Les Yeux D'Obsidienne De Klief - Alex Robins - E-Book

Les Yeux D'Obsidienne De Klief E-Book

Alex Robins

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Beschreibung

Chaque vérité a son coût. La guerre ravage les terres troublées des neuf Baronnies. Les grandes cités d'Arelium, de Kessrin et de Talth sont à jamais marquées par le passage de la marée de Greylings, leurs cimetières sont remplis des cadavres de ceux qui ont combattu et sont morts sur leurs murs maculés de sang. Encerclée et épuisée, la fragile alliance des hommes doit tout miser sur un dernier plan audacieux : trouver et détruire le chef des créatures, une entité énigmatique connue sous le nom de tisseur. L'un des Douze, Makara, détient peut-être la clé de l'emplacement du tisseur, mais lui aussi a disparu, perdu quelque part dans la lointaine Baronnie de Klief. Les restes en piteux état des armées humaines n'ont d'autre choix que de suivre la piste de Makara vers le nord, poursuivis par une horde implacable de Greylings. À leur tête se trouve Zygos, dont l'intelligence divine a été transférée dans le corps du traître Praxis. La ville de Klief attire les amis et les ennemis vers sa douce lumière. C'est ici, devant ses portes dorées, que la Guerre des Douze sera décidée. C'est ici qu'un ancien démon se dressera... Et que des héros tomberont.

PUBLISHER: TEKTIME

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Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

© 2022, 2023 Alex Robins

Couverture et Formatage par Damonza

Carte intérieure par Alex Robins et Jamie Warman

Publié par Tektime

www.warofthetwelve.com

Pour Jon et Elleanor

Hoi-Hoi et Elfling

Merci pour les souvenirs

Table des Matières

Prologue: Pertépine

Chapitre 1: Compagnons d’armes

Chapitre 2: Les sables de Shakalla

Chapitre 3: Un jour après l’autre

Chapitre 4: Le Grand Prêtre de Klief

Chapitre 5: Des rivières d’or

Chapitre 6: Des révélations inquiétantes

Chapitre 7: Le sacrifice ultime

Chapitre 8: L’inéluctable prison

Chapitre 9: Le drapeau blanc

Chapitre 10: Le calme avant la tempête

Chapitre 11: Un havre de paix

Chapitre 12: Le parfum du chèvrefeuille

Chapitre 13: Une question de confiance

Chapitre 14: Les Agamidés

Chapitre 15: Une couronne de fleurs

Chapitre 16: À travers le portail

Chapitre 17: Plus dure est la chute

Chapitre 18: Le Linceul

Chapitre 19: Une petite étincelle

Chapitre 20: Qui Nous sommes

Chapitre 21: La complainte de la viole

Chapitre 22: Ceux que nous avons perdus

Chapitre 23: Les yeux d’obsidienne de Klief

Chapitre 24: Jamais totalement disparu

Chapitre 25: Polyglotte

Chapitre 26: Les chênes de Jaelem

Chapitre 27: La détermination de Reed

Chapitre 28: Sois fidèle à toi-même

Chapitre 29: Le Printemps

Postface: Les Secrets des Douze

Annexes: Une brève chronologie des évènements

Extras: Praedora

Prologue

Pertepine

“Il n’avait pas fallu longtemps pour que les conséquences de la destruction de Morlak par le Wyrm se répercutent sur la Baronnie. Les réfugiés affluaient des villages périphériques, ajoutant une pression considérable à leurs maigres réserves hivernales. Le commerce s’arrêta brusquement avec la fermeture des carrières et des mines. Pire encore, la garde Morlakienne, gravement diminuée, n’avait plus les effectifs nécessaires pour patrouiller sur les routes, ce qui entraînait une augmentation significative des vols et du banditisme. Ce fut une période sombre.”

Extrait de « La Guerre des Douze », 427 AD

*

La pluie battante ruisselait sans relâche des nuages d’orage gris ardoise, les gouttelettes gonflées frappant les toits de tuiles de Pertépine et transformant la terre battue des rues en boue. Henke pouvait la sentir s’enfoncer sous ses bottes de cuir à chaque pas. Il avait perdu sa cape à capuche quelques semaines plus tôt, et ses vêtements usés étaient trempés jusqu’aux os.

Quel sale temps, par la Fosse, pensa-t-il. Une goutte particulièrement grosse, en forme de poire, coula de son cuir chevelu chauve jusqu’au bout de son nez crochu et y resta suspendue. Ils n’avaient jamais eu de pluie aussi tard dans l’année auparavant. Quelque chose ne tournait pas rond.

– C’est encore loin ? demanda son compagnon, la voix étouffée par le large capuchon de sa propre cape.

Il a l’air bien au sec là-dedans. Le bâtard.

– Une centaine de mètres environ. Reste près de moi.

Les deux hommes avançaient péniblement pour finalement arriver à la périphérie d’une petite place, déserte à l’exception d’un vieux tenancier de bar grincheux, ronchonnant pour lui-même en déplaçant ses tables et ses chaises à l’intérieur, à l’abri de la pluie.

Henke avait envie de fumer, mais sa pipe ne s’allumerait jamais par ce temps, alors il sortit une allumette à la place et mâcha le bout de bois.

– Il devrait neiger, pas pleuvoir, dit-il en reniflant. J’ai passé toute ma vie à Morlak, on n’a jamais eu de pluie pendant les mois d’hiver.

Son compagnon se contenta de grogner.

– Pas très bavard, hein ? dit Henke en plissant les yeux pour scruter les profondeurs de la capuche de l’autre homme.

Il pouvait distinguer les formes vagues de deux yeux et d’un nez, mais pas grand-chose d’autre.

– D’où avez-vous dit que vous veniez, déjà ?

– D’ici et là.

– Pas très précis, non ?

Le silence fut sa seule réponse. Henke avait eu de bien meilleurs rapports avec son dernier partenaire, Grundle, une grosse brute musclée avec des biceps de la taille d’un rocher. Pas le plus intelligent des hommes, mais avec plus qu’assez de force pour compenser. Il s’était vanté d’avoir complétement soulevé une fois une vache entière, et Henke avait peu de raisons de douter de lui. Malheureusement, Grundle avait disparu depuis trois jours, et après une recherche infructueuse, il n’avait pas eu d’autre choix que de trouver rapidement un remplaçant adéquat.

Il s’arrêta net, réalisant que ses pieds les avaient mécaniquement conduits à leur destination. Une porte verrouillée au bout d’une ruelle miteuse, loin des regards indiscrets.

– C’est l’endroit ? demanda son compagnon.

– Oui. Faites attention. Elles sont un peu… difficiles.

Il fouilla dans sa tunique trempée jusqu’à ce qu’il trouve une grosse clé. La porte grinça et s’ouvrit, révélant un escalier de pierre qui descendait dans l’obscurité. Henke se hâta d’entrer, pressé de se mettre au sec.

