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Depuis quelques années, les loups venus d’Italie gagnent les crêtes sauvages du Jura, attisant tensions et craintes. Dans l’ombre, les Fils du loup, une organisation secrète et implacable, émerge. Leur credo : venger chaque loup abattu par la mort d’un humain. La commissaire Marie Rochat, à la tête de la brigade criminelle vaudoise, se lance dans une enquête où chaque piste mène à une menace grandissante. Mais lorsqu’un membre de son équipe est touché, la traque prend une tournure plus sombre, et la frontière entre proie et chasseur devient floue.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Auteur de cinq romans, J
ean-Luc Laurent excelle à explorer les limites entre réalité et fiction. Avec Les pendus de la Pierre Trouée, il propose une aventure littéraire mêlant mystères et émotions.
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Seitenzahl: 325
Veröffentlichungsjahr: 2024
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Jean-Luc Laurent
Les pendus de la Pierre Trouée
Roman
© Lys Bleu Éditions – Jean-Luc Laurent
ISBN : 979-10-422-5011-9
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Le lampiste – chronique d’un lynchage politique en pays de Vaud, 2016, auto-édition ;
Le matou et le barbouze du pape, 2018, Le Lys Bleu Éditions ;
Le sable pourpre, 2019, Le Lys BleuÉditions ;
Saliou, 2020, Le Lys Bleu Éditions ;
La sirène du Larrit, 2022, Le Lys Bleu Éditions ;
Colères, 2023, Le Lys Bleu Éditions.
À St-George, la dernière tranche des travaux de rénovation de la petite église réformée de cette commune du Jura vaudois située à un peu plus de mille mètres d’altitude était enfin terminée. Le soleil brillait déjà de mille feux dans le ciel et la fête qui allait suivre le culte de ce dimanche matin s’annonçait prometteuse.
Le président du conseil de paroisse, Jean-Christophe Liardet, avait fait monter une petite cantine sur la place devant le temple ainsi que des bancs et des tables dans le parc jouxtant l’édifice. Le temps était radieux et aucun nuage ne semblait vouloir venir assombrir la journée. Sous la cantine qui abritait les grills, c’était déjà l’effervescence et les bénévoles s’activaient depuis le début de la matinée à tout mettre en place.
Peu avant 10 heures, le pasteur Emile Mayor de Gimel arriva pour célébrer l’office et se mit à rouspéter, n’ayant pas trouvé de place à proximité immédiate pour garer sa voiture. De plus, le culte allait commencer dans moins de 10 minutes et les cloches ne sonnaient pas. L’église du village avait cette particularité que les cloches étaient encore activées manuellement. De grosses cordes descendaient depuis le haut du clocher jusque dans un petit local où trois sonneurs étaient nécessaires pour actionner les trois cloches de respectivement 1 400, 700 et 400 kilos, coulées en 1876 par le fondeur zurichois Jakob Keller. C’était l’une des rares églises où cette méthode était encore utilisée et selon qui était chargé d’annoncer l’heure du culte, de belles parties de rigolade s’y déroulaient. Il n’était pas rare d’y trouver une bouteille de blanc de La Côte dissimulée dans un coin.
Lorsque le pasteur descendit de voiture, il vit arriver vers lui, courant et transpirant, Jean-Christophe Liardet.
— Eh bien, Monsieur Liardet ! Pas de cloches ce matin ? C’est pourtant la fête aujourd’hui, non ?
Le président du conseil de paroisse était livide et respirait difficilement.
— C’est que… ce n’est pas possible.
L’homme s’exprimait avec difficultés. De grosses gouttes de sueur coulaient le long de ses tempes grisonnantes. Il était à deux doigts de la syncope.
— Et pourquoi donc ? Vous avez une panne de bras ? ironisa l’homme d’église.
— C’est que… on ne peut pas ! J’ai refermé la porte du local à clé. Pour que personne ne puisse y entrer.
— Mais pourquoi donc avez-vous fait ça ?
Le pasteur commençait à s’énerver. Liardet, toujours aussi mal à l’aise, fournit un gros effort pour lui répondre.
— C’est que… il y a quelqu’un qui est pendu à l’une des cordes ! Donc, on ne peut pas sonner les cloches. Parce que… il y a ce type-là et ça ne va pas.
— Venez me montrer ça ! dit le pasteur Mayor alors qu’ils arrivaient devant le temple.
