Les Zackers - Mariette Czt - E-Book

Les Zackers E-Book

Mariette CZT

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Beschreibung

Lucy Montagnit semblait avoir une vie normale d'adolescente. Mais en réalité, elle cachait au fond d'elle un terrible secret qu'elle n'avait jamais révélé, pas même à son petit ami, William. Mais un soir, son secret éclata au grand jour lorsqu'un homme l'attaqua, elle et un de ses amis. Elle se rendit alors compte qu'elle n'était pas la seule à être différente, et qu'elle avait un rôle à jouer dans ce nouveau monde qui lui tendait les bras. Cette nouvelle vie qui s'offrait à elle lui sera-t-elle plutôt bénéfique ou destructrice, pour elle et sa famille ?

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Veröffentlichungsjahr: 2021

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Sommaire

CHAPITRE 1 : Le retour aux sources. Lyon.

CHAPITRE 2 : Le regard. Université.

CHAPITRE 3 : Le secret. Université.

CHAPITRE 4 : La confusion. Chez William.

CHAPITRE 5 : La bataille. Le Vieux-Lyon.

CHAPITRE 6 : L’absence. Université.

CHAPITRE 7 : Le danger. Université.

CHAPITRE 8 : Le commencement. Lieu inconnu.

CHAPITRE 9 : Le doute. Interkan.

CHAPITRE 10 : Le choix. Université.

CHAPITRE 11 : L’entraînement. Interkan.

CHAPITRE 12 : Le test. Chez William.

CHAPITRE 13 : Les rencontres. Interkan.

CHAPITRE 14 : La démonstration. Interkan.

CHAPITRE 15 : L’illumination. Interkan.

CHAPITRE 16 : Le règlement. Interkan.

CHAPITRE 17 : La nouvelle. Chez ma famille.

CHAPITRE 18 : L’imprévu. Bellecour.

CHAPITRE 19 : La goutte de trop. Interkan.

CHAPITRE 20 : La nouveauté. Interkan.

CHAPITRE 21 : La dernière chance. Interkan.

CHAPITRE 22 : La régénérescence. Chez mes parents.

CHAPITRE 23 : Le châtiment. Lieu inconnu.

CHAPITRE 24 : Les sentiments. Chez William.

CHAPITRE 25 : La complicité. Lyon.

CHAPITRE 26 : La dispute. Chez William.

CHAPITRE 27 : L’erreur. Interkan.

CHAPITRE 28 : La révélation. Appartement de William.

CHAPITRE 29 : L’Interrogatoire. Interkan

CHAPITRE 30 : La colère. Interkan.

CHAPITRE 31 : La rupture. Interkan.

CHAPITRE 32 : Le traître. Interkan.

CHAPITRE 33 : Le témoignage. Interkan.

CHAPITRE 34 : Les indices. Montréal.

CHAPITRE 35 : Le coup de téléphone. Interkan.

CHAPITRE 36 : La filature. Entrepôt au nord de Lyon.

CHAPITRE 37 : Le sauvetage. Entrepôt.

CHAPITRE 38 : La blessure. Entrepôt.

CHAPITRE 39 : La fuite. Forêt au nord de Lyon.

CHAPITRE 40 : Le nouveau départ. Interkan.

CHAPITRE 1 : Le retour aux sources. Lyon.

Le doux son des oiseaux vint me sortir de mon sommeil. Après une agréable sieste au Parc de la Tête d’Or, le retour au bruit nuisible de la ville était assez brutal. Mais bon, je devais bien retourner chez moi, enfin, dans ma famille. Cela faisait dix-neuf ans que je vivais en bord de Saône, avec mes parents et ma petite sœur. Mais depuis peu, mes passages au foyer familial se faisaient de plus en plus rares. Les immeubles colorés des quais donnaient vie au balcon fleuri entretenu par ma mère. Je montais les paliers et pouvais déjà entendre la musique de metal de ma petite sœur jusque dans le couloir étroit de l’immeuble. J’ouvris à peine la porte et ma mère m’accueillit à bras ouverts.

— Lucy ! Quelle surprise ! s’exclama-t-elle en me serrant dans ses bras. Tu n’es pas avec William aujourd’hui ?

— Non, je le vois toute la semaine, je peux bien me séparer de lui de temps en temps. Et puis, je n’avais pas cours cet après-midi, alors j’en profite pour venir vous voir.

Après ces retrouvailles je me dirigeai vers ma chambre pour poser mes affaires et retrouver mon univers de lycéenne que j’avais laissé derrière moi pour prendre mon indépendance. Judith, discrète comme un éléphant, fit irruption dans ma chambre.

— Salut grande sœur ! Ça fait un moment que tu n’es pas venue.

— Et je vois que tu en profites pour piquer mes vêtements.

Je scrutai mon t-shirt noir des Rolling stones qu’elle avait sur le dos.

— Désolée, j’ai craqué, il est trop beau.

— Je sais, c’est pour ça que je l’ai acheté, lui rappelai-je en rigolant.

Judith avait cinq ans de moins que moi et, malgré cet écart d’âge, nous étions très proches depuis l’enfance. Nous partagions tout ensemble, que ce soit nos vêtements, nos goûts musicaux ou culinaires. Nous étions inséparables, même si parfois le rôle de grande sœur s’imposait avec elle.

La fin de journée arriva et l’odeur du dîner se diffusa dans tout l’appartement.

— Judith, Lucy, venez à table, on mange ! cria mon père depuis le salon.

Appelées par la faim, nous courûmes toutes les deux dans la cuisine pour apprécier les bons petits plats de mon père. Étant étudiante au milieu d’une ville bourrée de pizzerias, kebabs, et lieux de malbouffe en tous genres, les légumes se faisaient rares dans mon alimentation. Alors je dévorai avec plaisir les haricots vapeur dans mon assiette. Une odeur familière s’en dégageait, celle d’un foyer.

Mes parents me noyèrent de questions durant le repas, tellement contents de ma présence.

— Alors, comment se passent tes études ? me demanda ma mère.

— Très bien, j’ai beaucoup de partiels en ce moment, mais je ne m’en sors pas mal.

