Les promesses d'une nuit - Damien Farissier - E-Book

Les promesses d'une nuit E-Book

Damien Farissier

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Beschreibung

Un parcours de vie oscillant entre confort et malheur, le récit progresse de surprises en surprises

Jean est un enfant de 1968, qui porte son demi-siècle comme une chape de plomb. « Jeunior » récemment sans travail, le physique affaibli et le moral au plus bas, il découvre les affres de la solitude. Dehors, c’est l’hiver, les gilets jaunes se réchauffent sur les ronds-points et les villes s’embrasent de leur mécontentement. Dans sa chaumière aux pierres de mine presque dorées, Jean appréhende un certain malaise avant la possible nausée. Son histoire oscille entre une vie familiale parfaitement construite et une vie professionnelle de tous les dangers, mouvementée et semée d’embûches. La poisse collée au corps comme une seconde peau depuis sa plus tendre enfance, il s’essaie parfois et sur le tard à changer le cours des choses en « faisant le papier ». Un jour de grâce insolite, l’avoine donnée aux chevaux de courses, lui offre enfin les tickets gagnants d’un changement de vie radical. Cette manne tombée du ciel à travers les sombres nuages va lui redonner goût aux choses de la vie et lui apporter l’espoir d’une remise en selle. La nuit promet d’être agitée. Autant que pourrait l’être le réveil !

Plongez dans cette France d'après 68 en suivant la vie de Jean, pleine de hauts et de bas, mais toujours accompagnée d'espoir...

EXTRAIT

Profitant de sa longue convalescence pour redécouvrir son nid, Il n’était pas rare de voirJean mettre une saine ambiance dans l’un des trois cafés du village. Il aimait également à écouter les histoires des jeunes et les récits des anciens. C’est en ce lieu que votre humble narrateur a eu la grande chance de croiser sa route et de prendre un réel plaisir à l’entendre se raconter. Il était là le jour où Jean avait offert à la patronne son propre guéridon pour s’assurer que sa place lui soit toujours gardée.
Ce café de village, c’est comme un petit coin perdu au sein de sa tête. Un mélange de bistroquet et d’estaminet où la lumière pleut sur les lames du parquet. Et les âmes parlent aux fées qu’elles tètent. Vertes ou bleues, les eaux-de-vie créent des histoires dans les verres à pans et les gosiers chargés. Ici, nulle trace de cœur à partager. Pourtant les dames tutoient le zinc du comptoir. Proche de la fenêtre aux carreaux fatigués, Jean sirote, pensif, son nectar anisé, caressant le marbre aux doux reflets irisés du guéridon que feu son père avait légué. Pari perdu ou gratuite récompense, ses tendres années peinent à s’en souvenir. Mais la table ronde l’invite à revenir chaque fois qu’il recherche sa présence. Il accompagnait son père en ce genre d’endroit où jeunes et anciens parlent comme des vieux de l’âge grenadin aux jours plus sérieux. Et refont le monde avec leurs lois et leurs droits. La table de bar qui lui tient compagnie dans son cercle de laiton contient des secrets. Bien des êtres ont succombé à ses attraits.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Damien Farissier est un autodidacte de la photographie argentique et de l’écriture. Hédoniste par choix, existentialiste par culture, observateur de la gent humaine par apprentissage, de la faune et de la flore par nature, il est formé à l’école de la vie. Spécialisé durant deux décennies dans la fabrication d’articles de table pour les chefs du monde entier, il embrasse aujourd’hui le métier de service en restauration pour les salles qu’il équipait hier de ses propres créations.

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Damien Farissier

Les promesses d’une nuit

Roman

© Lys Bleu Éditions – Damien Farissier

ISBN : 978-2-85113-922-1

Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants causes, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Prologue

Dehors le jour est noir, personne ne va là. Dedans, le pain grillé réveille les narines. La bouilloire siffle l’heure où la tartine, beurrée de miel va plonger dans le chocolat.Cette nuit, le ciel a pleuré la neige fière. La nature s’est habillée d’un blanc manteau. Les routes et chemins ont disparu très tôt, obligeant les âmes à garder la chaumière.

La fenêtre derrière laquelle Jean se tient dessine le cadre d’un tableau noir et blanc, où les troncs tordus des arbres nus sont troublants. C’est l’hiver en grand et Jean devient son patient. Combien de temps va-t-il souffrir de rester là ? À culpabiliser de ne pas travailler pour la société des hommes, qui tend à surveiller ses dispenses quant à l’appel, il n’est jamais là !Honnêtement, il aimerait garder le nid plusieurs jours, autoriser son enfant à faire de même, voir sa dame tourner en rond sur elle-même. Cet enfer de l’hiver donne vie à sa tour.