Les escaliers menaient à une autre porte qui s’ouvrait avec la même clé. La pièce située derrière était exiguë et mal éclairée. Deux lits simples et un seau suffisaient à remplir la majeure partie de l’espace au sol. Elle était inoccupée, bien que quelqu’un ait étendu une couverture par terre. Sur cette dernière reposaient trois figurines de paille, une famille miniature, peut-être, un père, une mère et une fille.

– Où sont-elles ? marmonna Henke, ses yeux se rétrécissant avec méfiance.

La pièce était sans fenêtre, la seule façon d’entrer ou de sortir était par la porte, et Henke avait la seule clé. Ses employeurs lui avaient assuré que la serrure était inviolable.

Il fit un pas hésitant. Il n’y avait nulle part où se cacher. Nulle part sauf... derrière la porte ! Il se retourna juste au moment où une ombre bondissait hors de sa cachette, avec un cri aigu jaillissant de sa bouche. Des ongles ratissèrent le visage de Henke, assez violemment pour faire couler le sang. Il repoussa son agresseur qui tomba sur la couverture.

– Sale putain, tu m’as presque rendu aveugle ! Je devrais... commença-t-il mais fut interrompu par une autre silhouette, plus petite, qui sortit de l’obscurité et lui mordit la cheville.

– Par la Fosse ! hurla-t-il en secouant son pied pour déloger la forme qui se débattait.

Une dernière torsion de sa jambe lui fit perdre sa prise et l’envoya dégringoler à côté de son camarade prisonnier. La faible lumière de la cellule révéla les visages crasseux d’une mère et de sa fille.

Henke porta la main à sa joue. Elle était barbouillée de sang.

– Soyez maudites toutes les deux, dit-il avec colère. Je ne sais pas pourquoi vous ne pouvez pas juste vous tenir tranquille.

La femme lui lança un regard de défi. Elle était d’une beauté saisissante, les longues mèches de ses cheveux ivoire donnant à son visage un éclat presque éthéré. Une meurtrissure violacée colorait l’une des joues. Elle plaça un bras protecteur autour de son enfant.

– Vous ne savez pas pourquoi ? cracha-t-elle. Vous entrez chez moi ! Vous nous kidnappez et nous enfermez dans ce...trou à rats sans la moindre explication ! Vous nous nourrissez avec des restes ! Vous nous obligez à utiliser ce… seau, là-bas ! Et vous ne savez pas pourquoi ?

Elle se dirigea à nouveau vers lui mais s’arrêta lorsque Henke leva son poing de manière menaçante.

– Restez où vous êtes. Comme je vous l’ai déjà dit, je ne sais pas pourquoi vous êtes ici, mes employeurs n’ont pas divulgué cette information. Tout ceci ne peut fonctionner que si vous me respectez toutes les deux… et vous me respecterez.

Il commença à déboucler sa ceinture.

– Cinq coups pour vous et deux pour l’enfant, ça vous paraît juste ?

« Cerra », dit une voix étouffée derrière lui. Il se retourna pour voir son compagnon, habituellement stoïque, qui tremblait visiblement, une main appuyée contre le mur pour se soutenir.

– Je ne voulais pas le croire... Je ne pouvais pas me résoudre à le croire, mais c’est vrai, tout est vrai...

– Tout va bien, l’ami ? demanda Henke avec anxiété. Ce n’est pas le meilleur moment pour perdre le nord, hein ? Je vais avoir besoin de votre aide pour les immobiliser pendant que je leur inflige la punition.

En un éclair, l’homme se retrouva à quelques centimètres de son visage. La ceinture de Henke lui fut arrachée des mains et claqua sur ses genoux avec une force surprenante.

– Que... que faites-vous ?

Le coup inverse le frappa à la bouche. La pointe de la boucle de ceinture lui cassa deux dents. Henke cria et tituba en arrière. Un troisième coup creusa davantage la blessure ouverte dans sa joue.

– Je crois que c’était cinq coups ? dit l’homme calmement, en donnant deux autres coups de ceinture en succession rapide.

Henke chancela. Son coude s’accrocha au seau en tombant, et son contenu nauséabond éclaboussa sa tête et sa tunique.

– Je devrais probablement vous tuer maintenant, poursuivit l’homme. Et il fut un temps où je l’aurais fait sans hésiter... mais j’essaie de changer. C’est le seul moyen que j’ai pour espérer regagner la confiance de ma femme.

– Nissus ?

L’homme se retourna et enleva le capuchon de sa cape, révélant un visage simple et indescriptible aux sourcils étroits et aux cheveux clairsemés. Ses yeux brillaient de larmes.

– Il y avait autrefois un homme qui répondait à ce nom, dit-il doucement. C’était un homme égoïste, un homme fier. Poussé par l’ambition au point d’oublier tout le reste. Il négligeait sa famille, ses amis. Il faisait passer ses propres besoins avant ceux des autres. Cet homme a tout perdu... et cet homme a disparu.

L’enfant sortit de sous le bras de sa mère et leva les yeux vers lui.

– Qui êtes-vous, alors ?

– Je m’appelle Jeffson.

Il sourit.

– Bonjour, Jeffson. Je m’appelle Daelle, et voici ma mère, Cerra.

– C’est un grand plaisir de vous rencontrer toutes les deux.

Cerra leva les yeux vers lui, une myriade d’émotions vacillant sur ses traits.

– Tu... tu as parlé à Ner’alla, alors ?

– Je lui ai parlé. Et j’ai aussi parlé avec les personnes qui ont ordonné votre emprisonnement. Ils ne vous ennuieront plus.

– Nissus…

– La femme qui m’a dit où vous trouver est toujours en vie, dit-il doucement. J’aichangé. Et c’est Jeffson mon nom maintenant.

– Mon père s’appelait Nissus, dit Daelle, en prenant l’une des figurines de paille et en la lui montrant. Bien que tu ne lui ressembles pas du tout. Il était aussi mince qu’une brindille mais fort, vraiment fort, avec beaucoup, beaucoup de cheveux. Tu n’as pas de cheveux du tout.

Elle embrassa le jouet.

– Il est parti maintenant.

Jeffson se mordit la lèvre inférieure et garda le silence. Henke laissa échapper un faible gémissement depuis le coin le plus éloigné de la pièce.

Cerra se leva et fit une tentative de réarranger ses cheveux sales.

– Eh bien, c’était un plaisir de vous rencontrer, Jeffson. Merci de nous avoir libérées. Je pense que nous devrions nous mettre en route. Le chemin est long jusqu’à Morlak. Dis au revoir, Daelle.

– Au revoir, gentil monsieur.

– Morlak ? demanda Jeffson. Vous ne souhaitez pas rester ici à Pertépine ?

– Non. Ils ont saccagé ma maison et vandalisé mon atelier. Je n’ai plus rien. Ner’alla a toujours dit qu’il y aurait une place pour moi à l’Aile Pourpre si j’en avais besoin.

– L’Aile Pourpre n’est plus.

– Quoi ?

– Pas seulement ça, tout Morlak a disparu. Tout ce que vous y trouverez maintenant, c’est le désespoir et la désolation.

– Oh, par la Fosse ! Nous n’avons pas d’autre endroit où aller. Ner’alla était mon dernier espoir !

