Les pionnières du journalisme - Nellie Bly - E-Book

Les pionnières du journalisme E-Book

Nellie Bly

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Intrépides, pionnières et inspirantes: ces sept femmes extraordinaires ont brisé les conventions rigides et repoussé les limites imposées par leur époque pour ouvrir la voie à un journalisme engagé et profondément novateur entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe siècle. Parmi elles, Elisabeth Jane Cochrane (1864-1922), alias Nellie Bly, première femme grand reporter, célèbre pour son époustouflant tour du monde en 72 jours, défiant le record fictif de Phileas Fogg. La brillante et prolifique Colette (1873-1954), bien plus qu’une romancière de renom, fut une journaliste incomparable, capable de briller aussi bien dans la chronique culinaire que dans le reportage judiciaire ou la critique sportive. Isabelle Eberhardt (1877-1922), Genevoise au destin tragique, a parcouru le désert algérien, vivant sous une identité masculine avant d’être fauchée à l’âge de 27 ans. Sa trajectoire a inspiré des écrivaines voyageuses comme Annemarie Schwarzenbach (1908-1942), dont une trentaine de photographies saisissantes, prises lors de ses multiples périples, enrichissent notre ouvrage. Tout aussi fascinante, Elisabeth Saugy, dite Titaÿna (1897-1966), aventurière audacieuse et étoile éclatante du Paris mondain, a exploré les contrées les plus reculées avec panache, devenant une icône du journalisme d’exploration. Plus discrète, mais tout aussi incisive et opiniâtre, Gabrielle Bertrand (1908-1961) a marqué l’histoire avec ses reportages immersifs dans l’Asie mystérieuse des années 1950. Enfin, la téméraire Virginia Cowles (1910-1983), reporter de guerre américaine, a couvert les grands conflits européens dès 1936, capturant la brutalité et l’intensité de son époque avec une plume vibrante. Sept femmes, sept destins captivants, sept parcours exceptionnels, sept voix qui explorent les blessures de leur époque, et surtout sept excellentes raisons de vous plonger dans notre lecture.

À PROPOS DES AUTRICES

Elizabeth Jane Cochrane, dite Nellie Bly (1864-1922), journaliste américaine pionnière du reportage clandestin, s’est illustrée par un tour du monde réalisé en 72 jours en 1889-1890.

Colette (1873-1954), grande figure de la littérature française, fut aussi une journaliste brillante et éclectique.

Isabelle Eberhardt (1877-1904), exploratrice et écrivaine suisse naturalisée française, a vécu en Algérie sous une identité masculine.

Titaÿna (1897-1966), de son vrai nom Elisabeth Sauvy, fut une journaliste et grande reporter française au style audacieux.

Annemarie Schwarzenbach (1908-1942), écrivaine et photographe suisse, a parcouru le monde en quête de sens et de vérité.

Gabrielle Bertrand (1908-1961), journaliste et exploratrice française, a laissé de nombreux récits de voyage marqués par l’aventure.

Virginia Cowles (1910-1983), Américaine, a couvert les grands conflits du XXe siècle avec une plume vive et engagée.



