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RÉSUMÉ : Les Quatre Livres : La Grande étude, L'Invariable milieu, Entretiens, Meng Tzeu, sont des textes essentiels de la philosophie chinoise, compilés et commentés par Confucius et Zhu Xi. Ces oeuvres forment le socle de la pensée confucéenne, influençant profondément la culture et la société chinoises. La Grande étude explore l'importance de l'éducation pour le développement personnel et social, soulignant la nécessité de l'harmonie entre l'individu et la société. L'Invariable milieu, quant à lui, prône l'équilibre et la modération comme principes directeurs de la vie. Les Entretiens, collection de dialogues entre Confucius et ses disciples, offrent un aperçu unique des enseignements et de la sagesse pratique du philosophe. Enfin, Meng Tzeu, ou Mencius, élève de Confucius, approfondit les concepts de bonté humaine innée et de gouvernance vertueuse. Ces textes, à la fois philosophiques et pratiques, fournissent une compréhension approfondie de la morale, de l'éthique et de la politique, tout en offrant des réflexions intemporelles sur la nature humaine. L'édition commentée par Zhu Xi, un érudit du XIIe siècle, apporte une dimension supplémentaire, facilitant l'accès à ces écrits anciens pour le lecteur moderne. __________________________________________ BIOGRAPHIE DE L'AUTEUR : Confucius, né en 551 av. J.-C. dans l'État de Lu, est l'un des philosophes les plus influents de l'histoire chinoise. Sa pensée, centrée sur l'éthique personnelle et gouvernementale, a façonné la culture et la société chinoises pendant des siècles. Confucius a voyagé à travers la Chine, enseignant ses idées sur la vertu, la moralité et l'ordre social. Ses disciples ont compilé ses enseignements dans les Entretiens, un texte clé de la philosophie confucéenne. Zhu Xi, né en 1130, est un érudit néo-confucianiste qui a joué un rôle crucial dans la diffusion et l'interprétation des Quatre Livres. Il a systématisé la pensée confucéenne et a contribué à sa renaissance sous la dynastie Song. Zhu Xi a également été un réformateur éducatif, insistant sur l'étude des classiques comme base de l'éducation. Ses commentaires sur les Quatre Livres ont été adoptés comme textes d'examen impérial en Chine, consolidant leur importance jusqu'au début du XXe siècle. Meng Tzeu, ou Mencius, a poursuivi l'oeuvre de Confucius en développant des idées sur la bonté innée de l'homme et la nécessité d'un gouvernement moral.
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Seitenzahl: 650
Veröffentlichungsjahr: 2022
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Préface du traducteur
La Grande étude
L’Invariable milieu
Entretiens de Confucius
INTRODUCTION
CHAPITRE I. HIO EUL.
CHAPITRE II. WEI TCHENG.
CHAPITRE III. PA I.
CHAPITRE IV. LI JENN.
CHAPITRE V. KOUNG IE TCH’ANG.
CHAPITRE VI. IOUNG IE.
CHAPITRE VII. CHOU EUL.
CHAPITRE VIII. T'AI PE.
CHAPITRE IX. TZEU HAN.
CHAPITRE X. HIANG TANG.
CHAPITRE XI. SIEN TSIN.
CHAPITRE XII. IEN IUEN.
CHAPITRE XIII. TZEU LOU.
CHAPITRE XIV. HIEN WENN.
CHAPITRE XV WEI LING KOUNG.
CHAPITRE XVI. KI CHEU.
CHAPITRE XVII. IANG HOUO.
CHAPITRE XVIII. WEI TZEU.
CHAPITRE XIX. TZEU TCHANG.
CHAPITRE XX. IAO IUE.
Meng Tzeu
Introduction.
Livre I. Leang Houei wang.
Livre II. Koung suenn Tch’eou.
Livre III. T’eng Wenn koung.
Livre IV. Li Leou.
Livre V. Wan Tchang.
Livre VI. Kao tzeu.
Livre VII. Tsin sin.
Les Quatre Livres sont la Grande Étude, l’Invariable Milieu, les Entretiens de Confucius et de ses disciples, et les Œuvres de Meng tzeu. Ils forment avec les cinq King la base de l’enseignement classique. Les cinq King sont le Cheu King ou Recueil des Poésies, le Chou King ou Anciennes Annales de l’Empire, le Li Ki ou Mémorial des Devoirs et des Cérémonies, et le Tch’ouenn Ts’iou ou Annales particulières de la principauté de Lou. La Grande Étude et l’Invariable Milieu sont des parties détachées du Li Ki.
Un grand nombre de commentateurs ont expliqué les livres classiques. Le plus en vogue est TCHOU HI , né en 1130 et mort en 1200. Il est le coryphée de l’école fondée par les deux Tch’eng tzeu, sous la dynastie des Soung. Les deux Tch’eng tzeu étaient frères. L’aîné, Tch’eng Hao vécut de 1032 à 1085 ; et le second, Tch’eng I, de 1033 à 1107.
Tous les écoliers ont entre les mains les SEU CHOU TCHANG KIU Quatre Livres revus, mis en ordre, divisés en chapitres et annotés par Tchou Hi, et les SEU CHOU PEI TCHEU Explication complète des Quatre Livres.
Les Seu Chou pei tcheu contiennent : 1° les annotations TCHOU des Seu Chou tchang kiu de Tchou Hi ; 2° une paraphrase KIANG , à la fois claire et élégante, entièrement conforme au commentaire de Tchou Hi ; 3° une analyse des chapitres et des paragraphes ; 4° des notes philologiques, historiques et géographiques. Cet ouvrage, composé par TENG LIN , sous la dynastie des Ming, a été publié en 1779 avec des additions importantes par TOU TING KI , et continue d’être réédité sous le titre de SEU CHOU POU TCHOU FOU K'AO PEI TCHEU Explication complète des Quatre Livres revue et augmentée.
Nous avons reproduit le plus fidèlement possible l’interprétation et les principaux développements donnés dans ce manuel scolaire.
La notice placée en tête des Œuvres de Meng tzeu est tirée de la collection des auteurs classiques CHEU SAN KING TCHOU CHOU . La remarque citée à la page 479 sur l’éducation est du JEU KIANG SEU CHOU KIAI i , Paraphrase ou Explication quotidienne des Quatre Livres faite à l’empereur par ses maîtres et publiée par ordre de K’ang Hi.
Toutes les autres notes imprimées en petites lettres chinoises se trouvent dans les Seu Chou pei tcheu. La plupart sont de Tchou Hi. En les Usant, l’étudiant s’habituera à consulter et parviendra bientôt à comprendre par lui-même les commentaires et les ouvrages modernes du Céleste-Empire. Il aura soin de lire à la fois les deux traductions, en français et en latin, parce que souvent l’une contient des éclaircissements qui ne sont pas dans l’autre. La liste des souverains de la Chine et le vocabulaire placés à la fin du volume lui donneront des renseignements historiques et géographiques, et la valeur exacte des termes.
Dans l’intérêt des commençants, il a paru bon de figurer en lettres européennes la prononciation des caractères chinois.
Les Quatre Livres sont ici rangés dans l’ordre adopté communément. Si quelqu’un préfère étudier les Œuvres de Meng Tzeu ou le Liun iu avant le Ta Hio ou le Tchoung Ioung, qui offrent plus de difficultés, il le pourra sans inconvénient, à l’aide des renvois marqués dans le vocabulaire.
Dans les écoles, l’étude des monuments littéraires de l’antiquité précède naturellement celle des chefs-d’œuvre des âges suivants. Car les écrivains se sont toujours approprié, et continuent de s’approprier et de fondre dans leurs périodes les expressions des anciens livres, comme les prédicateurs dans leurs discours emploient celles de l’Écriture- Sainte.
Les auteurs anciens nous font connaître les idées qui de tout temps ont été comme l’âme de ce peuple, les principes qui ont toujours régi et régissent encore l’individu, la famille et la société. En Chine, les siècles passent ; les traditions, les coutumes demeurent sans altération notable.
