Les filles du koala - Tome 4 - Isabelle Stock - E-Book

Les filles du koala - Tome 4 E-Book

Isabelle Stock

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Beschreibung

Les vacances de Noël viennent de commencer et Hermine n’espère qu’une chose : camper tranquillement avec sa patrouille sans trop croiser sa petite sœur et la clairière des louvettes, installées tout près de là.

Mais c’est sans compter une tempête de neige imprévue qui les oblige à se réfugier au chalet. Léonie, la nouvelle chef de patrouille au caractère si étourdi, saura-t-elle gérer les louvettes en détresse et leur cheftaine blessée dans un chalet coupé du monde ? Saura-t-elle affronter ses doutes et ses peurs pour motiver les filles du Koala et amener tout ce petit monde à bon port ?

À PROPOS DE L'AUTRICE

Ancienne cheftaine de compagnie et mère de famille, Isabelle Stock a toujours aimé inventer des histoires. Quand elle n’écrit pas, elle aime enseigner l’allemand à ses élèves de collège ! 

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Illustrations : Juliette Vizzaccaro

Conception couverture : Christophe Roger

Composition : Soft Office (38)

 

© Éditions Emmanuel, 2023

89, bd Auguste-Blanqui — 75013 Paris

www.editions-emmanuel.com

 

ISBN : 978-2-38433-130-7

 

Loi n° 49-956 du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, modifiée par la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011

Dépôt légal : 4e trimestre 2023

Chapitre 1

Toutes les deux !

— C’est encore loin ? bougonna Victoire sans quitter des yeux le chemin forestier. Quand est-ce qu’on arrive ?

— Mais enfin, Victoire ! protesta Hermine. C’est la troisième fois que tu demandes ! Ce que tu es pénible… Tu verras bien !

— Je demande si je veux ! protesta Victoire. Et tu n’as rien à me dire.

Mme Martin tourna la tête et jeta un regard vers ses deux filles, assises à l’arrière de la voiture.

— Serait-il possible que vous vous parliez gentiment ? soupira-t-elle. Pour une fois…

 

Hermine leva les yeux au ciel mais jugea plus prudent de ne pas répondre. Visiblement, sa mère ne comprenait pas à quel point avoir une petite sœur pouvait s’avérer difficile. Elle décida de ne plus dire un mot et s’absorba dans la contemplation du paysage qui défilait sous ses yeux. Victoire n’avait pas tort. Cette montée semblait ne jamais finir et les virages s’enchaînaient les uns après les autres. Quand arriverait-on enfin à ce maudit chalet ?

La jeune fille soupira intérieurement. Elle savait qu’elle aurait dû être heureuse à cet instant précis mais elle avait décidé de rester contrariée et de mauvaise humeur. Les vacances de Noël venaient tout juste de commencer et elle retrouverait sa chère patrouille du Koala dans quelques minutes pour une sortie de deux jours. Tout aurait été parfait si la maîtrise n’avait pas eu ce projet saugrenu de faire camper la clairière presque au même endroit que les guides : les louvettes allaient passer deux jours dans un chalet forestier et la patrouille camperait un peu plus loin, sous la tente.

Hermine songea une fois de plus à l’e-mail de la cheftaine, reçu quelques jours auparavant, et elle fronça les sourcils. Dire que sa mère avait été enthousiaste en le découvrant était encore en dessous de la vérité…

— Je trouve cette initiative magnifique, avait-elle dit. Peut-être pourrez-vous faire la veillée ensemble…

Hermine ne décolérait pas. La patrouille du Koala et les louvettes au même endroit... Quelle idée absurde !

 

La voiture décrivit une dernière courbe et une petite plaine ensoleillée apparut tout à coup au détour du chemin.

— Je vois le chalet ! s’écria Victoire en bondissant de son fauteuil. Et il y a déjà plein de voitures ! Vite, Papa ! Dépêche-toi ! Je ne veux pas être la dernière.

