Les Larmes Brûlantes De Morlak - Alex Robins - E-Book

Les Larmes Brûlantes De Morlak E-Book

Alex Robins

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Beschreibung

Le pacte est rompu.

Les demi-dieux légendaires connus sous le nom des Douze se réveillent et apportent avec eux la connaissance de ce qui a été découvert dans les bas-fonds : une force de destruction apocalyptique qui, une fois libérée, réduira les neuf Baronnies en cendres.
Leur seul espoir de salut se trouve au plus profond de la Baronnie de Talth, une terre désormais entre les griffes des Greylings. Jelaïa del Arelium et Derello del Kessrin doivent rassembler leurs armées affaiblies et les mener aux confins du nord dans une tentative désespérée de récupérer les terres conquises.
Merad Reed, capitaine de la Vieille Garde, a sacrifié sa propre liberté pour que d’autres puissent s’échapper. Il languit maintenant dans une prison souterraine sous le donjon de Morlak, à la merci de Mithuna, Troisième des Douze, et de ses chevaliers. Le donjon est imprenable ; personne n’a réussi à percer ses défenses depuis plus de cent ans.
Personne, sauf l’homme qui se fait appeler Jeffson. Autrefois criminel et meurtrier, aujourd’hui simple serviteur, Jeffson a peut-être un moyen de sauver son ami, mais seulement en retournant à une vie qu’il avait juré de laisser derrière lui, une vie ravagée par la douleur et la perte. A-t-il la force de rouvrir de vieilles blessures sans se perdre dans son passé sordide ?

Le troisième roman de l'exaltante série de la Guerre des Douze plonge encore plus profondément dans le riche héritage et les personnages complexes des neuf Baronnies, alors que les enjeux atteignent de nouveaux sommets.

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Il s’agit d’une œuvre de fiction. Les noms, personnages, lieux et incidents sont soit le fruit de l’imagination de l’auteur, soit utilisés de manière fictive. Toute ressemblance avec des personnes réelles, vivantes ou décédées, des événements ou des lieux est entièrement fortuite.

Copyright © 2021 by Alex Robins

Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ni utilisée de quelque manière que ce soit sans l’autorisation écrite du propriétaire du droit d’auteur, à l’exception de l’utilisation de citations dans une critique de livre.

Couverture et décoration intérieure par Damonza

Cartes par Alex Robins

Traduction par Sophie-Marie Slonka

Publié par Bradypus Publishing

49380 Bellevigne en Layon

Dépôt Légal : octobre 2022

www.warofthetwelve.com

Pour Juliana & Nolan

Vos sourires me remplissent de bonheur

Riez

Vivez

Et sachez que je vous aime

TABLE DES MATIERES

Prologue: Les derniers jours de Talth

Chapitre 1: Invisible, mais présent

Chapitre 2: La Dame du Loup Blanc

Chapitre 3: Graines et boules de neige

Chapitre 4: D’autres complications

Chapitre 5: Le collier de pierreries

Chapitre 6: Frère et sœur

Chapitre 7: La survie du plus fort

Chapitre 8: La paix

Chapitre 9: Un jeu de hasard

Chapitre 10: Vaisselle cassée

Chapitre 11: L’Aile Pourpre

Chapitre 12: Épaves

Chapitre 13: La Pointe

Chapitre 14: L’homme enchaîné

Chapitre 15: Souvenirs de Quayjin

Chapitre 16: La réponse d’Aldarin

Chapitre 17: Un combat de Titans

Chapitre 18: Mangonneaux et fleurs sauvages

Chapitre 19: Choisir sa voie

Chapitre 20: L’assaut

Chapitre 21: Un de trop

Chapitre 22: Mère Couveuse

Chapitre 23: Les larmes brûlantes de Morlak

Chapitre 24: Séquelles

Chapitre 25: Septième des Douze

Épilogue: Le Cercle Infini

Annexes: Une brève chronologie des évènements

Les Douze Ordres

Prologue

LES DERNIERS JOURS DE TALTH

“Vous avez envoyé des cavaliers à Morlak et Talth, n’est-ce pas ? Sont-ils revenus ? Non, et ils ne reviendront jamais. Je suis en contact avec mes frères et sœurs. Morlak est déjà sous notre contrôle, et Talth ? Le Baron de Talth était têtu et a refusé d’obtempérer. Les Greylings ont pris la capitale et ont brûlé leurs champs et leurs villages. Il ne reste plus rien de Talth.”

Mina, Dernière des Douze, 426 AD

*

Baron Davarel del Talth regarda sa ville mourir.

Des feux incandescents vacillants s’étendaient jusqu’à l’horizon lointain, leur lueur dorée illuminant le ciel nocturne. En dessous de lui, des centaines de maisons de bois alimentaient un colossal mur de flammes d’un demi-kilomètre de large, le vent impitoyable le poussant inexorablement vers les derniers vestiges de la garde de la ville alignés sur les remparts du mur intérieur. Des panaches nocifs de fumée gris sale s’élevaient en spirale vers le ciel, transportant la puanteur de la chair brûlée jusqu’au toit du donjon où le Baron se tenait, ses mains osseuses aux veines bleues agrippées au parapet.

Et devant le mur de flammes se tenaient les Greylings.

Ils étaient bien trop nombreux pour être comptés, une masse bouillonnante de corps à la peau grise, se déplaçant à quatre pattes, gloussant et criant comme des gosses qui se chamaillent. Les Faucheurs les dominaient. Certains portaient des plastrons rouillés ou des casques de fer rudimentaires, d’autres tenaient des fouets barbelés qu’ils claquaient et faisaient craquer pour exhorter les petites créatures à avancer.

Davarel secoua la tête avec tristesse. La chaleur de l’incendie lointain n’était pas suffisante pour réchauffer ses vieux os fatigués. Il y a trente ans, il se serait tenu fièrement sur les murs avec ses hommes, mais ses jours de combattant étaient loin derrière lui. Son manteau de cotte de mailles pendait lourdement sur son corps squelettique. Ces jours-ci, il pouvait à peine tenir une épée. Il baissa les yeux sur ses articulations enflées et arthritiques avec dégoût.

La vieillesse l’avait rattrapé, le privant lentement de sa force et de sa résilience. La maladie ou la sénilité lui avaient volé ses amis. Sa femme était morte paisiblement dans son sommeil. Pourtant, il persistait, luttant seul contre les courants impitoyables du temps qui creusaient les rides de son visage et soudaient les articulations de ses bras et de ses jambes. Et maintenant, cette torture finale, la destruction complète et totale de ses terres.

Il n’avait fallu que deux semaines aux Greylings pour dévaster Talth. La Fosse a été la première à tomber, le petit contingent de la Vieille Garde massacré en quelques heures. Les survivants avaient fui vers le sud jusqu’au temple de Guanna, Deuxième des Douze, un ancien bastion fortifié situé dans les collines du nord.