— Il y a des beaux mecs à l’université ? demanda ma sœur.

— Judith ! s’exclama mon père, qui n’arrivait pas à se faire à l’idée que sa petite dernière grandissait et pouvait s’intéresser aux garçons.

Pour nourrir sa frustration, je lui répondis :

— Oh oui, plein ! Et pourtant je ne m’amuse pas à mater.

— La sage petite copine qui ne regarde pas les autres mecs. Sérieux, t’es pas lassée après tout ce temps avec le même mec ? me demanda-t-elle.

Je souris et finis mon assiette. La soirée était agréable, en famille, devant la télévision, jusqu’au départ précoce de ma mère qui alla se coucher. Je regardai mon père.

— Maman est toujours fatiguée ?

— Oui… Tenir une journée entière sans se reposer un minimum devient de plus en plus dur pour elle.

Maman était atteinte d’un cancer découvert cinq ans auparavant. Depuis l’annonce du diagnostic, son état se dégradait, mon père s’acharnait au travail pour gagner plus d’argent et équilibrer les finances avec la perte du travail de ma mère. Elle avait pu bénéficier d’un traitement par chimiothérapie qui la guérissait, enfin à ce qu’il paraissait. Mais selon moi, elle semblait encore plus fatiguée et maigre qu’avant. Pas un jour ne passait sans qu’elle n’ait besoin de se reposer durant plusieurs heures.

Dès le début de cette épreuve, ma famille s’était aussitôt soudée. Même si Judith n’était plus une enfant, je me devais, en tant que grande sœur, de la préserver au maximum de la souffrance de notre mère. Étant assise à côté de moi, je la pris dans mes bras, et la berçai tel un nourrisson. Judith voyait notre mère dans cet état au quotidien, et il m’était insupportable de ne rien pouvoir faire pour l’aider.

Au cours de la soirée, nous nous retrouvâmes toutes les deux dans ma chambre pour discuter. Comme au bon vieux temps. Nous étions accroupies sur mon lit, elle s’amusait à regarder les vêtements de ma penderie qui lui iraient bien.

— Ça se passe bien pour toi, le collège ?

— Ouais. J’en ai un peu marre, mais si je veux faire de grandes études comme toi, il faut que je m’accroche.

Elle s’interrompit un instant, puis poursuivit :

— J’avais pensé faire du baby-sitting pour me faire un peu d’argent de poche.

— Judith, rétorquai-je avec une grosse voix. Je sais très bien que tu veux faire ça pour aider Papa. Tu n’as pas à te mêler de ça à ton âge. Je travaille déjà à côté pour aider la famille, ne te rajoute pas cette contrainte. Tu dois te concentrer pour rentrer au lycée l’année prochaine, alors ne commence pas à faire n’importe quoi.

Judith était toute penaude, ses yeux gris fuyaient dans tous les coins de la pièce.

— M’engueule pas, t’es de moins en moins à la maison, je vois très bien que Papa a du mal à joindre les deux bouts.

Je pris ses mains dans les miennes.

— C’est vrai, je suis de moins en moins présente, mais c’est normal. À un certain âge on commence à quitter la maison, toi aussi un jour tu partiras. Et puis je reviens plusieurs soirs dans la semaine et presque tous les week-ends. Je suis toujours là quand il y a besoin, tu le sais.

— Oui… C’est juste que tu me manques, Lucy. Et à Maman aussi.

Je serrai ma gringalette de sœur dans mes bras. Elle avait besoin que je la soutienne, je me devais d’être là pour elle. Ses cheveux noirs me chatouillaient les narines et notre câlin se transforma en bataille de chatouilles pour détendre l’atmosphère. Judith était contente quand je rentrais. D’après elle, Maman se sentait toujours mieux quand j’étais à la maison. En même temps, revoir sa fille donne toujours du baume au cœur.

Avant d’aller me coucher, j’envoyai un SMS à mon petit ami, William. Je le prévins que ce soir je ne dormirais pas chez lui, ce qui devait l’arranger vu qu’il devait réviser ses cours de psycho. Il avait un appartement en ville, où je vivais de temps en temps. Oui, on pouvait dire que je squattais, à notre grand plaisir. Notre petite vie de couple commençait à peine.

CHAPITRE 2 : Le regard. Université.

J’écoutais la musique de mon Ipod dans les transports en commun, prête à recommencer une journée d’étudiante ennuyeuse et éprouvante. Le retour dans ma famille hier soir n’était pas que bénéfique. Évidemment, j’étais très heureuse de revoir mes parents et ma sœur pleine de vie. Mais la vision de ma mère, amaigrie par la maladie, et mon père, épuisé, rentrant à peine du travail, me brisait le cœur. Je savais que leurs sourires se voulaient rassurants, mais la situation était encore plus difficile pour moi. Malgré le travail acharné de mon père dans son usine, les problèmes d’argent commençaient à arriver. Il était hors de question que je foire mon année et le reste de mes études, c’était ma seule chance d’assurer un avenir à peu près stable à ma famille.

Soudain, une main frôla mon épaule et un poids entier s’ajouta dessus. Je me retournai.

— Toujours dans tes pensées ? s’écria la jeune fille avachie sur moi.

— Salut Charline.

J’enlevai les écouteurs de mes oreilles et les problèmes de mon esprit pour sourire à mon amie d’enfance. Charline était grande, les cheveux courts et bouclés, toujours habillée un peu kitsch. Nous étions très proches depuis le jardin d’enfant. Il était donc évident, pour nous deux, de nous suivre jusqu’à l’université, sans négociation possible. Depuis à peine deux mois, nous partagions les bancs de la fac.

C’était notre première année, et même en connaissant déjà les lieux, la taille des bâtiments et la superficie du campus nous impressionnaient toujours autant. De grandes allées conduisaient aux bâtiments principaux du campus. Les étudiants prenaient souvent leur voiture ou leur vélo pour se déplacer plus rapidement, tellement l’université était immense. Cette ambiance nous donnait la sensation d’être enfin dans la cour des grands.