Hermine scruta attentivement la clairière dans laquelle ils venaient d’arriver. Elle devait bien reconnaître que l’endroit ne manquait pas de charme. Le refuge, plus grand qu’elle ne l’avait imaginé, se dressait entre les arbres, fière et charmante construction de bois surmontée d’une terrasse et d’un joli balcon. Elle était curieuse de voir l’intérieur et se demanda si les guides pourraient le visiter.

— Prenez vos sacs tout de suite, déclara M. Martin qui venait d’arrêter la voiture. Tout le monde a déjà sorti le sien.

Les deux filles claquèrent les portières avec une telle énergie qu’il fronça les sourcils. Il ouvrit le coffre et posa les deux sacs à dos sur le sol.

— Veux-tu que je t’aide avec ce sac en toile ? demanda Mme Martin à Hermine en désignant une sacoche que celle-ci avait emportée.

— Je peux le prendre ! s’exclama la jeune fille.

— Tu vas être bien chargée… insista sa mère.

— Vraiment, Maman, j’ai 14 ans ! protesta Hermine. Je peux m’occuper de mes affaires. Ne me traite pas comme une louvette !

— Qu’est-ce qu’elles ont, les louvettes ? s’indigna aussitôt Victoire.

— Oui, ce n’est pas très gentil pour ta sœur ! observa Mme Martin. D’autant que Victoire porte son sac elle-même.

— Je m’en sors parfaitement ! déclara celle-ci fièrement. C’est Maman qui l’a dit !

— Alors, si c’est parfait… rétorqua Hermine d’un ton moqueur. Tu as toutes mes félicitations !

Victoire s’éloigna rapidement. Elle venait d’apercevoir ses amies et les rejoignit en souriant, courbée sous le poids de son chargement. Mme Martin la suivit des yeux et se tourna vers sa fille aînée. Elle lui tendit deux paquets soigneusement emballés dans des torchons.

— Je vous ai fait un gâteau pour chacune, déclara-t-elle. Si tu peux donner le sien à Victoire… La clairière le mangera pour le goûter.

Hermine hocha la tête.

— Merci Maman, c’est gentil.

Mme Martin observa sa fille, hésitante.

— J’aimerais bien que tu essaies d’être un peu plus patiente avec ta sœur, murmura-t-elle.

 

Hermine ouvrit des yeux stupéfaits. Comment sa mère pouvait-elle lui faire ce genre de remarque ? Il lui semblait qu’elle faisait preuve de la plus grande patience avec ses sœurs ! Victoire avait 9 ans, Gabrielle 7, et les fillettes faisaient irruption dans sa chambre plus souvent qu’à leur tour. Imaginer une cabane, lire une histoire, faire un jeu ou un bricolage… les deux petites avaient toujours mille et une raisons de déranger leur grande sœur. Mais si Gabrielle amusait encore Hermine, les choses étaient nettement plus compliquées avec Victoire.

— Je suis patiente ! protesta la jeune fille. Je voulais l’aider hier à faire son sac, mais elle a refusé. Elle n’écoute jamais mes conseils ! Ou alors elle imite tout ce que je fais !

— Elle voudrait être considérée comme une grande. Elle t’admire beaucoup et rêve de tout faire comme toi.

— Et bien, moi, ça m’énerve ! rétorqua Hermine. Quand elle me suit comme mon ombre, elle m’exaspère !

— C’est plutôt flatteur, non ? fit remarquer Mme Martin. Elle est très fière de faire du scoutisme comme toi.

Hermine leva les yeux au ciel.

— Excuse-moi, Maman… Mais tu avoueras que les louvettes sont quand même des bébés.

— Certainement pas ! répliqua sa mère d’un ton ferme. Et je n’aime pas quand tu parles comme ça. Les louvettes sont jeunes bien sûr, et on ne peut pas leur demander la même chose qu’à vous. Mais elles se débrouillent très bien et tu serais étonnée de voir tout ce qu’elles connaissent et savent faire. Tu répètes d’ailleurs toi-même qu’une louvette qui arrive dans ta patrouille est une excellente recrue.