Les fidèles s’agglutinaient déjà devant la porte, attendant la sonnerie des cloches pour entrer et aller s’asseoir. Les paroissiens s’étaient mis sur leur « trente et un » pour l’occasion. Les dames avaient mis leurs plus beaux atours et les hommes, en majorité, avaient sorti leur costume du dimanche. Malgré la chaleur ambiante, certains avaient même noué une cravate autour de leur cou. Emile Mayor les fit entrer en leur ordonnant assez sèchement d’aller s’installer. Il allait arriver. Lorsque tout le monde fut entré, Jean-Christophe Liardet ouvrit le local des sonneurs. Le pasteur eut un bref mouvement de recul devant ce spectacle puis pénétra dans la petite pièce.Là, le corps d’un homme d’environ une soixantaine d’années partiellement dévêtu était suspendu à l’une des cordes. De nombreux impacts qui semblaient provenir d’un tir de chevrotine ornaient son torse. De plus, à même la chair, était gravé le mot LOUP, probablement au moyen d’une lame. Sur le côté gauche de sa poitrine, un trou béant. À ses pieds, un panneau de carton indiquait que les défenseurs des loups de la meute du Marchairuz se battraient jusqu’à leur dernier souffle pour préserver leur animal fétiche, le loup.
— Qu’est-ce que c’est encore pour une bande d’allumés ? grommela le pasteur.
Liardet, qui avait un peu repris du poil de la bête, se risqua à répondre.
— J’ai lu, il y a peu de temps, que le loup est un animal totem parmi les plus puissants. En tant qu’animal spirituel, il est un symbole fort qui fait référence à l’instinct, au goût de la liberté, à la loyauté et à l’intelligence.
— Ouais, c’est pas très chrétien tout ça. Bon ! Savez-vous si le syndic est là ?
Liardet, qui avait effectivement vu passer l’homme politique quelques instants auparavant, répondit par l’affirmative. À la demande du pasteur, il alla le chercher dans le temple où il attendait patiemment en compagnie de son épouse et de ses deux garçons. Depuis plus de 12 ans à la tête de la commune, l’homme était également député au Grand Conseil vaudois, élu d’un parti populiste de droite et ancien officier de l’armée suisse. Il avait l’habitude des situations particulières. Il avait repris la ferme de son père et actuellement, en plus de ses activités politiques, il gérait le plus gros domaine agricole de la commune. Pourtant, lorsqu’il arriva dans le local des sonneurs, il resta bouche bée.
— Nom de Dieu ! C’est qui celui-là ? s’écria-t-il. Il faut appeler la secrète tout de suite. Et vous, le pasteur, allez faire votre culte avant que tout le monde débarque ici. Et dès que vous aurez terminé, il faudra fermer ce local, faire sortir rapidement les gens par la porte latérale et les envoyer directement dans le parc.
Il sortit son téléphone de la poche intérieure de son veston et composa le 117.
Quinze minutes plus tard, deux véhicules de la gendarmerie arrivèrent sur les chapeaux de roues, sirènes hurlantes et gyrophares enclenchés. Pour le syndic qui voulait faire dans la discrétion, c’était raté. Puis, vingt minutes plus tard, ce fut au tour de la brigade criminelle et celle de police scientifique de débarquer tout aussi bruyamment. Inutile de dire qu’à l’intérieur de l’église, la concentration avait quelque peu baissé et les fidèles se demandaient ce qui pouvait bien se passer là dehors.
Marie Rochat, commissaire principale, cheffe de la brigade criminelle de la police de sûreté vaudoise, sortit de son vieux VW Tiguan et se dirigea vers le plus gradé des gendarmes. Après lui avoir serré la main, elle demanda.
— Alors, qu’est-ce qu’on a ? On est vraiment sûr qu’il ne s’agit pas d’un suicide ?
L’adjudant Bovard sourit discrètement et la prit par le bras.
— Viens voir ! Tu vas te rendre compte par toi-même.
En arrivant dans le local des sonneurs, Marie s’arrêta net et examina minutieusement la pièce.
— Ah ouais, quand même ! s’exclama-t-elle. Effectivement, il y a peu de chances qu’il ait fait ça tout seul.
Elle se tourna vers ses collègues de la brigade de police scientifique.
— Je vous laisse la place. Est-ce qu’on fait évacuer l’église pour être plus tranquilles ?
Au vu de la réponse positive, elle se retira et se mit à la recherche d’une personnalité de la commune. Ce fut finalement Jean-Christophe Liardet qui se présenta à elle. La commissaire lui expliqua rapidement de quelle façon la police allait procéder et lui demanda d’aller informer le pasteur de la nécessité de mettre un terme à son culte. Liardet pénétra dans le temple et, d’un pas traînant, remonta le couloir médian de la nef pour rejoindre le pasteur afin de lui communiquer les instructions des policiers. L’homme de Dieu eut un bref mouvement d’irritation qu’il parvint presque à dissimuler avant de se tourner vers ses ouailles. Et dire qu’il s’était donné un mal fou pour préparer un magnifique sermon de circonstance.
— Mes bien chères sœurs, mes bien chers frères. Des événements inattendus, mais tragiques, nous obligent à interrompre cette liturgie. Je vous demande donc de sortir rapidement, mais dignement du temple, par la porte latérale et nous nous retrouverons tout à l’heure dans le petit parc qui est juste à côté.