Les Chevaliers de Guanna avaient rapidement évalué la situation et s’étaient divisés en deux groupes : la moitié chevauchant vers le sud jusqu’à la capitale, l’autre moitié marchant vers le nord pour ralentir l’avancée des Greylings. Cent hommes contre des milliers. Un sacrifice courageux et désintéressé. Davarel n’avait pas gaspillé ce dernier cadeau, utilisant le temps glané dans le sang pour organiser l’évacuation de Talth et le renforcement des anciens murs de pierre.

Quelques jours plus tard, des éclaireurs postés le long de la périphérie nord avaient repéré la horde grise. L’ennemi avançait lentement, abattant les moutons et les bovins laissés sans surveillance par leurs propriétaires, brûlant les dernières récoltes et polluant les puits et les cours d’eau avec des carcasses d’animaux et des excréments. De grandes étendues de forêts furent brûlées, laissant derrière elles une friche monochrome.

Il ne semblait pas y avoir de rime ou de raison à une telle destruction gratuite, seulement la haine pure et simple de tout ce qui est créé par l’homme.

Les murs de Talth ne les avaient pas arrêtés, malgré les vaillants efforts des chevaliers de Guanna. Pendant une nuit et un jour, ils avaient tenu bon, les guerriers massifs et blindés causant des centaines de morts parmi les Greylings. Mais cela n’avait pas été suffisant. Pour chaque Greyling tué, deux autres étaient apparus pour prendre sa place. Un bélier rudimentaire fabriqué à l’aide d’un tronc d’arbre avait fracassé la porte principale, permettant aux Faucheurs d’entrer dans la ville et d’attaquer les remparts par l’arrière.

Encerclés et épuisés, les gardes auraient été anéantis sans l’intervention du fils de Davarel. Le noble courageux avait rassemblé les restes épars de la cavalerie lourde et mené une contre-attaque désespérée dans la rue principale, dégageant ainsi une voie de retraite pour les défenseurs assiégés. Un bref répit. Désormais, les derniers survivants occupaient le mur intérieur entourant le donjon lui-même. La dernière ligne de défense, sans aucun moyen de s’échapper.

Et son fils n’était pas revenu.

Un cri inhumain, strident et perçant, s’éleva de quelque part en contrebas. Une énorme litière en bois fit son apparition, soutenue par huit Faucheurs en sueur. À son sommet était assise une créature hideuse de plus de six mètres de long, de couleur gris foncé et ressemblant à une limace. Elle n’avait pas de jambes, seulement une longue queue visqueuse tachée d’une substance rouge sombre qui ne pouvait être que du sang humain. De petits bras en forme d’aiguillon s’agitaient sauvagement en direction du mur. Son nez porcin reniflait l’air, à la recherche de quelque chose. Davarel pouvait voir que la chose était aveugle, deux cercles déchiquetés de tissu cicatriciel blanc recouvrant les orbites vides.

La créature ouvrit sa bouche distendue et hurla à nouveau, assez fort pour faire siffler les oreilles de Davarel. Le cri fut accueilli par une cacophonie de sons discordants et la horde de Greylings se mit à avancer. Une pluie mortelle de flèches s’abattit sur eux, en tuant des dizaines, leurs corps ensuite piétinés dans la terre par les survivants. Le premier des Greylings atteignit la base du mur et commença à grimper. Ses griffes aiguisées s’enfonçaient facilement dans le mortier qui s’effritait.

– Je dois descendre à leur rencontre, murmura Davarel, une main tremblante se posant sur le pommeau de sa longue épée dorée. Il ne voulait pas mourir ici tout seul.

– Mon Seigneur, articula une voix derrière lui, et il se retourna pour voir qu’un des chevaliers de Guanna l’avait rejoint sur le toit, un homme grand, musclé, au visage pâle, aux cheveux noirs hérissés et aux yeux indigo. Le chevalier portait une armure lourde, avec un gorget d’acier qui couvrait son cou et sa mâchoire inférieure. Un bouclier de métal était solidement attaché à son avant-bras gauche, laissant les deux mains libres pour pouvoir manier l’épée longue bien usée rengainée à son côté.

Davarel essaya de se rappeler le nom de l’homme et échoua lamentablement.

– Ah, qu’est-ce que c’est, Sire...

– Gaelin, mon Seigneur.

– Bien sûr. Mes excuses. Mon esprit n’est plus ce qu’il était, Sire Chevalier.

– Pas besoin de vous excuser, mon Seigneur. Je suis venu discuter de ce qui devrait être fait pour votre héritier. Je crains que les murs ne résistent pas longtemps aux Greylings.

– Mon héritier ? Mon fils a été retrouvé ? Davarel sentit son cœur battre fort dans sa poitrine. Il y a peut-être encore une raison d’espérer !

Gaelin toussota d’un air embarrassé.

– Non, mon Seigneur. Je crains que votre fils n’ait pas survécu à la nuit. Bien que ses valeureux efforts aient sauvé la vie de nombreuses personnes. Je parlais de votre petit-fils, Kayal.

En entendant son nom, le jeune garçon aux cheveux sable jeta un coup d’œil prudent de derrière les jambes du grand chevalier où il s’était caché, perdu dans l’ombre. Il ne devait avoir que huit ou neuf ans.

– Grand-père, dit-il d’une voix grinçante, à peine audible au-dessus des bruits de la bataille qui résonnaient en bas.

Davarel fixait le visage en larmes de l’enfant tandis que des émotions contradictoires envahissaient son esprit. Le garçon ressemblait tellement à son défunt père, les mêmes cheveux clairs, les mêmes yeux bleus ciel. L’amour et le chagrin s’entremêlaient. Pendant un moment, ils menacèrent de le submerger, mais il résista, puisant dans les dernières forces qui lui restaient.

– Kayal, bien sûr. Il avait l’impression qu’un voile s’était levé sur ses yeux. Une bonne raison de continuer à se battre. Davarel se redressa.

– Approche, mon garçon. Genou à terre. Sire Gaelin, si vous voulez bien faire effet de témoin ? Le chevalier hocha la tête.

Le Baron del Talth tira son épée ornée, ignorant la douleur qui brûlait sa main lorsque ses doigts s’enroulèrent autour de la poignée. Kayal était à genoux devant lui, tremblant de peur. Le vieil homme posa légèrement la pointe de sa lame sur les épaules du garçon.

– Kayal. Comme de mon droit en tant que Seigneur de Talth, et comme en témoigne ce Chevalier de Guanna, je vous déclare en ce jour héritier de la Baronnie de Talth, avec tous les titres et honneurs dus à ce rang. Que les Douze vous guident, Seigneur Kayal.

Le garçon se releva sur des jambes tremblantes.

– Je vous remercie, grand-père, dit-il formellement, en s’inclinant.

– Excellent, répondit Davarel en rengainant son arme. Sire Gaelin, combien de temps avons-nous ?

Le chevalier examina le carnage en dessous.

– Quelques minutes, mon Seigneur. Tout au plus.

Les Greylings avaient pris pied sur les remparts malgré les vaillants efforts des défenseurs. Plusieurs d’entre eux attachaient des cordes grossières autour des créneaux, des cordes assez solides pour supporter le poids d’un Faucheur.

