour franchir le linéaire Ntui–Sa’a. Comparativement au premier tronçon (Ntui–Batsenga– Yaoundé), les 40 km qui séparent les deux villes voisines font de ce dernier (Ntui–Sa’a–Yaoundé) un cauchemar pour ceux qui l’empruntent. Aucune des deux variantes saisonnières, qu’elle soit pluvieuse ou sèche, n’est favorable pour emprunter cette route et tenter de rallier Yaoundé. Même la réhabilitation du pont de l’Enfance (2001-2002) n’a pas suffi à convaincre les voyageurs les plus aventureux à s’y risquer, à fortiori même lors des périodes2 d’inactivité du bac.

Cette difficulté des populations du Mbam-et-Kim à sortir de leur espace les réduisait à une sorte d’enfermement. Dans le même temps, les populations des autres contrées de la rive gauche de la Sanaga n’éprouvaient pas la nécessité de traverser, dans l’optique de la conquête des terres vacantes. En conséquence, tous les espoirs étaient désormais tournés vers un décret providentiel qui viendrait mettre fin à cet enfer des populations des deux rives à effectuer des échanges et à interagir durablement.

3. L’expression urbaine d’une ruée frénétique de tous horizons

La ville de Ntui a connu une transformation soudaine de son paysage. De l’état de bourgade jusqu’au milieu des années 1990, l’année 1992 signe le changement de son statut du chef-lieu d’arrondissement à celui de département. Il faut dire que, si les édifices étaient à cette époque réduits au statut administratif d’alors, avec pour incidence une empreinte spatiale de faible envergure, le niveau d’enclavement de la localité n’était pas favorable à un retour de l’élite extérieure pour un investissement local. D’ailleurs, la tendance était plutôt à l’installation de celle-ci dans leurs lieux d’activités, en métropoles. La deuxième phase, plutôt soudaine et plus véloce que la première, résulte des grandes réformes dans lesquelles s’est engagé le Cameroun, et qui ont abouti à la réhabilitation de la route N15. C’est cette réhabilitation qui est à l’origine de l’ouverture de la localité sur le monde et de l’attrait qu’elle exerce sur les populations affluant de partout ailleurs.

Figure 2 : Évolution de l’empreinte spatiale de la ville de Ntui (2017–2022)

Source : Dimbo 2022

4. L’éclatement du bourg pour répondre aux exigences d’une urbanisation pressante

L’aménagement de la Nationale n° 15 sommeille dans les archives de l’administration publique depuis les années 1990. À l’annonce du projet, le Cameroun en général et la communauté mbamoise en particulier berçaient enfin le rêve d’un raccordement de la partie méridionale du pays à son septentrion, entendu comme étant le chemin le plus court par rapport au contournement de l’ouest ou de l’est du pays. Ntui se voyait alors comme un carrefour et le point de convergence des populations ralliant ces deux parties du territoire. Cette situation suscite l’intérêt des étrangers vis-à-vis de cette localité sous-peuplée et généreusement fertile. De petites tendances migratoires, silencieuses et dissimulées, vont dès lors commencer à s’opérer ; la conquête des terres agricoles s’impose comme l’élément factoriel de l’accroissement de la population dans de vastes campagnes vacantes de ce département. Mais la mise en berne momentanée de cet ambitieux projet routier contribuera significativement pendant près de trois décennies à enclaver la localité.

Avec la signature de la convention pour la réhabilitation de la Nationale n° 15 en juillet 2015 à Yoko, l’intérêt pour Ntui et son arrière-pays est né à nouveau, mais avec une acuité à la dimension de la pression démographique que subit la localité. Bien qu’en cette année les velléités d’affluence étaient encore obstruées par la presque inaccessibilité à la localité, les vagues de migrants vont s’enchaîner suivant le rythme de l’avancement des travaux de réhabilitation de la route. En moins de dix ans, l’empreinte au sol est passée du simple au double (Fig. 3), avec un taux d’expansion de 44,36 % (Fig. 2).

Figure 3 : Expansion de la ville de Ntui

Source : Dimbo, 2023

L’expansion qu’affiche Ntui a permis, dans le même temps, de délocaliser, en périphérie de la ville, tout en les modernisant, certains services administratifs qui étaient jadis confinés au noyau urbain. Par exemple, la mairie de Ntui, qui était logée dans les locaux de l’ancien bâtiment préfectoral (Photo 1) se situe actuellement à Odon, village autrefois au voisinage de la ville, et à présent sur périmètre urbain (Photo 2). On le dira autant de certains autres bâtiments administratifs qui ont la fierté d’être logés dans de nouvelles enseignes aujourd’hui.