De toute façon, depuis que les fidèles avaient entendu les sirènes des véhicules de police qui s’arrêtaient devant l’église, ils n’avaient plus vraiment la tête à écouter les paroles du pasteur. Lorsque tout le monde fut sorti, la commissaire Rochat fit une rapide inspection de l’intérieur de l’église afin de s’assurer que personne n’avait rien oublié et que rien de suspect n’avait été déposé dans l’édifice. Entre-temps, le procureur de l’arrondissement de La Côte et un médecin légiste étaient arrivés sur place. Manquaient plus que les croque-morts qui arrivèrent une bonne heure plus tard de fort méchante humeur. Leur repas de midi allait leur passer sous le nez. Et comme ils étaient de service, ils ne pouvaient même pas aller boire un coup de blanc sous la cantine.
Lorsque les premières investigations sur place furent terminées et que le corps fut emmené au CURML, le Centre Universitaire Romand de Médecine Légale à Epalinges, Marie Rochat, ses collègues et le procureur se retirèrent pour discuter de la suite à donner à cette affaire. Marie et le procureur Jean-Louis Rivier se connaissaient bien. Ce dernier avait longtemps œuvré dans le cadre du Ministère public de l’arrondissement de Lausanne avant de décider qu’il voulait passer les dernières années de sa carrière tranquillement et si possible à la campagne. C’est la raison pour laquelle dès qu’un poste s’était libéré à l’arrondissement de La Côte, il avait immédiatement postulé. Les excellents contacts qu’il entretenait dans le milieu judiciaire firent qu’il n’eut pas beaucoup de peine à intégrer le Ministère public à Morges. Il était arrivé là avec sa secrétaire qui avait choisi de le suivre. Marie s’était toujours demandé si elle n’était que sa secrétaire ou si d’autres liens plus charnels les unissaient, mais après tout, ce n’était pas son problème. Son greffier avait préféré rester à Lausanne et Monsieur le Procureur avait réussi le tour de force de faire engager la belle comme greffière, bien qu’elle n’ait pas vraiment la formation requise pour exercer une telle fonction.
Les premières constatations semblaient orienter les recherches du côté des protecteurs des loups, notamment ceux de la meute du Marchairuz. Depuis quelque temps, certains activistes semblaient s’être radicalisés et il n’était pas rare que des menaces de mort soient adressées à ceux qui voulaient s’opposer à la présence du canidé dans nos contrées. Un des présidents de la corporation des chasseurs s’était même vu dans l’obligation de démissionner de son poste tant les menaces semblaient sérieuses.
Mais le message laissé aux pieds du corps permettait d’envisager une autre piste que celle des simples défenseurs du loup qui, bien que pouvant être parfois véhéments, ne seraient certainement jamais parvenus à une telle extrémité.
— Depuis que je suis arrivé sur La Côte, dit soudain Jean-Louis Rivier, j’ai eu à traiter plusieurs affaires d’insultes ou de menaces ayant trait au loup. Mais jamais rien de bien grave. Par contre, j’ai entendu parler d’une espèce de secte, une bande d’allumés qui se disent adorateurs du Canis Lupus et qui se feraient appeler les Fils du loup. D’après ce qu’on m’en a dit, ils camperaient dans les forêts du Risoud, mais je n’en sais pas plus. J’ignore même si c’est vrai et dans ce cas, s’ils sont du côté suisse ou du côté français.
— Ah ben dis donc ! C’est cool les enquêtes avec toi, répliqua Marie en riant. Quand ce ne sont pas les yakuzas japonais, ce sont les illuminés du fond des bois. Je sens qu’on va encore bien s’amuser sur ce coup-là.
Depuis un moment, Gérard Guilloud, dit Gégé, un des deux inspecteurs de la brigade criminelle qui accompagnait Marie se dandinait dans son coin, le visage sombre. La commissaire s’en était bien aperçue et commençait à s’agacer.
— Qu’est-ce que tu as Gégé ? T’as besoin de faire pipi ?
— Non, mais j’ai une dalle d’enfer et au lieu de discutailler là debout, on aurait aussi bien pu le faire en allant manger un morceau. J’en peux plus moi. Je vais tomber d’inanition.
— Il n’a pas tout tort, approuva Rivier. Si on montait prendre quelque chose au Marchairuz ?
— Parce que tu crois vraiment qu’à cette heure-ci, on va encore nous servir à manger ?
— T’inquiète pas ! J’ai mes entrées.
C’est ainsi que quelques instants plus tard, après avoir pris congé du pasteur et des membres des autorités communales qui étaient sur place, les trois flics et le procureur se retrouvèrent assis à une table de la salle à manger de l’Hôtel du Marchairuz, où ils firent honneur, qui aux röstis maison, qui aux croûtes au fromage. Il leur fallait quelque chose qui tienne au ventre. En effet, ils ne savaient pas quand ils pourraient à nouveau mettre les pieds sous la table.
