Les Zackers tome 2 - Mariette CZT - E-Book

Les Zackers tome 2 E-Book

Mariette CZT

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Beschreibung

Plusieurs semaines après la découverte d'un mystérieux code chez les Bew, Dan ne l'a toujours pas décrypté. Pourquoi ? La jeune Zacker mettra tout en oeuvre pour tirer cette affaire au clair. Mais retardée par l'arrivée d'une nouvelle bouleversante sur sa mère, Lucy mettra tout en stand-by. Qui est le fameux traître qui travaille pour les Spyders ? Pourquoi n'a-t-elle pas réussi à soigner Matthew lors du sauvetage de sa petite soeur ? Autant de secrets qu'elle devra percer... Et elle ira jusqu'au bout, quitte à se salir les mains.

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Seitenzahl: 340

Veröffentlichungsjahr: 2023

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Sommaire

CHAPITRE 1 : La mise au point. Chez mes parents.

CHAPITRE 2 : Le nouvel Infecté. Interkan.

CHAPITRE 3 : Le bug. Part-Dieu.

CHAPITRE 4 : L’interprétation. Interkan.

CHAPITRE 5 : L’exploration. Gerland.

CHAPITRE 6 : L’enregistrement. Interkan.

CHAPITRE 7 : La rencontre. Interkan.

CHAPITRE 8 : L’annonce. Chez mes parents.

CHAPITRE 9 : La responsabilité. Chez mes parents.

CHAPITRE 10 : La mauvaise journée. Interkan.

CHAPITRE 11 : La réconciliation. Interkan.

CHAPITRE 12 : Le choc. Interkan.

CHAPITRE 13 : Les retrouvailles. Chez mon père.

CHAPITRE 14 : Les remords. Interkan.

CHAPITRE 15 : Le déni. Interkan.

CHAPITRE 16 : La colère. Interkan.

CHAPITRE 17 : Le tête-à-tête. Haute-Savoie.

CHAPITRE 18 : La découverte. Le Refuge.

CHAPITRE 19 : L’acharnement. Le Refuge.

CHAPITRE 20 : La dépression. Le Refuge.

CHAPITRE 21 : Le quiproquo. Interkan.

CHAPITRE 22 : Le marchandage. Le Refuge.

CHAPITRE 23 : La résignation. Le Refuge.

CHAPITRE 24 : La ressemblance. Chamonix.

CHAPITRE 25 : Le bilan. Interkan.

CHAPITRE 26 : Le passé. Interkan.

CHAPITRE 27 : L’appel. Interkan.

CHAPITRE 28 : La déclaration. Interkan.

CHAPITRE 29 : La préparation. Interkan.

CHAPITRE 30 : La visite. Paris.

CHAPITRE 31 : Le contrôle. Paris.

CHAPITRE 32 : Le point final. Interkan.

CHAPITRE 1 : La mise au point. Chez mes parents.

Lucy.

Sentir la fraîcheur du vent sur ma peau était une sensation agréable, apaisante. Une reconnexion à soi, oublier le passé et le futur, ne penser qu’à l’instant présent. Quelque chose que j’avais oublié depuis longtemps. Allongée sur mon lit, la fenêtre ouverte, à admirer le plafond, voilà que je m’offrais un petit moment à moi. Comme à l’entraînement, pour être à l’écoute de soi il est essentiel de laisser son corps posé, ses muscles relâchés, sa respiration régulée, tout en restant en alerte. Puis vient le calme de l’esprit, le vide, l’harmonie avec son environnement.

Soudain, la porte de ma chambre s’ouvrit en grand et Judith bondit sur mon lit.

— Je ne t’ai pas dit d’entrer ! râlai-je, coupée dans mon exercice.

— Oh ça va, dit-elle en roulant des yeux, ça fait une heure que tu fous rien.

— Je ne fais pas rien, je médite.

— C’est pareil, rétorqua-t-elle en roulant jusqu’à moi. J’avais envie de parler.

— Parler de quoi ?

Faisant la moue, elle me murmura à l’oreille ce qu’on devait toutes les deux garder secret.

— Tu sais bien… De ce qu’il s’est passé l’autre jour…

— C’était il y a deux semaines !

— Et avec mes potes, on pige toujours pas comment on est rentrés.

— Je te l’ai déjà dit, lui expliquai-je en chuchotant à mon tour. Dan vous a de nouveau fait perdre connaissance pour vous ramener sans que vous ne voyiez où se trouve Interkan. Question de sécurité.

Judith n’avait pas l’air convaincue.

— Il aurait aussi pu nous bander les yeux, ou juste nous faire jurer de ne rien dire.

Voyant la tête que je faisais, elle retira la deuxième option.

— Avec juste un sac sur la tête, vous auriez quand même entendu votre environnement, les bruits, donc ça n’aurait servi à rien. Quand Dan fait quelque chose, il le fait intelligemment, sinon il n’aurait pas pris le risque de vous évanouir pour rien.

Judith acquiesça, puis brisa la glace par sa franchise et son manque de tact.

— Tu as des nouvelles de William ?