Hermine haussa les épaules. Elle n’avait pas envie d’admettre que sa mère avait raison.

— Oui… acquiesça-t-elle du bout des lèvres. Mais Victoire dit elle-même qu’elle est aux louvettes pour être avec ses grandes amies Zélie et Madeleine, riposta Hermine.

— Comme tu es aussi contente de retrouver Olivia… observa Mme Martin. Quoi qu’il en soit, essaie de profiter de ces deux journées !

 

La jeune fille cachait mal son exaspération. Sa mère avait décidément bien du mal à reconnaître qu’être guide et louvette était deux choses très différentes. Bien sûr, quand elles arrivaient à la compagnie, les louvettes devenaient de très bonnes guides. Mais en attendant, elles étaient souvent aussi pénibles que sa sœur Victoire, et Hermine n’espérait qu’une seule chose : faire de vraies activités entre guides et ne pas trop croiser la clairière pendant ces deux journées.

Chapitre 2

Un endroit parfait

— Vous n’allez pas en croire vos yeux, les louvettes ! s’exclama Akela d’un ton malicieux. Attention, je vais ouvrir la porte…

Rassemblés autour de la cheftaine de clairière, les fillettes et leurs parents observaient le chalet avec curiosité. Aucun d’eux n’y était venu jusqu’alors. L’endroit n’était qu’à huit kilomètres de Verdun, mais le chemin forestier qu’il fallait emprunter pour y parvenir était bien dissimulé et peu de personnes connaissaient l’existence de ce chalet perdu sur les hauteurs. Akela était ravie de pouvoir y accueillir les louvettes et ménageait son effet.

— Ouvrez bien vos yeux et vos oreilles… Nous allons passer ici deux jours inoubliables ! Prenez vos sacs ! Nous allons visiter et nous installer.

La jeune cheftaine se tourna vers les parents.

— Bagheera et Baloo ne sont pas encore là, expliqua-t-elle. Elles avaient toutes les deux un dernier examen ce matin et nous rejoindront pour le déjeuner. Mais Blandine, notre cheftaine de groupe, est d’accord pour que j’accueille quand même les louvettes.

La cheftaine tourna la clé dans la serrure, poussa la porte et fit entrer parents et enfants dans une grande pièce aux murs de pierre et au parquet usé. Il flottait dans l’air une odeur de vieux bois et les louvettes froncèrent aussitôt le nez. Akela passa entre deux fauteuils élimés, ouvrit grand la fenêtre et les volets, laissant entrer d’un coup un courant d’air frais et quelques timides rayons de soleil. Une très longue table en chêne, flanquée de deux bancs tout aussi longs, était poussée au fond de la pièce. Une vaste cheminée occupait un des murs. Elle paraissait si grande qu’il semblait aux fillettes qu’elles auraient pu tenir debout à l’intérieur.

— On y faisait rôtir le gibier à la broche, expliqua la cheftaine. Cet endroit est un ancien relais de chasse.

— Il n’y a pas de chauffage ? s’inquiéta une maman.

— Nous allons faire du feu, assura Akela. Et les murs sont si épais qu’il fait rarement froid dans le chalet.

À quelques mètres de la cheftaine, Hermine ouvrait des yeux curieux. La jeune guide trouvait le lieu aussi chaleureux qu’étonnant. Elle s’approcha d’Olivia.

— Cet endroit est incroyable, murmura-t-elle. Tu le connaissais ?

— Non, répondit Olivia. Je ne suis jamais venue. Mais mon frère a déjà fait un week-end ici avec sa troupe.

— Ah oui ? Quelle chance !

— Hermine ! Olivia !

À la porte du chalet, Akela faisait signe aux deux filles.