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Seitenzahl: 176

Veröffentlichungsjahr: 2025

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I 3Printemps 2025 Sept mook Vous voulez découvrir ce qu’est un mook augmenté? C’est facile: téléchargez notre applicationgratuite, scannez les pages où figure notre picto Sept et dégustez nos «plus» virtuels (moded’emploi en page 5). Petit conseil: commencez par la page de couverture de Sept mook.Patrick VallélianChère lectrice,Cher lecteur,Depuis dix ans, Sept s’efforce de proposer un journalisme rare et exigeant, à rebours de l’in-fobésité ambiante et du tourbillon médiatique. Chaque sujet est choisi avec soin, exploréen profondeur et raconté avec passion. C’est grâce à vous, à votre fidélité et à votre enthou-siasme, que cette aventure éditoriale singulière a pu voir le jour et perdurer, en Suissecomme à l’échelle européenne.Aujourd’hui, nous nous trouvons à un carrefour décisif. Les médias indépendantssubissent de plein fouet l’explosion des coûts de production et de distribution – dont lestarifs postaux –, la disparition progressive des kiosques et la raréfaction des annonces.Alors que, depuis une décennie, nous avons tenu à maintenir des tarifs d’abonnementraisonnables pour demeurer accessibles au plus grand nombre, cette volonté éthique etéditoriale nous place désormais face à un défi de taille.Malgré ces obstacles, nous refusons de céder au pessimisme. Au contraire, nous sommesplus déterminés que jamais à vous offrir des enquêtes au long cours, des récits inspirants,des regards décalés sur l’actualité et une profondeur d’analyse qui font tout l’ADN de Sept.Nous croyons fermement qu’un journalisme libre, intègre, rigoureux et humain est nonseulement possible, mais indispensable pour mieux comprendre le monde qui nous entoure.C’est pourquoi nous faisons appel à vous. Que vous renouveliez votre abonnement,en offriez un à un proche, fassiez connaître notre média autour de vous ou choisissiez denous soutenir par un don, chaque geste compte et porte en lui l’espoir de faire vivre unjournalisme différent. Un journalisme qui prend le temps et qui valorise la qualité plutôt
I 9Printemps 2025 Sept mook Nellie Bly(Cochran's Mills 1864 -New York 1922)Benoît Heimermann textePlus fort que le «Docteur Livingstone, je suppose?» d’Henry Morton Stanleyou que le «C’est un petit pas pour l’homme, mais un grand pas pourl’humanité» de Neil Armstrong, le «Je suis ravie de faire votre connaissance»susurré par Nellie Bly à l’intention de Jules Verne est à inscrireau patrimoine de l’histoire aventureuse. Ce 22 septembre 1899, en gared’Amiens, ce n’est rien moins que la réalité qui se piqua de serrer la mainde la fiction! Vingt-sept ans auparavant, le célébrissime auteur des Voyagesextraordinaires avait écrit le plus échevelé de tous: Le tour du monde en 80 jours.Une œuvre de pure imagination que la chétive reporter du New York Worldapprivoisa tant et plus qu’elle l’améliora de plus de dix jours. En cette finde XIXesiècle, la presse bouleversait ses habitudes commandant à sesenvoyés spéciaux en particulier qu’ils s’immergent davantage dans le but de traquer le réel mieux encore.Elizabeth Jane Cochrane, dite Nellie Bly, qui initialement se destinaità l’enseignement, fut l’une des premières à utiliser ce mode opératoire.Ouvrière parmi les ouvrières, elle ne pouvait que mieux dénoncerles mauvais traitements qu’on leur infligeait. Sous sa plume, un voyaged’agrément au Mexique, se transforma, de la même façon, en plaidoyerpro domo
10 I Sept mook Printemps 2025Le tour du monde en 72 joursChapitre 1Une propositionComment m’est venue cette idée? Remonter aux origines des idéespeut parfois s’avérer compliqué. Elles sont le combustible mêmedes journalistes, une denrée malheureusement trop rare sur lemarché... mais pas impossible à dénicher. Celle-ci m’est apparueun beau dimanche après que j’eus passé la journée puis une bonnepartie de la nuit à ferrer un sujet. J’avais l’habitude de me creu-ser la tête le dimanche et de soumettre le résultat au bon vouloirde mon rédacteur en chef le lendemain. Or ce jour-là, rien n’avaitsurgi à mon esprit et à trois heures du matin j’étais encore à metourner dans mon lit, épuisée