Une grande main griffue apparut, puis une autre. Avec un grognement, une bête de deux mètres de haut se hissa au-dessus des remparts et atterrit lourdement parmi les défenseurs. Un coup de massue assomma l’un des gardes et en renvoya un autre valser au milieu de ses camarades.

– Très bien, dit Davarel, en hochant sèchement la tête. Alors il n’y a pas de temps à perdre. Suivez-moi.

Ils quittèrent la terrasse et descendirent les escaliers tortueux jusqu’à la Grande Salle où deux autres chevaliers en armure les attendaient. La bannière verte de Talth était fièrement accrochée au mur à l’extrémité de la salle, au-dessus d’une estrade surélevée. Davarel prit un moment pour contempler ses armoiries. Un cerf cabré, les bois dressés en air de défi.

– Suivez-moi. En dessous de l’estrade, dit-il en respirant fortement. Il força son corps endolori à avancer et désigna l’une des grandes dalles qui recouvraient le sol de la salle.

– Mon Seigneur ? interrogea Gaelin.

– C’est creux, Sire Chevalier.

Le chevalier de Guanna hocha la tête et dégaina son épée longue, détachant les joints entourant la dalle en quelques coups précis. Avec un grognement d’effort, il tira sur la dalle de pierre, la soulevant de son cadre et révélant une trappe en bois verrouillée.

Davarel passa la main sous sa cotte de mailles et sortit une clé rouillée.

– Ça devrait encore fonctionner. Cela se ferme dans les deux sens, alors verrouillez bien la trappe derrière vous. Le passage mène à une cave située sous l’une des fermes de la route sud. Il ne nous reste plus qu’à espérer que la sortie n’a pas été bloquée... la moitié de ces vieilles structures en bois ont déjà été réduites en cendres.

Un bruit de raclage provint de l’autre côté de la salle, au-delà des doubles portes grillagées. Des griffes sur du bois. Les deux chevaliers de Guanna dégainèrent silencieusement leurs épées.

– Une fois que vous serez sortis du tunnel, je vous suggère de vous diriger vers le port de Haeden. Ils ont des vaisseaux en partance pour Kessrin presque chaque jour. Trouvez le Baron, Derello. Dites-lui ce qui s’est passé ici.

– Mon Seigneur, ne serait-il pas préférable que vous nous accompagniez ? Je crains qu’il soit difficile d’atteindre le Baron sans votre soutien.

Le Baron émit un rire fatigué.

– J’ai perdu mon souffle en descendant cinq étages d’escaliers, Sire Chevalier, je ne ferais que vous ralentir. Si le Baron refuse de vous voir, rappelez-lui la fois où j’ai sauvé son père de la noyade dans la Rivière Trent. C’était un secret bien gardé que le Baron précédent, le soi-disant Seigneur des Côtes Occidentales, ne savait pas nager.

Le raclage était devenu plus insistant. Davarel soupira et tira une fois de plus sa propre épée de son fourreau avec effort.

– Je vous remercie pour tout ce que votre Ordre a fait pour nous, Sire Gaelin, dit-il. C’est une dette que je crains de ne pas pouvoir rembourser de mon vivant, mais mon héritier fera de son mieux, n’est-ce pas Kayal ?

Le jeune garçon hocha la tête, regardant la trappe en bois avec méfiance. Gaelin l’avait déverrouillée et repoussé la porte ouverte. Les premiers barreaux d’une échelle métallique disparaissaient dans l’obscurité.

– Il est temps pour nous de partir, jeune Seigneur, dit-il, en faisant signe d’une main décharnée.

Davarel regarda avec tendresse son petit-fils poser avec précaution le pied sur l’échelle et descendre dans le tunnel. Gaelin suivit de près, son corps massif se faufilant à peine par l’ouverture. Il fit un dernier signe de tête au Baron avant de refermer la porte avec un bruit sourd. Davarel entendit le déclic d’une clé tournant dans la serrure.

Avec un sourire satisfait, il reporta son attention sur les portes au bout de la Grande Salle. Les deux Chevaliers de Guanna se tenaient à quelques mètres de l’entrée, casques sur la tête et boucliers levés. Des fissures commencèrent à se former le long de la planche de bois barrant les portes alors qu’elle se déformait sous la poussée. Ce ne serait plus très long maintenant. Davarel sentit l’adrénaline parcourir son corps, engourdissant sa peur et le remplissant de vigueur. Il parcourut la longueur de la salle et se plaça entre les deux chevaliers.

– Messires. C’est un honneur de me tenir à vos côtés, lança-t-il, en regardant les fissures se propager sur la surface.

Soudain, sans prévenir, le raclage cessa. Un silence inconfortable envahit la pièce. Davarel fronça les sourcils et jeta un coup d’œil à ses compagnons stoïques, leurs visages cachés derrière leurs casques.

– Peut-être ont-ils décidé d’abandonner ? dit-il timidement. Puis les portes explosèrent dans une pluie de rivets et d’éclats de bois. Le plus grand Faucheur que Davarel ait jamais vu émergea des décombres, son torse nu et musclé montrant une masse de plaies et de cicatrices mal soignées. Un collier de ce qui semblait être des mains humaines coupées pendait autour du cou de la chose, et elle portait une énorme lame en dents de scie, le métal corrodé et éclaboussé de sang. Il fixa Davarel avec des yeux teintés de malice.

– Uuuu-mainn, grogna la créature, le mot à peine intelligible alors qu’elle tordait sa mâchoire dans un effort pour imiter la parole humaine. De quelque part derrière, on entendait le caquetage des Greylings.

– Vous n’êtes pas à votre place ici, répondit Davarel en luttant contre le tremblement de sa voix.

Le Faucheur montra ses dents.

– Noooos terrrres. Notrrre temps eesst vennnu.

Les Chevaliers de Guanna attaquèrent, chargeant en avant bien plus vite que Davarel ne l’aurait cru possible pour deux hommes en armure lourde. Le Faucheur bloqua un coup avec sa lame et prit le second sur son épaule gauche. L’épée fit couler du sang, mais la blessure ne semblait pas assez profonde pour le gêner. Il riposta. Un coup de pied sauvage à la poitrine fit vaciller un chevalier vers l’arrière avec assez de force pour fendre son plastron. Un coup rapide en avant fit tomber l’arme de la main de l’autre chevalier. La lame en dents de scie redescendit. Le chevalier leva son bouclier pour parer le coup, mais la lame rouillée traversa le bras levé sans s’arrêter et s’enfonça dans le cou de l’homme.

Le Faucheur arracha sa lame dans une pluie de gouttelettes cramoisies et poussa une série de grognements animaux. Les Greylings sortirent de l’ombre derrière lui et s’attaquèrent aux chevaliers tombés à pleines dents et griffes. L’un des hommes poussa un cri rauque avant que sa gorge ne soit déchirée.

Davarel essaya de bouger, mais il se trouva cloué sur place, son corps refusant de réagir. Son épée tomba de ses doigts arthritiques. Le Faucheur colossal le surplombait, ses yeux brûlant d’une haine froide. Le Baron sentit une main puissante se refermer sur son crâne.

– Notrrre temps … est venu, répéta la chose, et serra fort.