— Les guides… déclara-t-elle. Puisque vous êtes là… Les jerricans, l’intendance et la malle de la clairière sont dans la camionnette des parents d’Héloïse et je pense qu’ils voudraient repartir. Pourriez-vous apporter tout cela ici ?

— Est-ce qu’on peut vous aider ? s’exclama Victoire.

Hermine baissa les yeux vers sa sœur et ses deux grandes amies, Zélie et Madeleine. Toutes les trois la regardaient d’un air suppliant, mais la jeune fille secoua la tête.

— Vous n’aurez pas assez de force ! affirma-t-elle d’un ton ferme. Les jerricans sont pleins et la cantine doit peser une tonne. Restez plutôt ici avec votre cheftaine !

Les deux guides quittèrent la pièce sans attendre, ignorant les soupirs furieux et mécontents des trois louvettes. La camionnette était garée juste devant le chalet et les filles écarquillèrent les yeux de surprise en découvrant la malle, plusieurs sacs de courses, une montagne de pains et une dizaine de jerricans d’eau à l’intérieur.

— Tout ça ? s’exclama Hermine. Pour une sortie d’une seule nuit ?

— On aurait peut-être dû accepter l’aide des louvettes… murmura Olivia.

— Comment veux-tu qu’elles soulèvent ça ? riposta Hermine qui soupesait un jerrican. Ça pèse au moins vingt kilos !

— Il y a beaucoup de petits sacs d’intendance, répondit Olivia. Et on n’est que deux pour tout porter !

— Trois avec moi ! s’écria une voix joyeuse juste derrière elle. Léonie, pour vous servir !

— Hello Léonie ! fit Hermine. Tu tombes à pic ! Il faut apporter tout cela à l’intérieur. Vu la quantité, nous ne serons pas trop de trois !

Les guides empoignèrent courageusement la cantine et empilèrent dessus quelques sacs d’intendance.

— Où doit-on vous les déposer ? demanda Olivia.

— La malle, ici ! répondit Akela. À gauche de l’escalier. Et le reste dans la cuisine. Mettez tout cela sur la table ! Nous rangerons plus tard. Merci, les filles !

Hermine acquiesça en souriant. Elle trouvait la cheftaine des louvettes gaie et sympathique. Les cheveux blonds coupés juste au-dessus des épaules, les yeux brun foncé, elle n’était pas très grande, plutôt menue, et il était surprenant de voir qu’elle savait parfaitement se faire écouter des louvettes et qu’elle obtenait le silence d’un simple geste de la main.

La jeune guide poussa la porte indiquée par la cheftaine et pénétra dans la cuisine. Un soupir de ravissement lui échappa.

— On se croirait dans le chalet de Heidi ! s’exclama-t-elle. Comme c’est joli !

Elle contourna une petite table ronde et posa les sacs sur un vieux buffet. La cuisinière, le réfrigérateur et l’énorme armoire semblaient dater d’une époque lointaine, tout comme le grand évier en pierre placé juste sous une étroite fenêtre. Hermine tourna le robinet avec hésitation et l’eau coula après quelques secondes.

— Pourquoi apporter des jerricans ? s’exclama la jeune guide. Il y a de l’eau au chalet !

— Elle n’est pas potable, répondit Olivia. Mon frère me l’a dit.

— Pas d’eau potable ? s’étonna Hermine. Au XXIe siècle ?

— Tu as vu comme ce chalet est loin dans la forêt ? répliqua Olivia. Comment veux-tu qu’il y ait des canalisations jusqu’ici ? C’est déjà incroyable qu’il y ait l’électricité ! L’eau vient sans doute d’une citerne d’eau de pluie à côté du chalet.

— Il y a dix jerricans, fit remarquer Léonie. De vingt litres chacun. Pour vingt personnes et pour deux jours, c’est tranquille !

Les trois filles poussèrent les jerricans contre un mur de la cuisine et entassèrent les derniers sacs d’intendance sur la table. Les yeux d’Hermine brillaient de curiosité.

— Vous croyez qu’on peut visiter ?