Photo 1 : ancienne mairie de Ntui

Photo 2 : nouvelle mairie de Ntui

© Dimbo, août 2023

5. L’imprévisible envers du décor : les avaries d’une urbanisation subite

Quand la furie s’empare des populations à l’annonce de la réhabilitation de la N15, toutes sont obnubilées par les attraits que pourrait apporter la ville de Ntui après le passage de cette route. On prête notamment à Ntui tous les atours d’une ville de rêve, huppée de belles maisons et parée d’avenues, toutes carrossables. S’offrir un lopin de terre à la proche périphérie était alors l’ambition la plus pressante de l’élite adolescente établie jusqu’alors dans les grandes villes du pays et au-delà.

Cette situation va alimenter une vente frénétique des terres, profitable au demeurant à l’agrandissement de la ville. Les terrains acquis en ville sont en fait des reposoirs pour les nouveaux actionnaires agricoles qui se sont acheté, au prix parfois de rien, de vastes espaces forestiers ou de savane dans l’arrière-pays. Que des individus en viennent à s’offrir jusqu’à 50 hectares de terres dénote de la vileté de la rente foncière à la base, entachée de velléités expropriatrices en toile de fonds. Entre bradage des terres par des natifs et afflux incontrôlé des arrivistes, le cocktail d’une bombe sociale à retardement se mixait insidieusement sous le nez de tous.

Pourtant, il n’a fallu que peu de temps pour saisir l’écho des désenchantements accumulés au fil des années au point qu’aujourd’hui, plus de 85 % des litiges référés auprès de la juridiction locale touche au foncier. Il s’agit en substance, assez souvent, des litiges opposant les anciens propriétaires liquidateurs3 et les acquéreurs devenus des ayants droit, au point où l’on crie aujourd’hui à la rétrocession des terres liquidées à travers une reconsidération des contrats de cession.

La vie quotidienne dans la ville de Ntui a connu des évolutions, pas toujours dans un sens admiratif. Avec une superficie d’à peine 8,5 km2(Fig. 2), la ville tient la palme d’or des faits divers disproportionnellement à sa taille. Cette notoriété a si vite grimpé que la localité a connu des intrusions non maitrisées au cours de ces dix dernières années. Aujourd’hui, il est difficile d’évoquer la taille de la population qui y vit. Du fait des flux complexes qui se jouent entre des personnes résidentes et leurs familles tapies dans les forêts à faire des champs, il n’a d’ailleurs jamais été notifié l’existence de la quasi-majorité d’entre elles dans les registres communaux. C’est dans ce contexte que l’on enregistre ces derniers temps des enlèvements, des meurtres et autres méfaits qui viennent changer la physionomie de l’asile de paix, qui a de tout temps été la caractéristique phare de Ntui et son arrière-pays.

Discussion et conclusion

Au demeurant, il ne fait aucun doute que « là où la route passe, le développement suit ». Cependant, cela est loin d’être une vérité dans l’absolu lorsqu’on se rend à l’évidence des travers qui s’imposent à la volonté des décideurs de promouvoir le développement local. Il faut bien reconnaitre que, pour garantir la sérénité et l’assurance dans ce domaine, certains préalables doivent être posés. Entre autres et en première ligne, la maitrise du territoire dans ses deux principales composantes que sont l’espace et la population, et dont les données ont fortement handicapé cette étude. En effet, les seules données démographiques dont on a de Ntui sont celles du 3e Recensement général de la population et l’habitat de 2005. Celles-ci attribuaient à la ville 5259 âmes (données RGPH, 2005). Près de deux décennies après, il est fort évident que cette population se soit multipliée, à en croire les réalités perceptibles sur le terrain. Toutefois, la commune de Ntui en général (sa ville phare en particulier) s’illustre comme une localité généreuse et hospitalière, ouverte aux diversités exogènes en vue de rattraper le retard de développement qu’elle a jusque-là accusé du fait de son inaccessibilité. Cette hospitalité, au lieu de s’ériger en une entrave à ce développement, devrait fédérer les énergies dans la perspective d’une éclosion, pouvant légitimer la réalité principielle du développement lié à l’existence des infrastructures de communication. Il ne reste donc plus qu’à justifier le mérite du passage de la Nationale n° 15 à travers la valorisation des acquis et des potentialités dont regorge la localité pour en faire un pôle pionnier du développement au Cameroun. Car, comme le disait Pierre Gourou,

Aucun progrès économique durable et profond n’est possible s’il n’existe pas des techniques correctes d’encadrement, et tout d’abord, des techniques d’administration élémentaire permettant de contrôler de vastes surfaces, une population nombreuse, et cela de façon durable4.

