Les Méditations - René Descartes - E-Book

Les Méditations E-Book

Rene Descartes

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Beschreibung

Les Méditations métaphysiques (ou Méditations sur la philosophie première) sont une oeuvre philosophique de René Descartes, parue pour la première fois en latin en 1641. Du point de vue de l'histoire de la philosophie, elles constituent l'une des expressions les plus influentes du rationalisme classique.

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Seitenzahl: 148

Veröffentlichungsjahr: 2019

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Les Méditations

Pages de titrerévoquer en doute.corps.et le corps de l’homme.Page de copyright

Les Méditations

René Descartes

À Messieurs LES DOYENS ET DOCTEURS De

La Sacrée Faculté De Théologie De Paris

MESSIEURS,

La raison qui me porte à vous présenter cet ouvrage est si juste, et,

quand vous en connaîtrez le dessein, je m’assure que vous en aurez

aussi une si juste de le prendre en votre protection, que je pense ne

pouvoir   mieux   faire,   pour   vous   le   rendre   en   quelque   sorte

recommandable, qu’en vous disant en peu de mots ce que je m’y suis

proposé.

J’ai toujours estimé que ces deux questions, de Dieu et de l’âme,

étaient les principales de celles qui doivent plutôt être démontrées par

les raisons de la philosophie que de la théologie : car bien qu’il nous

suffise, à nous autres qui sommes fidèles, de croire par la foi qu’il y a

un   Dieu,   et   que   l’âme   humaine   ne   meurt   point   avec   le   corps ;

certainement il ne semble pas possible de pouvoir jamais persuader

aux infidèles aucune religion, ni quasi même aucune vertu morale, si

premièrement on ne leur prouve ces deux choses par raison naturelle.

Et   d’autant   qu’on   propose   souvent   en   cette   vie   de   plus   grandes

récompenses pour les vices que pour les vertus, peu de personnes

préféreraient le juste à l’utile, si elles n’étaient retenues, ni par la

crainte de Dieu, ni par l’attente d’une autre vie. Et quoiqu’il soit

absolument vrai, qu’il faut croire qu’il y a un Dieu, parce qu’il est

ainsi enseigné dans les Saintes Écritures, et d’autre part qu’il faut

croire les Saintes Écritures, parce qu’elles viennent de Dieu ; et cela

parce que, la foi étant un don de Dieu, celui­là même qui donne la

grâce pour faire croire les autres choses, la peut aussi donner pour

nous faire croire qu’il existe : on ne saurait néanmoins proposer cela

aux infidèles, qui pourraient s’imaginer que l’on commettrait en ceci

la faute que les logiciens nomment un Cercle. Et de vrai, j’ai pris

garde   que   vous   autres,   Messieurs,   avec   tous   les   théologiens,

n’assuriez pas seulement que l’existence de Dieu se peut prouver par

raison naturelle, mais aussi que l’on infère de la Sainte Écriture, que

sa connaissance est beaucoup plus claire que celle que l’on a de

plusieurs choses créées, et qu’en effet elle est si facile que ceux qui

ne l’ont point sont coupables. Comme il paraît par ces paroles de la

Sagesse, chapitre  13, où il est dit que leur  ignorance n’est point

pardonnable :   car   si   leur   esprit   a   pénétré   si   avant   dans   la

connaissance des choses du monde, comment est­il possible qu’ils

n’en aient point trouvé plus facilement le souverain Seigneur ? Et

aux Romains, chapitre premier, il est dit qu’ils sont inexcusables. Et

encore au même endroit, par ces paroles : Ce qui est connu de Dieu,

est manifeste dans eux, il semble que nous soyons avertis, que tout ce

qui se peut savoir de Dieu peut être montré par des raisons qu’il n’est

pas besoin de chercher ailleurs que dans nous­mêmes, et que notre

esprit seul est capable de nous fournir.

C’est pourquoi j’ai pensé qu’il ne serait point hors de propos, que

je fisse voir ici par quels moyens cela se peut faire, et quelle voie il

faut tenir, pour arriver à la connaissance de Dieu avec plus de facilité

et de certitude que nous ne connaissons les choses de ce monde.