— Tu ne voudrais pas quitter ce lieu sans le découvrir ? s’exclama Léonie. Bien sûr que l’on visite !

 

La jeune guide désigna un escalier de bois très raide, près de la porte d’entrée, et les filles le gravirent aussitôt. Elles arrivèrent sur un tout petit palier où quatre portes fermées se faisaient face.

— Akela a dit qu’il y avait une salle de bains et deux chambres, annonça Léonie. Une petite et une grande.

Elle ouvrit une première porte et grimaça joyeusement.

— Voici la salle de bains, je suppose… C’est sommaire ! Il y a juste deux lavabos. Mais on n’est pas au Ritz… !

— Ici les toilettes, constata Olivia en poussant une seconde porte. Les deux dernières pièces sont donc les chambres.

Les filles entrèrent aussitôt dans une pièce largement baignée de lumière. Trois lits superposés étaient alignés le long des murs, entre lesquels s’intercalaient une petite commode, une vieille armoire en ferraille et deux chaises.

— C’est la petite chambre ! dit Léonie.

— Petite… Petite… On peut quand même y dormir à six ! observa Hermine.

— Tu penses que l’autre est plus petite ? interrogea la CP.

— Nous allons le savoir tout de suite ! rétorqua Hermine qui poussa aussitôt la dernière porte.

— Ah non… murmura Olivia. Elle n’est pas plus petite… C’est bien celle-ci, la grande chambre !

Plantées au milieu de la pièce, les trois guides étaient stupéfaites. Un immense dortoir occupait toute la largeur du chalet et le décor les laissait sans voix.

— Cette fois, c’est vraiment le chalet de Heidi… souffla Hermine.

Murs, sol et plafond, tout était en bois. De très longues planches avaient été installées, sur deux niveaux, et recouvertes de matelas, de couvertures et d’oreillers à plumes. Des échelles permettaient d’accéder aux lits en hauteur et des rideaux, fixés sur les montants, pouvaient être tirés comme pour créer de minuscules chambrettes. Le parquet blond et les nombreuses poutres brillaient sous les quelques rayons de soleil qui filtraient par deux toutes petites fenêtres.

— Il y a six lits superposés, compta Olivia. On peut y dormir à douze. Akela installera deux sizaines ici et une dans l’autre chambre.

— C’est tellement joli… murmura Hermine. Ce dortoir, la cuisine en bas, la pièce principale avec cette énorme cheminée… Ce chalet est incroyable. Vous imaginez si on avait pu l’avoir juste pour notre patrouille ?

— Ne rêve pas ! l’interrompit Léonie. Pour nous ce soir, c’est dehors ! Tente et feu de bois ! D’ailleurs, il est grand temps de descendre. Les autres sont sans doute arrivées et il faut qu’on s’installe !

Chapitre 3

Koala… On y va !

Mary, Clotilde, Fleur et Louise étaient effectivement arrivées. Les filles avaient déchargé leurs sacs et attendaient devant le chalet, aussi impatientes et curieuses que les autres de découvrir les lieux.

— Vous étiez à l’intérieur du chalet ? s’exclama Mary en les apercevant.

— Nous avons monté le matériel de la clairière, expliqua Olivia. Leur malle et toute l’intendance.

— Et leurs dix jerricans d’eau ! soupira Hermine.

— Vous auriez pu nous attendre ! déclara Louise d’un ton de reproche. Nous aussi, on aurait voulu voir l’intérieur ! C’est comment ?

— Canon ! s’exclama Hermine. Les louvettes vont être comme des coqs en pâte !

— Ce n’est pas trop sommaire ? demanda Mary.

— Beaucoup moins que la tente qui nous est réservée ! riposta Léonie en riant.

— Alors ? demanda Clotilde. Où s’installe-t-on ? Où doit-on emmener notre matériel ?

— Un peu plus loin, répondit Léonie. En s’enfonçant dans la forêt, on devrait pouvoir trouver un endroit sympa où planter la tente.