Chapitre 1

INVISIBLE, MAIS PRESENT

“Ah, Morlak. Ma ville préférée des neuf Baronnies. Éloignée, mais remplie d’opportunités lucratives. Les gens là-bas sont si... corruptibles. Je dois juste m’assurer que j’ai les fonds nécessaires pour graisser toutes ces paumes.”

Nissus, inconnu

*

Une épaisse couverture d’un blanc étincelant recouvrait les arbres de la forêt de Dirkvallée, les branches de ses pins ployant sous le poids de la neige. L’hiver était arrivé, apportant avec lui des journées glacées et des nuits encore plus froides. Les animaux de la forêt avaient déjà commencé à hiberner, bien au chaud dans leurs tanières et leurs grottes. Seuls les petits rongeurs et mammifères s’aventuraient encore à l’extérieur, poussés par le besoin de trouver de la nourriture.

Un lièvre à longues oreilles sortit lentement de son terrier, son nez souple frétillant à la recherche de signes de danger. Après un moment d’hésitation, il fit un bond en avant dans la clairière, laissant derrière lui la sécurité de sa tanière. La majeure partie du sol de la forêt était enfouie sous une couche de givre, mais le centre de la clairière était ouvert sur le ciel et quelques faibles rayons de soleil avaient fait fondre suffisamment la surface pour permettre à un seul arbuste flétri de se révéler, une éclaboussure de vert foncé contre la blancheur immaculée.

Le lièvre s’en approcha, attiré par ce qui serait son premier repas depuis des jours. Puis quelque chose se passa. Un scintillement de gris sur blanc. Quelque chose de froid et de métallique autour de son cou. Paniqué, il essaya de s’échapper, tirant sur le nœud coulant serrant de plus en plus alors qu’il se battait pour se libérer, sans succès. Avec un dernier sursaut, le lièvre se cabra et s’immobilisa.

Jeffson émergea calmement de derrière un grand pin à l’autre bout de la clairière. Le serviteur chauve était enveloppé dans un ensemble hétéroclite de fourrures comprenant un bonnet en peau de mouton pour protéger le sommet de sa tête. Il tapa des pieds pour redonner un peu de chaleur à ses membres raides et se dirigea vers le collet, retirant une mitaine pour vérifier le pouls du lièvre. Il avait repéré la garenne la nuit précédente et installé le piège métallique dans l’espoir de compléter les réserves hivernales des Chevaliers de Kriari qui s’amenuisaient lentement.

Il aimait être ici, seul, dans le froid. Les gens le dérangeaient. Enfin, la plupart des gens. Seigneur Reed était l’exception à la règle. L’homme avait un bon fond, comme disait sa mère, et rien n’était plus important que cela. Une boussole morale interne qui semblait toujours le guider vers le choix le plus honorable, qu’il s’agisse de défendre une ville assiégée par une horde de Greylings ou de mener une expédition dans les profondeurs de l’une des Fosses pour sauver un groupe de prisonniers.

Honorable, mais pas toujours très perspicace. La dernière fois que Jeffson avait vu Reed, par exemple, il chargeait un nombre inconnu d’assaillants qui lui tiraient des flèches depuis les hauteurs. C’est loin d’être le choix d’action le plus logique, même si cela avait permis à Jeffson et à la Baronne Syrella del Morlak de s’échapper.

Néanmoins ... un bon fond.

Jeffson soupira et balaya une couche de neige d’une bûche tombée à proximité. Laissant le malheureux lièvre à son sort, il s’assit avec lassitude, soulageant ses jambes fatiguées. Il enleva son autre mitaine et fouilla dans ses fourrures jusqu’à ce que ses doigts trouvent un fin livre rouge relié. Les mots « Morlak, une énigme politique » étaient imprimés en lettres d’or sur la couverture. Jeffson feuilleta les pages bien usées jusqu’à ce qu’il trouve ce qu’il cherchait, et commença à lire.

Le craquement d’une brindille cassée quelque part dans le sous-bois derrière lui le fit se retourner, les yeux en alerte. Une silhouette féminine légère apparut à la lisière de la clairière, son corps mince enveloppé de fourrures. De longs cheveux noirs tressés pendaient dans son dos presque jusqu’à ses hanches. La pâleur de sa peau était compensée par deux yeux étonnamment différents : un vert, un bleu.

– Baronne, dit Jeffson en refermant le livre et en se levant. Il s’inclina gracieusement.

Syrella del Morlak hocha la tête en signe de reconnaissance et lui lança un petit sourire. Ses lèvres avaient une légère teinte bleutée à cause du froid.

– Jeffson. Pourquoi, à chaque fois que je pars à votre recherche, je vous trouve de plus en plus loin du temple de Kriari ? C’est presque comme si vous tentiez de vous enfuir !

– Pas tout à fait, ma Dame. Je cherche juste un peu de solitude. Je ne suis pas habitué à tout ce... monde.

Syrella aperçut le lièvre mort et son nez se plissa de dégoût.

– Je trouve cela assez difficile à croire. Qu’en est-il de vos années passées aux côtés de Listus del Arelium ? Si ma mémoire est bonne, le donjon abrite une grande quantité de serviteurs et leurs familles, sans compter les dizaines d’invités que le Baron reçoit chaque mois.

Jeffson fit un mince sourire de son côté.

– Ah, oui, le paradoxe du serviteur. Présent, mais invisible. Assistant à une centaine de conversations par jour sans jamais prononcer un mot. Vous souvenez-vous du visage de l’homme qui vous servait du vin tous les soirs, ma Dame ?

– Eh bien, non, mais cela fait de nombreuses semaines que...

– Peut-être, mais je suppose que cet homme vous a servi pendant des années et des années. Et ses traits restent flous. Nous avons probablement échangé plus de mots au cours des dernières minutes que vous ne lui avez parlé pendant toute la durée de votre mandat de Baronne.

Jeffson inspira profondément l’air vif et hivernal.

– Solitude et société ne sont pas synonymes, ma Dame, continua-t-il. Ce fut l’une des nombreuses choses qui m’amenèrent à faire ce métier. Présent, mais invisible. Il se pencha sur le piège et dégagea le fil de métal du cou de l’animal.

Syrella toussa de façon inconfortable.

– Eh bien, espérons que vous n’aurez plus besoin de vous mêler aux autres pendant longtemps. Je suis venu vous dire que Vohanen est revenu. Il a peut-être trouvé Reed.

*

Le temple de Kriari était caché au cœur de Dirkvallée, un réseau fortifié de bâtiments en bois construit sur une zone surélevée qui lui donnait une vue dominante sur le terrain environnant. Deux palissades circulaires concentriques entouraient le temple, l’une au bas de la colline, parsemée de tours de guet ; une seconde, plus petite, entourant le sommet. Les fondations avaient été posées par Kriari lui-même il y a plusieurs centaines d’années, quelque temps avant sa disparition inexpliquée.

Jeffson et Syrella arrivèrent au pied de la première palissade, leurs bottes en fourrure luisant de neige fondue. Une énorme porte en bois bloquait le passage, ses rondins serrés enduits de goudron de pin et recouverts de peaux d’animaux tannées. Deux tours carrées bordaient la porte, surmontées de braseros allumés.