L’étude de la littérature est particulièrement recommandée aux missionnaires, qui, pour attirer les infidèles et les préparer à recevoir les enseignements chrétiens, comme S. Paul devant l’Aréopage, mettent d’abord en relief les vérités qui se sont conservées d’âge en âge au sein même du paganisme. « Quo vero iidem Evangelii præcones magis idonei fiant ad populus illos ad fidem adducendos, neque tantum ad plebem, verum et ad homines superioris conditionis Christi religione imbuendos, ... (S. Congregatio) mandat ac præcipit ut in singulis quinque regionibus, ... speciale studium ac veluti Academia sinensis linguæ erigatur, et ex singulis vicariatibus... missionarii designentur qui ad hujusmodi litteraturam serio incumbant ... » (S. Congr. de Prop. Fide, die 18 octobris 1883).
Le Souverain Pontife Léon XIII, sans vouloir aucunement sanctionner toutes les inventions du P. de Prémare, a loué hautement sa méthode, ses recherches, et le travail de ses éditeurs. « Gratulamur idcirco vobis, Dilecti Filii, qui usi doctis disquisitionibus præterito saeculo institutis ab altero e Patribus Societatis Jesu missionariorum munere functis iis in regionibus, novaque diligentia versatis sacris Sinarum libris vetustorumque sapientum operibus, clara ex ipsis vestigia duxistis dogmatum et traditionum religionis nostræ sanctissimæ ; quæ doceant eam jamdiu nuntiatam fuisse illis regionibus, et antiquitate sua longe excedere scripta sapientium e quibus Sinæ religionis suæ normam ducunt et documentum. » (Datum Romæ, die 12 augusti 1878).
Ho kien fou, le 1 mai 1895.
LA GRANDE ÉTUDE
Ce livre, tiré du Li ki , Mémorial des Usages et Cérémonies, se divise en deux parties. La première contient les paroles de Confucius Tseng Chenn transmises par son disciple , appelé communément Tseng tzeu le philosophe Tseng. La seconde contient l’explication de Tseng tzeu écrite par ses disciples. Le texte a été revu, corrigé, et disposé dans l’ordre actuel par Tchou Hi.
Avertissement de Tchou Hi.
Mon maître Tch’eng tzeu dit : « La Grande Étude est l’œuvre de Confucius et de ses disciples. Elle est comme la porte qui ouvre la voie de la vertu. L’ordre anciennement suivi dans les études n’est plus connu à présent que par ce livre, qui heureusement nous a été conservé, et par le Liun iu et les écrits de Meng tzeu, qui sont venus ensuite. Certainement, le disciple de la sagesse qui commencera par l’étude de ce livre ne sera pas exposé à s’égarer. »
La voie de la Grande Étude (c.-à-d. ce que l’homme dès l’adolescence doit apprendre et pratiquer), consiste en trois choses, qui sont de faire briller en soi-même les vertus brillantes que la nature met dans l’âme de chacun , de renouveler les autres hommes, et de se fixer pour terme la plus haute perfection. Tch’eng tzeu dit que le caractèrets’in aimer doit être remplacé par le caractèresin renouveler.
La Grande Étude est l’étude de ceux qui ne sont plus enfants (de ceux qui ont au moins atteint leur quinzième année). Le premier caractèremingsignifie faire briller. Ming te ,les vertus brillantes que l’homme reçoit du Ciel en naissant. Il les reçoit libres d’entraves, lumineuses, exemptes de ténèbres, afin que par elles il connaisse tous les principes, et règle sa conduite en toutes choses. Mais, dans les liens d’un corps composé d’éléments matériels, au milieu des ténèbres amassées par les passions humaines, parfois elles s’obscurcissent. Néanmoins, la lumière qui est inhérente à leur nature, ne s’éteint jamais entièrement. C’est pourquoi le disciple de la sagesse doit se servir de la lumière qu’elles donnent encore, afin de les faire briller, et de leur rendre leur premier éclat.Sin ,renouveler les autres hommes, faire disparaître leurs anciens défauts. Cela veut dire que le sage, après avoir fait briller en lui-même ses brillantes vertus, doit étendre son action aux autres hommes, et faire en sorte qu’ils se débarrassent des impuretés qui les souillent depuis longtemps .Ming te ,les brillantes vertus sont la bienveillance, la justice, le sentiment des convenances, la prudence et la sincérité, que le Ciel met dans le cæur de chaque homme, et qu’on appelle les cinq règles principales .
Connaissant le terme où l’on doit tendre et s’arrêter, on peut prendre une détermination. Cette détermination étant prise, l’esprit peut avoir le repos. L’esprit, étant en repos, peut jouir de la tranquillité. Jouissant de la tranquillité, il peut examiner les choses. Après cet examen, on peut atteindre le but, qui est la perfection .
En toute chose il faut distinguer le principal et l’accessoire et, dans les affaires, la fin et le commencement. Celui qui sait mettre chaque chose en son rang n’est pas loin de la voie de la Grande Étude ou de la perfection .
Les anciens princes, pour faire briller les vertus naturelles dans le cœur de tous les hommes, s’appliquaient auparavant à bien gouverner chacun sa principauté. Pour bien gouverner leurs principautés, ils mettaient auparavant le bon ordre dans leurs familles. Pour mettre le bon ordre dans leurs familles, ils travaillaient auparavant à se perfectionner eux mêmes, ils réglaient auparavant les mouvements de leur cœur. Pour régler les mouvements de leur cœur, ils rendaient auparavant leur volonté parfaite (ils s’appliquaient à vouloir sincèrement et à faire le bien, à haïr et à éviter le mal). Pour rendre leur volonté parfaite, ils développaient leurs connaissances le plus possible. On développe ses connaissances en scrutant la nature des choses.
La nature des choses une fois scrutée, les connaissances atteignent leur plus haut degré. Les connaissances étant arrivées à leur plus haut degré, la volonté devient parfaite. La volonté étant parfaite, les mouvements du cœur sont réglés. Les mouvements du cœur étant réglés, tout homme est exempt de défauts. Après s’être corrigé soi-même, on établit l’ordre dans la famille. L’ordre régnant dans la famille, la principauté est bien gouvernée. La principauté étant bien gouvernée, bientôt tout l’empire jouit de la paix.
Depuis le Fils du Ciel jusqu’au plus humble particulier, chacun doit avant tout se perfectionner soi-même. Celui qui néglige le principal (sa propre personne) ne peut régler convenablement les choses qui en dépendent (sa famille et sa principauté). Jamais un homme qui soigne peu ce qu’il doit aimer le plus (sa famille) n'a gouverné avec diligence ce qui lui est moins cher (sa principauté ou l’empire).
Le chapitre précédent, (qui est à droite dans les livres chinois), contient les paroles de Confucius rapportées par Tseng tzeu. Les dix chapitres d’explication se composent des idées de Tseng tzeu transmises par ses disciples. Dans les anciens exemplaires, beaucoup de tablettes (c’est-à-dire beaucoup de pages écrites sur des tablettes de bambou) n’étaient pas à leur place. M’appuyant sur les décisions de Tch’eng tzeu, j’ai révisé le texte du livre, et disposé les parties du commentaire dans l’ordre suivant. (Tchou Hi )
DEUXIÈME PARTIE.
Commentaire de Tseng tzeu.
CHAPITRE I. Dans le Chou king, au chapitre intitulé K’ang kao (Avis donnés à K’ang chou par son frère Ou wang), il est dit : « Wenn wang fut capable de faire briller ses vertus naturelles. » Dans le Chou king, au chapitre intitulé T’ai kia (Avis donnés à l’empereur T’ai kia par I In, son ministre), il est dit : « Tch’eng T’ang, votre prédécesseur, veillait sur ces dons brillants du Ciel (ou, veillait avec soin sur les dons brillants du Ciel, sur les vertus qu’il tenait de la nature). » Dans le Chou king, au chapitre intitulé Institutions de l’Empereur Iao, il est dit : « Il fut capable de faire briller ses vertus éminentes. » Tous ces princes faisaient briller leurs vertus.