– Morlak a été détruite, mais Ner’alla est toujours en vie. Si... si cela vous convient, je peux vous conduire à lui.

Cerra jeta un coup d’œil à sa fille.

– Où est-il ?

– Je ne suis pas vraiment sûr.

– Jeffson…

– Je n’ai pas dit que je savais où il était, seulement que je pouvais vous conduire à lui. Il y a un camp de réfugiés à un peu plus d’un kilomètre de Morlak, un endroit où les survivants peuvent se regrouper. C’est là que je l’ai vu pour la dernière fois. Soit il est toujours là, soit nous trouverons quelqu’un qui pourra nous dire où il est allé.

Cerra réfléchit un moment.

– Très bien. Ce sera plus sûr pour nous de voyager ensemble. Et vous pourrez m’expliquer ce qui s’est passé depuis que nous avons été enfermées dans ce trou à rat. Mais, Jeffson...

– Oui ?

– Une fois que nous aurons retrouvé Ner’alla, nos chemins se sépareront. Sommes-nous d’accord ?

– Bien sûr.

– Parfait. Daelle, rassemble tes affaires. Nous partons. Oh, encore une chose.

Elle se dirigea vers la forme allongée de Henke et lui donna un violent coup de pied dans l’estomac.

– Ça, c’était pour m’avoir traité de putain.

Chapitre 1

Compagnons d'armes

“Il viendra un moment, dans la vie de chacun de vous, où votre foi sera mise à l'épreuve. Les sceptiques chercheront à embrouiller votre esprit avec des demi-vérités mesquines et des théories non prouvées, provoquées par la jalousie ou la peur. C'est dans ces moments que vous devez prier les Douze, afin qu'ils joignent leur force à la vôtre. La sagesse de Makara. L'ingéniosité de Brachyura. La force de Simha. La ruse de Mithuna. Toutes sont données gratuitement. Les Douze sont nos bergers, et les Douze sont avec nous tous.”

Grand Prêtre des Douze, 361 AD

*

La pierre plate ricocha deux fois sur la surface miroitante du lac et disparut avec un plouf décevant.

– Par la Fosse ! s’écria Aldarin en frappant ses mains l’une contre l’autre en signe de frustration.

Le bruit effraya un groupe d’oies sauvages qui nichaient plus loin sur le rivage, et elles s’envolèrent en poussant des cris furieux.

– Je suis sûre que tu finiras par y arriver, déclara Jelaïa, en essayant sans succès de cacher son sourire.

– Ne crois pas que je ne sais pas quand tu te moques de moi, fulmina Aldarin. Je devrais être doué pour ça. J’ai passé près de deux décennies à affiner mon esprit et mon corps, à me dépasser au-delà de ce que je croyais possible. J’ai escaladé les falaises de Kessrin à mains nues...

– Très impressionnant.

– Ne m’interromps pas. J’ai escaladé les falaises de Kessrin, survécu à une embuscade des Chevaliers de Mithuna, à la bataille de la Baie des Colombes, au siège de Talth...

– Oui, Aldarin, j’étais là.

– Alors, pourquoi ne puis-je pas faire ricocher ce caillou engendré par la Fosse sur ce lac ?

Il leva le bras et se gratta la tête où une affreuse cicatrice se frayait un chemin à travers ses cheveux coupés, de derrière l’oreille jusqu’au sommet du front.

Jelaïa inclina son visage vers le soleil matinal, savourant la chaleur sur sa peau. Elle regarda autour d’elle et trouva un rondin approprié près de la rive pour qu’ils puissent s’y asseoir tous les deux.

– Viens t’asseoir à côté de moi un moment, veux-tu ?

Il s’assit, sa masse considérable faisant craquer le bois.

– Comment te sens-tu, Aldarin ? demanda Jelaïa.

– Bien.

Elle posa une main sur son bras.

– Si tu ne veux pas être honnête avec moi, je vais rentrer au camp et te laisser bouder en paix.

Il soupira, s’affaissant un peu.

– Je... je suis troublé. Ma tête me fait mal. Constamment. Comme si quelque chose poussait à l’intérieur de mon crâne, luttant pour en sortir.

Il la regardait, et elle pouvait voir la douleur se tordre dans les profondeurs de ses yeux bleu océan.

– Il m’est difficile de dormir. Kumbha et Beren, le guérisseur, m’ont donné des concoctions qui m’aident un peu, mais la douleur est toujours présente. Parfois aussi bruyante qu’une charge de cavalerie, d’autres fois aussi douce que des gouttes de pluie sur une fenêtre. Mais toujours là. À chaque instant.

– Aldarin ! Pourquoi n’as-tu rien dit ?

– Je ne voulais pas t’importuner.

Elle lui donna une légère tape sur le bras.

– Ce n’est pas comme cela que ça fonctionne.

– Comment quoi fonctionne ?

– Ceci. Jelaïa effectua un geste de va-et-vient entre les deux. Nous. Tu dois être capable de partager ce genre de choses avec moi. C’est ce que font les couples. Ils affrontent les problèmes ensemble.

– Hmmm.

Aldarin leva sa main libre pour caresser une mèche de cheveux châtains qui s’était échappée de la queue de cheval de Jelaïa.

– Depuis quand es-tu devenue une telle experte en la matière ?

– Je... Elle hésita, regardant le lac.

Il n’y avait pas de vent et le ciel du matin se reflétait presque parfaitement dans l’eau, le soleil formant un disque d’or liquide.

– Mes parents avaient ce genre de connexion. Cette complicité. Je ne pense pas que beaucoup de gens le savaient, car ils évitaient de se montrer trop familiers en public...

Elle sentit une boule dans sa gorge.

– Je ne peux même pas imaginer ce que ma mère a dû ressentir lorsqu’elle l’a perdu. Et je n’étais même pas là pour l’aider. J’aurais dû être là. Et Père...

Un sanglot silencieux lui échappa.

– Il me manque tellement.

Jelaïa pouvait presque le voir dans la surface claire du lac, debout et fier dans son armure d’or, le soupçon d’un sourire jouant sur ses lèvres. Si réel qu’elle pourrait le toucher.

Elle sentit un bras s’enrouler autour de ses épaules, et Aldarin l’attira dans son étreinte.

– Il était un grand homme, dit-il doucement. Nous n’étions pas toujours d’accord, mais il était un bon chef, un bon mari et un bon père. Et il serait fier de voir ce que tu es devenue.

– Fier ? dit Jelaïa en s’épongeant les yeux avec la manche de sa robe. J’ai fui mes fonctions de Baronne pour devenir prêtresse. Puis, lorsque j’ai finalement accepté ma destinée, la première chose que j’ai faite a été de mener ses loyaux sujets dans un voyage téméraire vers le nord pour reprendre une ville en ruines. Je ne pense pas qu’il en serait fier.

Aldarin secouait la tête.