— Ce n’est pas imprudent de s’installer sous les arbres s’il y a du vent ? demanda Clotilde.

— Il n’y a pas un souffle d’air, observa Louise. Et il y a même quelques rayons de soleil.

— La météo annonce un peu de neige cet après-midi, on sera mieux à l’abri des arbres… observa Léonie.

— Tu y crois, toi ? fit Hermine, dubitative. Tout semble calme. Et si ce sont juste quelques flocons, ça ne va pas nous faire peur. C’est une bonne idée de s’installer dans la forêt. On sera un peu plus loin des louvettes et elles ne verront pas notre coin de pat’.

— Tu as raison ! acquiesça Léonie. La neige ne sera sans doute pas pour aujourd’hui. On va se faire le plus beau des coins de pat’ dans un endroit tranquille !

 

Les guides soulevaient leurs sacs à dos lorsque le frère d’Olivia s’approcha.

— Je vais vous aider à porter la tente jusqu’à votre campement, proposa le chef scout.

— On peut le faire nous-mêmes ! s’exclama Olivia.

— Je sais bien, répondit Thibaut en souriant à sa sœur. Mais je suis là et je peux faire ça avant de repartir.

Le jeune homme souleva la tente, la posa sur son épaule d’un geste souple et saisit un jerrican de l’autre main.

— Montrez-moi où vous voulez vous installer !

Il ne fallut que dix minutes à la patrouille pour s’éloigner un peu de la clairière et apporter la tente, la cantine et les deux jerricans sur leur lieu de campement. Hermine regarda le chef scout s’éloigner, un petit sourire aux lèvres.

— Tu vois… glissa-t-elle malicieusement à Olivia. On avait vu juste au camp d’été !

— De quoi parles-tu ? demanda son amie.

— De Sophie et ton frère ! Ils vont bien se marier.

— Ne m’en parle pas ! s’exclama Olivia. Maman ne pense qu’à cela depuis deux mois ! Les fiançailles ont lieu ce week-end et pour ne rien te cacher, je suis ravie d’être ici. La maison est sens dessus dessous. Nous serons vingt-deux, samedi soir, pour le dîner. Maman est trois fois par jour au téléphone avec la mère de Sophie pour discuter de menus, de décoration ou de fleurs et elle a prévu une journée de grand ménage vendredi ! Et pour couronner le tout, elle insiste pour que je mette cette immonde robe verte que je déteste. Je ressemble à un nénuphar là-dedans.

— Tu nous enverras une petite photo ! s’esclaffa Léonie. Le joli petit nénuphar du Koala !

— C’est bien normal que ta maman s’agite… répondit Hermine, perdue dans ses rêveries. Elle veut que tout soit parfait. Sophie et Thibaut… Je les trouve tellement beaux tous les deux… C’est tellement romantique…

— Eh ! s’exclama Olivia en assénant à son amie une vigoureuse tape dans le dos. Reviens avec nous ! Ce n’est pas toi qui te fiances et on a une tente à monter !

— Oui, c’est parti ! s’exclama Léonie. Go pour le montage de la tente !

— Tu n’as pas oublié les sardines, cette fois ? la taquina Mary qui se souvenait du premier week-end de patrouille l’année précédente.

— Tu plaisantes ! riposta Léonie. Pas deux fois ! Et cette année, je suis CP. Vous n’aurez rien à me reprocher !

Olivia sourit sans intervenir. La seconde était fine et observatrice. Elle connaissait bien sa chef de patrouille, la pétillante et amusante Léonie, si douée en dessin et prête à rire à la moindre occasion. Mais elle seule avait deviné que derrière ce cœur généreux, cet humour à toute épreuve et ce sens de la dérision se cachaient cette année l’inquiétude et la crainte de ne pas être à la hauteur. Et même si Olivia l’assurait du contraire, elle ne parvenait pas tout à fait à la convaincre ni à la rassurer.