Bibliographie

AUPHAN E. (2005) Désenclavement et échelles d’accessibilité : le cas de l’Aveyron. Éditions du CTHS, Paris. pp. 75-92

BARIS P. et ZASLAVKY J., (1984). Le marché des vivres dans les villes du Centre et du Sud du Cameroun. SODECAO, Yaoundé, 1984.

BONTIANTI A. et YONLIHINZA I. A. (2008). La RN 6 : un exemple d’intégration économique sous-régionale et un facteur de désenclavement du Niger. Cahiers d’Outre-Mer, N° 241-242, Bordeaux. Pp. 183-209.

BUKOME ITONGWA D. et KINGOMA MUNGANGA J.-P. (2002). Connectivité et accessibilité du réseau routier de la République démocratique du Congo. Bulletin de la Société géographique de Liège, 42, pp. 61-75.

DEFO Th., (1987). La ville et son espace rural : le cas de Yaoundé. In Revue des Sciences Économiques, Université de Yaoundé, publiée par Economica, Tome 2-1, édition spéciale.

DEFO Th., (1989). Organismes publics face au secteur libre dans la commercialisation des produits vivriers : le cas du Cameroun. Économie rurale, N° 194 pp. 23-28.

DONGMO J.L., (1976). Production et commercialisation des denrées alimentaires à destination des villes, dans la province de l’Ouest du Cameroun. In Recherches sur l’approvisionnement des villes. Mémoire du Centre d’Études de Géographie Tropicale, CNRS, Paris 1976.

ELONG J.G., (2004). Eton et Mangissa, de la Lékié au Mbam-et-Kim : jeux et enjeux fonciers. Cahiers d’outre-mer, pp. 289-312

MARCELLIN, R. GUERET, H. (1985). Le désenclavement routier, élément essentiel du développement breton. Le plan routier breton et le IXe Plan. Revue générale des routes et des aérodromes, Paris, Vol 59, 624, pp 5-7

MARCHAL J. Projet d’une ligne de transport fluvial en Amazonie en vue de désenclaver les populations locales

MBADE A. (2018) désenclavement et contraintes au développement des transports au Sénégal : cas de la ville de Ziguinchor. Ziguinchor, Sénégal. Pp. 222-242

N’SANGOU AVOUNA, (1977). Secteur refuge et développement économique, In Travaux de l’ISH, Yaoundé, 1977.

Prof. Dr., Université de Liège, ANAST

WOLFF J.P., (2019). Et si l’on pensait une politique du désenclavement pour réduire les inégalités territoriales ? DARD, N° 1 pp. 66-74

YONLIHINZA I. A. (2011). Transports et désenclavement dans la problématique du développement local à Téra au Niger. Université Toulouse 2 Le Mirail (UT2 Le Mirail). 408 p.

1 Mission de développement des cultures vivrières, maraîchères et fruitières.

2 Elles étaient fonction de la durée de dépannage du bac, lui-même instruit parfois par l’autorité préfectorale pour des exigences administratives.

3 Assez souvent, il s’agit dans ce cas de figure des « migrants de retour » qui sont la progéniture des vendeurs s’étant fait duper par les autres plus rusés.

4 Gourou P., 1970 : 98.

Chapitre 2

Cross linguistic experiences and the integration of internally displaced students in the Littoral Region, Cameroon

Brenda NACHUAH LAWYER

Abstract

The recent socio-political crisis in Cameroon’s English-Speaking Regions has pushed many students to flee to secured French Regions, which are under considerable pressure to accommodate and integrate them. Among other issues, this investigation aimed to pinpoint the significant contextual factors and models that can promote the integration of internally displaced students in education, policies, and practices put in place in host regions to support their integration in predominantly French education systems. It adopted a purely qualitative approach with interview guides being the main instruments for the collection of data. Nine students, 5 teachers and 3 administrators of Government Bilingual High School Bonaberi, Faith Bilingual Secondary School Youpwe, and Government Bilingual High School Bonjongo, were interviewed. Findings revealed a strong adverse effect on internally displaced students’ experiences. Modelling experiences and cross tabulating views among students, teachers and school counselors indicated a steady wide gap created by the inability of the educational system to effectively meet the unique educational, social, and economic needs of internally displaced students. It was thus, recommended that, educational stakeholders in cities of Cameroon hosting internally displaced students such as Bafoussam, Douala, Yaounde and Bangangte should build a more inclusive multicultural learning environment. This will greatly improve linguistic experiences among internally displaced students.