– Ton manque de confiance en toi te fait déformer la vérité. Tes visions étaient cruciales pour déjouer l’attaque sur Kessrin. Tu as aidé à reforger et à renforcer les alliances entre les Baronnies de l’Ouest. Ton intervention à Talth a permis de renverser le cours de la bataille. Et, bien sûr, tu m’as sauvé la vie.

Il l’embrassa sur la joue.

– Tu dois commencer à te considérer comme les autres le font. Comme moi je fais.

Jelaïa fixait son visage honnête, se nourrissant de ses mots, puisant dans son courage pour le faire sien et étouffer ses sentiments de chagrin. Elle inspira lentement et commença à se sentir un peu mieux.

Un couple d’oies se posa sur la surface du lac avec un battement d’ailes et des cris perçants. Le bruit soudain fit sursauter Aldarin, dont la main passa automatiquement par-dessus son épaule pour tirer une hache qui n’était pas là. Jelaïa surprit son expression et éclata de rire.

– Oh non, des oies ! cria-t-elle en simulant la détresse. Qu’est-ce que je vais faire ? Sauve-moi, mon brave chevalier, de ces diaboliques oiseaux de la mort !

Elle battit des cils.

Aldarin se renfrogna, puis le coin de sa bouche se contracta et il laissa échapper un rire profond.

– Tu es insupportable, Baronne !

Il ramassa une pierre plate et l’envoya valser au-dessus de l’eau.

Elle ricocha une demi-douzaine de fois avant de couler.

– Ah ! Voilà ! Tu vois ! Je m’améliore ! Bientôt l’élève surpassera le maître... ou la maîtresse !

– Ce n’est pas une compétition, Aldarin.

– Désolé.

– Et heureusement d’ailleurs, car tu as encore des progrès à faire.

Les oies avaient cessé leurs jacassements discordants et sondaient les bas-fonds, à la recherche de nourriture.

C’est tellement paisible, pensait Jelaïa. Je pourrais rester ici pour toujours. Mais nous n’avons pas le temps. Il n’y a jamais assez de temps.

– Nous devrions rentrer, dit-elle à contrecœur. Ils vont bientôt lever le camp.

– Encore un moment.

– Mais ils vont nous attendre...

Aldarin la serra contre lui.

– Alors, qu’ils attendent.

*

– Où étiez-vous passée ? gronda Loré del Conte en regardant Jelaïa du haut de son étalon. Derello et Brachyura ont eu marre de se tourner les pouces et sont partis il y a une demi-heure avec les wagons. Dois-je vous rappeler que nous sommes très proches de la frontière Kliefienne ? Ils tiennent absolument à ce que nous atteignions la capitale avant la nuit.

– Je doute fort que le Seigneur Brachyura, Quatrième des Douze, se soit « tourné les pouces », intervint Aldarin, son énorme carrure encore plus imposante maintenant qu’elle était enfermée dans son armure de plaques polies. La Baronne était avec moi. Elle prenait un peu de répit dans sa charge de travail toujours plus importante. J’espère que ce n’est pas un problème ?

Loré était sur le point de répliquer avec colère, mais quelque chose dans l’expression d’Aldarin le fit se reprendre.

– Non... non, Sire Chevalier. Aucun problème. Je vais informer la garde d’honneur que vous êtes prêts à partir.

Il donna un coup sec sur les rênes et envoya son cheval trotter vers un large groupe de cavaliers qui attendaient au bord du campement désert. Plus loin, les Areliens étaient formés en unités de dix ou douze, resserrés autour de leurs sergents pour recevoir des instructions de dernière minute. Un clairon retentit de quelque part près de la tête de ligne, et les hommes se mirent en mouvement.

– Un homme insupportable, murmura Aldarin, cherchant autour de lui son propre cheval. Il te parle encore comme si tu étais une enfant.

Ou comme s’il était mon père, pensa Jelaïa, mais c’était un secret qu’elle n’avait pas encore partagé.

Elle contourna les restes d’un brasier qui refroidissait rapidement et aperçut son palefroi blanc comme neige en train de mastiquer une musette de céréales, ses sacoches regorgeant de nourriture et de vêtements d’hiver.

– Je pense que Loré a du mal à s’adapter, dit-elle en décrochant le sac et en montant en selle. Je suis une personne très différente de la jeune femme effrayée qu’il a connue à Arelium.

– Très différente ? Plus affirmée, certainement, mais tes valeurs fondamentales n’ont pas changé.

Aldarin lui sourit.

– Et c’est une bonne chose.

Il donna au cheval une tape espiègle sur la croupe et se détourna pour chercher sa monture perdue.

Jelaïa avançait lentement le long de la colonne de fantassins Areliens, saluant ou faisant un signe de tête à ceux qu’elle connaissait, ce qui s’avérait être un bon nombre. Elle reconnaissait des hommes de l’infirmerie d’Arelium, soit remis de leurs blessures, soit guéris par le don miraculeux de Kumbha. Des hommes de la bataille de la Baie des Colombes, dont ceux qui l’avaient protégée avec leur mur de lances pour qu’elle puisse déchaîner les feux de Brachyura sur un des krakens de Mina. Et enfin, les hommes de la tour de siège de Talth ; des volontaires courageux et robustes qui avaient assailli les remparts séculaires sous l’œil vigilant d’Orkam et aidé les chevaliers à ouvrir les portes.

C’est ce que mon père a dû ressentir, pensa-t-elle, alors qu’un homme retirait son casque morion et s’inclinait respectueusement. Ils sont bien plus que des visages pour moi maintenant, ils sont... des compagnons d’armes.

– Mes remerciements, M’Dame, bredouilla l’un des soldats lorsqu’elle le dépassa. Elle ralentit son cheval pour se mettre à son rythme. Le visage du soldat était couvert de stries roses et complètement dépourvu de sourcils et de cils. Il lui décocha un sourire.

– Merci pour quoi ? demanda-t-elle, confuse.

– Ah, vous ne vous souvenez pas de moi, M’Dame. Je n’étais pas sûr que vous le feriez, quelqu’un d’aussi important que vous.

– Je…. Non, je suis désolée, soldat, je ne me souviens pas.

– J’étais sur le mur de Talth, M’Dame. Ce sale fils de chienne de Greyling m’a sauté dessus, et m’a arraché tout le visage comme s’il dépouillait un lapin.

Tout d’un coup, elle se souvint. Émergeant du sommet de la tour de siège. Se frayant un chemin parmi les Areliens morts. Une main saisissant sa botte…

– Vous avez envoyé de l’aide, M’Dame, je vous ai entendu. Vous avez envoyé votre homme chercher les brancardiers. J’étais l’un des premiers qu’ils ont ramenés. Dame Kumbha – il prononça son nom avec une pointe de fougue – a dit que cinq minutes de plus et il aurait été trop tard pour me sauver.

Jelaïa ne s’était pas préparée à la vague d’émotions que les mots de l’homme avaient déclenchées. Elle resserra sa prise sur les rênes, en veillant à ne rien laisser paraître sur son visage.

– Je suis heureuse que vous soyez encore avec nous, soldat, dit-elle. Mais vous auriez dû retourner avec les blessés sur Arelium. Vous méritez un peu de repos.