Ce premier chapitre du commentaire explique ce qu’on doit entendre par « faire briller les brillantes vertus. »
CH. II. La baignoire de l’empereur Tch’eng t'ang portait cette inscription : « Renouvelez vous enfin véritablement, renouvelez vous chaque jour, et ne cessez de vous renouveler. » Les souillures du cœur se lavent comme celles du corps : Quand un homme est enfin parvenu à laver les souillures invétérées du cœur, et à se renouveler courageusement, il doit continuer chaque jour à se renouveler, à l’aide de ce qu’il a déjà renouvelé en lui.
Dans les Avis donnés à K’ang chou il est dit : Encouragez le peuple à se renouveler. Dans le Cheu king il est dit : « Bien que la principauté de Tcheou soit ancienne, ses princes ont reçu du Ciel un mandat nouveau pour commander à tout l’empire. » Dans la troisième partie du Cheu king, qui est intitulée Ta ia, au chapitre concernant Wenn wang, il est dit que Wenn wang, prince de Tcheou, s’étant renouvelé lui-même par la pratique de la vertu, et ayant déterminé le peuple à suivre son exemple, sa famille, qui était en possession d’une principauté ancienne, reçut du Ciel un mandat nouveau. Pour cette raison, les princes donnent à chaque chose toute leur application.
Ce deuxième chapitre du commentaire explique ce qu’on doit entendre par « renouveler les autres ».
CH. III. Le Cheu king dit : « Le territoire que l’empereur gouverne directement par lui-même a mille stades d’étendue en tous sens ; c’est là que le peuple établit sa demeure. » Le Cheu king dit : « L’oiseau jaune qui crie mièn mân se tient à l’angle d’une colline. » Le Philosophe dit : « L’oiseau jaune sait le lieu où il doit se fixer. Se peut il qu’un homme soit moins intelligent qu’un oiseau ? » Chaque chose a un lieu déterminé où elle doit se fixer. Le territoire soumis à la juridiction directe de l’empereur a mille stades d’étendue en tous sens. C’est le lieu où tous les sujets de l’empire aiment à fixer leur demeure. L’oiseau jaune, qui est un être dépourvu de raison, sait néanmoins le lieu où il doit s’arrêter. Si l’homme, qui seul entre tous les êtres est doué d’intelligence, ne sait pas choisir et prendre pour terme la plus haute perfection, il est pire qu’un oiseau.
Dans le Cheu king il est dit : « Que la vertu de Wenn wang fut sublime ! Il brilla constamment par le soin qu’il eut de tendre au plus parfait. » Il eut toujours pour terme de ses actions, comme prince de Tcheou, la bienfaisance, comme vassal des In, la soumission, comme fils, la piété filiale, comme père, la bonté, comme concitoyen, la bonne foi.
Il est dit dans le Cheu king : « Voyez ce tournant de la K’i ; il est couvert de bambous verdoyants. Notre prince lui ressemble. Orné de toutes les vertus, il imite l’ouvrier qui coupe et lime l’ivoire ; il imite celui qui taille et polit une pierre précieuse. Il est sévère à lui-même, courageux, distingué et majestueux. Ce prince vertueux et sage ne pourra jamais être oublié. » « Imiter l’ouvrier qui coupe et lime l’ivoire », c’est s’appliquer à l’étude de la sagesse. « Imiter celui qui taille et polit les pierres précieuses », c’est se perfectionner soi-même. « Il est sévère à lui-même et courageux », c’est à dire très attentif à bien faire ; « distingué et majestueux », c’est à dire inspirant le respect et digne d’être imité. « Ce prince sage et vertueux ne pourra jamais être oublié », ces paroles signifient que sa vertu est parfaite, et restera toujours dans la mémoire du peuple.
Il est dit dans le Cheu king : « Les anciens rois (Weun wang et Ou wang) ne seront pas oubliés. » Les princes venus après eux ont été sages (ont profité) de leur sagesse ’ont suivi leurs sages règlements), et ont aimé du même amour paternel (ont transmis comme eux le pouvoir impérial à leurs descendants). Le peuple a joui de la paix et des autres avantages que ces rois lui ont procurés. Aussi leur mémoire leur a-t-elle survécu.
Ce troisième chapitre du commentaire explique ces mots « se proposer pour terme la plus haute perfection ».
CH. IV. Confucius disait : « Juger les procès, je le pourrais tout comme un autre. Mais assurément, faire qu’il n’y eût plus de procès, ne serait ce pas le mieux ? » Débouter de leurs prétentions les plaideurs peu sincères, inspirer au peuple une grande horreur des chicanes, c’est connaître le principal devoir de l’homme, le devoir de se perfectionner lui-même, pour réformer les autres.
Ce quatrième chapitre du commentaire explique ce qu’on doit entendre par « la racine et les branches ».
CH. V C’est connaître le principal devoir de l’homme ; c’est la plus haute science.
Le chapitre cinquième du commentaire de Tseng tzeu était l’explication de ces deux expressions « scruter la nature des choses, perfectionner ses connaissances » ; à présent il n’existe plus. Dernièrement, pour y suppléer, moi Tchou Hi , je me suis permis de prendre et d’ajouter l’explication de Tch’ong tzeu ; la voici. En disant que l’homme, pour perfectionner ses connaissances, doit scruter la nature des choses, Confucius enseigne que, si nous voulons étendre nos connaissances le plus possible, il faut examiner les choses et chercher leur raison d’être. Il n’est personne dont l’intelligence ne puisse acquérir des connaissances, et il n’est rien sur la terre qui n’ait sa raison d’être. Mais celui qui n’a pas entièrement approfondi la raison des choses ne la connaît qu’imparfaitement. Aussi, la Grande Étude, dès le début, avertit l’étudiant d’examiner toutes les choses avec lesquelles il est en contact, de se servir de la connaissance qu’il en a déjà pour pénétrer davantage leur raison d’être, de continuer ses recherches jusqu’aux dernières limites. Quand il aura longtemps fait tout ce qui est en son pouvoir, et qu’un beau matin il aura tout compris parfaitement, l’extérieur et l’intérieur des choses, les points les plus subtils comme les plus apparents, tout lui sera connu. Les principes innés dans l’âme et leurs applications n'auront plus pour lui d’obscurité. Cela s’appelle « avoir pénétré la nature des choses » ; cela s’appelle « le plus haut point de la connaissance ».
CH. VI. Ce que Confucius appelle « rendre sa volonté parfaite », c’est ne pas se tromper soi-même ; comme avoir en aversion une odeur fétide, aimer une chose vraiment belle, c’est ne pas se tromper. Cela s’appelle trouver sa parfaite satisfaction en soi-même (dans la pratique de la vertu). Aussi le sage veille-t-il attentivement sur ce que lui seul connaît (ses pensées et ses actions les plus secrètes). Le disciple de la sagesse, après avoir scruté (la nature des choses) et perfectionné ses connaissances, a les lumières nécessaires pour faire le bien et éviter le mal. S’il ne sait pas déployer une véritable énergie, il se trompe lui-même.
Lorsqu’un homme vicieux se trouve seul, il commet le mal ; il n’est rien qu’il ne se permette. S’il aperçoit un homme sage, aussitôt il dissimule, cache sa méchanceté, et se montre vertueux.
Mais l’homme sage pénètre ses intentions, comme s’il voyait le fond de son cœur. Que sert alors cette dissimulation ? C’est ce que dit le proverbe : « L’intérieur se manifeste toujours à l’extérieur. » Aussi le sage a-t-il grand soin de veiller sur ses pensées et ses actions les plus secrètes.
Tseng tzeu dit : « Ce que tous les yeux voient, ce que tout le monde montre du doigt, n'exige-t-il pas toute notre attention ? » La richesse d’une famille se voit aux ornements de la maison. De même, la vertu d’un homme paraît dans toute sa personne ; la dilatation de son cœur rejaillit sur son corps. C’est pourquoi le disciple de la sagesse a soin de rendre sa volonté parfaite.
Ce sixième chapitre du commentaire explique ce qu’on doit entendre par ces mots « perfectionner sa volonté ».