Un Chevalier de Kriari les observait du haut d’une des tours. Il portait une demi-armure et un manteau de fourrure noire tacheté de givre. Deux anneaux d’argent perçaient chaque sourcil et dans son dos pendait un grand bouclier rectangulaire.

– Krelbe ! cria Syrella, son souffle se transformant en brume dans l’air froid. N’étiez-vous pas déjà de garde hier ? Vous avez encore perdu aux cartes ?

Le chevalier au visage sombre marmonna quelque chose d’inintelligible et disparut de leur vue. Ils entendirent des bottes s’entrechoquer sur les barreaux d’une échelle et, quelques instants plus tard, la grande porte s’ouvrit.

– Dépêchez-vous, grogna Krelbe, en jetant un regard noir à Syrella. Il vous attend.

– Vohanen ?

Le chevalier hocha la tête.

– Oui. C’est la première fois qu’il est revenu depuis des semaines. Il a pratiquement poussé son cheval à la mort pour arriver ici. Il fit un geste vers le haut de la colline en direction du temple. Vous le trouverez dans la salle du Conclave avec les autres.

– Merci, Sire Chevalier, dit Jeffson. Si vous pouviez avoir la gentillesse de vous occuper de ça ? Il pressa le lièvre mort dans les mains de Krelbe et se détourna, ignorant la réplique furieuse qui se formait sur les lèvres de l’autre homme.

Le chemin montait en pente raide et passait par une autre porte barrée dans l’enceinte intérieure. Un groupe de dépendances en bois entourait une plus grande structure rectangulaire en pierre avec un toit de chaume et une porte renforcée. Deux gardes en fourrure leur firent signe d’entrer.

Un feu crépitant remplissait une grande fosse au centre de la salle, bannissant le froid. Jeffson fut immédiatement frappé par une vague d’air chaud. Il enleva son bonnet de fourrure et ses moufles, et se rapprocha du feu. Des bancs avaient été placés en un demi-cercle autour du feu, occupé par une douzaine de Chevaliers de Kriari. En face d’eux se tenait Vohanen, les mains tendues, ses paumes faisant face aux flammes.

L’ancien chevalier avait vieilli de dix ans au cours des dernières semaines. Sa barbe tressée, couleur maïs, était hirsute et mal lavée. Des taches sombres entouraient des yeux creux et injectés de sang. Il avait perdu du poids, la peau de ses joues et de sa mâchoire s’affaissait légèrement, lui donnant un aspect tiré, cadavérique. Jeffson croisa le regard de l’homme et y vit quelque chose de dur et d’amer. La colère. La colère et la haine causées par un chagrin insupportable.

Vohanen avait perdu son fils aîné, Avor, moins d’un mois auparavant, fauché par une griffe de Greyling alors qu’ils se battaient pour sauver un groupe de prisonniers des profondeurs de la Fosse Morlakienne. Avor était mort pour que d’autres puissent s’échapper, retenant leurs poursuivants assez longtemps pour leur permettre de fuir les tunnels souterrains avant qu’ils ne soient inondés par les eaux glacées du Lac de Terris. Ce fut une bonne mort, la mort d’un guerrier. Et pourtant, Vohanen croyait toujours que tout était de sa faute.

Jeffson connaissait bien les étapes du deuil. Le déni, la colère, le marchandage, la dépression... Il n’y avait pas de remède miraculeux à une chose aussi terrible. Seul le passage du temps pourrait éventuellement atténuer la douleur, et même alors, elle ne disparaîtrait jamais. Jeffson le savait parce qu’il se remettait encore de sa propre perte, une cicatrice douloureuse sur son âme qui le hantait malgré les années, un souvenir horrible d’une autre vie. Avec un frisson, il chassa les sombres pensées de son esprit et concentra son attention sur Vohanen.

– Nous avons trouvé les corps, disait le chevalier. Ils sont toujours là où ils sont tombés, plus d’une semaine après. On dirait que Reed et les autres ont essayé de combattre l’ennemi. Ils ont échoué.

Jeffson jeta un coup d’œil à Syrella. La Baronne se mordait nerveusement la lèvre inférieure.

– Je ne suis toujours pas sûr de savoir qui a tiré ces flèches à plumes noires, poursuivit Vohanen. Mais ils étaient des combattants extrêmement compétents. Plus d’une douzaine de nos hommes sont morts, et nous n’avons pu trouver aucune trace de leurs agresseurs. Les cadavres portaient des blessures correspondant à une longue lame tranchante, probablement une épée, bien qu’elle ait été maniée avec une force considérable : l’un des corps avait presque été coupé en deux. Il soupira et frotta ses yeux fatigués avec ses pouces. Je dois aussi vous informer avec regret, ma Dame, que nous avons trouvé le corps de Quinne, votre capitaine.

Syrella hocha la tête comme si elle s’y attendait.

– Et Merad... Je veux dire, Sire Reed ?

Vohanen secoua la tête.

– Non. Que les Douze soient remerciés. Nous avons passé quelques heures à chercher. Plus de corps, seulement des traces menant vers le sud, à peine cachées. Un groupe de chevaux, très probablement. C’était comme si l’ennemi ne pensait pas qu’il serait suivi, ou n’en avait cure. Nous avons donné aux morts un enterrement décent et avons continué.

Un des chevaliers qui écoutaient offrit une chope de bière à Vohanen qui l’accepta sans mot dire.

– Le chemin vers le sud était difficile. Le froid commençait à s’installer et avec lui les premières neiges de l’hiver. Pas épaisses, mais assez pour masquer les traces. Nous avons dévié de notre route plusieurs fois. En fait, si le vieux Taleck n’avait pas été là, nous aurions pu les perdre complètement.

Il leva sa chope pour saluer un chevalier à la barbe grise assis près du feu, l’oreille droite couverte de cicatrices. Taleck lui rendit le geste avec sa propre bière.

– Le troisième jour, nous avons trouvé les restes d’un campement. Un feu éteint et quelques vieilles peaux d’animaux. Assez pour confirmer que nous avancions dans la bonne direction. Oh, et nous avons aussi trouvé ceci.

Il creusa profondément dans sa tunique rembourrée et en sortit quelque chose de petit et métallique qui scintillait à la lumière du feu. Jeffson se pencha en avant et vit que c’était un fermoir en forme de tête de loup hargneux.

– Nous avons continué à nous diriger vers le sud, et il est vite devenu clair quelle serait leur destination finale. Ils allaient à Morlak.

Syrella tressaillit visiblement en entendant le nom de sa capitale. Vohanen la regarda.

– Je suis désolé de vous dire que rien n’a changé là-bas, ma Dame, dit-il. Les portes du donjon intérieur sont toujours verrouillées. Nous avons réussi à nous rendre dans la ville extérieure, mais l’endroit est à moitié désert. Il semble que les visiteurs soient refoulés ou forcés de partir. Et ceux qui restent... une bande de brigands et d’égorgeurs pour la plupart. Il n’y a personne pour maintenir la paix, vous voyez ? Les chevaliers qui y tenaient garnison ont été chassés, et les gardes de la ville sont retranchés au-delà du mur intérieur, près du donjon.