 

Hermine sortit du sac les toiles, les piquets et les sardines.

— Qui m’aide ? s’écria-t-elle. Je me suis déjà coltiné tout à l’heure les jerricans des louvettes, je ne vais pas monter la tente toute seule !

— N’exagérons rien ! répondit Léonie. Nous étions trois pour tout porter et il n’y avait pas non plus deux kilomètres ! Mais de toute façon, on va le faire toutes ensemble.

Les filles se mirent rapidement à l’œuvre et le camp se dressa bientôt fièrement au milieu de la clairière.

— Parfait ! déclara Louise. C’est impeccable, non ? Il faut avouer que monter une tente n’est pas très difficile. Il suffit d’une fois. Tu t’en souvenais, Fleurette ?

Fleur hocha la tête.

— Oui, répondit-elle. Nous l’avions montée au week-end de rentrée.

— Nous avons tout de même fait particulièrement vite aujourd’hui, nota Olivia. Ce n’est pas toujours si facile. La tente est montée, les sacs sont rangés, Léonie et Hermine viennent de rapporter du bois et nous allons lancer le feu. Je vous propose de nous poser cinq minutes. Il est dix heures, mais il ne fait tout de même pas chaud. Qui est tentée par un petit thé ?

— Voilà une excellente idée ! s’exclama Mary qui, même au grand air, n’oubliait jamais ses bonnes manières ni son goût pour tout ce qui avait trait à l’Angleterre et à la vie monarchique. Un thé ? Earl Grey ? Quelle heureuse proposition ! Je vais en chercher dans la cantine.

Olivia et Hermine dégagèrent rapidement le sol de branchages et cailloux pour démarrer un feu. Léonie chiffonna grossièrement une feuille de papier journal, disposa des brindilles en pyramide et approcha une allumette. Une première flamme apparut très vite. Puis une autre. La CP souffla légèrement et ajouta du bois.

— Où sont les barres à feu ? demanda-t-elle.

— Dans la cantine ! répondit Clotilde. Je les apporte !

— La gamelle est prête ! annonça Mary. Et avec le savon noir, s’il vous plaît !

 

La patrouille se rassembla autour des flammes qui s’élevaient déjà et réchauffaient leurs mains. Les filles étaient ravies de ces deux jours. Il y avait bien eu quelques sorties et réunions jusqu’ici, mais le seul week-end de ce premier trimestre avait été un week-end de compagnie au mois de septembre. C’était donc la première fois que la patrouille se retrouvait seule pour une nuit. Léonie promena un regard songeur sur les guides assises en cercle à côté d’elle.

Elle était CP depuis le mois de septembre. Elle en était heureuse, bien sûr. Baden-Powell n’avait-il pas dit que la mission de chef de patrouille était la plus belle de toutes ? Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de douter et espérait de tout cœur être digne de la confiance que la maîtrise avait placée en elle.

Il lui semblait qu’elle avait beaucoup de chance avec sa patrouille. Adélaïde était devenue seconde chez la Mouette et Léonie avait dû choisir pour l’épauler entre Hermine et Olivia. Elle avait beaucoup hésité entre le sérieux d’Olivia et l’enthousiasme d’Hermine, mais la nature calme et raisonnable d’Olivia l’avait emporté. Léonie était rassurée de l’avoir à ses côtés. Hermine l’avait bien compris et n’était d’ailleurs pas certaine d’avoir déjà envie d’être seconde. Pour le moment, elle appréciait simplement que Léonie et Olivia l’associent à leurs débats et à leurs réflexions.

La quatrième de patrouille était Clotilde, guide discrète, mais d’humeur toujours égale et joyeuse, séparée de sa jumelle Juliette partie chez le Lynx depuis la rentrée. Léonie sourit en songeant au camp précédent et à l’incroyable supercherie imaginée par les deux filles. Quelle aventure pour les filles du Koala !