CH. VIL Ces paroles, « l’homme se perfectionne en réglant les mouvements de son cœur », signifient que le cœur n’est pas réglé, mais agité et troublé par la passion, lorsqu’il est sous l’impression de la colère ou du ressentiment, de la crainte ou de la, terreur, ni lorsqu’il est dans les liens d’une affection ou d’un violent attachement, dans l’inquiétude ou l’affliction. Quand le cœur s’en va où sa passion l’entraîne, on écoute et on n’entend pas, on mange et on ne perçoit pas le goût de la nourriture. Tel est le sens de ces paroles, « l’homme se perfectionne en réglant les mouvements de son cœur ».
Ce septième chapitre explique ce qu’on doit entendre par ces mots « se perfectionner soi-même en réglant les mouvements de son cœur ».
CH. VIII. Ces paroles, « établir le bon ordre dans sa famille en se perfectionnant soi-même », signifient que l’homme est injuste et partial envers les objets de sa tendresse ou de son affection, de son mépris ou de son aversion, de sa vénération ou de son respect, de sa commisération ou de sa pitié, de son dédain ou de son dégoût. Aussi peu d’hommes connaissent les défauts de ceux qu’ils aiment, ou les bonnes qualités de ceux qu’ils ont en aversion. Le proverbe dit : « Personne ne connaît les défauts de son fils, ni la beauté de sa moisson (le laboureur trouve toujours que sa moisson n’est pas belle). » Tel est le sens de ces paroles : « nul ne peut mettre l’ordre dans sa famille, s’il ne s’applique à se perfectionner lui-même. »
Ce huitième chapitre du commentaire explique ces mots « établir l’ordre dans sa famille en se perfectionnant soi-même ».
CH. IX. « Pour bien gouverner un État, il faut d’abord établir le bon ordre dans sa propre famille », ces paroles de Confucius signifient qu’un prince incapable d’instruire les personnes de sa maison est incapable d’instruire les autres. Le sage, sans sortir de sa famille, répand l’instruction dans la contrée par son exemple. Car le citoyen doit obéir à son prince comme le fils à son père, et aux officiers, comme le frère puîné obéit à son frère aîné ; le prince doit commander à ses sujets avec la même bonté qu’un père à ses enfants.
Ou wang donne cet avis à K’ang chou : « Ayez la sollicitude d’une mère pour son fils nouveau né. » Une mère cherche sérieusement à deviner les désirs de son fils ; elle devine juste, ou peu s’en faut. Jamais femme, avant de se marier, n'ent besoin d’apprendre à élever des enfants. Une seule famille dont les membres s’entf'aident avec affection porte par son exemple toute la nation à exercer la bienfaisance. Une seule famille dont les membres sont polis et condescendants entre eux fait fleurir la politesse et la condescendance parmi tous les concitoyens. La vie licencieuse et la perversité d’un seul homme mettent l’insurrection et le désordre dans tout le peuple. Tant est grande l’influence de la vertu ou du vice ! L’adage dit : « Une seule parole gâte une affaire ; un seul homme affermit l’État. »
Iao et Chouenn ont conduit l’empire par la voie de la bienfaisance, et le peuple les a suivis. Kie et Tcheou ont conduit l’empire par la voie de la violence, et le peuple les a suivis. Si les ordres du prince sont en contradiction avec sa conduite, le peuple n'obéit pas. Un prince sage, avant d’exiger une chose des autres, la pratique d’abord lui-même ; avant de reprendre un défaut dans les autres, il a soin de l’éviter lui-même. Un homme qui ne sait pas mesurer et traiter les autres avec la même mesure que lui-même ne peut pas les instruire. C’est donc en réglant sa maison qu’un prince arrive à bien gouverner.
Il est dit dans le Cheu king : « Le pêcher est délicat et beau ; son feuillage est verdoyant. Ces jeunes filles, profitant de la saison, vont célébrer leurs noces chez leurs fiancés. Elles agiront convenablement envers les personnes de leurs nouvelles familles. » Le sage traite convenablement les personnes de sa maison ; il peut ensuite instruire ses concitoyens. On lit dans le Cheu king : « Vous agissez convenablement envers vos frères, soit plus âgés, soit moins âgés que vous. » Le sage agit convenablement envers tous ses frères ; il peut ensuite instruire ses concitoyens. Le Cheu king dit : « Sa conduite envers tous est irréprochable ; il régira tous les peuples de l’empire. » Le sage remplit d’une manière exemplaire ses devoirs de père, de fils, de frère plus âgé et de frère moins âgé ; et le peuple l’imite. Voilà le sens de ces paroles : « Un prince, pour bien gouverner ses États, doit établir le bon ordre dans sa maison. »
Ce neuvième chapitre du commentaire explique cette sentence « gouverner l’État en réglant sa famille »
CH. X. Voici le sens de ces paroles : « Un prince fait régner la paix dans tout l’empire en gouvernant bien sa principauté. » Si le prince honore ses parents, le peuple pratiquera la piété filiale. Si le prince respecte ses aînés, le peuple pratiquera le respect envers les aînés. Si le prince a compassion des orphelins, le peuple fera de même. Ainsi un prince sage a une règle pour juger. Ne faites pas à vos inférieurs ce qui vous déplaît de la part de vos supérieurs, ni à vos supérieurs ce qui vous déplaît de la part de vos inférieurs. Ne faites pas à ceux qui vous suivent ce qui vous déplaît de la part de ceux qui vous précèdent, ni à ceux qui vous précèdent ce qui vous déplaît de la part de ceux qui vous suivent. Ne faites pas à ceux qui sont à votre gauche ce qui vous déplaît de la part de ceux qui sont à votre droite, ni à ceux qui sont à votre droite ce qui vous déplaît de la part de ceux qui sont à votre gauche. C’est ce qui s’appelle une règle pour juger.
Dans le Cheu king il est dit : « Notre aimable prince est le père du peuple. » Étre le père du peuple, c’est aimer ce qui plaît au peuple, et avoir en aversion ce qui lui déplaît. Il est dit dans le Cheu king : « Cette montagne escarpée qui est au midi a des rochers très élevés. Ainsi vous, In, ministre d’État, vous occupez un poste éminent, et tout le peuple a les yeux levés vers vous. » Celui qui tient les rênes du gouvernement doit, en raison de sa dignité, être sur ses gardes. S’il commet une faute, chacun lui prodigue l’outrage.
Il est dit dans le Cheu king : « Avant que les In eussent perdu l’affection du peuple, ils étaient comme le Souverain Seigneur, (puisqu’ils partageaient avec lui le gouvernement des hommes). L’exemple des In doit servir comme de miroir. Le grand mandat du Ciel n’est pas facile à garder. » Cela veut dire qu’on obtient l’empire en obtenant l’affection du peuple, et qu’on perd l’empire en perdant l’affection du peuple.
Pour cette raison, le sage s’applique avant tout à pratiquer la vertu. Celui qui a la vertu a l’affection des hommes ; celui qui a l’affection des hommes possède la terre ; celui qui possède la terre a des richesses (qui lui viennent par le tribut) ; celui qui a des richesses a les ressources nécessaires. La vertu est comme la racine ; les richesses sont comme les branches (qui naissent de la racine). Exclure de ses pensées la vertu, et ne travailler qu’à s’enrichir, c’est disputer au peuple ses biens et autoriser la rapine par son exemple. Si le prince amasse des richesses, le peuple se disperse. Si le prince laisse les richesses partagées entre ses sujets, le peuple se groupe autour de lui. Une parole contraire à la justice rencontre dans le peuple une résistance injuste. Les richesses acquises par des moyens injustes s’écoulent par des voies injustes.