Il s’arrêta et but une longue gorgée de bière, essuyant l’écume de sa barbe.

– Nous avons vu quelque chose, cependant. Taleck et moi avons soudoyé l’un des gardes encore en service, ce qui nous a permis de monter sur les remparts inférieurs. De là, nous avions une bonne vue sur le donjon et notre ancienne garnison. Un nouveau drapeau flottait sur le toit de la caserne. Un motif noir sur un champ blanc. Les silhouettes de deux visages identiques. Des jumeaux.

Cette dernière révélation fut accueillie par des murmures de colère de la part des Chevaliers de Kriari présents. Jeffson et Syrella se regardèrent avec confusion.

– Sire Chevalier, dit la Baronne fortement. Je crains que vous ne deviez nous éclairer, ce motif dont vous parlez ne signifie rien pour nous.

– Oui, c’est logique, ma Dame, car il ne devrait plus exister. C’est le signe de l’Ordre de Mithuna, Troisième des Douze.

– Un autre des Ordres chevaleresques ? Je ne comprends toujours pas. Pourquoi se mettraient-ils du côté de l’imposteur qui réside maintenant dans le donjon de Morlak ? N’ont-ils pas juré de protéger les neuf Baronnies et la volonté du Conseil ?

Le regard de Vohanen se porta sur une figure âgée et courbée, assise à l’écart des autres, le visage couvert de cicatrices. L’homme hocha la tête presque imperceptiblement.

– Vous avez raison, ma Dame. Tous nos Ordres ont prêté ce serment. Et puis, il y a soixante ans, certains d’entre nous ont brisé ce serment. C’était une période sombre ; beaucoup de personnes ont été perdues des deux côtés. Nous l’appelons le Schisme. Les factions dissidentes ont été pratiquement éliminées, notamment l’Ordre de Mithuna. Mais nous n’étions apparemment pas assez minutieux. Ce drapeau est la preuve que certains ont survécu et ont réussi à se reconstruire.

– Je vois, dit Syrella d’un ton glacial, ses yeux brillant dangereusement. Et quand exactement alliez-vous mettre votre Baronne au courant de cette information ?

Elle se tourna vers le vieux chevalier balafré.

– Je vous connais, Sire Bjornvor, vous avez été le premier maître de ce temple, depuis bien avant ma naissance. Je vous ai vu renouveler votre serment à mon père en vous ouvrant la paume et en jurant par votre propre sang. Ça ne vous a pas traversé l’esprit de lui dire alors ?

Le maître du temple s’éclaircit la gorge.

– Mes excuses, ma Dame, mais je lui ai dit, répondit-il d’une voix douce et éraillée. Nous avons discuté du Schisme à plusieurs reprises. J’avoue que je pensais qu’il vous aurait dit tout cela lui-même. Je ne sais pas pourquoi il a choisi de ne pas le faire.

– Moi si, murmura Syrella avec colère.

Ses relations avec son père avaient toujours été tendues, et n’avaient fait qu’empirer au crépuscule de sa vie. Elle avait été sa plus grande déception : née fille alors qu’il espérait un garçon, refusant de se marier alors qu’il aspirait à un gendre, peu intéressée à produire un héritier alors qu’il n’avait cessé d’insister sur l’importance de perpétuer la lignée del Morlak... Ils se parlaient encore souvent, jusqu’au jour de sa mort, mais il n’avait jamais réussi à masquer la déception dans ses yeux.

– Je pense que c’est une discussion pour un autre jour, dit-elle sèchement. Concentrons-nous plutôt sur ce qu’il faut en tirer de ces nouvelles informations. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il n’y a qu’une seule conclusion logique : les Chevaliers de Mithuna sont responsables des tentatives d’assassinat, du meurtre de mes sujets, et de la capture de Merad Reed. Pire encore, ils semblent être de mèche avec les Greylings.

– Oui, en effet, cela semble être le cas, déclara Vohanen. Il trouva une place vide sur l’un des bancs. Bien que plusieurs choses me taraudent. Pourquoi laisser les corps pour qu’on les trouve ? Pourquoi ne pas couvrir leurs traces ? Pourquoi le drapeau sur notre ancienne garnison ? Il semble étrange d’être si négligent après des années passées à rôder dans l’ombre.

Syrella fronça les sourcils.

– Soit ils se moquent ouvertement de nous, soit...

– Soit c’est un piège, intervint Jeffson. C’est ce que je ferais. Prendre quelque chose que mon adversaire veut, m’assurer qu’il sait que je l’ai pris, et lui montrer comment le récupérer. Facile.

– Et ensuite ?

– Attendre, tout simplement, ma Dame.

– Donc, vous me dites que la seule raison pour laquelle Reed est encore en vie est pour servir d’appât ? dit Vohanen, faisant tournoyer les dernières gouttes de bière au fond de sa chope avant de les descendre bruyamment.

– Cela se peut. Mais c’est sans importance. Il y a près de cent chevaliers ici. On peut aller à Morlak en force et assiéger le donjon. Redonner à la Baronne la place qui lui revient. Sauver Reed. Détruire les Chevaliers de Mithuna. Finir ce que nous avions commencé il y a soixante ans. Alors ? Qui est avec moi ?

Le silence envahit la salle. Bjornvor se leva lentement.

– Attaquer le donjon de front ? râla-t-il. Nos pertes seraient élevées. Combien de vos frères êtes-vous prêts à sacrifier pour sauver un seul homme ?

Le visage de Vohanen s’assombrit de colère, ses yeux devinrent froids.

– J’ai prêté serment à cet homme, Maître. Je lui ai pris le bras et lui ai promis que je le sauverais ou que je punirais les responsables. C’est un serment que j’ai l’intention de tenir.

– C’est votre choix. Et nous respectons tous cela ici. Mais vos camarades n’ont pas prêté de tels serments. Je ne leur demanderai pas de donner leurs vies sur un coup de tête.

– Et qu’en est-il des chevaliers de Mithuna. Notre plus grande honte. Doit-on les laisser à leurs machinations, sans représailles ? Les laisser libres et impunis après tout ce qu’ils ont fait ? Où est votre honneur ? Pourquoi je...

– Assez, mon garçon ! tonna Bjornvor.

Il se rapprocha du feu, les ombres des flammes creusant des lignes profondes sur son visage cicatrisé.

– N’ayez pas la prétention de parler de choses que vous ne pouvez pas comprendre. Vous parlez du Schisme comme d’un conte de fées. J’étais là quand les autres nous ont trahis. Je les ai vus nous poignarder dans le dos, tuer mes frères, mes sœurs, mes amis. Je me souviens que l’un d’eux a entaillé la chair de mes joues avec un couteau. Riant alors que le sang dégoulinait. Ne me donnez pas de leçon sur la vengeance. Je suis désolé pour votre perte, Vohanen, plus désolé que vous ne pouvez le savoir, mais cela ne vous donne pas le droit de mettre en doute mon honneur ou mon intégrité. Et si vous recommencez, je vous ferai fouetter.