Et pour ce qui regarde l’âme, quoique plusieurs aient cru qu’il

n’est pas aisé d’en connaître la nature, et que quelques­uns aient

même osé dire que les raisons humaines nous persuadaient qu’elle

mourait avec le corps, et qu’il n’y avait que la seule Foi qui nous

enseignait le contraire, néanmoins, d’autant que le Concile de Latran,

tenu sous Léon X, en la session 8, les condamne, et qu’il ordonne

expressément   aux   philosophes   chrétiens   de   répondre   à   leurs

arguments, et d’employer toutes les forces de leur esprit pour faire

connaître la vérité, j’ai bien osé l’entreprendre dans cet écrit.

Davantage, sachant que la principale raison, qui fait que plusieurs

impies   ne   veulent   point   croire   qu’il   y   a   un   Dieu,   et   que   l’âme

humaine est distincte du corps, est qu’ils disent que personne jusques

ici n’a pu démontrer ces deux choses ; quoique je ne sois point de

leur opinion, mais qu’au contraire je tienne que presque toutes les

raisons   qui   ont   été   apportées   par   tant   de   grands   personnages,

touchant ces deux questions, sont autant de démonstrations, quand

elles   sont   bien   entendues,   et   qu’il   soit   presque   impossible   d’en

inventer de nouvelles : si est­ce que je crois qu’on ne saurait rien

faire de plus utile en la philosophie, que d’en rechercher une fois

curieusement   et   avec   soin   les   meilleures   et   plus   solides,   et   les

disposer en un ordre si clair et si exact, qu’il soit constant désormais

à tout le monde, que ce sont de véritables démonstrations.

Et enfin, d’autant que plusieurs personnes ont désiré cela de moi,

qui   ont   connaissance   que   j’ai   cultivé   une   certaine   méthode   pour

résoudre toutes sortes de difficultés dans les sciences ; méthode qui

de vrai n’est pas nouvelle, n’y ayant rien de plus ancien que la vérité,

mais de laquelle ils savent que je me suis servi assez heureusement

en d’autres rencontres ; j ’ai pensé qu’il était de mon devoir de tenter

quelque chose sur ce sujet.

Or j’ai travaillé de tout mon possible pour comprendre dans ce

traité tout ce qui s’en peut dire. Ce n’est pas que j’aie ici ramassé

toutes   les   diverses   raisons   qu’on   pourrait   alléguer   pour   servir   de

preuve à notre sujet : car je n’ai jamais cru que cela fût nécessaire,

sinon lorsqu’il n’y en a aucune qui soit certaine ; mais seulement j’ai

traité les premières et principales d’une telle manière, que j’ose bien

les proposer pour de très évidentes et très certaines démonstrations.

Et je dirai de plus qu’elles sont telles, que je ne pense pas qu’il y ait

aucune voie par où l’esprit humain en puisse jamais découvrir de

meilleures ;   car   l’importance   de   l’affaire,   et   la   gloire   de   Dieu   à

laquelle tout ceci se rapporte, me contraignent de parler ici un peu

plus librement de moi que je n’ai de coutume. Néanmoins, quelque

certitude et évidence que je trouve en mes raisons, je ne puis pas me

persuader que tout le monde soit capable de les entendre.

Mais, tout ainsi que dans la géométrie il y en a plusieurs qui nous

ont été laissées par Archimède, par Apollonius, par Pappus, et par

plusieurs autres, qui sont reçues de tout le monde pour très certaines

et très évidentes, parce qu’elles ne contiennent rien qui, considéré

séparément,   ne   soit   très   facile   à   connaître,   et   qu’il   n’y   a   point

d’endroit où les conséquences ne cadrent et ne conviennent fort bien

avec tes antécédents ; néanmoins, parce qu’elles sont un peu longues,

et qu’elles demandent un esprit tout entier, elles ne sont comprises et

entendues   que   de   fort   peu   de   personnes :   de   même,   encore   que

j’estime   que   celles   dont   je   me   sers   ici,   égalent,   voire   même

surpassent en certitude et évidence les démonstrations de géométrie,

j’appréhende   néanmoins   qu’elles   ne   puissent   pas   être   assez

suffisamment entendues de plusieurs, tant ; parce qu’elles sont aussi

un   peu   longues,   et   dépendantes   les   unes   des   autres,   que

principalement parce qu’elles demandent un esprit entièrement libre

de tous préjugés et qui se puisse aisément détacher du commerce des

sens. Et en vérité, il ne s’en trouve pas tant dans le monde qui soient

propres   pour   les   spéculations   métaphysiques,   que   pour   celles   de

géométrie. Et de plus il y a encore cette différence que, dans la

géométrie chacun étant prévenu de l’opinion, qu’il ne s’y avance rien

qui   n’ait   une   démonstration   certaine,   ceux   qui   n’y   sont   pas

entièrement   versés,   pèchent   bien   plus   souvent   en   approuvant   de

fausses démonstrations, pour faire croire qu’ils les entendent, qu’en

réfutant les véritables.