Posées dans le mini-parc du campus, Charline et moi bavardâmes avec d’autres amies de la fac, juste avant de reprendre les cours. Je rentrai dans l’amphithéâtre, c’était une pièce immense, très lumineuse mais dont le mobilier avait vécu la guerre par les étudiants. Entre les dessins gravés à même le bois des tables, ou encore les célèbres chewing-gums collés sous les chaises, nous étions vraiment dans le cliché des salles de classe universitaires. Je descendis les marches jusqu’à me trouver au milieu de la populace, prête à affronter un prof d’éco barbant durant deux heures. Mais avant que celui-ci n’arrive, une sensation me bloqua sur ma chaise, comme si un poids pesait sur mes épaules. En regardant autour de moi, je remarquai un jeune homme qui me fixait au loin. Même si je ne pouvais pas connaître toutes les personnes de ma promo, ce garçon ne me disait vraiment rien, comme s’il sortait de nulle part. Pourtant, il n’était pas du genre à passer inaperçu.

Il était grand, des cheveux noir corbeau, mi-longs, en bataille, qui dévoilaient son visage illuminé par des yeux verts, son petit nez en trompette et ses lèvres fines. Malgré ce visage magnifique, son regard me perturba tellement que je dus détourner les yeux, trouver n’importe quel détail intéressant sur mon bloc-notes pour y accorder assez d’importance. Le bruit s’intensifia dans l’amphithéâtre, puis retomba aussitôt lorsque le professeur arriva.

À la fin de la journée, Charline et moi sortîmes du campus pour rentrer dans nos appartements respectifs. En prenant le tram, elle me dit :

— C’est un nouveau, le gars qui t’a matée toute la journée ?

Surprise de sa remarque, je m’étouffai avec ma salive et rougis à ne plus savoir où me mettre.

— Il ne m’a pas matée, tu exagères.

— Non, du tout. C’est même pour ça que je n’ai rien vu, je t’en parle juste comme ça, ironisa-t-elle. Tu le connais ?

— Si je le connaissais, je serais allée lui parler.

— Pas faux.

Charline n’avait pas tort, j’avais bien remarqué que ce garçon m’avait fixée toute la journée, et même si cela me gênait, je ne pouvais rien faire contre. Après tout, peut-être que je lui rappelais quelqu’un, me dis-je pour me rassurer.

Arrivée à l’appartement, William me prit dans ses bras et m’embrassa tendrement sur le canapé. Cela m’aida à évacuer la pression de la journée. Il était grand, avait de larges épaules, des cheveux blond foncé et légèrement ondulés, son regard bleu gris me transperça de tout mon être.

— Bien ta journée ?

— Rien de bien particulier.

Je décidai de ne pas lui parler de ce garçon et racontai n’importe quoi d’autre pour détourner l’attention.

— Tu vas aller voir tes parents le week-end prochain ? lui demandai-je.

— Oui, ils ont besoin de moi à la maison. Et ils sont bien contents que leur fils unique vienne les voir.

— Oui je sais, je leur ai arraché leur tendre petit garçon, dis-je en roulant des yeux.

— Je suis ton prisonnier, dit-il en rigolant.

Il enroula son bras autour de mon épaule. Son parfum envahit mon esprit au point de m’hypnotiser.

— Tu sais, ils aimeraient bien faire ta connaissance. Ils voient que notre relation dure et qu’elle s’est même concrétisée depuis ton emménagement.

— Oui enfin, je ne fais que squatter ici.

— Oui mais pour moi, c’est une étape.

Il me sourit d’un air soucieux. Il prenait toujours cet air-là avec moi, à croire que je pouvais me faire mal à tout instant et qu’il devait tout faire pour me protéger. Mais ce qu’il ignorait, c’est qu’il n’avait pas besoin de s’inquiéter pour moi sur quoi que ce soit. Pas même d’une quelconque blessure…

CHAPITRE 3 : Le secret. Université.

Plusieurs jours qu’il me fixait, et jamais le beau brun aux yeux verts ne m’adressait la parole. Cela commençait sérieusement à m’énerver, ou bien à me faire peur. Charline me rejoignit.

— Tu es au courant que le mec chelou mange à cinq mètres de nous. Si ça continue, je vais finir par ne plus traîner avec toi, Lulu, il me fait flipper !

— Non, ne me laisse pas tomber, s’il te plaît.

— Pourquoi tu ne vas pas le voir ?

— Parce qu’à chaque fois que je veux lui parler, il disparaît mystérieusement. Je peux me mettre à le chercher pendant des heures, il reste introuvable. À croire qu’il sent quand je le suis.

— J’te jure, ces mecs !

— Lucy ? Lucy Montagnit ? demanda une voix grave qui s’éleva dans mon dos.

Je n’avais pas besoin de me retourner pour deviner que c’était lui. Je pris une grande inspiration et lui fis face, littéralement ! Son visage était si proche du mien que je pouvais sentir son souffle. Et son regard, habituellement assassin, semblait cette fois-ci inquisiteur, voire déstabilisant.

— Oui, mais comment tu connais mon nom ?

Question idiote !

— On est dans la même classe. Par contre j’aimerais bien récupérer ma veste.

Sur le dossier de ma chaise se trouvait une veste noire bien trop grande pour appartenir à Charline ou à moi, qu’il récupéra sans perdre de temps. Ce premier échange avec le mec chelou était assez troublant mais je ne perdis pas pied et me levai d’un bond.

— Excuse-moi, je ne sais pas si tu as un problème, mais je sais que tu m’observes depuis un moment et pas de la manière la plus agréable. Alors j’aimerais bien savoir ce que je t’ai fait ?

Le jeune homme se retourna face à moi de manière désinvolte et me sourit. Waouh, ça fait bizarre de voir un vrai sourire sur son visage. Il s’approcha à nouveau très près de moi. Mon espace vital à nouveau envahi, je me redressai fièrement, faisant mine de ne pas être déstabilisée. Bon sang, mais recule ! Sinon, on sera deux à jouer à ce jeu-là.

— Tu préfères que je te regarde de quelle manière ? me demanda-t-il en souriant.

— Comme maintenant, par exemple.

— Ok.

— … Ben merci.