Dans le Chou king, Ou wang dit à son frère K’ang chou : « L’empereur ne reçoit pas le mandat du Ciel pour toujours. » Ces paroles signifient que, si le prince est vertueux, il obtient le mandat du Ciel ; s’il devient mauvais, il le perd. Il est dit dans les annales de la principauté de Tch’ou : « La nation de Tch’ou n'attache pas un grand prix à l’or ni aux pierreries ; elle n'estime que la probité. » Fan, oncle maternel de Wenn, prince de Tsin, dit : « L’exilé (c’est-à-dire Wenn, prince de Tsin, qui était alors en exil), estime la piété filiale, et non les richesses et les honneurs. »
Dans le Chou king, le prince de Ts’in dit à ses soldats : « S’il y avait un ministre d’État qui eût pour toutes qualités la simplicité, la probité, et dont le cœur fût exempt de passions ; qui pût en quelque sorte faire siennes les qualités de tous les autres ; qui, voyant des hommes de talent, se réjouît comme s’il avait lui-même leurs talents ; qui, voyant des hommes savants et vertueux, les aimât sincèrement ; qui ne se contentât pas de louer de bouche, mais considérât vraiment comme siennes les qualités des autres, et pût protéger mes descendants et tout le peuple, un tel homme serait très utile. Au contraire, si un ministre d’État, voyant des hommes de talent, leur porte envie et les a en aversion ; si, voyant des hommes savants et vertueux, il leur fait de l’opposition et empêche qu’on ne les connaisse ; s’il ne peut faire siennes les qualités des autres, ni par conséquent protéger mes descendants et mon peuple, il est même dangereux à l’État. » Un prince vertueux l’éloignerait, l’enverrait en exil, le reléguerait au milieu des étrangers qui entourent le pays. Il ne lui permettrait pas de partager avec les autres citoyens le séjour de la Chine. C’est ce qu’on exprime en disant que seul l’homme vertueux sait aimer et haïr comme il faut.
Connaître un homme probe et capable, et ne pas vouloir l’élever aux charges, ou le promouvoir tard, c’est négligence. (la lettre ming doit être remplacée par man, d’après Tcheng tzeu ou par tai, d’après Tch’eng tzeu). Connaître un homme vicieux et ne pas vouloir le chasser, ou le chasser à peu de distance, c’est une indulgence excessive.
Aimer ce que les autres n’aiment pas, ne pas aimer ce qu’ils aiment, c’est être en opposition avec la nature humaine. C’est attirer infailliblement des malheurs sur sa personne. Il existe pour les princes une excellente règle de conduite, (qui est d’aimer ce qu’aime le peuple, et d’avoir en aversion ce qu’il n’aime pas). Ils la gardent, quand ils sont bons et sincères ; ils la violent, quand ils sont orgueilleux et amis du faste. Pour procurer des ressources à l’État, il est un excellent moyen. Quand ceux qui les procurent sont nombreux, et ceux qui les consomment en petit nombre, quand ceux qui les obtiennent par leur travail agissent avec promptitude, et ceux qui les emploient avec lenteur, elles sont toujours plus que suffisantes.
Un prince bienfaisant augmente sa puissance par sa libéralité ; celui qui n’est pas bienfaisant augmente ses richesses au détriment de son crédit et de son autorité. Quand le prince aime à faire du bien, toujours ses sujets aiment à remplir leurs devoirs envers lui. Quand les sujets aiment à remplir leurs devoirs envers le prince, les affaires du prince sont toujours menées à bonne fin. Les richesses amassées dans les magasins et les trésors publics restent toujours au prince, (parce qu’elles ne sont pillées par personne). Meng Hien tzeu (sage préfet de la principauté de Lou) dit : « Celui qui entretient des attelages de quatre chevaux (un grand préfet nouvellement en charge), ne doit pas s’occuper de poules et de pourceaux, comme le font les hommes du bas peuple. Une famille (de ministre d’État, de grand préfet ou de prince) qui emploie la glace pour conserver les viandes, (lorsqu’elle célèbre des funérailles ou fait des offrandes), ne doit pas nourrir des bœufs et des brebis, comme font les bergers et les laboureurs. Une famille de ministre d’État, qui entretient pour la guerre cent attelages de quatre chevaux, ne doit pas nourrir des ministres qui lèvent des tributs exorbitants. Il vaudrait mieux qu’elle eût des ministres voleurs que des exacteurs. C’est ce que l’on exprime en disant : « La justice est beaucoup plus profitable à l’État que les revenus. »
Si celui qui administre les affaires publiques s’applique principalement à amasser des trésors, la faute en est à des ministres indignes. Il les croit hommes de bien. Quand des ministres méprisables ont le maniement des affaires publiques, il en résulte de grands malheurs et de grands dommages. Quand même il resterait des hommes vertueux, il leur serait impossible de remédier au mal. C’est ce qu’on exprime en disant : « La justice est beaucoup plus profitable à l’État que les revenus. »
Ce dixième chapitre du commentaire explique comment « un prince, en gouvernant bien sa principauté, procure la paix à tout l’empire ».
Le commentaire contient en tout dix chapitres. Dans les quatre premiers, l’auteur explique le sens et le but des principes généraux et, dans les six derniers, le travail que demandent les règles particulières. Dans le cinquième, il fait connaître la nécessité de discerner le bien et, dans le sixième, le fondement de la perfection. Ces deux chapitrer exigent des commençants une attention spéciale. Le lecteur ne doit pas les mépriser à cause de leur simplicité. (Tchou Hi )
Avertissement de Tchou Hi.
Mon maître Tch’eng tzeu dit : « On appelle milieu ce qui n'incline d’aucun côté, et constant ce qui ne change pas. Le milieu est la voie droite pour tous les êtres, et la constance est la loi invariable qui les régit. Ce traité contient les enseignements moraux donnés de vive voix par Confucius, et transmis par son école. Tzeu seu, craignant qu’avec le temps l’erreur ne s’y mêlât, les a consignés par écrit. Ils sont ainsi parvenus à Meng tzeu. Tzeu seu est le prénom de K’oung Ki, fils de Pe iu et petit-fils de Confucius. Il eut pour maître Tseng Tzeu . L’auteur, au commencement, parle d’un principe unique ; dans le corps de son livre, il le développe et traite de tous les êtres ; à la fin, il ramène tout à ce principe unique. Quand il le développe, il embrasse tout l’univers ; quand il se renferme dans des considérations générales, il se plonge dans les mystères les plus profonds. La saveur de sa doctrine est inépuisable ; dans tout le livre, cette doctrine est solide. Le lecteur intelligent la médite, cherche à la comprendre ; et, quand il y est parvenu, il la met en pratique toute sa vie ; elle est un trésor inépuisable.
1. La loi que le Ciel a mise dans le cœur de l’homme s’appelle la loi naturelle. L’observation de la loi naturelle s’appelle la voie (ou la règle de nos actions). Réparer la voie (ou remettre en lumière dans le cœur des hommes la règle des actions que les passions ont obscurcie) cela s’appelle enseigner. Il n’est jamais permis de s’écarter de la règle de nos actions, même un instant ; s’il était permis de s’en écarter, elle ne serait plus règle. Pour cette raison, le sage prend garde et fait attention, même quand il ne voit rien qui réclame sa vigilance ; il craint et tremble, même quand il n’entend rien qui doive l’effrayer. Pour lui, rien n’apparaît plus à découvert que les secrets replis de son cœur ; et rien n’est plus manifeste que les plus petits indices. Aussi veille t il avec soin sur ce que lui seul connaît (sur ses pensées et ses sentiments les plus intimes).
Quand il ne s’élève dans l’âme aucun sentiment de joie, de colère, de tristesse ou de plaisir, on dit qu’elle est en équilibre (parce qu'elle n'incline d'aucun côté). Quand ces sentiments naissent dans l’âme sans dépasser la juste mesure, on dit qu’ils sont en harmonie. L’équilibre est le point de départ de toutes les transformations et de tous les changements qui s’opèrent dans l’univers. L’harmonie est la loi générale de tout ce qui se fait dans l’univers. Quand l’équilibre et l’harmonie atteignent leur plus haut degré, chaque chose est à sa place dans le ciel et sur la terre ; tous les êtres se propagent et se développent heureusement.