Il n’en est pas de même dans la philosophie, où, chacun croyant

que toutes ses propositions sont problématiques, peu de personnes

s’adonnent à la recherche de la vérité ; et même beaucoup, se voulant

acquérir la réputation de forts esprits, ne s’étudient à autre chose qu’à

combattre arrogamment les vérités les plus apparentes.

C’est pourquoi, Messieurs, quelque force que puissent avoir mes

raisons, parce qu’elles appartiennent à la philosophie, je n’espère pas

qu’elles fassent un grand effort sur les esprits, si vous ne les prenez

en votre protection.

Mais l’estime que tout le monde fait de votre compagnie étant si

grande,   et   le   nom   de   Sorbonne   d’une   telle   autorité,   que   non

seulement en ce qui regarde la Foi, après les sacrés Conciles, on n’a

jamais tant déféré au jugement d’aucune autre compagnie, mais aussi

en ce qui regarde l’humaine philosophie, chacun croyant qu’il n’est

pas possible de trouver ailleurs plus de solidité et de connaissance, ni

plus de prudence et d’intégrité pour donner son jugement ; je ne

doute point, si vous daignez prendre tant de soin de cet écrit, que de

vouloir   premièrement   le   corriger ;   car   ayant   connaissance   non

seulement   de   mon   infirmité,   mais   aussi   de   mon   ignorance,   je

n’oserais   pas   assurer   qu’il   n’y   ait   aucunes   erreurs,   puis   après   y

ajouter les choses qui y manquent, achever celles qui ne sont pas

parfaites, et prendre vous­mêmes la peine de donner une explication

plus ample à celles qui en ont besoin, ou du moins de m’en avertir

afin que j’y travaille, et enfin, après que les raisons par lesquelles je

prouve qu’il y a un Dieu, et que l’âme humaine diffère d’avec le

corps, auront été portées jusques au point de clarté et d’évidence : où

je m’assure qu’on les peut conduire, qu’elles devront être tenues pour

de très exactes démonstrations, vouloir déclarer cela même, et le

témoigner publiquement : je ne doute point, dis­je, que si cela se fait,

toutes les erreurs et fausses opinions qui ont jamais été touchant ces

deux questions, ne soient bientôt effacées de l’esprit des hommes.

Car la vérité fera que tous les doctes et gens d’esprit souscriront à

votre   jugement ;   et   votre   autorité,   que   les   athées,   qui   sont   pour

l’ordinaire plus arrogants que doctes et judicieux, se dépouilleront de

leur esprit de contradiction, ou que peut­être ils soutiendront eux­

mêmes les raisons qu’ils verront être reçues par toutes les personnes

d’esprit pour des démonstrations, de peur qu’ils ne paraissent n’en

avoir pas l’intelligence ; et enfin tous les autres se rendront aisément

à tant de témoignages, et il n’y aura plus personne qui ose douter de

l’existence de Dieu, et de la distinction réelle et véritable de l’âme

humaine d’avec le corps. C’est à vous maintenant à juger du fruit qui

reviendrait de cette créance, si elle était une fois bien établie, qui

voyez les désordres que son doute produit ; mais je n’aurais pas ici

bonne grâce de recommander davantage la cause de Dieu et de la

Religion, à ceux qui en ont toujours été les plus fermes colonnes.

Abrégé Des Six Méditations Suivantes

DANS la première, je mets en avant les raisons pour lesquelles

nous   pouvons   douter   généralement   de   toutes   choses,   et

particulièrement   des   choses   matérielles,   au   moins   tant   que   nous

n’aurons point d’autres fondements dans les sciences, que ceux que

nous avons eus jusqu’à présent. Or, bien que l’utilité d’un doute si

général ne paraisse pas d’abord, elle est toutefois en cela très grande,

qu’il nous délivre de toutes sortes de préjugés, et nous prépare un

chemin très facile pour accoutumer notre esprit à se détacher des

sens, et enfin, en ce qu’il fait qu’il n’est pas possible que nous ne

puissions plus avoir aucun doute, de ce que nous découvrirons après

être véritable.