Si je m’attendais à autant de douceur…

Il se retourna de nouveau :

— Au fait, je m’appelle Matthew.

Il s’éloigna enfin. Je repris doucement mes esprits et relâchai mes épaules. Maintenant que Matthew savait pour son regard, j’allais devoir également lui apprendre à respecter un minimum mon espace vital. Charline était stupéfaite.

— Tu m’expliques ce qui vient de se passer ?

— Je n’en sais pas plus que toi…

Elle rigola.

— Pas si flippant que ça, le mec chelou, alias Matthew. Bon sinon, de quoi on parlait ?

— Comme d’hab avec toi.

— Ah oui ! Shopping ! Après les cours, on va à Part Dieu, je dois m’acheter un bouquin que j’ai vu sur Internet, il me le faut absolument !

J’acquiesçai d’un mouvement de tête, un peu de détente avec Charline ne pouvait me faire que du bien. J’étais allée voir ma mère à l’hôpital la veille, qui avait dû y retourner pour une durée indéterminée. Mauvaise réaction à la chimio… Sa maladie empirait et s’étendait un peu partout dans son corps. La voir maigrir et s’affaiblir à ne même plus pouvoir tenir sur ses jambes me brisait le cœur. Avec le temps j’aurais dû avoir pris l’habitude, mais rien n’y faisait. Les sanglots ne s’estompaient pas après cinq ans d’allers-retours à l’hôpital. En tant qu’enfant, ma place devrait être auprès d’elle, mais je commençais à ne plus avoir la force d’affronter son combat.

Voyant mon air morose, Charline me proposa de manger un morceau. Je n’étais pas une grande gourmande mais la faim commençait à pointer le bout de son nez. Nous nous dirigeâmes vers une pizzeria.

— Alors, comment ça va avec William ? me demanda-t-elle.

— Très bien, on va passer le week-end ensemble, même si je vis chez lui on ne se voit pas beaucoup, alors on en profite.

— Tu vis chez lui ? Fais gaffe, ça fait pas longtemps que vous êtes ensemble, tu devrais pas t’engager aussi vite.

— Huit mois c’est déjà pas mal. Et tu sais, je ne fais que squatter, je rentre de temps en temps chez mes parents.

Elle soupira.

— Fais comme tu veux.

Je me concentrai sur ma pizza pour ne plus avoir à supporter son regard pesant. Je savais qu’elle avait raison et qu’on allait trop vite avec William. Mais c’était comme si le destin nous avait guidés pour aller dans cette direction. Nous nous étions rencontrés au lycée, nous avions flirté ensemble, et finalement cela s’était fait petit à petit. Il s’était installé rapidement après notre rencontre. Je passais le voir de temps en temps, je laissais quelques-unes de mes affaires chez lui, et au final nous vivions presque ensemble. Il n’y avait rien d’officiel. De toute façon, mes parents ne seraient pas d’accord avec ça. Ils n’acceptaient déjà pas que je passe tout mon temps chez lui et ils trouvaient eux aussi que l’on allait trop vite. Bizarrement ça me paraissait normal. Je ne voyais pas ma vie sans lui, de toute façon.

— Allô ! La Terre appelle la Lune !

Je sortis de mes nuages et lui rétorquai.

— Oui pardon, tu as raison, je devrais retourner plus souvent chez mes parents.

— Je suis heureuse de te l’entendre dire. Si ça va trop vite entre Will et toi, j’ai peur que ça dérape et je ne veux vraiment pas que ça t’arrive.

— C’est gentil de te soucier de moi.

Je posai mes couverts lorsque mon couteau glissa et m’entailla la main. Je mis vite une serviette sur ma blessure avant que Charline ne la voie.

— Oh mince, tu t’es coupée.

— Non ce n’est rien je t’assure, il est juste tombé sur ma main mais ça ne m’a pas coupé.

— Tu rigoles ou quoi ? J’ai vu du sang.

Je lui montrai ma main en guise de preuve, et force est de constater que ma paume était intacte.

— Tu vois, je t’avais dit qu’il n’y avait rien.

Je lui souris tout en cachant le plus discrètement possible ma serviette blanche tachée de sang.

Arrivée à la maison, j’inspectai ma main qui avait failli révéler mon petit secret à mon amie. J’effleurai ma peau à peine sensible de la fine cicatrice qui s’était formée en quelques secondes au restaurant. Le couteau m’avait bien entaillé la main. J’avais bien eu une blessure, légère mais présente, refermée aussi vite qu’apparue.

Petite, je me cognais souvent et m’amusais comme une enfant de mon âge, sans qu’aucune cicatrice ni blessure ne reste plus de quelques secondes sur ma peau. Je ne savais pas comment ni pourquoi j’arrivais à guérir aussi vite, mais j’avais compris rapidement que ce n’était pas normal. Il n’était question ici ni d’hérédité ni de génétique, car j’avais déjà vu ma sœur et mon père se blesser et voir leurs plaies ne guérir qu’au bout de plusieurs jours, voire de plusieurs semaines. Quant à ma mère, eh bien elle n’aurait pas cette horrible maladie si elle avait ce même don…

Car oui, je n’étais jamais tombée malade. Pas même un rhume. Je ne savais pas ce que c’était d’avoir le nez qui coulait en plein hiver ou de me tordre la cheville au sport ! Je n’avais jamais vu la couleur de mon sang plus de quelques secondes. Je ne connaissais pas la douleur ni la contrainte de me faire des pansements après une coupure ou une brûlure. J’avais toujours considéré ça comme une chance, même s’il était plus facile de cacher des blessures qu’une absence totale de maladie durant toute une vie. Surtout aux membres de ma famille. Personne ne savait pour mon don, pas même ma sœur. Je voulais garder ce petit secret pour moi. J’étais peut-être parano, ou bien j’avais regardé trop de films SF, mais je m’étais toujours imaginé que si un jour quelqu’un savait, des scientifiques loufoques viendraient me kidnapper et me feraient des tests pour m’utiliser comme rat de laboratoire ! Je m’étais toujours demandé si d’autres personnes étaient comme moi, aussi perdues, aussi différentes. J’aurais tellement aimé avoir des réponses à mes questions, et surtout savoir si cela était lié à un autre évènement qui m’était arrivé.