Dans ce premier article, Tzeu seu exprime les idées qu’il a reçues (des disciples de Confucius) et qui feront la base de son livre. Il montre d’abord que la loi naturelle a son fondement dans le ciel et est immuable ; qu’elle est tout entière en chacun de nous, et qu’il n’est jamais permis de s’en écarter. Il enseigne ensuite la nécessité d’en conserver et d’en entretenir la connaissance, et de nous examiner nous même. Enfin il parle de cette influence méritoire et toute puissante de l’homme qui, doué de la plus haute sagesse, transforme tout l’univers. Il désire que le disciple de la sagesse cherche en lui-même et trouve par lui-même ces vérités, afin qu’il repousse les mauvaises impressions faites sur lui par les objets extérieurs, et rende parfaites ses vertus naturelles. Ce premier article est ce que Iang tzeu appelle la substance et le résumé de tout l’ouvrage. Dans les dix articles qui vont suivre, Tzeu seu cite les paroles du Maître, pour compléter la doctrine du premier article. (Tchou Hi).
2. Confucius dit : L’homme vertueux reste dans l’invariable milieu ; celui qui n’est pas vertueux s’en écarte. (Tchoung , qui n’est ni oblique ni incliné, et atteint la limite sans la dépasser, Ioung , ordinaire et constant). Pour ce qui concerne l’invariable milieu, l’homme vertueux ne s’en écarte jamais, parce qu’il est vertueux ; celui qui n’est pas vertueux n'évite et ne craint rien, parce qu’il est vicieux. »
3. Confucius dit : « Se tenir dans l’invariable milieu, oh ! c’est la plus haute perfection ! Peu d’hommes sont capables de la garder longtemps. »
4. Confucius dit : « La voie de la vertu n’est pas suivie ; je le sais. Les hommes intelligents et éclairés vont au delà, et les ignorants restent en deçà. La voie de la vertu n’est pas bien connue ; je le sais. Les sages veulent trop faire, et les hommes vicieux, pas assez. C’est ainsi que tout homme boit et mange, et peu savent juger des saveurs !. »
5. Confucius dit : « Hélas ! la voie de la vertu n’est pas suivie ! »
6. Confucius dit : « Que Chouenn était prudent ! Il aimait à interroger ; il aimait à peser toutes les propositions qu’il entendait, même les plus simples. Il taisait ce qu’elles avaient de faux, et publiait ce qu’elles avaient de bon. Dans les bons avis, il considérait les deux extrêmes et choisissait le milieu pour s’en servir à l’égard du peuple. Oh ! c’est par ce moyen qu’il est devenu le grand Chouenn ! »
7. Confucius dit : « Chacun se vante d’être habile en affaires. On court précipitamment ; et l’on tombe au milieu des filets, des pièges, et des fosses, à la manière des animaux sauvages ; personne ne sait échapper. De même, chacun dit : je connais parfaitement la voie de la vertu. On sait trouver l’invariable milieu ; mais on n’y peut persévérer l’espace d’un mois. »
8. Confucius dit : « Houei était homme à trouver et à tenir l’invariable milieu en toute occurrence. Dès qu’il avait connu une vertu, il la pratiquait avec énergie, la faisait pénétrer au fond de son cœur, et ne la laissait plus échapper. » Houei, nommé Ien Iuen, était disciple de Confucius .
9. Confucius dit : « Un homme peut être assez sage pour gouverner l’empire et des principautés, assez désintéressé pour refuser des dignités avec leurs revenus, assez courageux pour marcher sur des épées nues, et n’être pas capable de se tenir dans l’invariable milieu. »
10. Tzeu lou (ou Tchoung Iou, disciple de Confucius) ayant demandé à Confucius en quoi consiste la force d’âme, le Philosophe répondit : « Parlez vous de celle des habitants du midi ou des habitants du nord, ou bien de celle que vous, vous devez acquérir (vous, disciple de la sagesse) ? Enseigner avec indulgence et douceur, ne pas se venger des injustices, c’est la force d’âme des habitants du midi. Le sage la pratique constamment. Prendre son repos tout armé, donner sa vie sans regret, c’est la force d’âme des habitants du nord. Les braves (les soldats et les autres) la pratiquent. Le sage est accommodant ; mais il ne s’abandonne pas au courant (des passions humaines). Que sa fermeté est courageuse ! Il se tient dans le juste milieu, sans incliner d’aucun côté. Que sa fermeté est courageuse ! Si le gouvernement est bien réglé, (il accepte une charge, mais) dans la vie publique il est le même que dans la vie privée. Que sa fermeté est courageuse ! Si le gouvernement est mal réglé, il reste toujours le même jusqu’à la mort. Que sa fermeté est courageuse ! »
11. Confucius dit : « Scruter les secrets les plus impénétrables, faire des choses extraordinaires, pour être loué dans les siècles à venir, c’est ce que je ne veux pas. (la lettre son , d'après les annales de Han, doit être remplacée par souô ). Le sage marche dans la voie de la vertu. Rester à moitié chemin, c’est ce que je ne puis faire. Le sage s’attache à l’invariable milieu. Si, fuyant le monde, il demeure inconnu, il n'en éprouve aucun regret. Le sage est seul capable d’arriver à cette perfection. »
12. La règle des actions du sage est d’un usage très étendu (elle s'applique à tout), et cependant elle reste en partie cachée. Les personnes les plus ignorantes, hommes ou femmes, peuvent arriver à la connaître ; mais les plus grands sages eux mêmes ne la connaissent pas dans toute son étendue. Les personnes les moins courageuses, hommes ou femmes, peuvent entreprendre de la suivre ; mais les plus grands sages eux mêmes ne peuvent y conformer entièrement leur conduite. C’est ainsi que le ciel et la terre, malgré leur immensité, ne peuvent satisfaire pleinement les désirs des hommes, (qui se plaignent du froid, du chaud ...). Quand le sage expose les grands principes de la loi naturelle, rien dans l’univers ne peut les contenir. Quand il en explique les principes particuliers, il n'est rien de plus subtil sous le ciel.
Il est dit dans le Cheu king : « L’épervier dans son vol s’élève jusqu’au ciel ; le poisson bondit au fond des abîmes. » Cela signifie que la loi naturelle se manifeste dans les régions les plus basses comme dans les plus élevées. La règle des actions du sage se trouve, quant à ses premiers principes, dans le cœur des personnes les plus vulgaires. Ses limites extrêmes atteignent celles du ciel et de la terre.
Dans ce douzième article, c’est Tzeu seu qui parle. Il y explique cette proposition du premier article, qu’« il n’est pas permis de s’écarter de la voie de la vertu ». Dans les huit articles qui vont suivre, il cite différentes paroles de Confucius à l’appui de cette doctrine.
13. Confucius dit : « La règle des actions n’est pas loin de l’homme. Si quelqu’un faisait une règle qui fût loin de l’homme, elle ne pourrait être considérée comme règle. Il est dit dans le Cheu king : « Celui qui fait un manche de hache a un modèle tout près de lui (à savoir, le manche de la hache dont il se sert). Il prend un manche (une hache munie de son manche) pour faire un autre manche. (Bien que le modèle ne soit pas loin), l’ouvrier qui le considère en tournant les yeux obliquement juge qu’il est à distance du bois destiné à la confection d’un nouveau manche. (La règle de nos actions ou la loi naturelle est encore beaucoup plus près de nous ; elle est en nous) Le sage forme l’homme par l’homme (par le moyen de la loi naturelle qui est dans le cœur de l'homme) ; il se contente de le corriger de ses défauts. Il s’applique sérieusement à la pratique de la vertu, mesure les autres avec la même mesure que lui-même, et ne s’écarte guère de la voie de la perfection. Il évite de faire aux autres ce qu’il n’aime pas que les autres lui fassent à lui-même. « Le sage observe quatre lois principales ; moi, K’iou (Confucius), je n’ai pas encore pu en observer une seule. Je n’ai pas encore pu rendre à mon père les devoirs que j’exige de mon fils, ni à mon prince les devoirs que j’exigerais de mes sujets, ni à mon frère aîné les devoirs que j’exige de mon frère puîné ; je n’ai pas encore pu faire le premier à mon ami ce que j’exige de lui à mon égard. Celui-là n’est-il pas un sage vraiment parfait, qui, dans la pratique des vertus ordinaires et dans ses conversations de chaque jour, s’efforce d’éviter jusqu’aux moindres défauts, qui craint toujours de promettre plus qu’il ne peut tenir, et fait en sorte que ses paroles répondent à ses actions, et ses actions à ses paroles ?