Dès la fin de leur repas, le procureur regagna son domicile en plaine, du côté de Chigny en dessus de Morges. Quant à Marie et ses hommes, il était l’heure pour eux de se mettre sérieusement au travail. Mais par où commencer ? À part un cadavre inconnu et une vague indication sur le ou les auteurs qui se trouveraient être très probablement parmi les protecteurs des loups, ils n’étaient pas submergés par les informations.
En consultant un plan sur son iPhone, Marie décida de descendre dans la combe des Amburnex et de se rendre dans le chalet éponyme. La bâtisse et les pâturages environnants appartenaient à la ville de Lausanne, ce qui leur donnait un semblant d’officialité. Les trois policiers trouvèrent le berger dans l’une des écuries de ce chalet dans lequel 80 vaches laitières étaient estivées pour produire le lait nécessaire à la fabrication de 400 meules de Gruyère de 30 kilos chacune. De plus, 130 génisses et vaches allaitantes complétaient le troupeau, sans compter les veaux.
Le patron des lieux, croyant avoir affaire à des touristes, les ignora jusqu’à ce que Marie se présente à lui.
— Ah ! Et qu’est-ce que la secrète peut bien avoir à faire ici ? demanda-t-il d’un air suspicieux.
— On cherche quelqu’un qui connaisse bien la région et ses habitants, répondit Marie, essayant de paraître la plus joviale possible.
— Alors, c’est pas là qu’il faut chercher. Moi, je m’occupe de mes bêtes et de mes pâturages. Et c’est déjà bien assez pour remplir mes journées. Les autres, c’est pas mon problème ! dit-il en retournant à son labeur.
Peu encline à s’en laisser compter, Marie alla se planter devant le bourru, assez près pour l’empêcher de devenir dangereux avec sa fourche. Elle le regarda droit dans les yeux en tirant une paire de menottes de sa ceinture.
— C’est vous qui voyez ! l’apostropha-t-elle. Ou bien on discute tranquillement ici où je vous embarque à Lausanne. Alors ! Qu’est-ce que vous décidez ?
L’homme resta interloqué. Il ne s’attendait pas à une telle réaction et n’avait pas vraiment l’habitude de se faire traiter de cette façon. Et par une femme, par-dessus le marché. Il y a bien longtemps qu’il prenait ses décisions tout seul et personne ne s’aventurait à venir les contester. Il était contrarié, mais malgré tout amusé et avec un certain respect pour le sang-froid affiché par la commissaire. Il faut aussi dire qu’au cours de sa carrière elle en avait vu d’autres.
Sans un mot, l’homme lança sa fourche dans un tas d’herbe, fit demi-tour et emmena ses visiteurs dans la cuisine privée du chalet. Il ouvrit un placard, sortit quatre petits verres et une bouteille de gnôle avant de s’asseoir à la table qui meublait le centre de la pièce, imité par les trois policiers.
— Bon, alors ! Qu’est-ce que vous voulez savoir ?
Marie sortit son téléphone et montra une photo au berger. Quelques heures auparavant, avant que les pompes funèbres n’emmènent le corps du pendu du clocher, elle avait pris une photo de son visage.
— L’a pas l’air en très bonne santé, votre gaillard. C’est qui ?
— C’est la question que j’allais vous poser, lui répondit Marie. Est-ce que vous avez déjà vu cet homme quelque part ?
— Ma foi… non ! Je n’ai aucun souvenir de l’avoir vu par là à travers.
— En fait, reprit la commissaire, cet homme a été tué, probablement la nuit dernière. Il semble que ce meurtre soit en relation avec les défenseurs des loups. Vous qui employez des bénévoles pour veiller sur vos troupeaux pendant la nuit, vous n’auriez pas entendu l’un ou l’autre parler de faits inhabituels ?
— Oh ! Vous savez, les bénévoles, je ne les vois même pas tous. Je ne les connais pas personnellement. Ils sont gérés par l’association qui les envoie.
— Et, est-ce que vous auriez entendu parler d’une espèce de secte dont les membres se feraient passer pour des adorateurs des loups et qui camperaient dans les forêts du Risoud ?
L’homme s’était soudainement détendu et parlait plus ouvertement. Il avait en effet vaguement entendu des bruits comme quoi une bande de cinglés se déplaçant à moto habiterait dans les bois, mais il ignorait de quel côté de la frontière. Pour tout dire, il ne savait même pas si cette histoire était vraie. Il ne pouvait vraiment rien leur dire de plus et leur recommanda d’aller faire un tour à la gendarmerie du Sentier. Peut-être que là-bas, Marie et ses collègues pourraient en apprendre un peu plus.
Alors qu’ils quittaient le chalet des Amburnex, le soir commençait à descendre sur la combe et les ombres des arbres s’allongeaient dans les pâturages.