À l’âge de douze ans, à la sortie de l’école, je m’étais fait racketter. Une bande de gamins m’avait encerclée et avait commencé à me pousser dans tous les sens, à me tirer les cheveux. C’était une sale fin de journée. Personne ne venait m’aider. J’étais seule et effrayée, alors j’avais laissé ma colère s’exprimer et soudain j’avais senti une puissance émaner de tout mon corps. Et l’instant d’après, chaque garçon que je fixais se mettait à être malade. Certains se tenaient la tête, hurlant de douleur. D’autres devenaient tout blancs et s’éloignaient pour aller vomir dans les buissons. Je ne comprenais pas ce qui se passait, mais qu’importe, j’étais contente de les voir dans cet état, en échange de leur méchanceté. Je ne compris jamais pourquoi ils se sentirent mal tous d’un seul coup.

À l’époque, je me disais qu’ils avaient mal digéré quelque chose à la cantine. Mais lorsque ce phénomène se répéta à chaque fois que quelqu’un m’énervait ou bien me faisait peur à m’en faire perdre la raison, ce dernier regrettait amèrement et se retrouvait couvert de boutons, de plaques, ou atteint d’un mal de tête horrible à lui écraser la cervelle. Je ne savais pas comment j’arrivais à faire cela mais, assez vite, j’appris à contrôler mes émotions avant de provoquer un accident.

Je reçus un SMS de Will :

« Tu passes à l’appart ce soir ?

Oui, je passe juste un peu de temps avec ma famille avant. À ce soir ! »

CHAPITRE 4 : La confusion. Chez William.

Calés dans le lit, Will et moi regardions une série sur Netflix. Soudain, mon portable vibra, je laissai Will le regarder. Il fronça les sourcils.

— C’est qui Matthew ?

Mon sang ne fit qu’un tour.

Comment est-ce possible qu’il m’ait envoyé un message ?

— C’est un nouveau à l’école, il est arrivé il y a peu de temps. Je me demande comment il a eu mon numéro.

— Oui je me le demande aussi.

— Quoi, tu es jaloux ?

— Non. Pourquoi, je devrais ?

— Pas du tout !

Après ça, un grand blanc s’installa. Les yeux rivés sur l’écran, tout comme lui, je ne savais plus quoi dire. C’est vrai, il n’avait pas de quoi s’inquiéter mais la fierté masculine dépassait toute logique.

— Tu me diras s’il faudra que je commence à m’inquiéter demain quand son regard sur toi aura changé ! me lança-t-il.

Je tournai vite la tête vers lui, estomaquée par ce qu’il venait de me dire. Je lui pris mon téléphone des mains et lus le message :

« J’ai travaillé mon regard ce week-end pour qu’il te convienne mieux, j’espère que mon travail portera ses fruits. Matthew »

Je rougissais tellement que je ne savais plus où me mettre. Bon sang mais qu’est-ce qui lui prend de m’envoyer un message pareil ? Je me tournai vers William.

— Écoute, c’est pas du tout ce que tu crois. Je connais à peine ce garçon. Et le coup du regard c’est parce que pendant plusieurs jours il avait tendance à me fixer assez froidement. Alors je lui ai dit d’arrêter, mais il a dû prendre ça trop au sérieux et m’a envoyé ce message.

— Et pourquoi tu ne m’en as jamais parlé ?

— Je n’en voyais pas l’utilité.

— Je croyais qu’on se disait tout. Il faut croire que je me suis planté, me dit-il d’un ton cinglant.

Je fus tellement surprise que je ne savais pas si je devais m’excuser ou me défendre. Alors je décidai de ne rien dire et de continuer à visionner notre série. William ne s’y opposa pas, ne cherchant pas non plus le conflit. Mais il exprima sa frustration en refusant de me tenir la main ou de me dire bonne nuit au moment du coucher.

Demain, je vais assassiner Matthew !

Mon réveil sonna. Ma première pensée en me levant fut : voir Matthew à la fac et lui demander des comptes.

En arrivant, je tombai sur Charline.

— Oh toi, tu as mal dormi !

— Je ne te le fais pas dire ! Regarde ce que Matthew m’a envoyé comme message hier !

Je lui montrai le SMS et lui expliquai ce qui s’était passé.

— Pourtant, il n’y avait aucun sous-entendu dans tes paroles. Dommage, parce qu’il est vraiment craquant.

— Charly', je suis en couple. Enfin pour le moment, parce qu’à cause de ces conneries…

— Eh bien si tu veux régler tes comptes, c’est maintenant.

Elle pointa son doigt en indiquant quelque chose derrière moi, ou plutôt quelqu’un : Matthew !

Je me dirigeai vers lui, déterminée à lui dire ce que je pensais, tandis qu’il arrivait, un grand sourire accroché aux lèvres.

— Lucy ! Comment ça va ?

— Comment t’as eu mon numéro ?

Et surtout, d’où tu m’envoies un message ? Tu me connais à peine.

— Facile, ils sont tous affichés sur les feuilles d’assoc’ dans les couloirs, j’ai vu ton nom et ton numéro sur l’une d’elles, alors je me suis servi.

— Mon petit ami a vu ton message, il croit que tu me dragues !

— Oups désolé, c’était juste pour rire. Et je ne savais pas que tu avais un mec !

Son pardon n’était absolument pas sincère, même s’il se sentait un peu idiot. Mystérieusement, son air benêt fit diminuer ma colère.

— Au fait, mon regard te convient mieux ?

— … Ce n’est pas la question, mon copain est énervé contre moi maintenant !

— T’inquiète, ça lui passera. Promis, je ne t’enverrai plus de message bizarre.

— Ok, merci.

Pour je ne savais quelle raison, je ne lui en voulais même plus. Bon sang, j’étais pourtant si remontée contre lui tout à l’heure. Il fallait croire qu’il avait correctement bossé son regard. D’ailleurs, il n’était plus du tout froid, mais possédait toujours ces petits cernes de fatigue. Il se dirigea vers Charline. Oh non, il ne va pas squatter avec nous quand même !