Leur clan pourrait tisser une toile d’araignée.Pour le meilleur à venir sans craindre le pire. Ils seraient enfin libres de vivre et de rire, sans compter les heures de leurs instants gagnés.

Jean a passé tout l’automne à vivre son quotidien dans une grande solitude, cultivant le spleen cher à Baudelaire et voyageant dans les méandres de son cerveau aux multiples boursouflures. Autant dire qu’il les aime, ces moments de blocage où l’extérieur est hostile, les chemins et les routes sont dangereux ou tout simplement impraticables. Il se plaît à garder ses amours bien au chaud dans sa grande maison de pierres bien trop spacieuse quand il s’y retrouve seul, pour des heures appréhendées trop longues, livré à lui-même et emprisonné avec ses démons. En temps normal, il ne fait que croiser sa délicieuse épouse, besogneuse abeille dévouée qu’il ne butine que trop peu. Elle se lève dès potron-minet pour ne revenir qu’à la nuit tombée, harassée par son labeur et ses longues heures passées, à l’aller comme au retour, dans un train régional à la lenteur de plomb. Les rares fois où ils partagent la couche pour mélanger leurs corps sont bien trop courtes du point de vue de madame. Elle se plaint à juste titre de son Lucky Luke qui dégaine plus vite que ne plantent les banderilles, un jeune taureau de l’adolescence envahi par les stimulations et excitations de la première fois. Jean ne profite également de son grand enfant bientôt majeur, que les fins de semaine. Lorsqu’il rentre de la ville et de son internatoù il écrit brillamment son futur dans les domaines de la science et des mathématiques et dans le monde de l’ovalie.

La saison automnale lui est apparue rallongée et l’hiver s’annonce rude et sans fin. Il abhorre ces trois mois de l’année qu’il supprimerait volontiers du calendrier s’il était président.Cette période sans couleur et sans chaleur que seules les flammes de la cheminée éclairent. Trop rarement, il est vrai, tant Jean s’ennuie d’alimenter le foyer avec les bois péniblement coupés et acheminés sans entrain au cœur de l’âtre, en empruntant des escaliers aux marches trop nombreuses. Le soleil est bien trop rare pour adoucir de ses caresses les terres gelées, réchauffer les corps engourdis et réveiller les âmes endolories.

Dehors encore, les gilets jaunes s’agglutinent sur des ronds-points qu’ils investissent en faisant fi des forces de l’état qui les en chassent régulièrement. Mais ils les regagnent systématiquement pour protéger leurs liens sociaux nouvellement tissés. Les âmes seules semblent avoir trouvé une communauté où la solidarité côtoie parfois l’ébriété. Le mouvement faiblit mais ne s’essouffle pas. Il en est à l’acte VII mais les lignes se durcissent et les récupérations politiques autant que politiciennes se dessinent à grands traits. Le malaise social est grand. Force est de constater que les esprits s’échauffent et que les cordes nerveuses nouées à l’extrême comme de mauvais ceps de vigne lâchent chez plusieurs individus. À Toulon, un commandant de police, décoré de la Légion d’honneur joue des poings avec des manifestants quand à Paris, un boxeur professionnel, champion de France des lourds-légers, transforme deux gendarmes en punching-ball. Notre société part en vrilles.Sous les pavés, l’idée de la plage a bel et bien disparuet la menace d’une guérilla urbaine couve de façon alarmante. Sur les réseaux sociaux, une cagnotte a été ouverte pour soutenir les actes du boxeur mais le montant exorbitant de cette manne financière apparaît davantage comme un encouragement à casser des membres dépositaires de l’ordre public. Le coq de notre nation n’a pas fini de chanter tant ses pieds baignent dans un grossier merdier qui sent véritablement le remugle.Attention de ne pas trop tourner en rond avant de partir dans tous les sens comme invite à le faire tout rond-point. Jean pourrait venir gonfler les rangs mais il ne se reconnaît pas dans les revendications en tous genres, diverses et centripètes, qui se nourrissent des désirs et des besoins de chacun. Il ne cherche pas à grossir son cercle inaliénable d’amitiés. Il a autant d’amis fidèles que sa main côté cœur possède de doigts. Et c’est bien assez. C’est largement suffisant pour qui veut entretenir les valeurs proches de celles des poètes disparus et répondre aux principes d’une philosophie connue d’eux seuls. Ils cultivent sans même avoir entaillé leurs veines ni mêlé leur sang, la bonne croissance d’une entente infaillible. Une guerre à jamais souhaitée suffirait à en éprouver la grande solidité et confirmerait la force des liens qui les nouent. L’amitié dans toute sa splendeur avec des codes et des règles cadenassés par le sceau du tous pour un, un pour tous, façon mousquetaires des temps modernes.