Le lendemain matin, avant de se rendre au rapport hebdomadaire de la police de sûreté, Marie appela Gégé dans son bureau. Grand gaillard de plus d’un mètre 80, baraqué comme une armoire à glace, ceinture noire 3e dan de jujitsu, Gérard Guilloud, un ancien de la brigade des stups, avait toute la confiance de sa cheffe de brigade, malgré quelques écarts de langage qui lui avaient valu quelques inimitiés dans la maison.
— J’aimerais que tu appelles la gendarmerie du Sentier pour t’assurer qu’ils soient là ce matin et que tu montes à la Vallée afin de voir s’ils savent quelque chose sur ces adorateurs des loups. Et qu’en fonction de ce que tu obtiens comme infos, tu commences les investigations. Tu prends avec toi Lina Marquis. Comme elle vient de commencer à la brigade, tu lui expliqueras ce qu’on a fait hier afin qu’elle ne soit pas larguée. Mais surtout, tu n’oublies pas que j’ai ma maison là-haut. Ne va pas ruiner ma réputation, lui rappela-t-elle en riant.
Après avoir obtenu quelques précisions supplémentaires de la part de sa patronne, Gégé sortit du bureau et cria dans le couloir en refermant la porte.
— Lina ! Mets tes culottes ! On s’en va.
Marie le rappela pour lui recommander d’être un peu respectueux envers sa jeune collègue qui n’avait encore que peu d’expérience dans la maison.
— Je ne veux pas que tu la fiches en l’air avec tes propos graveleux et tes méthodes de vieux briscard grincheux.
— Ne t’inquiète donc pas ! lui répondit Guilloud avec un clin d’œil un peu trop prononcé pour paraître naturel. Je vais la former aux petits oignons. Je vais la prendre sous mon aile et tu verras. On va en faire une championne. Une mini-Marie.
Au même moment, Lina Marquis arriva, presque au pas de course, arme à la ceinture et gilet pare-balle sur le dos.
— Doucement, ne t’emballe pas ! Pour le moment, on va à la chasse aux renseignements. Donc mets-toi à l’aise, enlève ton gilet. Il sera toujours temps de le mettre en fonction de ce qu’on trouvera au cours de la journée.
Outre ses propos licencieux et son air bourru, l’inspecteur principal Guilloud savait aussi se montrer sous un côté paternaliste qui en avait déconcerté plus d’un.
Après un coup de fil à la gendarmerie du Sentier pour s’assurer qu’il y avait quelqu’un au poste, Lina et son mentor se dirigèrent vers le garage pour prendre un véhicule de service. La jeune femme fut surprise lorsque son collègue lui tendit les clés.
— Tu as ton permis, alors conduis !
Elle fut surprise, mais apprécia le geste de son aîné. Elle avait tellement entendu parler de lui comme étant un incorrigible macho qui traitait les inspectrices comme des larbines plutôt que comme des collègues.
En arrivant à la gendarmerie du Sentier, ils furent aussitôt reçus par l’adjudant René Aubert, le chef de poste, lequel les emmena dans une petite pièce à côté des cellules. Celle-ci était meublée d’une table et de quelques chaises plus ou moins branlantes ainsi que d’un petit meuble supportant une machine à café. Rien à voir avec le restaurant du centre de la Blécherette, mais là, on était à la montagne, que diable ! Il fallait bien faire avec les moyens du bord.
— On peut aussi bien discuter en buvant le café que dans mon bureau, non ? Allez ! Mettez-vous à l’aise et racontez-moi ce qui vous amène.
Gérard Guilloud lui expliqua l’intervention qu’ils avaient été amenés à faire le jour précédent dans la petite église au pied du Marchairuz et lui parla des rumeurs qui circulaient au sujet d’un groupe qui se disait adorer les loups. Il n’en savait pas plus pour le moment et était précisément à la recherche d’informations sur cette bande.
L’adjudant Aubert quitta brièvement la pièce pour se rendre dans son bureau et revint avec un simple cahier à la main.
— Regardez ! dit-il. Ça fait un petit moment que j’entends des trucs à ce sujet. Jamais rien de précis, mais ça m’a intrigué. J’ai tout noté là-dedans, car je pensais bien que ça pourrait servir un jour.
— Mais si tu avais mis toutes ces infos dans un dossier électronique, tu aurais pu nous le faire suivre. C’était plus simple et plus rapide, lui dit Guilloud.
Aubert tint son cahier à deux mains devant lui et répondit en souriant.
— Tu vois, ça au moins, ça ne tombe pas en panne. Pas besoin de faire venir un informaticien parce qu’un dossier a disparu on ne sait trop où. Veux-tu que je te fasse une photocopie de mes notes ?
— Ce ne sera pas nécessaire, lui dit Guilloud avec un clin d’œil.