Dans la seconde, l’esprit, qui, usant de sa propre liberté, suppose

que toutes les choses ne sont point, de l’existence desquelles il a le

moindre   doute,   reconnaît   qu’il   est   absolument   impossible   que

cependant il n’existe pas lui­même. Ce qui est aussi d’une très grande

utilité, d’autant que par ce moyen il fait aisément distinction des

choses qui lui appartiennent, c’est­à­dire à la nature intellectuelle, et

de celles qui appartiennent au corps. Mais parce qu’il peut arriver

que quelques­uns attendent de moi en ce lieu­là des raisons pour

prouver   l’immortalité   de   l’âme,   j’estime   les   devoir   maintenant

avertir, qu’ayant tâché de ne rien écrire dans ce traité, dont je n’eusse

des démonstrations très exactes, je me suis vu obligé de suivre un

ordre semblable à celui dont se servent les géomètres, savoir est,

d’advancer toutes les choses desquelles dépend la proposition que

l’on cherche, avant que d’en rien conclure.

Or la première et principale chose qui est requise, avant que de

connaître   l’immortalité   de   l’âme,   est   d’en   former   une   conception

claire et nette, et entièrement distincte de toutes les conceptions que

l’on peut avoir du corps : ce qui a été fait en ce lieu­là. Il est requis,

outre   cela,   de   savoir   que   toutes   les   choses   que   nous   concevons

clairement   et   distinctement   sont   vraies,   selon   que   nous   les

concevons : ce qui n’a pu être prouvé avant la quatrième Méditation.

De plus, il faut avoir une conception distincte de la nature corporelle,

laquelle   se   forme,   partie   dans   cette   seconde,   et   partie   dans   la

cinquième et sixième Méditation. Et enfin, l’on doit conclure de tout

cela que les choses que l’on conçoit clairement et distinctement être

des substances différentes, comme l’on conçoit l’esprit et le corps,

sont en effet des substances diverses, et réellement distinctes les unes

d’avec   les   autres :   et   c’est   ce   que   l’on   conclut   dans   la   sixième

Méditation. Et en la même aussi cela se confirme, de ce que nous ne

concevons aucun corps que comme divisible, au lieu que l’esprit, ou

l’âme de l’homme, ne se peut concevoir que comme indivisible : car,

en effet, nous ne pouvons concevoir la moitié d’aucune âme, comme

nous pouvons faire du plus petit de tous les corps ; en sorte que leurs

natures ne sont pas seulement reconnues diverses, mais même en

quelque façon contraires.

Or il faut qu’ils sachent que je ne me suis pas engagé d’en rien

dire davantage en ce traité­ci, tant parce que cela suffit pour montrer

assez clairement que de la corruption du corps la mort de l’âme ne

s’ensuit pas, et ainsi pour donner aux hommes l’espérance d’une

seconde vie après la mort ; comme aussi parce que les prémisses

desquelles on peut conclure l’immortalité de l’âme, dépendent de

l’explication de toute la physique : premièrement, afin de savoir que

généralement toutes les substances, c’est­à­dire toutes les choses qui

ne   peuvent   exister   sans   être   créées   de   Dieu,   sont   de   leur   nature

incorruptibles, et ne peuvent jamais cesser d’être, si elles ne sont

réduites   au   néant   par   ce   même   Dieu   qui   leur   veuille   dénier   son

concours ordinaire. Et ensuite, afin que l’on remarque que le corps,

pris en général, est une substance, c’est pourquoi aussi il ne périt

point ; mais que le corps humain, en tant qu’il diffère des autres

corps, n’est formé et composé que d’une certaine configuration de

membres, et d’autres semblables accidents ; et l’âme humaine, au

contraire, n’est point ainsi composée d’aucuns accidents, mais est

une pure substance. Car encore que tous ses accidents se changent,

par exemple, qu’elle conçoive de certaines choses, qu’elle en veuille

d’autres, qu’elle en sente d’autres, etc., c’est pourtant toujours la

même âme ; au lieu que le corps humain n’est pus le même, de cela

seul que la figure de quelques­unes de ses parties se trouve changée.

