Les Enfants Verts - Olga Tokarczuk - E-Book

Les Enfants Verts E-Book

Olga Tokarczuk

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Beschreibung

Un conte fantastique pour partir à la découverte de la différence.

Au XVIIe siècle, William Davisson, un botaniste écossais, devenu médecin particulier du roi polonais Jean II Casimir, suit le monarque dans un long voyage entre la Lituanie et l’Ukraine. Esprit scientifique et fin observateur, il étudie les rudesses climatiques des confins polonais et les coutumes locales. Un jour, lors d’une halte, les soldats du roi capturent deux enfants. Les deux petits ont un physique inhabituel : outre leur aspect chétif, leur peau et leurs cheveux sont légèrement verts…

Olga Tokarczuk s’interroge sur l’Europe par la voix de son narrateur, un étranger pris dans la tourmente de l’Histoire. Perçu comme un danger potentiel, l’autre fait peur. Mais que savons-nous de nos voisins, ceux surtout qui vivent en marge du monde qui nous est proche ? La notion du centre et de la périphérie est-elle la même pour tous ? Qu’en est-il aujourd’hui ? Les observations de William Davisson, l’Européen échoué dans une lointaine Pologne déchirée par les guerres, semblent toujours d’actualité.

Une réflexion subtile et non sans humour autour de la perception de l’autre et du rejet de l’inconnu !

EXTRAIT

Pendant que Sa Majesté terminait son petit déjeuner et attendait de boire ses tisanes, espérant améliorer ainsi son humeur, je m’étais éclipsé pour aller voir lesdits enfants. J’ordonnai d’abord de leur laver le visage, ensuite seulement je pus les détailler de plus près, prenant toutefois garde de ne pas me faire mordre. À en juger d’après leur taille, ils devaient avoir entre quatre et six ans, mais leur dentition me fit penser qu’ils étaient plus âgés, malgré leur aspect si frêle. La fillette était plus grande et plus robuste que le garçonnet qui, menu et malingre, semblait pourtant bien vif. Mais ce qui me saisit le plus chez eux, c’était leur peau. Elle avait une teinte que je n’avais encore jamais vue – entre le vert céladon et le vert olive. Les touffes de cheveux emmêlés qui leur retombaient sur le visage étaient pourtant claires, mais comme recouvertes d’un dépôt verdâtre, semblable au lichen qui s’empare des pierres et des cailloux. Selon le jeune Opaliński, Les Enfants Verts – comme nous les avions appelés –, étaient sans doute des victimes de la guerre, nourris dans la forêt par la nature, comme cela se produit parfois, preuve en est l’histoire de Romulus et Remus, les fondateurs de Rome. Le champ d’action de la nature est immense, bien plus grand que celui, somme toute bien modeste, de l’homme.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE

Une excellente nouvelle aux allures de conte fantastique, qui n'est pas sans rappeler l'univers de l'Estonien Andrus Kivirähk. - Librairie Le Bateau livre

Un texte étonnant qui flrite avec le fantastique, et interroge l'altérité… Un texte qui propose une reflexion sur l'Europe, la manière dont elle se dessine et sa capicité à se perpétuer. - Nikola Delescluse, Emission Paludes, Radio Campus

À PROPOS DES AUTEURS

Romancière et essayiste née en 1962 et installée à Wroclaw, Olga Tokarczuk est l’auteure la plus récompensée et admirée de sa génération, lauréate de nombreux prix (dont le Prix Niké équivalent du Goncourt – pour Les Pérégrins), appréciée autant par la critique que par le public.

Margot Carlier est spécialiste de littérature polonaise, enseignante de langue et de civilisation polonaise à l’université Jules-Verne à Amiens, conseillère littéraire aux éditions Actes Sud. Depuis sa rencontre, déterminante, avec Hanna Krall, elle a traduit pratiquement tous ses livres. En 2009, elle a reçu le Prix Amphi pour la traduction de Gottland de Mariusz Szczygieł (Actes Sud).

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Seitenzahl: 47

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Les Enfants verts

© Olga Tokarczuk, 2015, tous droits réservés© ( Éditions ) La Contre Allée, 2016, pour l’édition françaiseCollection Fictions d’Europe.

Olga Tokarczuk

Les Enfants verts

ou le récit de singuliers événements survenus en Volhynie, consignés par William Davisson, médecin de Sa Majesté le roi Jean II Casimir

Traduit du polonaispar Margot Carlier

La collection « Fictions d’Europe » est née d’une rencontre entre la maison d’édition La Contre Allée et la Maison européenne des sciences de l’homme et de la société. Désireuses de réfléchir ensemble au devenir de l’Europe, La Contre Allée et la MESHS proposent des récits de fiction et de prospective sur les fondations et refondations européennes.