Ce faisant, il avait sorti son téléphone de sa poche et photographié les deux pages de notes de l’adjudant.
— Tu vois, la technique moderne, ça simplifie aussi la vie.
— Et ben moi, reprit Aubert, c’est vraiment pas mon truc. Quand je sors, j’ai toujours mon stylo et mon petit carnet noir pour prendre des notes et quand je reviens au poste, je recopie dans mon cahier avant d’allumer l’ordinateur. Je n’aime vraiment pas cette machine. Et pour les deux ans qui me restent à faire, je n’ai pas du tout l’intention de changer. Encore un petit café ?
Guilloud sourit. Il avait l’impression d’être dans un autre monde. C’est vrai que l’état d’esprit de la Vallée de Joux était à cent lieues de celui qui régnait en ville. Mais était-ce un mal ? Ici, à la montagne, les gens prenaient le temps de se connaître, la solidarité n’était pas un vain mot. En ville, chez lui, Guilloud ne connaissait même pas tous les habitants de son immeuble. C’était une réflexion qu’il se faisait assez régulièrement. Mais pour le moment, il n’allait rien changer à sa vie. Ses enfants seraient bientôt hors de la coquille et il lui restait une petite douzaine d’années à travailler. L’ambiance à la maison était à peu près correcte, même si sa femme émettait parfois quelques récriminations quant à ses heures de rentrée. Mais dans l’ensemble, c’était tout à fait supportable. Mais après ? C’était ça qui le turlupinait un peu. Il avait le temps d’y penser, bien sûr, mais quand même. De plus en plus souvent, l’idée d’aller s’installer à la campagne lui venait à l’esprit. À la montagne même. Les gens étaient plus vrais qu’en ville. Même s’il fallait arriver à se faire accepter par les gens du cru. Un flic de la ville ! Est-ce que c’était compatible avec les gens d’en haut ? De plus, sa femme était née à Lausanne. Il entrevoyait quelques sérieuses réticences de ce côté-là aussi. Enfin ! Tout ça, c’était de la cuisine d’avenir.
Pendant qu’il cogitait comme ça, René Aubert s’était tourné vers Lina.
— Tu sais, nos forêts du Risoud représentent une surface de 2200 hectares et ces bois sont le théâtre d’un étrange rituel. Quand l’automne vient, quand la lune décroissante se trouve dans la constellation du Lion, on vient couper certains arbres. Ces épicéas, qu’on appelle « les arbres qui chantent », sont quelquefois repérés depuis des décennies. Et qui crois-tu que ce soit qui vient ainsi couper nos arbres ? Des bûcherons ? Des druides ? Des chamanes ? Que nenni ! Il se raconte que ce sont des luthiers. Tu sais, les épicéas du Risoud sont mondialement réputés pour leur bois de résonance, utilisé pour construire des instruments de musique haut de gamme comme le violon, la guitare et même le piano. Tu vois, ces conifères ont une croissance très lente et c’est ça qui permet d’avoir un bois très serré, exceptionnel pour les objets acoustiques. Et quand on sait que seul un épicéa sur dix mille répond aux exigences, on se rend compte de la complexité du travail. Il n’y a que quelques personnes qui sont qualifiées pour trouver les bons arbres, des spécimens bien précis. Âgés entre 200 et 400 ans, d’une hauteur d’au moins 40 mètres et d’un diamètre de plus de 50 centimètres. Il faut des troncs lisses, sans nœuds et qui sont situés sur un terrain peu pentu et à l’abri du vent. Les spécialistes les choisissent en les caressant et en les tapant avec un marteau.
Gégé avait fini par laisser de côté ses réflexions pour écouter son collègue gendarme. Il avait beau être d’un autre temps, c’était malgré tout un puits de science. Dans son domaine, il était incomparable. Puis, lorsque René eut terminé, Gégé se pencha sur le cahier de notes de l’adjudant. Les deux pages ayant trait aux adorateurs des loups n’étaient que des rumeurs et ne donnaient aucun renseignement sérieux et précis. Les personnes qui avaient parlé avec Aubert n’avaient que des soupçons. On m’a dit que… Il paraît que… Mais dans les faits, c’était vide. Pas de noms, pas de lieux. Là-bas en haut dans les bois n’était pas une information qui permettait de débuter la moindre recherche.
Gégé se gratta la tête. Il ne voulait pas vexer l’adjudant. Il fallait savoir ménager la chèvre et le chou. Alors, aussi diplomatiquement que possible, il posa la question.
— Est-ce que tu crois que tu pourrais revoir ces personnes et leur demander si elles peuvent être un petit peu plus précises ? Est-ce qu’elles peuvent par exemple, donner un nom d’endroit ou un nom de chalet ou au moins une direction ? Ça nous permettrait d’orienter nos recherches ou tout au moins de trouver un point de départ. Aussi, si tu pouvais relever les numéros de plaques minéralogiques des motos qui circulent dans le coin et qui n’appartiennent pas à des gens d’ici.