À la mention du prénom de mon ancien petit ami, je me tendis, croisai les bras et me renfermai.

— Non et je ne tiens pas à en avoir.

— Ok, mais il nous a quand même kidnappés, il y a bien une raison. Pourquoi nous particulièrement ? Mes amis n’ont aucun lien avec Intermachin.

— Effectivement, mais je pense qu’il les a capturés juste parce qu’ils étaient avec toi, et qu’il voulait m’atteindre en te kidnappant pour me faire chanter, CQFD.

Dit comme ça, tout paraissait limpide, sauf qu’il n’en était rien. De nombreux mystères continuaient à planer, des questions restées sans réponse. Voilà quinze jours que l’attaque avait eu lieu, et rien n’avait bougé. Ni la découverte de l’identité du traître, ni où étaient passés les Spyders de l’entrepôt. Je n’avais même pas réussi à apaiser la tension entre Matthew et moi. Elle ne s’était toujours pas dissoute malgré notre ancienne complicité. Il avait l’air de prendre ses distances et plus le temps passait, plus cette distance s’agrandissait. Pourtant, mes tentatives de réconciliation étaient nombreuses, mais il n’avait pas l’air d’y être sensible.

Peut-être était-il trop occupé à entraîner Jimmy, qui s’était éveillé lors du combat à l’entrepôt. Depuis ce jour, ce dernier n’arrêtait pas de s’amuser, de toute façon tout n’était qu’un jeu pour lui, à créer des champs de force. Exclusivement dans la salle de Défoulement. Matthew avait été clair à ce sujet. Dan commençait à déteindre sur lui, niveau sécurité. D’ailleurs, ces deux-là ne se quittaient plus, on les voyait toujours fourrés ensemble, enfin, pour le peu de temps où ils étaient à Interkan. En effet, ils sillonnaient les routes de France à la recherche d’un nouvel Infecté, qu’ils avaient repéré peu de temps avant. Comme la plupart d’entre nous, je n’avais aucune info sur ce futur arrivant.

Nous changeâmes de conversation lorsque nous entendîmes les pas de nos parents se rapprocher. Ma mère ouvrit la porte. Son sourire accentuait les rides de son visage fatigué par la maladie.

— Ça vous dit une sortie en ville, les filles ? nous proposa-telle.

— Oh oui, ça fait longtemps qu’on n’est pas sortis tous les quatre !

— Tu ne seras pas trop fatiguée, Maman ?

— Non ne t’en fais pas Lucy, je vais super bien aujourd’hui.

Pour ça, je n’étais pas peu fière. J’avais, de nouveau, fait une séance de guérison cette nuit. Même si cela inquiétait Judith de me voir revenir exténuée et pliée de douleur chaque soir, nous étions toutes les deux heureuses de retrouver notre mère debout face à nous, presque rayonnante. Le moindre de ses sourires, la moindre couleur de vie sur son visage me redonnait de l’espoir. Cependant, depuis plusieurs jours, je trouvais que son cancer stagnait. Bien que j’arrive à le stopper, ses traitements auraient dû agir, en plus de ma Capacité, pour l’atténuer. Mais à chaque lendemain de séance, de nouvelles taches apparaissaient à des endroits différents. Je voulais en savoir plus. Alors, vagabondant dans la rue Nationale et pendant que Judith négociait avec notre père pour qu’il lui achète une nouvelle paire de chaussures, je profitai d’être seule avec ma mère pour discuter. Le froid de l’hiver était piquant sous nos manteaux et nos bonnets.

— Ça se voit que tu vas mieux, je suis trop contente Maman.

— Merci ma chérie, oui je vais bien mieux. D’ailleurs avec ton père on voudrait organiser un week-end pour partir tous ensemble.

Surprise, je m’arrêtai de marcher un instant. Cela faisait des années que nous n’étions pas partis en vacances tous les quatre. Ma mère comprit mon étonnement et s’expliqua :

— On en a juste parlé avec ton père pour le moment. C’est un projet qui me tient à cœur, tu sais.

Soudain, ses yeux s’illuminèrent et elle prit une grande bouffée d’air frais qui, je le sentais, lui brûla les poumons.

— Waouh, « projet », c’est un mot que je n’avais pas utilisé depuis longtemps.

— Oui, répondis-je, enchantée de la voir aussi joyeuse. Ce serait super, bien sûr… Mais tu dois quand même faire attention, imagine que tu réagisses mal à ta prochaine chimio. Elle est pour quand, d’ailleurs ?

Elle bafouilla avant de me répondre :

— Oh tu sais, le médecin m’a dit qu’il était mieux de faire une pause, il estime que j’en ai besoin. Alors j’en profite, dit-elle en souriant. C’est le moment ou jamais de se retrouver en famille.

En temps normal, j’aurais éclaté de joie et réfléchi à des destinations de rêve avec elle, mais je savais pertinemment qu’elle avait besoin de ses chimiothérapies, surtout en ce moment. Quelque chose n’allait pas. Ou alors son oncologue était vraiment nul ! Ma mère attendant une réponse de ma part, je lui proposai une idée de voyage qui pourrait lui plaire.