et migraineuse. Agacée par monmanque d’imagination, je finis par me désespérer: Qu’est-ce quej’aimerais être à l’autre bout de la planète!... Tiens, mais pourquoipas? songeai-je. Des vacances me feraient le plus grand bien...Je pourrais entreprendre un tour du monde!Il est bien plus facile de suivre le cheminement d’une idée.Revigorée, je pensai: Si j’ai la certitude d’aller plus vite que PhileasFogg, c’est décidé, je me lance dans l’aventure! Sur ce, je trouvaienfin le sommeil, déterminée à ne retourner au lit que quandje serai certaine de pouvoir battre le record du célèbre personnagede Jules Verne. Le jour suivant, je me rendis à l’agence d’une com-pagnie de steamers pour y consulter les horaires. Si j’avais décou-vert l’élixir de vie, je n’aurais pas été plus heureuse que lorsque jeconçus l’espoir de faire le tour du monde en moins de quatre-vingtsjours. J’abordai prudemment le sujet auprès de mon rédacteur enchef, craignant qu’il ne trouve mon projet trop farfelu.– Alors, avez-vous des idées d’articles? demanda-t-il quand je vinsà sa rencontre.– Une seule, répondis-je posément.Il était installé à son bureau et jouait avec ses stylos, attendantque je poursuive. Je lançai tout de go:– Je veux faire le tour du monde!– Vraiment? rit-il en levant vers moi un regard pétillant de curiosité.– Oui, et je veux le réaliser en moins de quatre-vingts jours. Je pensepouvoir battre Phileas Fogg. Me donnerez-vous ma chance?Quelle fut ma déception lorsqu’il m’annonça que la rédactiondu New World nourrissait déjà ce projet mais avait l’intention d’en-voyer un homme! Il me promit néanmoins qu’il me soutiendrait,et nous nous rendîmes
I 11Printemps 2025 Sept mook parlez uniquement l’anglais. Rien ne sert d’en débattre: seul unhomme peut relever ce défi.– Fort bien! Alors je partirai en même temps que lui pour le compted’un autre journal et soyez sûr que je le battrai.– Vous en seriez fort capable, marmonna-t-il.Ma vive réaction eut-elle une quelconque influence sur leur déci-sion? Difficile à dire. Toujours est-il qu’au moment de nous séparer,je fus heureuse d’entendre que, si le New World devait valider le projet,je serais l’heureuse élue. Une fois cette promesse obtenue, d’autresmissions éclipsèrent cette entreprise pour le moins révolutionnaire.Une année s’écoula et, par une froide et pluvieuse soirée, je reçusune note m’enjoignant de me présenter immédiatement dans lebureau de Mr Pulitzer. Ce type de convocation, de surcroît en finde journée, était chose inhabituelle, si bien que je me demandaiquelle faute j’avais pu commettre. J’entrai et m’assis à côté de monrédacteur en chef, attendant qu’il prenne la parole. Il leva les yeuxde ses notes, puis demanda posément:– Que diriez-vous de commencer votre tour du monde après-demain?– Je peux même le commencer dès à présent, répondis-je en essayantde ralentir les battements de mon cœur.– Si cela vous va, nous sonnerons le départ demain matin à Paris.D’ici là,vous devriez avoir largement le temps d’attraper le trainpostal qui part de Londres. Si vous le ratez, l’Augusta Victoria lèvel’ancre le matin suivant.– Je préfère tenter ma chance avec l’Augusta Victoria pour gagnerune journée.Le lendemain matin, je me rendis chez Ghormley, le couturieradoré de ses dames, afin de lui commander une robe. Il était onzeheures quand j’arrivai et je lui expliquai en un rien de temps ce quej’attendais de lui. Il me suffit de penser que rien n’est impossibleà qui s’en donne la peine pour me donner du courage. Lorsqu’il fautaccomplir à tout prix une chose, et ce en un temps record, et queje me heurte à ce genre de réponse: «C’est trop tard. Je ne pensepas que ce soit réalisable en si peu de temps», je réponds simple-ment: «Balivernes. Quand on veut, on peut. Mais le voulez-vousvraiment?» Cette réponse ne laisse personne indifférent. Pour tirerle meilleur de nos semblables ou accomplir soi-même un exploit,il faut toujours croire en la réussite de son entreprise. Par consé-quent, j’annonçai à Ghormley:– Je veux une robe pour ce soir.– D’accord, répondit-il, imperturbable, comme s’il était courantqu’une cliente lui demande de lui réaliser un vêtement si rapidement.– Une robe que je puisse porter tous les jours pendant trois mois,