— Salut. Charline, c’est ça ?

— Oui, et toi Matthew. Ça fait longtemps que tu es dans cette université ?

— Je suis arrivé il y a peu.

— Ça te dit de manger avec nous ?

Quoi ? Oh non, Charline se met à draguer Matthew, on aura tout vu. Je lui lançai un regard qui signifiait : « Tu ne me soutiens pas du tout là Charly' ! Pourquoi tu fais ça ? ». Mais elle avait plutôt l’air de penser : « Il est trop canon, j’vais pas me priver » et me fit un clin d’œil. Alors pour se le mettre dans la poche, ma traîtresse d’amie invita Matthew à passer la journée ensemble, puis tous les jours qui suivirent. Avec du recul, il paraissait moins fou que ce que je pensais, il avait même l’air tout à fait normal. Originaire de Paris, il s’était installé à Lyon pour entrer dans notre université qui lui plaisait beaucoup. Il n’avait plus qu’à prendre ses bagages et venir s’installer.

— Ça n’a pas été trop dur de quitter ta famille ? lui demanda Charline.

— Oh tu sais, de façon générale la vie est bien moins chère ici qu’à la capitale. Alors je n’ai pas eu beaucoup de mal à convaincre mes parents.

— C’est vraiment beau Paris, on entend tellement de choses sur cette ville.

— Oui, elle est vraiment belle, après faut pas se balader la nuit dans n’importe quel quartier. C’est comme ici, je suis sûr qu’il y a des quartiers glauques.

— Si tu ne connais pas la ville, va voir le Vieux-Lyon ou la colline de Fourvière, c’est la base du tourisme ici, lui expliquai-je.

— Merci du conseil. Tu as l’air de t’y connaître. Tu me feras visiter.

Je me sentis piégée par sa proposition. Certes, il serait impoli de ma part de refuser, mais je savais ce qu’il m’en coûterait de passer du temps avec lui. Allez, laisse-lui une chance, il veut simplement mieux connaître sa nouvelle ville.

En arrivant à l’appartement, je racontai ma journée à William. Je savais que me rapprocher de Matthew n’allait pas lui plaire. Mais par je ne sais quel miracle, il ne piqua pas de crise de jalousie. Il n’était pas non plus emballé par l’idée, mais aucune vaisselle ne fut cassée ce soir-là.

CHAPITRE 5 : La bataille. Le Vieux-Lyon.

Plus le temps passait, et plus j’appréciais la présence de Matthew dans le groupe. Notre petite mésaventure était même devenue une source de plaisanterie. En pleine visite guidée de Lyon, nous nous étions posés dans un café avant de repartir sillonner les rues pavées.

— C’est bien moins compliqué qu’à Paris au niveau des métros, mais il y a certaines habitudes à prendre et certains coins à connaître !

— C’est vraiment gentil à toi de me faire visiter la ville.

Je lui souris, et nous continuâmes la visite guidée.

— Tu ne parles pas beaucoup de toi, Lucy. Tu es discrète comme fille.

— Il n’y a pas grand-chose à raconter sur moi tu sais, je suis une fille simple qui fait ses études dans la même école que toi.

— Pourtant, je suis sûr qu’il y a des choses palpitantes à savoir sur toi.

Étant une fille cash, je lui demandai :

— Est-ce que tu me dragues ?

— Pourquoi, ça te gênerait ?

Je rigolai nerveusement.

— Je t’ai déjà dit, j’ai un petit copain. Et ce n’est pas la question, on ne drague pas une amie.

Il rigola.

— Non je ne te drague pas, rassure-toi, je veux juste en savoir un peu plus sur toi. Savoir avec qui je traîne. Je sais tout sur Charline, mais rien sur toi.

— En même temps, Charline est une vraie pipelette.

— Et toi tu es un peu plus discrète.

— C’est vrai. Mais si tu veux tout savoir, j’ai une petite sœur de quatorze ans, avec qui je m’entends super bien. Mon père travaille à l’usine et s’occupe bien de nous, ma mère est adorable et assez présente à la maison. Je suis avec mon petit ami depuis presque un an et sinon je ne vois pas ce que je pourrais rajouter.

— C’est déjà pas mal.

Il me sourit. Bon sang je ne savais pas pourquoi il me regardait froidement il y a quelques semaines mais ce garçon avait changé du tout au tout. On aurait dit une tout autre personne.

— Viens, je vais te montrer une traboule. C’est un passage qui relie un quartier à un autre, en passant à travers les immeubles. Il y en a un peu partout mais surtout dans le vieux Lyon.

— Ça a l’air cool.

Nous passâmes à travers une entrée d’immeuble qui semblait abandonnée. En longeant le couloir étroit et sombre, une petite cour habillée de balcons et murs dorés nous accueillit. Un escalier en colimaçon qui donnait sur une tour condamnée s’étirait au-dessus de nos têtes. L’étrangeté du lieu m’empêcha de remarquer tout de suite le regard de Matthew posé sur moi. Il semblait vouloir me dire quelque chose, mais il s’abstint, pour une raison qui m’échappa.

Soudain, nous aperçûmes trois racailles arriver vers nous. Ils étaient venus se cacher dans la traboule pour fumer à l’abri des regards. Notre présence avait l’air de les déranger.

— Dégagez de là, les mioches !

— Si ça ne vous dérange pas, on aimerait rester un peu.

Je chuchotai à l’oreille de Matthew :

— Laisse tomber, on s’en va.

— Non, on ne va pas se faire dégager par des abrutis.

— Écoute ta meuf, gamin, ne cherche pas la merde ! On veut être pénards ici !

— Eh bien vous serez pénards ailleurs !

D’un coup, je me mis à avoir froid, des frissons de peur me parcoururent le corps. Mais qu’est-ce qui lui prend ? Il n’a pas l’habitude de ça à Paris ? Ça ne sert à rien de chercher ce genre de personnes. Et ce que je craignais arriva. L’un d’eux sortit un couteau et posa son cannabis sur le bord de l’escalier. Il s’approcha de Matthew pendant que les deux autres se dirigeaient vers moi. Je me retrouvai coincée contre le mur, prête à être la victime de ces deux brutes.