D’où il s’ensuit que le corps humain peut facilement périr, mais que

l’esprit, ou l’âme de l’homme (ce que je ne distingue point), est

immortelle de sa nature.

Dans la troisième Méditation, il me semble que j’ai expliqué assez

au   long   le   principal   argument   dont   je   me   sers   pour   prouver

l’existence de Dieu. Toutefois, afin que l’esprit du lecteur se pût plus

aisément abstraire des sens, je n’ai point voulu me servir en ce lieu­là

d’aucunes comparaisons tirées des choses corporelles, si bien que

peut­être il y est demeuré beaucoup d’obscurités, lesquelles, comme

j’espère,   seront   entièrement   éclaircies   dans   les   réponses   que   j’ai

faites aux objections qui m’ont depuis été proposées. Comme, par

exemple, il est assez difficile d’entendre comment l’idée d’un être

souverainement parfait, laquelle se trouve en nous, contient tant de

réalité objective, c’est­à­dire participe par représentation à tant de

degrés d’être et de perfection, qu’elle doive nécessairement venir

d’une Cause souverainement parfaite. Mais je l’ai éclairci dans ces

réponses, par la comparaison d’une machine fort artificielle, dont

l’idée  se rencontre  dans l’esprit  de  quelque  ouvrier ;  car,  comme

l’artifice objectif de cette idée doit avoir quelque cause, à savoir la

science de l’ouvrier, ou de quelque autre duquel il l’ait apprise, de

même il est impossible que l’idée de Dieu, qui est en nous, n’ait pas

Dieu même pour sa cause.

Dans   la   quatrième,   il   est   prouvé   que   les   choses   que   nous

concevons fort clairement et fort distinctement sont toutes vraies ; et

ensemble   est   expliqué   en   quoi   consiste   la   raison   de   l’erreur   ou

fausseté : ce qui doit nécessairement être su, tant pour confirmer les

vérités précédentes, que pour mieux entendre celles qui suivent.

Mais cependant il est à remarquer que je ne traite nullement en ce

lieu­là   du   péché,   c’est­à­dire   de   l’erreur   qui   se   commet   dans   la

poursuite du bien et du mal, mais seulement de celle qui arrive dans

le jugement et le discernement du vrai et du faux ; et que je n’entends

point y parler des choses qui appartiennent à la foi, ou à la conduite

de   la   vie,   mais   seulement   de   celles   qui   regardent   les   vérités

spéculatives et connues par l’aide de la seule lumière naturelle.

Dans la cinquième, outre que la nature corporelle prise en général

y est expliquée, l’existence de Dieu y est encore démontrée par de

nouvelles   raisons,   dans   lesquelles   toutefois   il   se   peut   rencontrer

quelques difficultés, mais qui seront résolues dans les réponses aux

objections qui m’ont été faites ; et aussi on y découvre de quelle sorte

il   est   véritable,   que   la   certitude   même   des   démonstrations

géométriques dépend de la connaissance d’un Dieu.

Enfin,   dans   la   sixième,   je   distingue   l’action   de   l’entendement

d’avec celle de l’imagination ; les marques de cette distinction y sont

décrites. J’y montre que l’âme de l’homme est réellement distincte

du corps, et toutefois qu’elle lui est si étroitement conjointe et unie,

qu’elle ne compose que comme une même chose avec lui. Toutes les

erreurs qui procèdent des sens y sont exposées, avec les moyens de

les éviter.

Et enfin, j’y apporte toutes les raisons desquelles on peut conclure

l’existence des choses matérielles : non que je les juge fort utiles

pour prouver ce qu’elles prouvent, à savoir, qu’il y a un monde, que

les hommes ont des corps, et autres choses semblables, qui n’ont

jamais été mises en doute par aucun homme de bon sens ; mais parce

qu’en les considérant de près, l’on vient à connaître qu’elles ne sont

pas si fermes ni si évidentes, que celles qui nous conduisent à la

connaissance de Dieu et de notre âme ; en sorte que celles­ci sont les

plus   certaines   et   les   plus   évidentes   qui   puissent   tomber   en   la

connaissance de l’esprit humain. Et c’est tout ce que j’ai eu dessein

de prouver dans ces six Méditations ; ce qui fait que j’omets ici

beaucoup d’autres questions, dont j’ai aussi parlé par occasion dans

ce traité.