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Paula :- Puisque les idées sont là, à nous attendre, comment être sûr de faire du neuf ? Puyg :- Mélangez une énigme policière, une pincée de logique mathématique, des espions, des articles de journaux, une émission de télévision, l'annonce d'une fin du monde et quelques citations d'auteurs connus ou inconnus. Faites mariner à température ambiante et servez accompagné de topinambours. Je vous garantis qu'on ne pourra vous servir un tel plat ailleurs.
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Seitenzahl: 227
Veröffentlichungsjahr: 2021
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« Il faut savoir se contenter d’une esquisse un peu
grossière de la vérité.
En raisonnant sur des faits pas toujours vrais, on
n’en doit tirer que des conclusions du même ordre.
C’est avec une indulgente réserve qu’il conviendra
d’accueillir tout ce que nous dirons ici »
Aristote ‘Ethique à Nicomaque’
Contrairement à ce que l’on pourrait croire,
l’invasion des Huns ne date pas du 11/11/1111 à
11h11mn11s
La Gazette de Perd du 13/02/2021
Paule, Catherine, Agathe & Lucie
L’AFFAIRE TOPINAMBOUR Partie I : Tensions Karpiskiennes
Le 10 d’Askali du 10/02/2002
Le 20 d’Ikatif du 20/02/2002
Le 20 d’Ikatif du 20/03/2003
Le 10 d’Askali du 10/03/2003
La Gazette de Cluj du 20/04/2003
Le 10 d’Askali du 10/05/2004
Le 20 d’Ikatif du 20/11/2011
L’AFFAIRE TOPINAMBOUR Partie II : Une semaine à Perd
Atal & Pyla
Puyg & Pyla
Télépathons
Agat & Paul
Pyla, Agat & Paul
Album folium
Melano folium
Agat & Pyla
Dernière soirée
Pyla & Puyg
Au coeur de l’enquête
Paule, Catherine, Agathe & Lucie
La Gazette de Perd du 23/02/2032
La Gazette de Perd du 24/02/2032
La Gazette de Perd du 33/02/2033 (2)
Paule, Agathe, Catherine & Lucie
Une dépêche vient de tomber sur nos téléscripteurs. Puyg Tacal, auteur de romans à succès et directeur de la collection ‘Rivière Grise‘ aux PUB – Presses Universitaires Bordures – est mort hier dans sa maison de Perd.
Il y a une vingtaine d’années Puyg Tacal avait fait l’objet de menaces, menaces consécutives à la sortie de son ouvrage ‘La lubie de Lulu, l’ibis de Lybie’. Cela avait débuté par de violentes critiques venues simultanément des milieux laïques traditionalistes et des groupes anarchocentristes, puis s’était envenimé après son passage à l’émission de télévision ‘Parenthèse’, pour finir par des menaces de mort sur Internet. Face à l’assaut de vindictes il s’était retiré dans sa propriété de Perd, le Domaine Beau Rivage, et y vivait reclus depuis-lors en compagnie d’un couple de domestiques, Taga Plucy, ancien militaire de l’armée Bordure qui faisait fonction de garde du corps et d’homme à tout-faire et Lucy, la compagne de Taga, cuisinière et femme de ménage.
Il ne recevait personne dans sa demeure, à l’exception cependant de stagiaires, tous triés sur le volet, qu’il invitait une fois par an à participer à sa Master Class d’écriture. C’est à l’issue du dernier stage que le drame s’est produit. Il a été découvert mort à sa table de travail. Suicide, Meurtre ? L’enquête nous l’apprendra.
La veille il avait reçu chez lui l’équipe de ‘La Grande Bibal’ pour l’émission consacrée à la sortie de son dernier ouvrage « Les nouvelles identités remarquables ». Aux dires du journaliste qui l’a interviewé il était apparu subtil, cultivé, provocateur, en un mot génial. Les cassettes de l’enregistrement de l’émission ont été confiées à l’inspecteur de la police du district de Perd chargé de l’enquête.