— Vous la touchez, je vous tue ! s’exclama Matthew.

Les trois hommes se mirent à rire à l’unisson, puis l’un d’eux m’attrapa par les cheveux. J’eus à peine le temps de crier de peur que la pression sur mon cuir chevelu s’apaisa. J’ouvris les yeux et découvris une scène inimaginable. Matthew, du haut de son mètre soixante-dix-huit, se mit à attaquer en premier le gars qui me tirait les cheveux. Il le balança contre ses amis et se mit à les attaquer un par un. Le tireur de cheveux se redressa mais Matthew lui attrapa le bras et lui tordit, un bruit écœurant résonna dans la mini cour. Un autre lui fonça dessus mais il contre-attaqua en le rouant de coups de poing bien placés dans le torse. Puis il l’attrapa par la tête et le repoussa de plusieurs mètres. La racaille tomba ridiculement sur les fesses, avec un bruit de craquement, impossible pour lui de se relever. Matthew semblait se battre avec une telle aisance, cela en était troublant. Il ne suait même pas, ne semblait pas non plus apeuré par ces gars agressifs. Le dernier se mit tout de suite sur ses gardes et sortit un couteau de sa veste, qu’il pointa face à lui. Ceci n’impressionna en rien Matthew. Il lui attrapa le poignet et d’un geste rapide et efficace, le désarma. Le couteau se retrouva en un claquement de doigts pointé sur l’agresseur, qui détala comme un lapin, laissant ses amis agonisants. Ils essayèrent tant bien que mal de sortir de cette traboule.

Matthew se tourna vers moi et posa sa main sur ma tête.

— Ça va, il ne t’a pas fait mal ?

— N… Non, ça va, merci.

Je me redressai.

— Où as-tu appris à te battre comme ça ?

— J’ai un prof d’arts martiaux très rigoureux.

— C’est impressionnant !

— Et encore, il m’apprend à me défendre contre de vraies attaques. C’est un jeu d’enfant pour moi de m’en prendre à des gars pareils.

Une dernière question me brûlait les lèvres, et pourtant je redoutais la réponse :

— Mais… Qu’est-ce que tu fais à côté de l’école pour avoir à te défendre contre de plus gros délinquants ? Qui c’est ce professeur ?

Le jeune homme bafouilla une réponse inaudible et préféra passer à autre chose. J’étais allée trop loin dans sa vie privée, apparemment.

— On peut rentrer ? Ou tu veux encore rester en ville ?

— Non ça va aller, rappelle-moi juste de te demander de m’accompagner quand j’aurai envie de sortir.

Il rigola, mais ne fut pas contre l’idée de m’accompagner partout où j’irais à présent.

— Tu devrais plutôt apprendre à te défendre, me dit-il.

— Je suis nulle en sport, j’ai horreur de ça, alors me battre tu imagines.

— T’as juste pas envie, parce que c’est vraiment pas si compliqué que ça, tu sais.

Matthew me raccompagna jusqu’à chez moi car il voulait soi-disant s’assurer que rien ne m’arrive sur le trajet du retour. Mes jambes arrêtèrent enfin de trembler, je reprenais doucement mes esprits et oubliais presque que l’on venait de se faire agresser. Au pied de l’immeuble, je me tournai vers Matthew.

— Merci beaucoup de m’avoir ramenée. C’est adorable.

— T’inquiète. Maintenant, tu sais que tu peux compter sur moi s’il t’arrive quoi que ce soit, dit-il d’une voix sûre.

— Oui, répondis-je d’un air idiot.

Un blanc s’installa entre nous. Ce genre de blanc qui mettait mal à l’aise.

— Bon eh bien je vais monter.

— Oui.

Mais je ne bougeai pas. Comme si j’attendais quelque chose, mais je ne savais pas quoi. Je commençai à mettre un pied sur la première marche d’escalier quand Matthew me prit par la main et déposa un baiser sur ma joue. Celle-ci s’enflamma au contact de ses lèvres douces. Il me laissa là, surprise par son geste, je le regardai partir jusqu’à ce qu’il disparaisse à l’angle de la rue. Reprenant doucement mes esprits, je courus dans sa direction pour le rattraper. Mais il n’y avait plus personne ! Il s’était volatilisé.

CHAPITRE 6 : L’absence. Université.

— Je te jure, il s’est battu comme un ninja.

— Sérieux ? me dit Charline. Les trois en même temps ? Il les a battus ?

— Non, un par un, mais je suis sûre qu’il aurait pu tous les avoir en même temps.

— La classe ! T’aurais dû filmer !

— Je ne pensais pas trop à ça, sur le moment, lui rétorquai-je.

— J’avoue, t’étais trop concentrée à baver devant lui. Il devait être trop sexy en mode guerrier.

Je levai les yeux au ciel en souriant. Évidemment, je gardai sous silence le baiser furtif de la fin de journée.

— C’est toi qui le dragues, pas moi.

— Non j’ai arrêté, il est beau et tout, mais je ne me vois pas avec lui. De toute façon je ne suis pas son type.

— Comment ça ? Comment tu le sais ?

— Tu lui demanderas quand il arrivera, me dit-elle.

Mais Matthew n’arriva jamais. Voilà trois jours qu’il était absent et ne donnait aucune nouvelle ni explication. Lui était-il arrivé quelque chose en lien avec la bagarre ? Serait-il tombé sur quelqu’un de plus fort que lui ? Je ne l’espérais pas car je me sentirais terriblement coupable de lui avoir causé du tort. Reprends-toi, Lucy.

Il devait sûrement être avec ce fameux professeur qui lui apprenait une nouvelle technique pour se défendre. Mais il loupait beaucoup trop de cours, cela ne lui ressemblait pas.

Je devais me l’avouer, son absence m’intriguait. Je voulais lui rendre visite mais je me rendis compte que je ne connaissais pas son adresse. Tout comme Charline. Frustrée, je rentrai chez moi en claquant la porte.

— Qu’est-ce qui se passe ? me demanda William.

— Tu es déjà là ? m’exclamai-je, surprise de le voir à la maison aussi tôt.