L’homme secoua la tête avec obstination.

– Rentrer chez moi ? Maintenant ? Je vous prie de m’excuser M’Dame, mais je ne rentrerai pas chez moi avant d’avoir fini de régler mes comptes ici. Je ne vais pas non plus abandonner mon unité. De plus, qui sait ce que nous allons affronter à Klief, vous pourriez avoir besoin de moi pour vous protéger.

– Par les Douze, espérons que non ! Les seules choses que je désire voir m’attendre à Klief sont un bain chaud et un bon lit de plumes. Quel est votre nom, soldat ?

– Anton, M’Dame.

– Arelium vous remercie pour votre service, Anton.

Elle inclina la tête et fit avancer son palefroi en serrant les mollets, remontant la ligne des hommes vers l’avant-garde.

Elle entendit Loré avant de le voir. Le noble charismatique riait à gorge déployée d’une blague obscène dont l’un de ses flagorneurs l’avait régalé, sa voix forte couvrant les gloussements plus silencieux de ses compagnons. Jelaïa n’était que légèrement surprise de voir Taile Bansworth parmi eux. Le Kessrin disgracié était toujours exclu du cercle intime de Derello, les deux hommes s’efforçant de s’éviter autant que possible.

Le rire retomba dans un silence embarrassé lorsque Jelaïa se mit à leur hauteur.

Très bien, pensa-t-elle. Comment apprivoise-t-on un tigre ?

– Ma Dame, dit Loré en essayant de se contenir. C’est gentil de vous joindre à nous. Excusez-nous. Nous étions juste en train de discuter...

– Une femme annonce à son amie qu’elle se marie pour la quatrième fois, interrompt Jelaïa.

– Quoi ? Qui ?

– Demandez-moi ce qui est arrivé à ses précédents maris.

– Oui, hum, qu’est-il arrivé au premier mari ?

– Il a mangé des champignons vénéneux et en est mort.

– Ah, et le second ?

– Il a aussi mangé des champignons vénéneux... et il est mort.

– Ah ? Loré semblait désemparé. Une coïncidence des plus malheureuses. S’il vous plaît, ne me dites pas que le troisième a subi un sort similaire.

Les nobles qui chevauchaient à côté d’eux se rapprochaient, essayant discrètement d’être à portée de voix.

– Le troisième ? Non, il est mort d’une fracture de la nuque.

– Une nuque brisée ?

– Oui, répondit Jelaïa, impassible. Il avait refusé de manger des champignons.

Ils restaient silencieux.

Pendant un moment, elle pensa qu’elle avait commis une terrible erreur, puis Bansworth, les yeux pétillants, laissa échapper un rire explosif. Son hilarité était contagieuse, et bientôt toute l’avant-garde gloussait amicalement à la plaisanterie de Jelaïa.

– Elle vous a eu là, mon Seigneur, déclara le Kessrin, les joues rouges comme des tomates.

Loré tapota un doigt ganté contre ses dents comme s’il réfléchissait à quelque chose.

– Pas mal, ma Dame, pas mal, dit-il enfin. Mais avez-vous entendu celle du fermier, du cochon et de la citrouille trop mûre ?

Le reste de la journée se déroula sans encombre, tandis que Jelaïa et la haute noblesse d’Arelium échangeaient des anecdotes. Ils passèrent la frontière de Klief sans encombre. Le seul signe notable de leur entrée dans la Baronnie était la route, qui passa soudainement d’un chemin de terre poussiéreux à une voie pavée bien entretenue. Après que le groupe eut fait une pause pour un déjeuner léger et quelques verres de vin, les histoires devinrent encore plus vulgaires. Bansworth, en particulier, avait un nombre apparemment inépuisable de contes de mauvais goût, dont certains étaient si pornographiques que même Loré dut lui demander d’arrêter.

La Baronnie de Klief rappelait Arelium à Jelaïa. Des hectares de terres agricoles divisaient la campagne en formes rectangulaires soignées de vert et de brun. La récolte d’automne avait dépouillé les champs de leurs cultures, laissant derrière elle un sol dur et sec. Les seuls signes de vie étaient les quelques troupeaux de vaches curieuses, grignotant le peu d’herbe qui restait et regardant bêtement passer les fantassins Areliens.

La capitale elle-même était visible à des kilomètres à la ronde, une colline triangulaire s’élevant comme l’aileron d’un requin parmi les basses collines environnantes. À mesure qu’ils approchaient, Jelaïa se rendit compte de l’ampleur de l’endroit, vraisemblablement plus étendu que Kessrin et Arelium réunis. Le mur extérieur était d’une grande beauté : un granit blanc étincelant décoré de centaines de bannières dorées et parsemé de tours de garde. Derrière, un deuxième mur, tout aussi ostentatoire que le premier, avec douze plates-formes sur lesquelles étaient positionnées de grandes catapultes.

Non, pas des catapultes, des mangonneaux, pensa Jelaïa, se corrigeant, repensant à la leçon de Sire Gaelin sur la stratégie de siège. Moins d’autonomie et de puissance mais plus facile à manier et à entretenir.

Tout en haut de la colline, un troisième anneau de protection en pierre entourait ce qui semblait être une sorte d’édifice religieux, la pointe de son unique flèche étant suffisamment haute pour percer les nuages. La lumière du soleil de fin d’après-midi se reflétait sur les vitraux.

– C’est un temple des Douze, dit Aldarin en suivant son regard. Je crois que les Kliefien appellent cela une cathédrale. Les prêtres des Douze ont une forte présence ici, en partie parce que le Baron est lui-même un fervent adepte.

Jelaïa ne pouvait détacher son regard de la flèche scintillante. La vue du sommet devait être extraordinaire.

– Les prêtres des Douze ? Tu veux dire les voyageurs en robe noire qui errent de village en village en prêchant des contes de fées farfelus ? Mon père les tolérait et leur permettait de traverser Arelium – il les considérait comme relativement inoffensifs. D’après ce que je sais, la plupart de leurs sermons sont accueillis avec une indifférence bienveillante.

– C’est la même chose à Kessrin, bien que je ne sous-estime pas leur rhétorique. Plusieurs prêtres étaient présents pendant le siège d’Arelium, et ceux qui, sur les murs, croyaient en leur credo l’ont fait de la manière la plus fervente.

– Comment peuvent-ils déifier un groupe de personnages qui ont réellement existé ? Qui, à leur avis, a construit nos villes et nos villages ? Nous ont aidé à vaincre les Greylings ?

– Ils ne réfutent rien de tout cela. Leur foi est basée sur ce qui s’est passé après. Ils croient que la disparition des Douze était planifiée, qu’une fois leur travail ici terminé, ils sont montés dans les cieux et y demeurent encore, nous guidant depuis les étoiles.

– Hmm, souffla Jelaïa, pas convaincue.

Elle reporta son attention sur la ville lointaine. En plissant les yeux, elle vit qu’une multitude de tentes rouges et bleues avaient été installées à la base du premier mur, juste hors de portée des flèches. Derello, Brachyura, et le reste des forces Kessrin.