Jean ne se plaint pas de sa condition mais il supporte de moins en moins sa situation. Son nid est confortable et la grosse épaisseur des pierres de mine presque dorées qui délimitent et supportent son habitat, protège les occupants des perturbations extérieures. Mais elle ne préserve pas la famille contre les factures des énergies domestiques. Il connaît sa capacité à rebondir. Il apleinement conscience de ses aptitudes intellectuelles, éprouvées par les vicissitudes et il peut se reposer encore sur son potentiel physique malgré ses nombreuses fractures osseuses. Mais l’estime qu’il a de lui-même yoyotte et ses pensées sont comparables à une boule de flipper qui rate les cibles, se cogne à bien des obstacles pour s’égarer davantage et tutoyer le tilt. Aussi s’escrime-t-il à modifier sa situation en multipliant activement mais sans grand succès, sa candidature pour des emplois lui correspondant de près comme de plus loin, de façon spontanée, appelée ou recommandée. Certains recruteurs le dissuadent même de poursuivre dans son secteur d’activité compte tenu de son âge de « jeunior ». Néologisme employé par les médias pour définir les jeunes seniors. La grisaille est partout : devant ses yeux et dans sa tête.

C’est le malaise qui s’installe, sournoisement et inéluctablement avant une possible nausée : les murs fiers de son univers tremblent, la peinture intérieure aux couleurs provençales s’écaille et les ampoules à bâtonnets du plafonnier diffusent une lumière faible, clignotante et incertaine. Les griffes de ses deux chiens dont la compagnie lui pèse alors qu’elle devrait apaiser sa solitude produisent des bruits au contact du carrelage qui agressent ses oreilles. Le plus jeune qui n’a pas encore deux ans et que sa fille lui a confié pour lui éviter la mise en quarantaine sur le territoire canadien le suit dans tous ses déplacements même les plus insignifiants comme le petit toutou qu’il est. Malgré son jeune âge, il ronfle plus fort que son fils dont il pensait à tort qu’il détenait la palme. Et ce, à toute heure et même les yeux ouverts. Il va sans dire que c’est une particularité du bulldog français. Une vraie boule sonore dont la puissance des bruits est inversement proportionnelle à la taille de son petit nez écrasé. Jean, déjà réticent quant à son gardiennage, aurait apprécié d’en être informé. Au même titre qu’il aurait aimé savoir que ce spécimen pétait mauvais de son petit anus bien dessiné en période d’orages et de grands vents.

Les miaulements répétés du chat noir, autre cadeau empoisonné de sa fille aînée qui veut sortir la nuit vers minuit et rentrer au petit matin avant même le chant du coq, ajoutent des armes à ses tortures et des arguments pour son épouse qui lui conseille régulièrement de fabriquer une chatière, pour ne plus avoir à l’entendre se plaindre des va-et-vient incessants de ces trois animaux. Mais Jean se refuse à toute intervention sur une de ses portes-fenêtres en chêne massif. Il veut également garder le contrôle sur des contraintes indépendantes de sa volonté. Il préfère de loin les animaux sauvages s’épanouissant dans leur milieu naturel, profitant des grands espaces pour jouir pleinement d’une liberté sans cesse menacée par les prédateurs que nous sommes dans la chaîne alimentaire et le commerce illégal. Il ne goûte guère aux spectacles des zoos dont il verrait bien leurs cages accueillir certains humains comme les casseurs du moment qui seraient plus à leur place en ces lieux. La civilisation n’aurait pas à les observer s’agiter violemment dans les rues de la capitale ou des villes plus petites. Le monde gagnerait en sérénité.

Le principal défi de Jean, en ces temps de mauvais présage, consiste à ne rien montrer de ses turbulences intérieures où la basse activité dopaminergique l’entraîne dans une certaine dépression de type mélancolique. En lui, bien des nœuds empêchent son système digestif de fonctionner correctement. Ses jours s’allongent de ses nuits perturbées par son cerveau qui mouline. Le travail incessant de ses méninges lui envoie les images de petites bêtes indéfinissables qui s’activent à grignoter ses entrailles. Mais il est l’homme de la famille et rien ne doit laisser transparaître le combat qu’il mène à l’intérieur d’un corps qui souffre de courbatures musculaires et d’arthrose sensible aux mains et aux genoux. Il va même jusqu’à s’imaginer des instabilités sur certaines de ses dents à la fermeture de ses mâchoires. Sur sa main gauche, les extrémités du majeur, de l’index et de l’annulaire présentent des crevasses provoquées par l’ongle de son pouce, stigmates de peaux arrachées et conséquence d’une angoisse qui s’exprime sans bruits en un tic compulsif.