— Oui, les cours se sont finis plus tôt que prévu. Qu’est-ce qui t’a énervée comme ça ?

— Rien, ne t’en fais pas.

Je ne voulais pas lui dire que l’absence de Matthew m’inquiétait. Il aurait pensé que je m’intéressais trop à lui. C’était sûrement le cas… L’arrivée de Matthew dans ma vie avait eu un impact que je ne pouvais expliquer. Pourtant il n’y avait rien de particulier entre lui et moi, mais je sentais que notre rencontre n’était pas le fruit du hasard.

William se leva et me prit dans ses bras pour me bercer.

— Tu as trop de pression en ce moment. Il faut que tu te détendes.

Je respirai un grand bol d’air et calai ma tête sur son torse robuste. Rien ne pouvait plus me détendre que d’être dans ses bras. Son parfum m’envoûtait, ma respiration suivait la sienne, nos corps ne faisaient plus qu’un. Je ne pouvais me détacher de lui, même pas pour tout l’or du monde. Il me caressa le dos délicatement et de légères décharges électriques suivirent sous ses doigts. Je fondais, littéralement. Mon cœur battait à m’en faire presque mal à la poitrine. Je savais que je pouvais lui faire confiance, alors sans m’en rendre compte les mots sortirent de ma bouche et je me mis à lui expliquer pour Matthew, la bagarre d’il y a quelques jours, son absence et la peur que cela soit en lien avec cette fameuse bagarre. Will prit mon visage entre ses mains et me fixa du regard.

— Tout va bien, tu ne dois pas stresser. Tout ira bien.

— Oui… Tout ira bien, répétai-je machinalement.

Au cours de la soirée, nous redécouvrîmes nos corps comme chaque soir avec saveur. Cet homme m’envoûtait avec force, ses yeux bleus me transperçaient d’amour et chaque caresse était une bénédiction. Il ne faisait partie de ma vie que depuis huit mois mais j’avais l’impression de le connaître depuis toujours, il avait pris une très grande place dans ma vie. C’était indéniable. C’était lui le bon. Bizarrement, tout ce qu’il me dit ce soir-là ne m’atteignit pas comme il aurait fallu.

— Tu sais, Matthew, ton nouvel ami, je ne sais pas pourquoi mais je ne le sens pas. Il a l’air bizarre.

Je fus tellement surprise que je bafouillai des banalités.

— Il est sympa avec moi, très discret, c’est normal quand tu es nouveau.

— Tu ne trouves pas ça étrange qu’il ne vous parle plus, à toi et à Charline, pendant plusieurs jours sans vous donner signe de vie. Tu t’inquiètes pour lui et ça te stresse encore plus. Tu as déjà beaucoup de choses à gérer, ma chérie. J’ai l’impression qu’il vous prend pour des bouche-trous. Ne t’encombre pas de ce genre de personne.

— Il doit être avec sa famille, il n’est pas obligé de tout le temps me répondre.

— J’ai peur qu’il ait de mauvaises intentions en restant avec toi, je voudrais que tu t’éloignes de lui. Pour ta sécurité.

Pourquoi me disait-il ça ? Pourquoi ne trouvais-je rien à redire ? C’était mon ami et je pouvais traîner avec les personnes que j’appréciais. Mais sa main si rassurante, posée sur ma joue, ne pouvait pas appartenir à un homme qui voulait me désociabiliser. Il devait avoir ses raisons pour s’inquiéter autant. Je devais lui faire confiance. Et ses raisons étaient valables. Je ne connaissais pas très bien Matthew, je ne devais pas m’impliquer autant pour une personne.

Ses yeux, plongés dans les miens, me rassuraient et me protégeaient de tout danger. Je pouvais lui faire confiance.

Dès lundi, je m’éloignerai de Matthew.

Je reçus un SMS de ma sœur me demandant de venir la voir au lycée, comme elle en avait l’habitude. Nous aimions nous retrouver entre sœurs sans les parents sur le dos ou en train d’écouter aux portes. Mais là, je sentais que c’était pour quelque chose de plus sérieux. Après les cours, je pris donc le métro et la rejoignis en ville, notre petit point de rendez-vous habituel. Elle m’attendait au pied de la Cathédrale Saint-Jean en pianotant sur son téléphone. Je sentais les pavés sous mes pieds et le soleil dans mon dos. Je remontai mes longs cheveux rouges en chignon et appréciai la vue de Lyon sans les touristes qui communément se scotchaient à leur appareil photo pour immortaliser la ville des Lumières. J’arrivai au niveau de Judith.

— Tu veux aller boire un bon chocolat chaud ?

— En fait, je préférerais une bière.

— N’abuse pas, petite sœur.

— Papa s’est fait virer.

Mon souffle se coupa. Je digérai la nouvelle et rétorquai :

— Ok pour une bière, répondis-je, dépitée. Mais pour moi, toi ça sera un sirop.

Nous nous installâmes dans un bar, nos consommations froides devant nous. Le bruit des verres et des discussions aux alentours paraissait comme un brouhaha énervant. Je bus sans avoir soif et demandai :

— Qu’est-ce que qui s’est passé ?

— Il est arrivé en retard au travail à cause d’une panne de réveil, une fois de trop, son boss n’a pas apprécié. Il a toujours son deuxième boulot de nuit mais évidemment c’est le moins bien payé des deux.

La situation empirait. Je pensais que la maladie de ma mère était assez affreuse pour que ma famille soit, on va dire, immunisée contre toute autre épreuve aussi lourde. Mais non, le destin en avait décidé autrement.

L’angoisse montait, je descendis une grande gorgée de blonde pour faire passer le goût acide au fond de mon être. L’amertume de la bière et de la frustration me tordaient l’estomac. Tout ce que je souhaitais, c’était mettre ma famille à l’abri du besoin, en étudiant d’arrache-pied, afin d’être enfin diplômée, de gagner de l’argent et de payer les soins de ma mère. Pourquoi cela durait si longtemps ? C’était maintenant que j’avais besoin d’argent, pas dans trois ans, car d’ici là il sera sûrement trop tard…