– C’est bizarre, dit-elle. Pourquoi campent-ils en extérieur ? Ils attendent notre arrivée, peut-être ?

Aldarin secoua la tête.

– Je ne pense pas. J’ai un profond respect pour le Seigneur Brachyura, mais la patience n’est pas un de ses points forts.

Il désigna un nuage de poussière qui approchait rapidement sur la route.

– Nous aurons notre réponse bien assez tôt.

Un messager vêtu de la livrée bleue de Kessrin s’arrêta en claquant des sabots, remit une liasse de papier entre les mains de Jelaïa, puis fit faire demi-tour à son cheval et repartit au galop sur la route pavée en direction du camp éloigné.

– Qu’est-ce que ça dit ? demanda Loré avec impatience.

Jelaïa parcourut une feuille du regard.

– C’est de la part de Derello, dit-elle. Le Grand Prêtre des Douze refuse de nous recevoir.

Elle fronça les sourcils.

– Il nous déclare blasphémateurs... et nous a interdit l’entrée de Klief.

Chapitre 2

Les sables de Shakalla

“J'ai pris le temps d'explorer les terres arides du sud, mais il n'y avait rien pour moi là-bas. Comment pourrais-je essayer de construire quelque chose avec tout ce sable et sous une chaleur torride ? L'eau se fait rare. Il n'y a aucun matériau de construction. Aucun terrain solide pour les fondations. Même si je parvenais à surmonter les problèmes économiques et techniques, tout ce que je construirais finirait par être avalé par le désert. Oublions cet endroit inhospitalier. Il est très peu probable qu'une des tribus humaines soit assez robuste pour y prospérer.”

Brachyura, Quatrième des Douze, 21 AD

*

Le cheval de Ka’arka émit un grognement épuisé et s’immobilisa en frissonnant, sa langue sèche sortant de sa bouche.

– Par la Fosse, jura le Chevalier de Brachyura à la peau d’ébène, grimaçant lorsque le mouvement étira ses propres lèvres fendues.

Le soleil brûlant tapait sur le cheval et le cavalier fatigués, implacable et persistant. L’air n’offrait aucun répit : il faisait si chaud et si étouffant que Ka’arka avait l’impression de se tenir devant une cheminée ardente. Il était vêtu d’une simple tunique bleu ciel, sèche et irritante contre sa peau ; la sueur de son corps s’évaporait avant qu’il ne puisse la sentir couler. Le manque d’humidité ne diminuait pas l’odeur, cependant, l’émanation nauséabonde imprégnait tout son corps, de ses dreadlocks emmêlées jusqu’à ses bras et jambes nus.

Il glissa de la selle et attrapa sa bouteille d’eau, qu’il secoua un peu. Un léger bruit de clapotis lui indiqua qu’il en restait moins d’un tiers. Trop peu. Loin d’être suffisant. Il dévissa le bouchon et prit une toute petite gorgée, juste assez pour mouiller ses lèvres. Il lui fallut un effort considérable de volonté pour ne pas tout déverser dans sa gorge. Au lieu de cela, il revissa le bouchon et évalua son environnement.

Du sable. D’interminables dunes de sable doré, qui étincelaient tellement qu’elles lui faisaient mal aux yeux. Le même paysage, sans fin, jour après jour, depuis qu’il avait quitté le confort relatif d’Ak’Shah une semaine auparavant. Le minuscule village nomade se trouvait au bord du désert de Shakalla, à la frontière entre la terre et le sable, où les derniers buissons broussailleux lessivaient le peu de vie qui restait de la terre.

C’était aussi l’endroit où Ka’arka était né.

Ses parents étaient des commerçants et avaient quitté les terres brûlantes du sud lorsque Ka’arka avait deux ans pour vendre leurs produits à Arelium, s’installant finalement dans la ville de Cogdon près de la frontière. C’était l’endroit idéal pour eux car la principale route commerciale très fréquentée de Da’arra à Arelium passait directement par Cogdon, et les marchands Da’arrans introvertis étaient beaucoup plus enclins à commercer avec ceux de leur propre espèce. Les parents de Ka’arka pouvaient choisir les meilleurs produits et les marchandises les plus précieuses avant même qu’ils atteignent la capitale.

Par conséquent, Ka’arka avait eu une enfance riche et protégée, bien qu’elle ait été solitaire. Il avait été un petit garçon maigre et de petite taille. Sa peau foncée et son élocution accentuée avaient fait de lui une cible facile pour les brutes de la ville, et ceux qui l’accompagnaient avaient souvent subi le même sort, le laissant avec peu d’amis. Il avait plutôt passé ses premières années à aider son père à gérer le comptoir commercial. De longues heures passées à empiler des étagères et à décharger des caisses avaient rapidement étoffé son corps svelte, et ses bras et jambes s’étaient musclés au point qu’il n’avait plus rien à craindre de ses bourreaux.

Un hennissement plaintif de son cheval le ramena au présent. Il versa une petite quantité d’eau dans le bouchon de sa gourde et la porta à la langue gonflée de la bête. Le liquide disparut en un instant, les narines dilatées fouillant sa main et son avant-bras pour en trouver d’autres.

– Je suis désolé, dit-il, en lui tapotant le cou avec réconfort. Nous devons être parcimonieux avec nos provisions. C’est la seule eau que nous ayons, et je ne suis pas certain de la distance qu’il nous reste à parcourir.

Le cheval piétina le sol, faisant tinter l’armure sanglée sur son dos. Ka’arka jeta un coup d’œil coupable au lourd ensemble de plaques métalliques imbriquées. En tant que Chevalier de Brachyura, son armure était comme une seconde peau, forgée et trempée par sa propre main après des années de formation. Il avait refusé de la laisser derrière lui en quittant le temple, la portant constamment pendant le long voyage à travers Arelium et les montagnes dangereuses connues sous le nom de Dents du Lion, mais une demi-journée sous le soleil chaud du désert avait suffi à le faire capituler. Et maintenant, son destrier payait pour sa propre faiblesse.

À en juger par la position du soleil, il se dirigeait toujours dans la bonne direction. Vers le sud-est où se trouvait la capitale de Da’arra elle-même et les eaux fraîches de l’Oasis qui donnaient vie au désert. Cette idée provoqua des démangeaisons dans sa gorge desséchée. C’est à Da’arra qu’il espérait trouver des réponses à un énigmatique avertissement proféré par l’une des prêtresses de son Ordre.

A moins que l’interprétation du Conclave ne soit erronée, bien sûr, auquel cas il aurait fait tout ce chemin pour rien.

Quelque chose attira son regard, à la limite de sa vision, une ombre sur le sommet d’une dune proche. Il cligna ses yeux secs et essaya de se concentrer. Une rafale de vent chaud le saupoudra de sable et de gravillons.

Rien.

Ses parents lui avaient parlé de la maladie du désert : fatigue, sous-alimentation, et soif entraînant des hallucinations. Des visions d’eau, d’arbres, d’herbe, ou même de personnes. Devenir la proie de ces apparitions, c’était risquer la mort. Il recula d’un pas prudent et relâcha les sangles qui attachaient sa hache à double tranchant à sa selle. Il prit la hache dans ses deux mains, sentant son poids réconfortant. Le mot « Brachyura » était gravé sur la poignée dans sa propre écriture éloquente.