14. Le sage règle sa conduite d’après la condition dans laquelle il se trouve ; il ne désire rien en dehors de sa condition. Dans les richesses et les honneurs, il agit comme il convient à un homme riche et honoré. Dans la pauvreté et l’abjection, il agit comme il convient à un homme pauvre et méprisé. Au milieu des barbares de l’occident ou du septentrion, il agit comme il convient au milieu de ces barbares. Dans le malheur et la souffrance, il agit comme il convient dans le malheur et la souffrance. Partout et toujours le sage a ce qui lui suffit (à savoir, la vertu).
Dans un rang élevé, il ne vexe pas ses inférieurs ; dans un rang inférieur, il ne recherche pas la faveur des grands. Il se rend lui-même parfait, et ne demande rien à personne ; aussi ne se plaint il jamais. Il ne se plaint pas du Ciel, il n’accuse pas les hommes. Le sage ne quitte pas le chemin uni ; il attend tranquillement les dispositions de la Providence. Celui qui riest pas vertueux court chercher fortune à travers les précipices. Confucius dit : « L’archer a un point de ressemblance avec le sage. Quand sa flèche n'atteint pas le milieu de la cible, il en cherche la cause en lui-même, (et n'accuse personne).
15. Le sage est comme le voyageur qui, pour aller loin, part du lieu le plus rapproché de lui ; comme un homme qui, voulant gravir une haute montagne, commence par le bas. Il est dit dans le Cheu king : « Votre femme et vos enfants s’accordent comme le luth et la lyre. Vos frères de tout âge vivent en bonne harmonie, et se réjouissent ensemble ; ils font régner le bon ordre dans votre famille, et comblent de joie votre femme et vos enfants. »
Confucius ajoute : « Que le père et la mère en éprouvent de contentement ! » Dans une famille, le père et la mère occupent le premier rang, ils vont au dessus et à distance des autres. La femme, les enfants, les frères de tout âge sont au second rang ; ils sont en bas, et tout près de nous. Commencer par mettre le bon accord entre la femme, les enfants et les frères, et par cette voie arriver à rendre heureux les parents, n’est ce pas aller loin en partant d’un lieu rapproché, gravir une haute montagne en partant du pied ?
16. Confucius dit : « Que l’action des esprits est puissante ! L’œil ne peut les voir, ni l’oreille les entendre. Ils sont en toutes choses, et ne peuvent en être séparés. Pour eux, dans tout l’univers, les hommes se purifient par l’abstinence, se revêtent d’habits magnifiques, et offrent des dons et des sacrifices. Ils sont partout en grand nombre ; ils se meuvent au dessus de nos têtes, à notre droite et à notre gauche. Il est dit dans le Cheu king : « L’arrivée des esprits ne peut être devinée ; beaucoup moins peut elle être comptée pour rien. Tant il est vrai que les esprits se manifestent sans se montrer aux regards, et que leur action ne peut être cachée ! »
17. Confucius dit : « Que la piété filiale de Chouenn fut remarquable ! Il fut doué de la plus haute sagesse, obtint la dignité impériale, posséda toutes les richesses comprises entre les quatre mers ; ses ancêtres ont agréé ses offrandes ; ses descendants ont perpétué sa race. (Chouenn a signalé sa piété filiale, parce que sa vertu et sa dignité ont fait honneur à ses parents, ses richesses les ont nourris, ses offrandes ont été agréables à ses ancêtres, et ses descendants ont perpétué leur race). Ainsi sa grande vertu appelait nécessairement la dignité, l’opulence, la renommée et la longévité dont il a joui. (Il vécut, dit-on, cent dix ans).
« Le Ciel, qui produit tous les êtres, donne l’accroissement à chacun d’eux d’après ses qualités particulières. Il donne ses soins à l’arbre qui est debout, et renverse celui qui est incliné. Il est dit dans le Cheu king : « Notre excellent et aimable prince brille par ses vertus. Il gouverne le peuple et dirige les ministres avec sagesse. Le Ciel le comble de biens ; il le conserve, il l’aide, il lui confie le pouvoir ; il lui renouvelle ses faveurs. Ainsi une vertu éminente obtient infailliblement l’empire. »
18. Confucius dit : « Wenn wang est le seul homme qui fut constamment heureux. Il eut pour père Wang ki et pour fils Ou wang. Il continua ce que son père avait commencé. Ou wang succéda à T’ai wang, à Wang ki et à Wenn wang. Il prit les armes une seule fois, (chassa le tyran Tcheou sin), et l’empire fut à lui. L’éclat de sa vertu brilla dans tout l’univers et ne s’obscurcit jamais. Il obtint la dignité impériale, posséda toutes les richesses comprises entre les quatre mers. Ses ancêtres agréèrent ses offrandes, et ses descendants perpétuèrent sa race.
« Ou wang parvint à l’empire dans sa vieillesse. Tcheou koung (son frère punié) acheva son œuvre et celle de son père. Remontant au passé, il donna le titre de roi à T’ai ki et à Wang ki (qui de leur vivant n’avaient pas été rois). Remontant plus haut, il fit des offrandes aux princes ses ancêtres suivant les rites réservés aux empereurs.
« Des usages semblables furent adoptés par les princes, les grands officiers, et même les lettrés et les hommes du peuple. Ainsi, quand le père était grand officier, et le fils simple lettré, le fils faisait à son père des obsèques comme les grands officiers, et des offrandes comme les lettrés. Quand le père était simple lettré, et le fils grand officier, le fils faisait à son père des obsèques comme les lettrés, et des offrandes comme les grands officiers. L’usage du deuil d’un an s’étendit jusqu’aux grands officiers. L’usage du deuil de trois ans s’étendit jusqu’à l’empereur. Le deuil d’un père ou d’une mère fut de même durée pour tous, sans distinction de rang ou de dignité. »
19. Confucius dit : « Quelle n'était pas l’étendue de la piété filiale de Ou wang et de Tcheou koung ! Ils savaient admirablement poursuivre les objets et continuer les œuvres de leurs pères. Au printemps et en automne, ils nettoyaient et préparaient la salle des ancêtres ; ils exposaient rangés en ordre les objets et les vêtements dont leurs pères s’étaient servis ; ils leur offraient les mets et les fruits de la saison.
« (Dans les cérémonies en l’honneur des ancêtres), les parents se plaçaient à droite et à gauche, dans un ordre correspondant à celui des tablettes des défunts ; les aides principaux étaient rangés par ordre de dignité, on distinguait ainsi les différentes classes de dignitaires ; les ministres étaient rangés par ordre d’offices, on distinguait ainsi les différents degrés de capacité et de vertu. Après les offrandes, quand on versait à boire à tous les assistants, les moins élevés servaient ceux qui étaient au dessus d’eux ; c’était un honneur accordé aux moins élevés. Au festin (qui suivait), la couleur des cheveux servait à ranger les assistants par ordre d’âge.
« Occuper les mêmes places que les ancêtres, accomplir les mêmes cérémonies, exécuter les mêmes chants, respecter ceux qu’ils avaient honorés (à savoir, leurs pères), aimer ceux qu’ils avaient aimés, leur rendre les mêmes devoirs après leur mort que pendant leur vie, après qu’ils avaient disparu que quand ils étaient présents ; c’était la perfection de la piété filiale. « Par les sacrifices kiao et che on rendait hommage au Souverain Seigneur (et à la Terre). Les cérémonies usitées dans la salle des ancêtres accompagnaient les offrandes faites aux parents défunts. Si quelqu’un connaissait parfaitement les cérémonies des sacrifices kiao et che et le sens des offrandes qui se faisaient en l’honneur des ancêtres, l’une tous les cinq ans, l’autre chaque automne, il lui serait aussi facile de bien gouverner un État que de regarder la paume de sa main.