Martine Benoit,directrice de la MESHS

Cela s’est passé au printemps de l’an 1656, alors même que je séjournais en Pologne. J’étais arrivé dans ce pays quelques années auparavant, convié par Louise-Marie de Gonzague, l’épouse de Jean II Casimir, roi de Pologne, afin de pourvoir à la fonction de médecin du roi. Il va sans dire que je ne pouvais décliner pareille invitation, en particulier pour des raisons de nature personnelle, qu’il serait vain toutefois d’évoquer ici. Je ne cache pas qu’en prenant à l’époque la route vers la Pologne, je me sentais mal à l’aise, car je ne connaissais aucun pays éloigné à ce point du monde qui m’était familier, je me prenais pour un ex-centrique, quelqu’un qui s’aventurait au-delà du centre où l’on savait à quoi s’en tenir. J’avais peur des coutumes étrangères, de la violence des peuples orientaux, mais plus encore je craignais le climat imprévisible, froid et humide de cette contrée. J’avais toujours à l’esprit le sort de mon ami René Descartes, lequel, invité par la reine de Suède, s’était rendu quelques années auparavant dans ses châteaux nordiques glacials de la lointaine Stockholm ; ayant contracté un rhume, il y mourut dans la fleur de l’âge et en pleine possession de ses facultés mentales. Quelle perte pour la science ! Redoutant pareil destin et empli d’inquiétude, j’avais apporté de France de magnifiques fourrures, mais dès le premier hiver déjà, elles s’étaient révélées bien trop légères et trop fines pour le climat local. Le roi, avec qui je m’étais rapidement lié d’une réelle amitié, m’avait alors offert une fourrure de loup, longue jusqu’à la cheville, et que je ne quittais plus d’octobre à avril. Et je la portais encore lors du périple entre la Lituanie et Lvov narré ici, alors même que nous étions à la fin mars. Sache, cher lecteur, que les hivers en Pologne sont rudes, si rudes que l’on prend un chemin de traverse sur la Baltique gelée pour parvenir en Suède, et qu’en période de carnaval, sur la glace des petites rivières et des étangs, on organise souvent des foires. Cette saison dure longtemps et la végétation est recouverte de neige, aussi un botaniste ne dispose-t-il que de fort peu de temps pour son travail. C’est donc par la force des choses que je m’occupais des gens.

Je me nomme William Davisson, je suis écossais, originaire d’Aberdeen, mais j’ai longtemps vécu en France où ma carrière fut couronnée par le titre officiel de botaniste du roi, et où j’avais publié mes œuvres les plus marquantes. Bien que nul n’en ait eu connaissance en Pologne, j’y jouissais d’une grande estime, car on voue ici une admiration sans bornes à toute personne venue de France.

Qu’est-ce qui me poussa à suivre l’exemple de Descartes et à m’exiler aux confins de l’Europe ? À cette question, je serais bien en mal de fournir une réponse convaincante, à la fois brève et concrète, mais puisque je ne suis pas au centre de cette histoire et n’y interviens qu’en qualité de simple témoin, je ne m’attarderai pas trop là-dessus. Je reste persuadé que l’attrait du lecteur va davantage vers le récit que vers celui qui le raconte.

Mon service auprès du roi de Pologne coïncida en ces temps avec les pires circonstances. On avait l’impression que les puissances du mal s’étaient liguées contre le royaume polonais. Agité par la guerre, le pays était saccagé par l’armée suédoise, subissant par ailleurs des attaques moscovites à l’est. En Ruthénie, les paysans en colère s’étaient révoltés. Par une mystérieuse analogie, le souverain de ce malheureux État souffrait de nombreuses affections, comme son pays souffrait des incursions ennemies. Ses attaques de mélancolie, il les soignait souvent avec du vin et la présence intime de la gent féminine. Sa nature pétrie de contradictions le poussait à multiplier les voyages, alors qu’il ne cessait de répéter combien il exécrait le mouvement et se languissait de Varsovie, où l’attendait son épouse bien-aimée, Louise-Marie.

Notre cortège poursuivait sa route depuis le nord, où Sa Majesté était venue faire état de la situation en Lituanie. Les troupes moscovites y avaient déjà fait leur apparition afin de mettre en œuvre leurs convoitises visant la res publica, et les Suédois étaient en train de piller le pays par l’ouest, à croire que les forces maléfiques avaient choisi le sol polonais pour en faire leur cruel theatrum de guerre. C’était ma première expédition dans cette région sauvage, et je commençai à le regretter amèrement dès que nous quittâmes les faubourgs de Varsovie ; n’eût été ma curiosité de philosophe et de botaniste (sans oublier des gages substantiels), j’aurais de loin préféré rester chez moi et m’adonner dans le calme à mes observations.

En effet, depuis mon arrivée dans ce pays, j’étais intrigué par un phénomène local, certes connu ailleurs dans le monde, mais particulièrement répandu ici. Oui, il suffisait de se promener dans les rues pauvres de Varsovie pour le remarquer sur la tête des gens – plica polonica