– Vous n’aurez pas besoin de ça, dit une voix étouffée du haut de la dune. La silhouette était mince comme un saule, vêtue d’un tissu noir moulant, la tête couverte d’un turban, le visage masqué. La pointe d’un glaive courbé dépassait de son dos.

Il y eut un crissement de sable, et Ka’arka se retourna pour voir une silhouette similaire apparaître derrière lui. Son masque était également relevé sur son nez. Seuls deux yeux brun foncé étaient visibles, cerclés de khôl pour les protéger de l’éclat intense du soleil.

– Qu’est-ce qui vous amène ici, voyageur ? demanda la silhouette, la voix déformée par le masque. Si loin de la civilisation et avec un cheval qui semble plus mort que vivant ?

Ka’arka modifia sa prise sur sa hache.

– Je suis en route pour Da’arra, pour une affaire urgente, répondit-il. Je ne souhaite pas vous offenser. Si vous avez de l’eau en trop, je suis prêt à vous l’échanger. Sinon, je suggère que nous nous séparions pacifiquement.

Il y eut un aboiement de rire.

– Vous suggérez, Chevalier de Brachyura ?

Par la Fosse ! pensa Ka’arka. Ils savent qui je suis.

– Je suis en effet un chevalier des Douze, dit-il avec circonspection. Brachyura lui-même m’a chargé d’une mission de la plus haute importance. Il y a une possibilité que Da’arra soit en danger.

Il y eut un léger changement dans la position de la silhouette sur la dune.

– Brachyura ? Les Douze ne sillonnent plus ces terres, Chevalier. Que gagnez-vous à nous tenter avec ces mensonges ?

– Je ne mens pas. Il est revenu parmi nous. Il se pourrait que d’autres soient revenus aussi.

Le nomade derrière Ka’arka secoua la tête.

– Cela ne change rien, j’en ai peur, Chevalier de Brachyura. Nous ne pouvons pas vous laisser continuer. Nous avons nos propres ordres, donnés par le Baron del Da’arra lui-même. Même si Brachyura était ici en chair et en os, notre réponse serait la même. La route que vous suivez est bloquée.

– Quoi ? Pourquoi ?

– Ce... Ce n’est pas à moi de le dire. La seule route ouverte vers Da’arra maintenant est la route de l’ouest, celle qui mène à La’desh et au lac Jira.

– Ridicule ! s’exclama Ka’arka. La chaleur commençait à lui donner le vertige. C’est une centaine de kilomètres dans la mauvaise direction ! Je suis sur la route depuis des semaines. Je suis fatigué. Mon cheval est fatigué. Je ne peux pas me permettre d’autres détours.

– Alors, nous avons un problème, dit la silhouette en dégainant son glaive.

Le glaive était une arme redoutable, une lame incurvée d’environ dix-huit pouces fixée à l’extrémité d’un long manche. La pointe en métal reflétait la lumière du soleil.

– Dernière chance.

– Je suis désolé, répondit Ka’arka. Je ne veux pas décevoir mon Seigneur. Il tourna ses bottes de cuir et plaça sa hache dans une position défensive.

La silhouette hocha la tête, puis s’avança dans un nuage de sable. Il projeta son glaive sur Ka’arka à une vitesse alarmante, passant à travers ses défenses et le touchant à l’épaule. Avec un cri, le Chevalier de Brachyura écarta le glaive et chargea son adversaire, qui l’esquiva facilement, sautant hors de portée.

– Vous n’êtes pas équipé pour combattre sur ce terrain, Chevalier. Ni par cette chaleur.

Le nomade tapa ses sandales de tissu avec la crosse de son glaive.

Ka’arka essaya de reprendre son souffle, chaque inhalation d’air chaud lui brûlant les poumons.

– Peut-être, dit-il. Mais l’échec n’est pas une option.

Il attaqua de nouveau, esquiva un balayage horizontal du glaive, et leva sa hache. Le nomade pivota et la hache siffla inoffensivement devant son visage.

– Par la Fosse, vous êtes rapide, gémit Ka’arka alors que le nomade s’éloignait en dansant.

Il pouvait sentir des grains de sable dans sa bouche, frottant contre ses gencives, mais son corps était trop déshydraté pour produire la salive nécessaire pour les recracher.

Sa tête palpitait.

– Assez, dit le nomade. Nous avons de l’eau, que je partagerai volontiers. Mangeons ensemble, et nous vous escorterons une partie du chemin du retour.

Ka’arka sourit et, d’un tour de main, envoya sa hache tournoyer dans le sable. Les yeux acajou du nomade vacillèrent en suivant la trajectoire de la hache. Une distraction simple mais efficace. Le Chevalier de Brachyura asséna à son adversaire un coup cinglant à la tête et plaqua le nomade surpris au sol. Il s’assit fermement, coinçant les bras de la personne qui se débattait sous ses genoux.

– Maintenant... dit Ka’arka. Si vous dites à votre ami de se joindre à nous, je pense que...

Il s’interrompit, son regard attiré par un éclat de métal. Un médaillon délogé pendant l’escarmouche. Une dague en argent.

– J’ai déjà vu ce sigil auparavant, dit-il, essayant de forcer son esprit fatigué à se souvenir. Durant mon entraînement. Il signifie quelque chose. Quelque chose d’important.

Il entendit trop tard le bruit de l’air sifflant et n’évita pas la crosse du glaive de la deuxième silhouette. Il s’écrasa sur son front, le faisant basculer de son adversaire et sur le dos. Son captif se tenait maintenant au-dessus de lui, bloquant le rayonnement du soleil. Il sentit la pointe d’un glaive se presser doucement contre sa gorge.

– C’est plus qu’important, dit le nomade, en déroulant lentement le turban de sa main libre. Il définit qui je suis. C’est le signe de celui que je m’efforce d’imiter. C’est le signe de mon Ordre.

Ka’arka leva les yeux vers un visage d’une beauté captivante, une femme aux cheveux courts tressés et à la peau lisse et sombre de la couleur de l’encre. Une vilaine marque se formait sur une joue, conséquence malheureuse de leur duel.

La femme mit de côté son glaive et lui tendit la main. Il accepta volontiers et fut tiré sur ses pieds, surpris par la force de ses bras souples.

– Mon nom est Xer’ana, dit-elle. Xer’ana, Chevalier de Luridae, Huitième des Douze. Je pense que je m’y suis prise de la mauvaise façon. Venez avec nous jusqu’à notre camp, et dites-moi tout sur cette mission vitale pour laquelle vous vous entêtez à risquer votre vie.

*

– Je suis... très reconnaissant de votre hospitalité, dit Ka’arka, une tasse d’eau dans une main et une datte dans l’autre.