Vohanen avait l’air d’avoir été giflé. Il fixait le maître du temple, les yeux écarquillés, ses lèvres formant des mots qu’il ne pouvait prononcer.

– Je... je suis désolé, dit-il finalement. Ce n’était pas mon intention. Et vous avez raison, attaquer le donjon serait une entreprise coûteuse. Mais les Chevaliers de Mithuna complotent quelque chose, j’en suis sûr. Et s’ils se massent pour attaquer Dirkvallée ? Ou Pertépine ? Si un assaut frontal n’est pas possible, il y a peut-être un autre moyen d’entrer dans le donjon. Ma Dame, pouvez-vous nous aider ?

– Je... je suis désolée, je ne sais pas, dit Syrella avec regret. Mon père m’a toujours assuré que le donjon intérieur était imprenable.

Jeffson sentit un frisson glacé parcourir son corps. La douleur familière qu’il s’efforçait constamment de repousser remontait à la surface, l’étouffant. Il serra les dents alors que les souvenirs d’une vie passée l’assaillaient par vagues, de terribles flashs de choses qu’il avait essayé si fort d’oublier. Le sang, la mort, et les promesses non tenues. Et quelque chose d’autre, quelque chose qu’il avait presque négligé. Sa main se dirigea vers le livre en cuir caché dans la poche de son manteau, le bout de ses doigts effleurant le dos. Sa respiration ralentit.

Il pourrait les aider. Mais ça voudrait dire retourner à Morlak. Retourner à l’endroit qui lui avait causé tant de peine. Était-il prêt à rouvrir ces vieilles blessures ?

Un bon fond.

– Mes Seigneurs, dit-il, la voix calme et posée. Je connais un moyen. Je sais comment nous faire entrer dans le donjon de Morlak.

Chapitre 2

LA DAME DU LOUP BLANC

“Avez-vous déjà senti la puanteur d’une centaine de corps embrasés ? La chair carbonisée a une odeur particulière : nauséabonde mais douce, putride mais charnue. La graisse et les muscles grésillent comme une côte de porc. Vous pouvez essayer de porter un masque, même si cela n’aide pas vraiment. Le pire, c’est la façon dont l’odeur s’accroche à votre peau comme du goudron. J’ai passé une heure à me frotter dans les eaux salées de la Baie des Colombes et je pue encore la mort.”

Hirkuin, Capitaine de la Garde de Kessrin, 426 AD

*

Le problème quand on fait ricocher des galets à la surface de la mer, c’est qu’il faut tenir compte des vagues. Jelaïa s’entraînait depuis des semaines maintenant, mais elle n’avait pas encore réussi à faire plus de dix ou onze ricochets avant de perdre son petit caillou dans les profondeurs obscures.

Une mouette poussa un cri moqueur et se posa en piqué sur un rocher couvert de balanes qui émergeait des hauts-fonds comme une dent de géant.

– Je ne sais pas ce que tu trouves de si drôle, marmonne Jelaïa, cherchant une autre pierre plate parmi les rives caillouteuses de la crique isolée. Venir ici était devenu une partie de sa routine quotidienne depuis qu’elle avait trouvé le vieux chemin de terre à moitié caché au bout des docks de Kessrin. Le moyen idéal de faire de l’exercice, d’évacuer le stress, et de prendre l’air. Oh, et surtout, de profiter d’un peu de tranquillité bien méritée.

Sa main se referma sur un bon candidat : plat, circulaire, pas trop épais. Elle le soupesa pensivement dans la paume de sa main pendant un moment, puis l’envoya virevolter au-dessus de l’eau d’un coup de poignet. Il rebondit vers l’horizon avec une série de plops.

Un vent frais sifflait dans le couloir naturel formé par les côtés de la crique, chatouillant les doux cheveux de sa nuque et la faisant frissonner. Elle tira le châle bleu océan plus près de son corps. Un cadeau de Derello.

La pierre toucha la crête d’une petite vague et disparut. Jelaïa soupira. Si Praedora était là, elle ferait probablement un commentaire astucieux sur la façon dont le galet représentait Jelaïa, bondissant vers son destin, essayant d’éviter les vagues traîtresses tout en mettant le cap sur l’horizon lointain.

Mais Praedora n’était pas là. La Première Prêtresse était partie avec Brachyura, Aldarin, et un petit contingent de chevaliers le lendemain de l’effondrement du donjon de Kessrin. Le jour où ils avaient ramassé le corps écrasé et sans tête de Sire Manfeld dans la Grande Salle.

Manfeld avait été le premier maître de leur temple, et une tombe lui avait déjà été réservée au fin fond du monastère fortifié qu’il avait appelé sa demeure. Les préparatifs des derniers sacrements prendraient plusieurs jours, et seraient suivis d’une cérémonie d’investiture officialisant l’ascension d’Aldarin au rang de premier maître.

Elle avait à peine parlé à son ami avant son départ. Aldarin avait passé toutes ses heures libres à travailler sans relâche avec les équipes de secours, à déplacer les décombres, à pelleter la terre, à chercher des survivants. Et, contre toute attente, ils en avaient trouvé. Un serviteur qui avait réussi à atteindre une cave. Un boulanger et sa famille qui avaient évité d’être écrasés en se cachant dans un énorme four. D’autres avaient eu de la chance, sauvés par une table, un lit, un pilier écroulé.

Mais les morts étaient bien plus nombreux que les vivants. Pour chaque Kessrin qui avait survécu, une douzaine d’autres avaient été extraits sans vie des débris et emmenés à la morgue. Pour chaque miracle, un enfant mort. La morgue ne suffisant pas à les contenir, Derello avait fait brûler les corps et enterrer leurs cendres dans une fosse commune.

Jelaïa s’était rendue une fois sur le site de sauvetage et en était revenue engourdie, les ongles cassés et sales, les vêtements et les cheveux imprégnés de la fumée âcre des bûchers funéraires. Maintenant, enfin, la recherche était terminée, le charnier comblé. Le Baron avait fini le travail lui-même avant d’ordonner que la statue sans tête du serpent de mer, celle décapité par Mina lors de son duel avec Brachyura, soit placée sur le dessus.

Elle envoya une autre pierre ricocher depuis le rivage, se demandant ce qu’Aldarin faisait à cet instant même. Des tâches importantes de maître du temple, probablement. Pour autant qu’elle le sache, c’était la première fois qu’un Révélé allait occuper un poste aussi important. Caddox sera furieux de l’apprendre, mais sa désapprobation ne suffira pas à annuler les dernières volontés de Manfeld.

Le soleil était dans ses yeux, brillant et aveuglant alors qu’il descendait lentement vers l’horizon à l’ouest. Elle devrait bientôt rentrer, retourner auprès de Derello, Praxis, Dame Arkile, et les piles de paperasse interminables. Car elle n’était plus Dame Jelaïa, l’héritière. Elle était la Baronne Jelaïa del Arelium, la Dame du Loup Blanc, un titre qu’elle détestait et aimait à la fois selon l’heure de la journée... et la personne qui le prononçait.