20. Ngai (prince de Lou) interrogea Confucius sur l’administration. Le philosophe répondit : « Les principes d’administration suivis par Wenn wang et Ou wang sont exposés dans les livres. Si de tels hommes existaient encore, (ainsi que leurs ministres), leur administration serait en vigueur. Ils sont morts ; et elle a péri avec eux. La vertu des hommes d’État établit vite un bon gouvernement, comme la vertu de la terre fait croître rapidement les plantations. Les bonnes institutions se développent avec la même rapidité que les joncs et les roseaux. La perfection du gouvernement dépend des ministres. Un prince attire de bons ministres par les qualités de sa personne. Il rend sa personne aimable par la vertu. Il cultive la vertu en se montrant humain. L’humanité, c’est ce qui fait l’homme ; l’amour envers les parents est le principal devoir qu’elle porte à remplir. La justice consiste à traiter chacun comme il convient ; le principal devoir qu’elle impose est d’honorer les sages. Les degrés d’affection correspondant aux divers degrés de parenté, et les degrés de respect correspondant aux divers degrés de sagesse, sont déterminés par les lois des relations mutuelles.
« Un prince sage doit donc se perfectionner lui-même. Pour se perfectionner lui-même, il doit remplir ses devoirs envers ses parents. Pour remplir ses devoirs envers ses parents, il doit connaître les hommes, (afin de savoir le degré d’affection ou de respect dû à chacun). Pour connaître les hommes, il faut qu’il connaisse le Ciel, (auteur des lois qui règlent les relations sociales).
« Les lois communes à tous les hommes sont au nombre de cinq ; trois vertus aident à les observer. Ces cinq lois générales sont celles qui régissent les relations entre le prince et le sujet, entre le père et le fils, entre le mari et la femme, entre le frère aîné et le frère puîné, entre les compagnons ou les amis. Les trois vertus nécessaires à tous les hommes sont la prudence, l'humanité et la force. Pour n’être pas stériles, elles doivent avoir une qualité commune, (être vraies, sincères).
« Parmi les hommes, les uns possèdent en naissant la connaissance des cinq grandes lois morales ; les autres la reçoivent par l’enseignement d’autrui ; d’autres l’acquièrent au prix de recherches laborieuses. De quelque manière qu’elle soit obtenue, elle est toujours la même. Les uns observent les cinq lois générales sans la moindre peine ; les autres, sans grande difficulté ; d’autres, au prix de grands efforts. Le résultat final est le même pour tous. »
Confucius dit : « Celui qui aime à apprendre, aura bientôt la vertu de prudence. Celui qui fait des efforts, aura bientôt la vertu d’humanité. Celui qui sait rougir aura bientôt la vertu de force. Savoir ces trois choses (c'est-à-dire, apprendre avec ardeur, faire des efforts, rougir de ce qui est mal), c’est savoir le moyen de se perfectionner soi-même. Savoir le moyen de se perfectionner soi-même, c’est connaître l’art de gouverner les hommes. Connaître l’art de gouverner les hommes, c’est savoir gouverner tous les peuples de l’empire.
« Quiconque gouverne l’empire doit observer neuf lois ; à savoir, il doit se perfectionner lui-même, respecter les hommes sages, chérir ses proches, honorer les grands officiers, demeurer uni de sentiments avec les officiers inférieurs, aider paternellement ses moindres sujets, attirer toute sorte d’ouvriers, accueillir avec bonté les étrangers, aimer les princes feudataires.
« S’il se perfectionne lui-même, il offrira à ses sujets un modèle de vertu en sa personne. S’il respecte les hommes sages, il ne sera jamais dans l’incertitude. S’il aime ses proches, ses parents du côté paternel, soit d’une génération antérieure, soit d’une génération postérieure à la sienne, ne seront pas mécontents. S’il honore les grands officiers, il ne commettra pas d’erreur. S’il est uni de cœur avec la foule des officiers, ceux ci en retour lui prodigueront leurs services avec zèle. S’il traite tous ses sujets comme ses enfants, le peuple aimera à lui obéir. S’il attire des ouvriers de toute sorte, les denrées et les objets utiles ne manqueront pas. S’il accueille les étrangers avec bonté, ils viendront à lui de toutes les contrées. S’il aime les princes feudataires, il sera respecté dans tout l’empire.
« Un prince sage se purifie par l’abstinence, porte des vêtements magnifiques, ne se permet rien de mal ; et par là il relève sa personne. Il écarte les flatteurs, bannit la volupté, fait peu de cas des richesses, estime la vertu ; et par là il encourage les hommes sages. Il élève en dignité les princes de sa famille, augmente leurs revenus, partage leurs sentiments d’affection ou d’aversion ; par là il excite les parents à s’aimer entre eux. Il établit beaucoup d’officiers subalternes qui aident les grands officiers ; par ce moyen il encourage les grands officiers. Il témoigne une confiance sincère à tous les officiers inférieurs et augmente leurs appointements ; par là il les encourage.
« Il choisit les temps convenables pour employer le peuple aux travaux publics, et n’impose que des taxes légères ; par là il encourage le peuple. Il fait inspecter les travaux des ouvriers tous les jours, examiner l’habileté de chacun tous les mois, et distribuer des récompenses proportionnées au travail ; par là il encourage les ouvriers de tout genre. Il fait reconduire les étrangers qui s’en vont, envoie au devant de ceux qui viennent, donne des éloges à leurs talents, et n’exige pas d’eux plus qu’ils ne peuvent ; par là il témoigne sa bonté envers les étrangers. Il donne des héritiers adoptifs aux familles sans postérité, relève les principautés tombées, rétablit l’ordre dans celles qui sont troublées, soutient celles qui menacent ruine, reçoit à sa cour les princes feudataires ou leurs envoyés aux temps marqués, leur offre un festin magnifique à leur départ, ne reçoit d’eux qu’un faible tribut à leur arrivée ; par là il témoigne son affection aux princes ses vassaux. Celui qui gouverne tout l’empire a neuf règles ; pour les garder, une chose lui est nécessaire, (un vrai désir de bien faire).
« Une chose qui a été préparée d’avance réussit ; celle qui ne l’a pas été, ne réussit pas. Un ordre qui a été médité d’avance ne rencontre pas d’obstacle insurmontable dans l’exécution. Une affaire combinée d’avance n’est pas abandonnée faute de ressources. Une action déterminée d’avance n’est pas défectueuse par manque de conseil ou de réflexion. Une règle de conduite fixée d’avance mène sûrement au but.
« Le peuple ne peut espérer d’être bien gouverné par celui qui, étant dans un rang inférieur, n’a pas la confiance ni le mandat de son supérieur. Pour les obtenir, une chose est nécessaire. Celui qui n’a pas la confiance de ses amis n’obtient pas la confiance de son supérieur. Pour obtenir la confiance des amis, une chose est nécessaire. Celui qui ne satisfait pas ses parents n’a pas la confiance de ses amis. Pour satisfaire les parents, une chose est nécessaire. Celui qui, en s’examinant, reconnaît qu’il n’est pas vraiment vertueux, ne satisfait pas ses parents. Pour devenir vraiment vertueux, une chose est nécessaire. Celui qui ne comprend pas bien en quoi consiste la vraie vertu n'est pas vraiment vertueux.
« La vraie perfection est l’œuvre du Ciel ; la faire briller en soi-même est le travail et le devoir de l’homme. (Le Ciel donne à l'homme, avec l’existence, toutes les vertus. Parfaites en elles-mêmes, elles sont plus ou moins obscurcies en nous, selon que les éléments constitutifs du corps sont plus ou moins grossiers, et les passions plus ou moins violentes. Quelques hommes seulement les reçoivent et les conservent dans toute leur intégrité et leur pureté ; ce sont les cheng jenn sages par excellence. Les autres hommes ont le devoir de rendre à ces vertus leur éclat naturel en eux-mêmes. Voy. Ta Hio, page 2). Celui qui est naturellement parfait, (qui a reçu du Ciel et conservé toujours toutes les vertus dans leur intégrité), atteint le but sans effort, suit la voie droite sans y penser, se tient dans le juste milieu aisément et sans peine ; c’est le sage par excellence.