12 I Sept mook Printemps 2025les différents tissus, il devisait avec entrain. Son choix se porta enfinsur un fin drap bleu et un tartan en poil de chameau, une asso-ciation qu’il jugeait du meilleur goût pour une robe de voyage quise devait d’être confortable. Je fis mon premier essayage aux alen-tours de une heure. Quand je revins à cinq heures pour le secondessayage, la robe était prête. La ponctualité et la rapidité de Ghormleyme semblèrent de bon augure pour un projet qui n’en exigeraitpas moins de ma part. J’allai ensuite acheter un plaid. Puis je merendis chez un autre tailleur pour dames où je commandai unerobe légère que je pourrais porter dans les pays où l’été serait déjàarrivé. Je fis également l’acquisition d’un sac avec la ferme inten-tion d’y serrer tous mes effets de voyage. Ce soir-la, je ne pus rienfaire d’autre qu’écrire un mot d’adieu à mes amis et préparer monbagage. Trier mes effets fut l’entreprise la plus difficile de ma vie:comment les faire rentrer dans ce minuscule contenant? Je réus-sis pourtant à tout y ranger, à l’exception de ma robe de rechange.Je me trouvais face à un terrible dilemme: préférais-je me char-ger d’un paquet supplémentaire ou voyager avec une seule robe?Ayant une aversion pour les paquets, je jugeais bon de sacrifier levêtement. Je dénichai un corset de soie de l’été précédent qui, aprèsmaints pliages, finit par se loger dans mon sac.Je crois être devenue la fille la plus superstitieuse qui soit. La veille,mon rédacteur en chef m’avait confié qu’il s’était décidé à m’envoyerautour du monde après avoir fait un rêve prophétique. Dans ce rêve,je lui annonçais que je comptais participer à une course. Doutant demes talents de compétitrice, il s’était retourné afin de ne pas êtretémoin de mon échec. L’orchestre se mettait à jouer, comme il lefait en pareille occasion, et le public éclatait en applaudissementspour saluer le vainqueur. Je venais alors à lui, les yeux remplis delarmes: «J’ai perdu.» «Je peux facilement interpréter ce rêve, dis-jeà la fin de son récit. Au début de mon voyage, je réussirai à décro-cher quelques bonnes histoires, mais l’un de nos concurrents mebattra.» Quand j’eus le lendemain la confirmation de mon voyage,un sentiment de terreur s’abattit sur moi. Je craignais que le Timeremporte la course et que j’échoue à réaliser mon tour du mondedans les délais. Pour couronner le tout, je n’étais guère vaillanteà l’époque. Depuis près d’un an, pas un jour n’était passé sans queje sois prise de migraine. Moins d’une semaine auparavant, j’avaisd’ailleurs consulté plusieurs éminents médecins, car je craignaisque mon travail ait eu raison de ma santé. Cela faisait en effet prèsde trois ans que j’exerçais la profession de journaliste, et je n’avaispas pris un seul jour de repos. Cette aventure avait donc un goût devacances bien méritées, à dire vrai les plus délicieuses qui soient.La veille de mon départ, je me rendis à la rédaction du journaloù je reçus deux cents livres en pièces d’or et billets de la Banqued’Angleterre. Je glissai les pièces dans mes poches et les billets dansune bourse en peau de
I 13Printemps 2025 Sept mook passeport un peu particulier, portant le numéro 247 et signé de lamain de James G. Blaine. secrétaire d’Etat. Quelqu’un avait suggéréqu’un pistolet serait utile pour lui tenir compagnie, mais, persua-dée du bon accueil que l’on me réserverait à l’étranger, je ne suivispas ce conseil. Je savais que si je me conduisais convenablement,il y aurait toujours des hommes prêts à voler à mon secours, qu’ilssoient américains, anglais, français, allemands ou de toute autrenationalité.J’aurais très bien pu acheter tous les billets de mon voyageà venir à New York, mais je songeais que je pourrais à tout momentavoir à modifier mon parcours. Par conséquent, le seul billet queje pris fut celui pour Londres. Quand j’allai faire mes adieux à mesconfrères, je découvris qu’aucun itinéraire n’avait été préparé et quepersonne ne pouvait me dire si oui ou non le train postal à destina-tion de Brindisi partait de Londres le vendredi soir. Nous ne savionspas non plus si c’était le bateau pour l’Inde ou celui pour la Chinequi partait de Londres la semaine où j’étais