Une fois l’épave nettoyée et les morts enterrés, c’était Derello qui lui avait suggéré de rester un peu plus longtemps avant de retourner à Arelium, ostensiblement pour renforcer les relations entre les deux Baronnies. Pour Jelaïa, la proposition avait été l’excuse parfaite pour repousser son départ. Elle ne l’aurait jamais admis ouvertement, mais elle redoutait le retour en son fief pour deux raisons principales. La première était sa peur secrète de ne pas être à la hauteur du défi de diriger sa Baronnie. La seconde était que Loré del Conte l’attendrait. Loré del Conte, son père.

Peu importe combien de fois elle avait fait tourner ces mots dans sa tête, ils ne sonnaient pas juste. En fait, si une autre personne que Praedora lui avait révélé une telle chose, elle aurait ri et l’aurait rejetée avec un sourire. Mais il y avait une sincérité indéniable dans la voix de la Première Prêtresse, et aucune raison concevable pour que sa... tante lui mente. Non, Loré était son père, et elle allait devoir l’affronter.

Un autre coup de poignet, une autre pierre envoyée à sa fin inévitable au fond de la mer. La mouette était retournée sur son rocher, un poisson frétillant dans son bec. Elle laissa tomber son repas et le déchiqueta avec ardeur, déchirant les écailles pour picorer des morceaux de chair blanche.

Elle s’était vite rendu compte que la majeure partie du « renforcement de l’alliance » consistait à débattre pendant des heures des plus petits détails des accords commerciaux, des coûts d’entretien des routes, des litiges frontaliers, et d’autres sujets tout aussi barbants. Derello était généralement le premier à se désintéresser, son regard errant des piles poussiéreuses de parchemins à la fenêtre et à la Baie des Colombes au-delà. Jelaïa restait concentrée plus longtemps, mais les réunions se terminaient toujours de la même façon, avec Dame Arkile et l’intendant Praxis qui monopolisaient la conversation, se renvoyant la balle comme une paire de crabes qui se battaient en duel. Tous deux étaient très intelligents. Tous deux étaient dotés d’un esprit sec et acerbe. Et tous deux, Jelaïa l’avait constaté, étaient insupportablement arrogants.

C’est un aspect de Praxis qui la surprenait. Avant la mort de son père – Listus – elle avait considéré Praxis comme un tuteur bienveillant, l’aidant de manière désintéressée à comprendre les subtilités de la gestion d’une Baronnie. Cette vie protégée était loin derrière elle, la jeune fille naïve consumée par les feux de Brachyura. Elle avait appris de nombreuses leçons difficiles au cours des derniers mois, mais la plus importante était simple : rien n’est ce qu’il semble être.

Au fil des réunions quotidiennes interminables, elle avait commencé à remarquer des craquelures dans le masque de Praxis. Elle pouvait maintenant entendre le léger ton de condescendance dans ses paroles lorsqu’il donnait ses conseils, voir la façon dont ses sourcils se plissaient de frustration lorsqu’elle remettait en question ses affirmations, ou comment il martelait la table avec ses doigts lorsqu’il s’impatientait. Même son demi-sourire, qu’elle avait autrefois trouvé si charmant, n’avait plus l’air aussi sincère.

Cela ne faisait pas de lui un homme mauvais, bien sûr, mais pas tout à fait celui que Jelaïa connaissait. Elle avait l’habitude de se sentir nerveuse en sa présence, malheureuse quand elle ne le voyait pas pendant quelques jours et maintenant... il était juste là. Elle appréciait sa compagnie, et il avait été extrêmement gracieux en abjurant de sa régence temporaire, mais elle était également très heureuse de le laisser à ses propres activités autant que possible et de passer du temps seule.

Aldarin était une tout autre affaire. Elle n’était pas encore sûre de ce qu’il était pour elle : un ami, un frère, ou autre chose, mais ils allaient devoir en parler. Cela faisait maintenant des semaines que, dans un accès d’émotion incontrôlée, elle lui avait avoué son amour. Puis il y avait eu leur conversation inachevée dans la forge du temple. Il avait juré de l’accompagner à Arelium, de la servir et de la protéger. Était-ce toujours ce qu’il voulait ? Ou était-ce même seulement possible, maintenant qu’il était maître du temple ? Des questions qui en appelaient d’autres, comme une pelote de laine qui s’effiloche. Les relations humaines étaient difficiles.

Elle trouva une autre belle pierre sans aspérités. Bon, ce sera la dernière, se dit-elle.

– Il faut aplatir votre tir, Jelaïa, dit une voix proche. Elle laissa échapper un petit cri de surprise et son caillou tomba au sol.

– Praxis ?

– Oui, Jelaïa ?

– S’il vous plaît, arrêtez de vous faufiler derrière moi comme ça. Ce qui était autrefois attachant devenait maintenant légèrement ennuyeux... et plus qu’effrayant.

– Mes excuses. Je ne voulais pas vous faire peur. Je m’inquiète pour vous, Jelaïa, vous disparaissez tout le temps. Je vous ai donc fait suivre. Vous ne devriez pas être ici toute seule, il y a de nombreux personnages peu recommandables qui traînent sur les quais de Kessrin à la recherche de proies faciles.

Jelaïa prit une profonde inspiration et lutta pour contrôler le sentiment de colère bouillonnant au fond de son estomac.

– Tout d’abord, Praxis, je préférerais que vous vous adressiez à moi en m’appelant « Ma Dame ». Je ne me souviens pas que vous ayez appelé mon père « Listus », j’espère que je mérite la même courtoisie. Deuxièmement, je ne suis certainement pas une proie facile, dit-elle en soulevant le médaillon en argent pendant à son cou. Vous avez vu de première main ce que les feux de Brachyura peuvent faire, et je les ai utilisés contre Brachyura lui-même. Je ne pense pas que quelques voyous me poseraient beaucoup de problèmes.

Praxis lui offrit un demi-sourire charmeur qui déforma la profonde cicatrice sur sa joue.

– Bien sûr, ma Dame. Je m’oublie. Cela ne se reproduira pas. Et il est vrai que vous êtes loin d’être sans défense. Vous ne m’avez jamais expliqué comment ces feux fonctionnent... Je suppose que le médaillon est la source de votre pouvoir, est-ce exact ? Que se passerait-il si quelqu’un parvenait à vous le voler ? Des doigts agiles n’auraient aucun mal à l’enlever de votre cou. Vous n’auriez alors aucun moyen de vous protéger, n’est-ce pas ?

Le ton de sa voix était étrange, comme s’il parlait de manière rhétorique plutôt que de s’adresser à Jelaïa directement. Elle fit un pas en arrière. Sa main était toujours fermement enroulée autour du collier.

– Qu’est-ce que c’est que ça ? dit soudain Praxis, regardant au-delà de Jelaïa vers quelque chose à l’horizon.

Elle suivit son regard. La silhouette d’un navire. Un énorme navire, trop grand pour être une caravelle. Une caraque, approchant à grande vitesse. Même à distance, elle pouvait voir que les voiles avaient été teintées d’un violet éclatant.

– Par la Fosse ! s’exclama Praxis.