D’après nos sources, de nombreux indices présents dans le bureau où le corps a été découvert ont déjà permis d’orienter l’enquête sur des pistes sérieuses. Gageons qu’ils permettront d’élucider cette affaire dans les plus brefs délais. En attendant, sur ordre de l’inspecteur, personne ne peut pénétrer dans le Domaine Beau Rivage et les participants au stage ainsi que le personnel de maison y sont retenus. 1
Mardi 22 février 2022 16h16
Dans un bar/restaurant, Rue de la République, Perd.
1 Les lecteurs impatients peuvent se rendre page 193 et suivantes pour connaître les dessous de cette sombre affaire. 1 Bis
1 Bis La note précédente est à destination des lecteurs vraiment très très impatients.
Vous n’allez pas me croire, les filles ? Je sors des Editions ‘Source claire’. C’est fait, le contrat est signé, je vais être publiée ! C’est le plus beau jour de ma vie ! Allez hop, je paye ma tournée.
Se tournant vers le comptoir :
Lucie, s’il vous plait, trois cocktails sangria - jus de topinambour.
C’est super, Paule ! Petite cachotière, tu aurais pu nous en parler plus tôt.
Oui, mais bon, par superstition, j’ai préféré garder pour moi le secret de ce rendez-vous avec le directeur de publication.
Raconte-nous Paule. Tu t’es décidée à publier ton autobiographie, enfin ton journal intime …
Pas du tout. Mon journal intime est et restera intime.
Ce que je vous avais caché c’est que parallèlement à ce journal j’écrivais un roman policier « Meurtre au Domaine Beau Rivage » et un roman d’espionnage « Une taupe dans les topinambours ». Oui deux romans, avec le défi de mener les deux totalement de front, de les faire avancer au même rythme, de les achever ensemble et de les proposer le même jour à des éditeurs. Vous n’imaginez pas la difficulté, le nombre de fois où je me mêlais les crayons. C’était un effort de concentration permanent.
J’imagine en effet. Mais dis donc, j’y pense, je suppose que tu notais dans ton journal l’avancée de l’écriture de tes deux romans.
En effet. J’ai tout noté.
C’est donc trois histoires que tu menais en parallèle, plus précisément deux histoires romanesques et un récit : un roman policier, un roman d’espionnage et le journal de l’autrice de ces deux-là.
Dis-nous lequel va être publié. Le roman d’espionnage ? Le roman policier ?
Surprise, surprise !
Comme je vous l’ai dit, j’avais l’objectif de présenter l’un et l’autre simultanément. J’avais donc proposé « Meurtre au Domaine Beau Rivage » aux Editions ‘Rivière grise’. Puyg Tacal, le directeur de la publication que tu connais bien Catherine, me l’a refusé. « Ce n’est pas un véritable roman policier ! Il ne respecte pas les règles de S.S. Van Dine. La partie ‘Résolution’ de l’énigme est réduite à quasiment rien, le lecteur ne va pas participer activement à la recherche du coupable, la conclusion arrive trop brutalement… » Bref, un non franc et massif de la part de ‘Rivière grise’.
Parallèlement j’avais proposé « Une taupe dans les topinambours », le roman d’espionnage, aux Editions ‘Ruisseau trouble’, spécialisées comme vous le savez dans la publication de ce type de littérature. Là je pensais avoir plus de chance de succès. Mon roman remplissait les critères du genre : il plongeait ses racines au coeur d’une guerre froide historique – celle entre la Syldavie et sa voisine la Bordurie – prête à tout moment à se réveiller, l’espion avait une couverture irréprochable – Professeur d’Université – et sa mission revêtait une importance capitale : la suprématie mondiale sur la semence de topinambour. Vous savez, des pays se sont battus pour moins que ça. Eh bien, vous le croirez ou non, mais j’ai essuyé le même refus de la part du directeur de collection : « Remettre en cause la première place de la Corchine au classement des pays producteurs de topinambour, faire peser les soupçons sur elle comme étant à l’origine de la pandémie de Coplin19 en pleine négociation de l’OMC, (j’ai appris par la suite que le capital de ‘Ruisseau trouble’ était détenu par le fils de Kim Jin Pingpong) vous n’y pensez pas Madame ». Bref, un不不franc et massif de l’éditeur.
Misère ! Mais alors ?