censée arriver dans lacapitale anglaise. Ainsi quel fut mon étonnement quand, en arrivantà Brindisi, je découvris que le bateau partait en fait pour l’Australie!Je suivis un homme mandaté par le New World pour aider l’agencemaritime à organiser les choses au mieux de ce côté-ci de l’océan.L’histoire dira s’ils avaient vu juste ou non.A mon retour, de nombreuses personnes voulurent connaîtrele nombre précis de tenues emportées dans mon unique bagage.Certains soutenaient que je n’en avais pris qu’une, d’autres que j’avaischoisi des toilettes en soie qui prennent peu de place, d’autres encoreme demandèrent si je n’avais pas acheté en route ce qui me faisaitdéfaut. Nous ne pouvons nous rendre compte de ce que contientune simple sacoche tant que nous ne sommes pas contraints à fairepreuve d’ingéniosité pour que chaque chose y occupe le moins d’es-pace possible. La mienne put ainsi accueillir deux chapeaux, troisvoiles, une paire de pantoufles, un nécessaire de toilette, un encrier,des stylos, des crayons et du papier, des épingles, des aiguilles et dufil, une robe de chambre, un blazer, une flasque et une tasse, dessous-vêtements, une généreuse réserve de mouchoirs et de ruches,et – indispensable mais ô combien encombrant – un pot de cold-cream censé protéger mon visage des intempéries. Quelle plaie quecette crème! Elle prenait plus de place que tout autre chose et avaitle chic pour m’empêcher de fermer mon sac. Sur le bras, je portaisun morceau de soie imperméable, unique protection contre la pluiedont je disposerais. L’expérience m’a montré que j’avais emporté avecmoi plus que nécessaire. Dans chaque port où je séjournais, il y avaitau moins une belle boutique de prêt-à-porter, à l’exception peut-être d’Aden, mais comme je n’y ai rien acheté je ne puis le certifier.Ces préparatifs m’ont tant occupée! Si l’on voyage pour son seulplaisir et non dans le but d’impressionner ses pairs, le problèmedes bagages n’en est plus
14 I Sept mook Printemps 2025Chapitre 4Chez jules verneM. et MmeJules Verne, ainsi que Mr R. H. Sherard, correspondantà Paris pour le World, nous attendaient sur le quai. Quand je lesaperçus, je m’interrogeai, comme toutes les femmes en pareillescirconstances, sur la fraîcheur de mon teint et la tenue de ma coif-fure après un si long voyage. Je songeai que si j’avais été à bord d’untrain américain, j’aurais pu faire un brin de toilette et rencontrer lecélèbre écrivain et sa charmante épouse aussi tirée à quatre épinglesaussi bien que si je les avais reçus chez moi. Mais l’heure n’était pasaux regrets. Le couple vint à notre rencontre, et leur accueil cha-leureux me fit oublier mon allure négligée. Le regard vif de JulesVerne rayonna sur moi avec bienveillance, et MmeVerne me saluacomme si nous nous connaissions depuis toujours. Il n’y avait làrien de solennel, mais une franche cordialité exprimée avec tantde grâce que quelques minutes en leur compagnie leur suffirentà gagner mon amitié.M. Verne nous conduisit à nos voitures. Son épouse marchaità mon côté, m’adressant de temps en temps un sourire, ce quisignifiait dans le langage commun aux hommes et aux animaux:«Je suis ravie de faire votre connaissance même si je regrette de nepas pouvoir vous parler.» M. Verne nous aida à grimper à bord ducoupé, puis il s’engouffra dans un autre avec nos deux accompa-gnateurs. Je n’étais pas très à l’aise à l’idée de faire le trajet seuleavec MmeVerne, car nous ne pouvions réellement discuter de rien.Comme elle ne savait dire que «non» en anglais et moi «oui» enfrançais, notre conversation se résuma à quelques sourires désolésque venait parfois ponctuer une pression sur la main. MmeVerneest une femme fort charmante et même dans cette délicate situa-tion, elle fut parfaite en tous points.Le soir commençait à tomber. Tandis que nous roulions à tra-vers les rues d’Amiens, j’aperçus brièvement des magasins illuminés,un joli parc et de nombreuses nurses qui poussaient des landaus.Quand notre coupé s’arrêta, je sortis et aidai MmeVerne à descendre.Nous attendîmes sur un large trottoir pavé, devant un haut mur debrique au-dessus duquel se dessinait la silhouette d’une maison.M. Verne ne


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