Keywords: Cross-linguistic Experiences, Integration, Language of instruction, Internally Displaced Students

Résumé

La récente crise sociopolitique dans les régions anglophones du Cameroun a poussé de nombreux étudiants à fuir vers les régions francophones sécurisées, qui subissent une pression considérable pour les accueillir et les intégrer. Cette étude visait, entre autres, à identifier les facteurs contextuels significatifs et les modèles qui peuvent promouvoir l’intégration des étudiants déplacés dans l’éducation, ainsi que les politiques et les pratiques mises en place dans les régions d’accueil pour soutenir leur intégration dans les systèmes éducatifs à prédominance francophone. L’étude a adopté une approche purement qualitative, les guides d’entretien étant les principaux instruments de collecte des données. Neuf élèves, cinq enseignants et trois administrateurs du lycée bilingue de Bonaberi, du lycée bilingue de Youpwe et du lycée bilingue de Bonjongo ont été interrogés. Les résultats ont révélé un effet négatif important sur les expériences des élèves déplacés à l’intérieur du pays. La modélisation des expériences et le croisement des points de vue des étudiants, des enseignants et des conseillers scolaires ont révélé l’existence d’un large fossé créé par l’incapacité du système éducatif à répondre efficacement aux besoins éducatifs, sociaux et économiques uniques des étudiants déplacés à l’intérieur de leur pays. Il a donc été recommandé que les acteurs de l’éducation dans les villes du Cameroun accueillant des élèves déplacés internes du pays, telles que Bafoussam, Douala, Yaoundé et Bangangté, construisent un environnement d’apprentissage multiculturel plus inclusif. Cela permettra d’améliorer considérablement les expériences linguistiques des étudiants déplacés internes du pays.

Mots-clés : expériences linguistiques croisées, intégration, langue, étudiants déplacés à l’intérieur du pays

Introduction

Human movements or displacements are natural phenomena which contribute to human and economic development. However, forced displacement, which involves involuntary relocation, evacuation or movement of persons beyond their control, is now a major problem in the world both internally and across nations. As opposed to refugees who are people displaced from one country to the other and have crossed internationally recognized state borders, internally displaced persons (IDPs) are defined by the 1998 UN Guiding Principles and the 2009 Kampala Convention as:

Persons or groups of persons who have been forced or obliged to flee or to leave their homes or places of habitual residence, in particular as a result of or in order to avoid the effects of armed conflict, situations of generalized violence, violations of human rights or natural or human-made disasters, and who have not crossed an internationally recognized state border (Kampala Convention, 2009, Art 1(k)).

Displacement is known globally as a huge problem and a consequence of many of the world’s tragedies such as climate change, war and poverty. People around the globe are obliged to abandon their homes and seek refuge in new places, “often at the price of serious threats to their rights and welfare” (Crisp, 2012, p. 1). Involuntary movement of individuals because of violence and conflict like the case in the two English Speaking Regions of Cameroon, have resulted in the ruin and exposure of thousands, leaving them vulnerable. According to Assessment Report No. 28 by the United Nations Office for the Coordination of Humanitarian Affairs in February 2021, more than 700.000 internally displaced persons (IDPs) have been recorded as a result of the socio-political crisis in the Anglophone Northwest and Southwest Regions of Cameroon.

Historically, the manifestation of the violent armed conflict presently on-going in the two English speaking Regions of Northwest and South-west of the Republic of Cameroon dates as far back as modern Cameroon. The partitioning of Cameroon after World War 1, gave France 4/5 of the eastern territory which it administered separately, while Britain, took the smaller portion in the west (1/5) and further divided into ‘British Northern’ and ‘British Southern’ Cameroon and administered as integral parts of the Northern and Eastern Regions of the Federation of Nigeria. The factors that led to the forced internal displacement of Anglophones following the outbreak of the Anglophone crises in October 2016 might have originated from the institution of the government system that took effect in 1961. Therefore, the Anglophone crisis in Cameroon is a complex issue rooted in socio-political, economic, and cultural grievances against the Government of Cameroon, stemming from the country's colonial history. It began as peaceful protests in 2016 by lawyers and teachers against the use of French in schools and law courts, but escalated into armed conflict seeking independence for the Northwest and Southwest Regions. According to Awasom (2018), the fundamental reasons that resulted in the outburst of the Anglophone crisis are the constitutional, excessive centralisation of political authority and the socio-cultural and economic marginalisation of Anglophone Cameroonians. Kofele-Kale in an article in 1981 wrote:

In the South-West and North-West regions, the escalation of fighting between non-state armed groups and defense and security forces has also led to major destructions of villages, infrastructure and instilled a climate of insecurity with negative impact on the civilian population and the enjoyment of all of the human rights. As a result, about 350, 0002 people are estimated displaced across the South-West and North-West regions of Cameroon, living mostly in surrounding forests and villages in search of safer areas. Others are living in host communities scattered in other parts of the country including urban areas. An additional 268,913 have been forced to flee into neighboring Nigeria (Kofele-Kale, 1981).