En un éclair la solution m’est apparue comme une évidence. Reprendre le tout et en faire un hybride regroupant trois récits en un seul : un roman policier, un roman d’espionnage et quelques pages issues de mon journal. Durant la refonte il a suffi de faire en sorte que les événements s’enchaînent naturellement et que les personnages passent d’une histoire à l’autre sans incohérence. Quelques mises en abîme, et hop, c’était parti.
Un roman cocktail en quelque sorte …
Lucie, la serveuse, arrive portant sur un plateau les trois verres de cocktail sangria - jus de topinambour. Elle les pose sur la table et s’éloigne. Agathe, Catherine et Paule lèvent leur verre.
Trinquons à la future lauréate du prix Mascula !
Ou au prix Con-Gourde !
Vous êtes bêtes ! Trinquons plutôt à la littérature, au plaisir d’écrire et au plaisir de lire !
Elles trinquent …
J’espère que tu me confieras la traduction de … Mais au fait, quel est le titre de ce roman composite ? Dis-nous.
« L’affaire Topinambour »
Après l’Affaire Tournesol, l’Affaire Topinambour. On reste dans les astéracées ! Veux-tu nous en lire un passage ?
Oh oui, s’il te plait, Paule ! Au moins le début …
D’accord. Dans un premier temps, si vous le voulez bien, je vais vous situer le contexte.
Nous sommes au coeur de la Karpiskie, région située à l’extrême Est du continent européen – plus à l’est c’est la Corchine et le continent asiatique. La Karpiskie est bordée au sud et à l’est par la mer Karpiskienne, et du sud-ouest au nord-est par les Balkouilles, une haute chaîne de montagnes quasi-infranchissable – véritable frontière naturelle trouée par le seul col de Brajinsky – qui isole cette région du reste de l’Europe et de l’Asie. Entre la mer Karpiskienne et les Balkouilles une large plaine (le ‘grenier de la Karpiskie’) où coulent les fleuves Prout et Dniepr et leurs affluents.
Je vous fais un plan :
Puyg Tacal : Propriétaire du Domaine Beau Rivage
Taga Plucy : Employé au Domaine Beau Rivage
Lucy Pagat : Cuisinière au Domaine Beau Rivage
Paula Cytg : Professeure de littérature
Caty Gulpa : Ecrivaine
Agat Cyplu : Traductrice
Paul Tagyc : Académicien
Pyla Gatuc : Journaliste bordure au ’10 d’Askali’ et détective
privé
Atal Pugyc : Journaliste syldave au ’20 d’Ikatif’
Pÿa Tagluc : Professeur à l’Université de Spetch
Yug Talpac : Ecrivain portugnol
L’AFFAIRE TOPINAMBOUR
Partie I : Tensions Karpiskiennes
Depuis le 19 février 1902, date de la scission de la Bordavie en deux pays indépendants – la Syldavie, à l’Ouest, la Bordurie à l’Est – les relations n’ont jamais été aussi tendues. Parmi les points de dissension, un différend écolo-économique : les autorités de Spetch ont décrété que tout Syldave de plus de 3 ans devait consommer au moins deux oeufs à chaque repas et que les adultes devaient manger de l’Omelette au riz une fois par jour. Des élevages industriels de volailles ont poussé sur tout le territoire, de gigantesques enclos pouvant accueillir des milliers de poules pondeuses ont été édifiés … et les fientes des volatiles sont rejetées dans les rivières. D’affluents en affluents ces déchets se retrouvent finalement dans le fleuve Prout, polluant ses eaux et laissant une trace olfactive des plus tenaces tout au long de son cours.
Il suffit de jeter un oeil sur une carte de la région pour constater que le fleuve Prout traverse de part en part notre magnifique pays, arrosant sa capitale Brnv et la principale station balnéaire de Perd, et comprendre combien cette situation est fort mal vécue par nos concitoyens bordures.
Face à l’ampleur du mécontentement de sa population, le gouvernement bordure ne pouvait rester les bras croisés. En rétorsion il a lancé la construction le long de la frontière bordo-syldave d’un chapelet de fermes-élevages de cochons dont les effluves du lisier, poussés par les vents d’Est dominants, troublent la qualité de l’air des voisins syldaves.