Venait ensuite Mary. La coquette et un peu précieuse Mary qui avait su gagner l’estime et le respect de sa patrouille. Les filles ne manquaient pas de la taquiner parfois, mais Mary prenait les choses avec humour. Elle avait décidé qu’elle pouvait être une bonne guide et rester fidèle à ce qu’elle était : une jeune fille raffinée, même avec des bottes ou de grosses chaussures !

Les deux nouvelles de cette année, Fleur et Louise, se connaissaient depuis l’enfance. Leurs parents étaient amis bien longtemps avant leur naissance et les deux filles avaient pour ainsi dire grandi ensemble, au gré des invitations chez les uns ou chez les autres, des vacances partagées et des trajets d’école. Les parents disaient en riant que leurs filles étaient comme deux sœurs, aussi charmantes et différentes que possible. Louise était brune et décidée, Fleur, blonde et discrète, mais toutes les deux semblaient ravies de faire partie de la patrouille et ne manquaient aucune sortie ni réunion.

 

Olivia remplit d’eau bouillante le quart de chacune des filles. Le soleil s’était caché et le vent froid de décembre soufflait légèrement. Hermine serrait ses mains autour de sa tasse pour les réchauffer. Quelle magnifique idée de prendre ce petit moment chaleureux pour démarrer ces deux jours !

— Alors, quel est le programme de la sortie ? interrogea Mary. En ce qui me concerne, une tente correctement installée, une jolie écharpe de laine, du feu et un petit thé, cela me convient parfaitement !

Léonie afficha un sourire satisfait.

— Tu ne penses quand même pas t’en sortir comme ça ! Avec un thé et des muffins ? Pas du tout ! Nous avons préparé quelque chose, Olivia, Hermine et moi. Un jeu pour vous, les filles.

— Un jeu ? demanda Louise. Quel genre de jeu ?

— Il se trouve qu’Hermine a fait un exposé en classe sur une personne célèbre et nous voudrions vous la faire découvrir. C’est une personne qui a fait preuve de beaucoup de volonté pendant sa vie et j’ai pensé que ce trait de caractère rejoignait notre cri de patrouille.

— Qui est-ce ? interrogea Fleur.

— C’est ce que vous allez deviner maintenant ! répondit la CP. Enfin, si vous êtes à la hauteur du défi !

Louise secoua la tête d’un air un peu agacé.

— Évidemment ! rétorqua-t-elle.

Hermine fouilla dans le sac qui était à côté d’elle et en sortit une épaisse enveloppe brune qu’elle tendit aux quatre guides.

— Alors voilà ! déclara-t-elle. Koala… On y va !

 

Chapitre 4

Une énigme américaine

Mary décacheta l’enveloppe sous les yeux impatients de Clotilde, Louise et Fleur. Elle en sortit des papiers pliés, une photo et le dessin d’un téléphone.

— C’est cette femme ? souffla Fleur en observant le cliché.

— Réfléchis un peu, ma petite pâquerette ! lui répondit Louise d’une voix agacée. Ce n’est pas possible ! Tu vois bien, il y a un nom derrière la photo ! Ann Sullivan. Si on nous donne son nom, ça ne peut pas être elle. Ça serait trop simple !

Fleur acquiesça en silence.

— L’une de vous a-t-elle entendu parler de cette Ann Sullivan ? demanda Louise.

Les filles secouèrent la tête. Le nom ne leur disait rien.

— En revanche, ceci est simple, déclara Clotilde en dépliant un message en morse qu’elle déchiffra rapidement : A-L-A-B-A-M-A. Alabama ? Vous connaissez ?

— Il me semble que c’est une région aux États-Unis, répondit Mary. Je crois en avoir entendu parler. Bien sûr, les États-Unis sont moins chics que la Grande-Bretagne, mais…

— Merci Mary ! l’interrompit Clotilde. Donc Alabama : région des États-Unis. C’est un premier indice.

Louise tournait entre ses doigts un carton incrusté de points en relief.