— Mais bien sûr, répondit Aubert. Je vais voir ça cette semaine. Mais tu sais, pour être tout à fait sincère, je ne pense pas que tu vas trouver quelque chose ici dans la Vallée. Va plutôt fouiner en haut, du côté du col.
Dans son coin, Lina ne disait mot. Elle avait presque eu les larmes aux yeux quand René lui avait raconté l’histoire des arbres des forêts du Risoud. C’était sa première enquête à la crim’ et elle préférait écouter et emmagasiner de précieuses informations sur la façon de travailler. Elle était aussi surprise du comportement et de la douceur des propos de son collègue Guilloud. Ça ne collait vraiment pas avec la réputation qu’il traînait derrière lui.
Plus tard, lorsqu’ils eurent quitté la gendarmerie du Sentier, Gégé et Lina se dirigèrent en direction du Brassus, avant d’emprunter la route du Marchairuz. Peu avant d’arriver au col, ils s’arrêtèrent au chalet du Pré de Bière. Il s’agissait d’un chalet à une altitude de 1345 mètres, qui trônait au milieu de quelque 116 hectares de pâturages et qui abritait une centaine de têtes de bétail. Le bâtiment comprenait également une fromagerie, un local de vente ainsi que les logements pour la famille du berger et le personnel. La météo était au beau fixe et ils décidèrent de manger sur la terrasse à l’abri de la bâtisse. Une fois leur estomac rassasié, ils demandèrent à parler au berger qui les rejoignit et s’assit à leur table. La bonhomie du maître des lieux n’avait rien à voir avec le caractère bougon du berger des Amburnex.
Lorsque Gégé eut fait les présentations, il présenta la photographie du pendu de l’église. Malheureusement pour lui, celui-ci resterait un inconnu pour le moment. Par la suite, il engagea la conversation sur le sujet du loup. Le berger travaillait, comme son collègue des Amburnex, avec une association qui lui envoyait des bénévoles qui l’aidaient à veiller sur le troupeau dont il avait la charge et jusqu’à maintenant, il n’avait perdu aucune bête. Mais la situation restait tendue. Puis, tout naturellement, le berger se mit à raconter sa vie de tous les jours à l’alpage, expliquant que depuis le Moyen-Âge, entre les mois de mai et octobre, des bovins, des moutons et des chèvres étaient conduits sur des pâturages d’altitude pour tirer parti de ce fourrage supplémentaire. C’est là que les bergers géraient les troupeaux et prenaient soin des animaux, travaillant à l’entretien des pâturages, des clôtures et des bâtiments. Une vie dure, dans un environnement parfois hostile, mais combien enrichissant, en immersion totale dans la nature ! Bien sûr, depuis quelques années, les choses avaient quelque peu évolué avec l’arrivée du prédateur qui sévissait maintenant autant dans le Jura vaudois que dans les Alpes. Seul ou en meute, il attaquait les chèvres et les moutons et, phénomène nouveau, depuis peu, également les bovins, principalement les veaux, lorsqu’ils paissaient sur les herbages. Si bien qu’en plus des travaux habituels, il fallait maintenant également s’occuper de la protection des troupeaux, principalement en empêchant le loup d’accéder au bétail. Il existait bien des filets, rapides à déployer pour délimiter un espace de pâture ou un parc de nuit à l’abri des prédateurs. Mais le loup était malin et avait rapidement appris comment faire pour déjouer cet obstacle. Il y avait aussi la solution des chiens de protection. Ils gardaient le troupeau, repéraient le loup et signalaient sa présence au berger avec leurs aboiements. Certains chiens allaient au contact du loup pour se battre et dans le pire des cas, y laisser la vie. Toutefois, les chiens posaient aussi des problèmes, car, sans éducation spécifique ni sociabilisation régulière, ils pouvaient attaquer les promeneurs, leurs chiens ainsi que la petite faune de la montagne.
En ce qui le concernait, le berger avait opté pour le système des veilleurs. Une association lui envoyait régulièrement des bénévoles pour une nuit ou une semaine, voire plus. C’était la deuxième année qu’il pratiquait de la sorte et depuis, il n’avait plus perdu une seule bête. De plus, il avait remarqué que les vaches étaient beaucoup plus tranquilles, pas stressées du tout, lorsque les veilleurs patrouillaient pendant qu’elles se reposaient.
Les bénévoles, après un entretien, suivaient une formation donnée par des intervenants venant des milieux agricoles ou de la montagne. Sur le terrain, ils devaient suivre des consignes précises et disposaient de matériel de communication afin de pouvoir rendre des comptes ou éventuellement appeler du renfort en cas de rencontre avec le prédateur. Ils étaient complémentaires à la surveillance exercée par le berger et pouvaient aussi l’aider dans certaines tâches telles que le rassemblement du troupeau ou la recherche d’animaux égarés, selon le besoin.
Alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre la route, le téléphone de Gégé se mit à vibrer.
— Aubert, au Sentier ! s’annonça le chef de poste. Vous êtes toujours dans le coin ? Faudrait passer vers moi.
— On sera là dans quinze minutes environ, lui répondit Gégé tandis que Lina lançait le moteur de la voiture.
Lorsqu’ils arrivèrent devant le poste de gendarmerie du Sentier, l’adjudant Aubert les attendait sur le pas de la porte.
— Je crois bien que j’ai identifié votre pendu, dit-il tout excité. Venez, je vais vous montrer ça.
Lina et Gégé le suivirent dans son bureau où divers papiers étaient éparpillés. Très théâtral, il en tira deux feuillets qu’il présenta aux deux inspecteurs.
— Regardez ! Juste après votre départ, un homme s’est présenté au poste pour annoncer la disparition de son frère. Celui-ci aurait disparu depuis samedi après-midi alors qu’il était parti acheter du pain pour le week-end. Il habite un peu plus haut dans la montagne où il a fait construire un chalet entre la Tombe de l’Interné français et le refuge de la Pierre Trouée, totalement isolé, en lisière de forêt. Ne me demandez pas comment il a fait pour obtenir une autorisation de construire là-haut, je n’en sais rien. Et je préfère ne pas le savoir ! Mais ça, c’est une autre histoire. Je ne le connais pas personnellement mais il s’agirait d’un type de 62 ans qui serait un ancien collègue de la sûreté genevoise. Il est là depuis une petite dizaine d’années, mais personne ne semble le connaître dans la vallée. Un solitaire. Il s’appelle Charles Crivelli et il se déplace avec un vieux pick-up VW Amarok noir. D’après son frère qui a fait plusieurs fois l’aller et retour entre le chalet et la Vallée pour voir s’il n’avait pas eu un accident, son véhicule semble avoir aussi disparu.
À la demande de Lina qui sentait l’adrénaline lui monter le long de la colonne vertébrale, l’adjudant Aubert expliqua avec précision, carte à l’appui, l’emplacement du domicile de Crivelli pendant que Gégé recherchait son dossier au service des automobiles au moyen de son téléphone portable. Lorsqu’il eut en sa possession la photographie figurant sur son permis de conduire, il la compara avec celle du pendu du clocher.
— Je crois que les choses sont claires, dit-il en montrant les deux portraits à ses collègues. C’est bien notre homme. Attendons les résultats de l’autopsie, mais il semble ne pas y avoir de doutes.
Gégé appela Marie Rochat pour lui faire part des résultats de leurs recherches. Il estimait qu’il était trop tard pour poursuivre les recherches au domicile de Crivelli et lui suggérait de revenir le lendemain matin.
— À moins que tu nous offres une nuit à l’hôtel ? Tu sais, une nuit à l’Hôtel de Ville du Sentier avec Lina, ça me plairait bien, dit-il en éclatant de rire.
— Arrête ça tout de suite ! l’invectiva Marie. Tu sais ce que je t’ai dit. Tu te comportes correctement, s’il te plaît.
— Bon, bon ! rétorqua Gégé. Je vois que tu es jalouse. On va redescendre et on se voit demain matin à la première heure.
Lina, qui avait senti le rouge lui monter aux joues en entendant les propos de son collègue, s’était déjà levée et enfilait sa veste, prête à partir.
Le lendemain matin, suivant les conseils de son collègue, Lina s’était vêtue de façon à pouvoir courir les bois et avait enfilé, par-dessus un pull de couleur kaki, une vieille veste de camouflage de l’armée suisse. Un jeans et une paire de souliers de marche complétaient sa tenue.
Dans le bureau de Marie, les discussions allaient bon train. La jeune femme s’était rendue le jour précédent au CURML pour assister à l’autopsie du pendu du clocher et fit un bref résumé de la situation. Le fait le plus marquant découvert par les médecins légistes était que le corps n’avait pas de cœur. Cet organe avait tout simplement été prélevé, d’une manière tout à fait artisanale, d’où la plaie béante dans la poitrine du cadavre. Une autre certitude était que le corps avait été pendu post-mortem, c’est-à-dire qu’il était déjà mort lorsqu’il avait été amené dans le clocher de l’église. Ce qui laissait imaginer qu’il était peu probable que ce fut le fait d’un homme seul. Finalement, la cheffe de brigade décida d’accompagner ses inspecteurs sur le terrain. Après tout, la Vallée de Joux, c’était chez elle. Le jour précédent, à la suite de son téléphone avec Gégé, elle avait pris contact avec le procureur Rivier qui lui avait fait parvenir une ordonnance de visite domiciliaire leur permettant d’aller fouiller le chalet de Crivelli. De cette façon, ils étaient parés pour faire face à toute situation.