Dans un premier temps les Ministres de la Recherche et de l’Ecologie des deux pays s’étaient rencontrés à Spetch. Anciens camarades de classe, les deux politiciens entretenaient jusque-là des relations amicales et l’on pouvait s’attendre à ce qu’un compromis se dégage des discussions. Des scientifiques s’étaient déjà emparés du problème et une proposition de solution avaient été définie : la Syldavie construirait une usine moderne de retraitement des déjections des volatiles ; en contrepartie, la Bordurie installerait des dispositifs de filtration sophistiqués sur toutes les cheminées d’aération des porcheries. Les Ministres signèrent donc un accord de principe qu’il s’agissait maintenant de mettre en oeuvre. Les lignes budgétaires furent approuvées par les deux Ministères des Finances, plus rien ne s’opposait à la concrétisation des accords.
C’était sans compter sur l’ABDHFES, Association Bordure des Droits de l’Homme et de la Femme et de l’Egalité entre les Sexes. Ci-dessous quelques extraits du manifeste que cette association diffusa sur son site Internet :
« Le travail à la chaîne dans les usines de transformation de la viande de porc comporte des risques élevés de blessures physiques – coupures, de brûlures et de lésions musculo-tendineuses – et psychologiques. Des études ont été faites sur l'ensemble des postes de travail d'une chaîne de production : abattage, découpe, empaquetage, conditionnement, congélation. Les registres d'accidents ont été analysés, et des calculs statistiques ont permis d’établir les corrélations entre dangerosité des tâches et le genre des travailleurs. […] Cette étude a permis de mettre en évidence une certaine forme de taylorisme conduisant à la spécialisation des tâches : abattage, découpe faites par les hommes, empaquetage, conditionnement, congélation accomplis par les femmes ; cadence élevée, travail au froid et faible variabilité chez les femmes, travail de force, troubles psychiques chez les hommes.
Cette discrimination des postes de travail conduit à ce que les facteurs de risques physiques et psychologiques diffèrent chez les hommes et les femmes. Or, ceci est contraire à l’article 5 de notre constitution »
Autrement dit, la division des tâches induit une inégalité entre les hommes et les femmes – inégalité décrétée anticonstitutionnelle. Rien de moins ! Le gouvernement ne pouvait risquer que les partis d’opposition s’emparent de cette affaire. Il fallait fermer les porcheries !
La disparition des porcheries a rendu caduques les menaces olfactives potentielles mais du même coup a disparu le levier dont le gouvernement bordure disposait pour forcer les autorités syldaves à traiter les effluents issus des élevages de poules. Comme on pouvait s’y attendre, la Syldavie a stoppé net le programme de construction des usines de retraitement des déjections des volailles qui, de fait continuent de polluer les eaux du fleuve Prout. Ceux qui pouvaient en douter seront maintenant convaincus de la félonie du gouvernement syldave et de la lâcheté de sa population.
Voilà où nous en sommes en ce mois de février 2002 à l’heure où s’ouvrent au Domaine Beau Rivage des discussions en vue de régler définitivement un différend entre deux pays pourtant unis par une même langue et si proches historiquement et culturellement.
De notre envoyé spécial à Perd
Depuis le 19 février 1902, date de la scission de la Bordavie en deux pays indépendants – la Syldavie, à l’Ouest, la Bordurie à l’Est – les relations n’ont jamais été aussi tendues. Parmi les points de dissension, un différend écolo-économique : des élevages de porcs aux odeurs nauséabondes poussées par les vents d’Est dominants ont été implantés à Betch, à deux pas de la frontière Syldave. Leur construction répond à l’accroissement de la consommation de boudin, pâté, jambons, terrines et autres préparations à base de ce cher animal – le cochon dans lequel tout est bon – consécutive à la promulgation par les députés bordures d’une loi arbitraire et particulièrement inique rendant obligatoire pour tout Bordure de plus de 8 ans la consommation quotidienne de Goubirk de porc au riz.
Il suffit de jeter un oeil sur une carte de la région pour comprendre combien cette situation est fort mal vécue par nos concitoyens syldaves.
Face à l’ampleur du mécontentement de sa population, le gouvernement syldave ne pouvait rester les bras croisés. En rétorsion il a lancé la construction le long de la frontière syldavo-bordure de gigantesques fermes élevages de volailles dont les fientes rejetées dans les rivières ont fini par polluer les eaux du fleuve Prout qui traverse de part en part la Bordurie.