Il était assis les jambes croisées à l’ombre d’un auvent de tente, couvert de sueur mais heureusement à l’abri du soleil. Les Chevaliers de Luridae avaient monté trois tentes de manière que chacune d’entre elles fournisse un peu d’ombre tout au long de la journée. Les tentes formaient un demi-cercle autour d’un trou de deux mètres dans le sol : un trou contenant une petite flaque d’eau boueuse.

Xer’ana avait expliqué que trouver un tel trésor souterrain était difficile mais loin d’être impossible avec un bon entraînement. Dans le désert, l’eau agit de la même manière que sur n’importe quel autre terrain : elle s’accumule aux lignes de séparation du paysage, comme à la base des dunes ou sous la surface des affleurements de grès. Xer’ana et ses compagnes Chevaliers étaient dans le désert depuis des semaines maintenant, vivant de ces caches souterraines, complétées par la rosée du matin et un approvisionnement soigneusement rationné de fruits secs et de viandes.

La chef des Chevaliers de Luridae était assise en face de lui, apparemment non gênée par la chaleur, sirotant ce qui sentait comme du thé à la menthe dans une petite tasse en porcelaine.

– Vous êtes le bienvenu, Chevalier de Brachyura, dit-elle calmement. J’ai demandé à l’une de mes sœurs de s’occuper de votre cheval. J’espère que ce n’est pas trop tard.

– Trop tard ?

– L’animal est à l’article de la mort.

Elle haussa un sourcil désapprobateur.

– Vous n’en avez pas pris suffisamment soin.

– Oh... Ce n’était pas mon intention.

– J’en suis sûre. Dans tous les cas, soit il survivra à la nuit, et vous pourrez le ramener à La’desh, soit il ne survivra pas, et nous pourrons reconstituer nos réserves de nourriture.

Il soutint son regard, se demandant si elle plaisantait. Elle le fixa, impassible.

– Je vous l’ai déjà dit, Xer’ana, je n’y retournerai pas, dit-il en détournant le regard et en prenant une gorgée d’eau. Une des prêtresses de notre Ordre a eu une vision, et le Conclave pense que cela a quelque chose à voir avec Da’arra.

– Des prêtresses ? Des visions ? Notre Ordre ne dispose pas de telles choses. Que voulez-vous dire ?

– Ah. Eh bien, il n’y a pas de femmes Chevaliers de Brachyura. Les initiés masculins deviennent des chevaliers, les initiées féminines des prêtresses.

– Quelle notion ridicule. Notre propre Ordre ne connaît pas d’inégalités aussi frivoles. Continuez.

– Les prêtresses partagent un don particulier, censé leur avoir été accordé par les Douze. Elles peuvent recevoir des images décousues de manifestations actuelles ou futures. Ces visions étaient peu nombreuses et espacées jusqu’à il y a environ un an, lorsque les Douze ont commencé à se réveiller et que les rêves se sont intensifiés.

– Je vois. Quelle était la vision qui vous a amené ici, Chevalier de Brachyura ?

– Mon nom est Ka’arka. Si je me souviens bien, cela donnait ceci : Un cratère. L’obscurité. Des griffures. Du sable d’or. Des profondeurs oubliées. La misère.

L’attitude impassible de Xer’ana craqua un peu en entendant cela.

– Im... impossible, balbutia-t-elle. Comment pourraient-elles savoir ?

– Savoir quoi ?

Elle posa son thé et étudia son visage, jaugeant sa confiance. Le khôl autour de ses yeux ajoutait de la sévérité à son regard. Finalement, elle prit une décision.

– Nous avons été chargées de détourner les voyageurs de cette région, Chevalier de Brachyura, car nous sommes à moins d’une demi-journée de chevauchée de la Fosse Da’arran, et il y a eu une certaine... activité là-bas.

Ka’arka sentit son cœur sauter un battement.

– Activité ? Est-ce que c’est...

– Des Greylings ? Oui.

– Alors, c’est une rencontre des plus fortuites ! dit-il en souriant largement. Je suis tombé sur la raison même de ma présence ici. Si nous travaillons ensemble, nous pouvons les contenir avant qu’ils ne causent du tort !

– Ce n’est pas notre mission. Il n’y a que quatre Chevaliers de Luridae ici, moi y compris. Nos ordres sont d’explorer la Fosse et ses environs, d’évaluer la situation et d’envoyer des renforts. Votre aide n’est pas nécessaire.

Ka’arka grinçait des dents de frustration.

– Vous seriez stupide de m’exclure de tout ça. J’ai reçu l’ordre de Brachyura lui-même de...

– Ne mettez pas ma patience à l’épreuve, interrompit brusquement Xer’ana. Si vous voulez parler de contes de fées et d’histoires pour enfants, je vous laisse le faire tout seul.

– Je ne mens pas, répliqua vivement Ka’arka. Je le jure. Je le jure sur mon honneur. Je le jure sur le Grand Lac. Mon patron nous guide une fois de plus. J’ai parlé avec lui, ainsi qu’avec notre Première Prêtresse. Il nous a raconté beaucoup de choses. Comment le Schisme était une erreur. Le Pacte, un mensonge. Les Greylings remontent à la surface. Et l’état de paix relative que nous avons connu pendant les trois cents dernières années touche à sa fin.

Xer’ana se pencha en avant avec un intérêt renouvelé.

– Dites-moi ce que vous savez, lança-t-elle, la voix basse et pénétrante. Dites-moi tout.

Chapitre 3

Un jour apres l'autre

“Il y a eu un certain… ressentiment parmi les Morlakiens lorsque la Baronne Syrella a annoncé qu'elle se joindrait à l'expédition au nord, vers Klief. Un groupe restreint mais véhément l'a accusée de manquer à ses devoirs et d'abandonner son peuple. Je ne crois pas que cela soit vrai. Je ne connais pas la Baronne depuis longtemps, mais elle n'est pas une lâche. Si elle a choisi d'aller à Klief, c'est parce qu'elle était convaincue que quelque chose ou quelqu'un là-bas lui fournirait les moyens de se venger de la créature qui avait détruit sa Baronnie. Un moyen pour elle d'assouvir sa vengeance.”

Extrait de « La Guerre des Douze », 427 AD

*

Reed allait mourir. Il en était persuadé. Il n’y avait pas d’autre explication à la douleur abrutissante qui réduisait lentement son cerveau en bouillie. Il ferma les yeux, espérant que cela aiderait à atténuer le marteau d’acier qui frappait son front, mais cela ne fit rien du tout.

Que diable était-il arrivé la nuit dernière ? Il se rappelait vaguement d’une sorte de dispute entre Vohanen et Ner’alla. Quelque chose à voir avec ce qui est meilleur, le vin ou la bière. Une question stupide, stupide. Il aurait dû s’éloigner du feu de camp pendant qu’il en avait encore la possibilité. Partir avec sa dignité. En fait, il l’aurait probablement fait, si Syrella n’était pas intervenue. La Baronne avait non seulement assuré à tous que le vin rouge était la boisson de loin supérieure, mais elle avait également insisté sur le fait que la variété Morlakienne surclassait la vigne cultivée à Arelium à tous les égards.