Dans un premier temps les Ministres de la Recherche et de l’Ecologie des deux pays s’étaient rencontrés à Spetch. Anciens camarades de classe, les deux politiciens entretenaient jusque-là des relations amicales et l’on pouvait s’attendre à ce qu’un compromis se dégage des discussions. Des scientifiques s’étaient déjà emparés du problème et une proposition de solution avaient été définie : la Syldavie construirait une usine moderne de retraitement des déjections des volatiles, la Bordurie installerait des dispositifs de filtration sophistiqués sur toutes les cheminées d’aération des porcheries. Les Ministres signèrent donc un accord de principe qu’il s’agissait maintenant de mettre en oeuvre. Les lignes budgétaires furent approuvées par les deux Ministères des Finances, plus rien ne s’opposait à la concrétisation des accords.
C’était sans compter sur l’ASAPaV, Association Syldave des Amis des Poulets et autres Volailles. Ci-dessous quelques extraits du manifeste que cette association diffusa sur son site Internet :
« Dans le monde mécanisé de la production de volailles, on a remplacé les basses-cours par des bâtiments clos éclairés aux tubes au néon. Dans ces usines, les poulets - des créatures sensibles et fières - sont traités comme de la marchandise sans respect et sans aucune trace de sentiment pour le fait qu'ils sont des animaux qui vivent et qui respirent.
Actuellement, on ne peut pas dire que les méthodes d'élevage des volailles débordent de compassion pour ces animaux. Elles n'ont plus rien à voir avec la basse-cour qui nous vient spontanément à l'esprit lorsque nous évoquons la vie des poulets. Là, dans un environnement naturel, ils passent une grande partie de leur journée à rechercher et à absorber leur nourriture. Ils grattent, picorent et fouillent le sol à la recherche d'asticots, de vers de terre, d'herbe et de larves... Ils ont une vie sociale intense et éprouvent le besoin de vivre en groupe. Une certaine forme de hiérarchie s’établit entre les oiseaux. Ils connaissaient le soleil, le vent et les étoiles, et le coq chantant à l'aube n'est que l'un des nombreux signes de leur profonde harmonie avec les cycles naturels de la lumière et de l'obscurité.
Dans ces entrepôts sans fenêtres, on constate qu’après environ six semaines, les animaux deviennent agressifs, l'absence de tout exutoire pour les énergies et les pulsions naturelles des poulets entraînent un grand nombre de combats.
Quant aux poules pondeuses, promues machines à oeufs, elles s’entassent à plusieurs dans de minuscules cages, incapables de bouger le corps et les ailes. Dans ces immenses alignements, privées de leurs besoins les plus élémentaires de mouvement et de socialisation, les poules souffrent de décalcification des os, de déformations aux pattes, de blessures et de lésions à la peau et au plumage.
Dans ce monde plein d’agitation et de désespoir, l’oeuf pondu roule immédiatement hors de la cage, emporté par un tapis roulant, frustrant l’instinct maternel de nidification chez la poule »
Après une telle propagande, plus aucun enfant syldave ne voulait manger les 2 oeufs règlementaires ; les mamans n’avaient pas le coeur à les obliger et il n’était pas rare de voir des adultes cacher une larme à la simple vue d’une coquille. La loi fut retirée. Rude coup pour la filière avicole. La disparition des usines à volailles syldaves s’est accompagnée de l’arrêt des rejets de fiente dans le Prout qui a retrouvé progressivement des eaux propres. Mais du même coup a disparu la monnaie d’échange dont le gouvernement syldave disposait pour forcer les autorités bordures à munir les cheminées d’aération des porcheries de dispositifs efficaces de filtration des odeurs. Comme on pouvait s’y attendre, la Bordurie a stoppé net le programme de construction de ces cheminées et les usines d’élevage de porcs continuent d’infester l’atmosphère syldave de leurs odeurs nauséabondes. Ceux qui pouvaient en douter seront maintenant convaincus de la félonie du gouvernement bordure et de la lâcheté de sa population.
Voilà où nous en sommes en ce mois de février 2002 à l’heure où s’ouvrent au Domaine Beau Rivage des discussions en vue de régler définitivement un différend entre deux pays pourtant unis par une même langue et si proches historiquement et culturellement.
De notre envoyé spécial à Perd
Une dépêche de notre correspondant local à Lim A Ongl vient de tomber sur nos téléscripteurs. Il s’agit de la traduction d’un article publié il y a un mois dans le magazine scientifique corchinois 小小騙騙子子dont chacun connaît la qualité de la rédaction et la rigueur du comité de lecture. Que disait cet article :
« Tous les corchinois infectés par le virus Coplin19 avaient consommé du riz dans la semaine qui précédait ».
Notre leader Adolf Mullersteingluckbacher a immédiatement demandé au ministre de l’Agriculture Syldave de transformer les plantations de riz en cultures de topinambours. C’est la raison pour laquelle, à la surprise de nos paysans, dès le lendemain les rizières ont été asséchées et dans les champs ont été plantées des racines de topinambours. Le surlendemain le Commissaire au Plan Syldave réunissait l’ensemble des directeurs des usines agro-alimentaires du pays. La décision a été prise de réorienter les silos anciennement affectés à l’élevage des volailles en usines de méthanisation. Quel bel exemple d’anticipation ; chacun sait en effet que le topinambour, par sa capacité carminative, a une sérieuse tendance à provoquer des flatulences. Et quelle belle preuve de l’efficacité de la gouvernance de notre pays. Gloire au Vénérable Adolf Mullersteingluckbacher, notre guide.
Une dépêche de notre correspondant local à Lim A Ongl vient de tomber sur nos téléscripteurs. Il s’agit de la traduction d’un article publié il y a un mois dans le magazine scientifique corchinois 小小騙騙子子 dont chacun connaît la qualité de la rédaction et la rigueur du comité de lecture. Que disait cet article :
« Tous les corchinois infectés par le virus Coplin19 avaient consommé du riz dans la semaine qui précédait ».
Notre leader Karl Slocstuckbeinsky a immédiatement demandé au ministre de l’Agriculture Bordure de transformer les plantations de riz en cultures de topinambours. C’est la raison pour laquelle, à la surprise de nos paysans, dès le lendemain les rizières ont été asséchées et dans les champs ont été plantées des racines de topinambours. Le surlendemain le Commissaire au Plan Bordure réunissait l’ensemble des directeurs des usines agro-alimentaires du pays. La décision a été prise de réorienter les silos anciennement affectés à l’élevage de porcs en usines de méthanisation. Quel bel exemple d’anticipation ; chacun sait en effet que le topinambour, par sa capacité carminative, a une sérieuse tendance à provoquer des flatulences. Et quelle belle preuve de l’efficacité de la gouvernance de notre pays. Gloire au Vénérable Karl Slocstuckbeinsky, notre guide.
Une dépêche de notre correspondant local à Lim A Ongl vient de tomber sur nos téléscripteurs. L’Agence Corchine Nouvelle vient de publier un démenti à la rumeur qui faisait état d’un lien entre la consommation de riz et la pandémie de Coplin19.
D’après une étude publiée dans la prestigieuse revue scientifique corchinoise 小小騙騙子子 il s’avère que :
« S’iI est vrai que tous les corchinois infectés par le virus Coplin19 avaient consommé dans la semaine qui précédait du riz, il est tout aussi vrai que tous les corchinois qui n’ont pas été infectés par le virus Coplin19 avaient eux-aussi consommé du riz »
L’article se poursuit par :
« Le riz corchinois sera-t-il enfin mis définitivement hors de cause dans la propagation du virus ? Combien de temps encore la Corchine devra subir de telles campagnes calomnieuses ? Qui avait intérêt à porter préjudice à notre agriculture ? Quelle est la puissance étrangère derrière tout cela ? Suivez notre regard : il pointe vers l’Ouest. On ne dira jamais assez qu’il faut se méfier de ces faux scientifiques à la botte des lobbies occidentaux et que s’il y a une vérité, c’est à l’Orient que vous la trouverez.
Gloire à notre Vénérable Kim Jin Pingpong »
On apprend à l’instant que le ministre de la Communication corchinois a eu un accident de voiture. Son véhicule est sorti de la route et a pris feu. Il était accompagné du Directeur de la Télévision et du Rédacteur en Chef de la revue 小小騙騙子子. Tous trois ont péri dans l’accident. Une semaine de deuil national a été décrétée pour honorer la mémoire de ces grands serviteurs de la nation corchinoise.
Une des conséquences positives de cette affaire du riz corchinois est que la Syldavie a déclaré qu’elle n’avait pas l’intention de remettre en activité ses fermes avicoles dont les rejets polluaient les eaux du fleuve Prout. La loi imposant la consommation quotidienne d’omelettes au riz va être abrogée. Parallèlement la Bordurie a annoncé qu’elle laissera fermées les fermes porcines dont les effluves infestaient l’air de ses voisins syldaves. La consommation de Goubirk de porc au riz ne sera plus obligatoire. Saluons ces deux dispositions qui augurent du réchauffement tant attendu des relations entre nos deux voisins, la Bordurie et la Syldavie.
Pÿa Tagluc, un des plus brillants scientifiques Syldaves, Professeur honoraire à l’Université libre de Spetch a disparu. Président du Groupe 12, Section 72 (Epistémologie), 4ème Sous-Section (Versionologie) au Conseil National des Universités, Pÿa Tagluc était invité cette année à Perd, station balnéaire de la Province de Bordurie Orientale, pour participer au 3ème Symposium annuel consacré aux sciences meta, trans et inter disciplinaires. Il devait y présenter le 20 du mois dernier en fin de journée le résultat de ses dernières recherches et comme lors de chacune de ses précédentes apparitions son intervention était attendue avec le plus vif intérêt – pour ne pas dire une grande ferveur – par la communauté scientifique. Le résumé introductif de son discours intitulé « Créativité, Sérendipité et Versionologie » qu’il avait fait parvenir au préalable au comité de lecture présageait d’une contribution majeure à la discipline. Nous avons pu obtenir une copie de ce résumé que nous vous livrons ici. Comme toute communication scientifique qui se doit, il est exprimé dans son jargon propre. Nous faisons appel à votre intelligence, cher lecteur, pour en mesurer l’immense portée.
« Il peut sembler curieux d’associer dans un même propos des termes aussi métonymiquement antinomiques que peuvent l’être Sérendipité et Versionologie.
Rappelons en effet que la Versionologie, se définit comme la science de la reformulation. Elle s’est progressivement étendue à l’étude des étapes se succédant au cours de la conception d’artéfacts de toute nature (incluant de fait la Brouillonologie en Littérature ainsi que la Palimpsestique et le Repentirologie en Peinture) pour se constituer en une véritable meta-discipline. En tant que modélisation de produits de la modélisation, la Versionologie est donc par nature réflexive.
La Sérendipité, quant à elle, fait écho à la découverte heureuse et fortuite d’une nouveauté, à l’anomalie non anticipée à l’origine d’une avancée significative.
Alors que la Sérendipité repose sur le hasard et l’improvisation, la Versionologie s’appuie sur la nécessité et l’anticipation ce qui fera dire à Pierre-Edouard Claverier « Le chaos et la rupture sont à la Sérendipité ce que l’ordre et la discipline sont à la Versionologie ». Il n’empêche, cette contradiction de surface s’efface radicalement si l’on considère par exemple leur place respective dans ce lieu de socialisation de la connaissance qu’est le Web, vaste réservoir d’informations en perpétuelle évolution à la disposition des consciences en éveil. D’opposées ces notions deviennent alors complémentaires pour qui apprend à chercher tout en cherchant à apprendre, ou pour qui se préparant à être surpris ne peut en aucun cas être surpris de l’être ».
« Butiner à son rythme, sauter de liens en liens,
Dérouler les menus, cliquer sur un bouton,
Croire en sa liberté, maîtriser son destin,
Mais sous les apparences, agir comme un mouton »
Il peut sembler tout aussi curieux de rapprocher Créativité (faire volontairement du neuf) et Sérendipité (découvrir accidentellement du déjà existant). Ce serait négliger le caractère imprévisible de la Création et l’état de vigilance active préludant nécessairement à la Sérendipité.
Une application dans le domaine de l’agro-alimentaire – la modification du génome du topinambour – justifiera le bien fondé de notre approche théorique. »