— J’aimerais bien partir en Bretagne, il paraît que c’est super beau comme région, lui confiai-je.

— Oui, ce serait super ! On mangera des huîtres au bord de mer, je m’y vois déjà.

Je souris à son enthousiasme, nous avions tous besoin de vacances et de nous retrouver. Ces derniers jours avaient été difficiles avec le travail de mon père. Il n’avait pas retrouvé de deuxième job depuis son licenciement, alors il faisait comme il pouvait pour joindre les deux bouts, comme faire des heures supplémentaires jusqu’à tard. D’ailleurs…

— Mais on a assez d’argent pour partir ?

— Ne t’en fais pas pour ça, ma chérie. On a le droit de se faire plaisir, quand même. Oh, en parlant de ça, avec ton père on serait rassurés si tu laissais enfin de côté ton job étudiant, on aimerait que tu te concentres vraiment sur tes études. Je sais, on t’embête avec ça, mais vraiment on serait plus tranquilles. Nos problèmes d’argent ne devraient pas être un souci de ton âge.

J’eus un rire étouffé.

— Alors tu seras rassurée d’apprendre, Maman, que ça fait longtemps que je n’y vais plus. Je me suis beaucoup concentrée sur… mes études.

— Oh je suis si contente que tu nous aies écoutés !

Elle me prit le bras, ravie de cette nouvelle. Bien sûr, je ne servais plus les plats à emporter depuis qu’Interkan était entré dans ma vie. Mes priorités avaient beaucoup évolué sans en avoir fait part à ma famille. Ma mère rejoignit mon père pour lui annoncer la bonne nouvelle. Judith, elle, vint à ma hauteur pour ne pas me laisser seule à l’arrière.

— Ils vont comment tes amis bizarres ?

— Ils ne sont pas bizarres, ricanai-je. Ils vont bien, enfin je suppose. Ça fait longtemps que je ne suis pas allée à Interkan.

— Ça serait peut-être le moment d’y retourner, non ?

— Mais je me fais du souci pour toi…

— Tu n’as pas à t’en faire, tu l’as dit toi-même : si Dan nous a laissé partir, c’est qu’il a de bonnes raisons. C’est pas ces Spydjesaispasquoi qui vont me faire peur maintenant que je sais que vous êtes là, les Zackey.

— Les Zackers. Avec un R à la fin.

— De quoi vous parlez les filles ? C’est quoi des Zackers ? nous demanda notre père, qui n’avait entendu que la fin de notre conversation.

Nous nous regardâmes, complices, essayant de trouver l’excuse la plus crédible.

— C’est un truc sur Instagram, c’est le nom des personnes qui te follow et qui like tes photos et tes stories.

— Houla, encore un truc de jeunes, rigola-t-il. Faudrait décrocher de tout ça, les filles, ça vous grille le cerveau ces conneries.

Remarque typique du vieux Papa inculte aux nouvelles technologies, mais on ne lui en voulait pas. On aimait notre père déconnecté, fidèle aux vieilles méthodes de communication. Pour lui, un téléphone servait simplement à téléphoner. Recevoir un SMS de sa part relevait du miracle. Bon, avec des points en guise d’espace entre les mots, mais c’était déjà un début.

De retour à la maison, nous essayâmes le peu de vêtements et chaussures achetés durant la journée.

Cela faisait plusieurs jours que je passais du temps avec ma famille de sang. Cependant, celle de cœur me manquait terriblement. Il était temps de retourner à Interkan.

CHAPITRE 2 : Le nouvel Infecté. Interkan.

Lucy

Le retour dans un foyer est comme un petit cocon dans lequel on aime s’emmitoufler. Cajolé par une sensation de plénitude. C’est dans cet état d’esprit de béatitude que je retrouvai Elisabeth, à califourchon sur son lit en train de jouer à Tetris sur son téléphone. Lorsqu’elle me vit débarquer dans notre chambre commune, elle jeta son portable, se leva et s’exclama de joie en me serrant dans ses bras.

— Ma chérie, ça faisait un bail !

— Ça me fait vraiment plaisir de te revoir, Eli, lui répondis-je en lui frottant le dos.

Je posai mes affaires et commençai à tout déballer pour vite retrouver mes marques, même si je me sentais déjà chez moi depuis que j’avais franchi les portes métalliques de l’ascenseur. Je lui racontai mon séjour chez ma famille, mes séances de Capacité sur ma mère, comme j’aimais les appeler. Elisabeth était contente pour moi mais me mit en garde contre les effets que ces séances pouvaient avoir sur ma santé.

— Oui, je sais, tu me le répètes tout le temps, rétorquai-je, agacée.

— Bon, au moins tu n’as pas perdu la main, c’est déjà ça, conclut-elle. J’ai également pu partir voir ma famille. Il n’y a pas longtemps que je suis rentrée, comme toute la bande d’ailleurs. On a tous eu le droit à une pause. Enfin, sauf Nabyll, qui a voulu rester ici. Je crois qu’il n’a pas de famille à l’extérieur, le pauvre.

— Oui, il ne parle jamais de sa vie d’avant. Ça doit être dur pour lui.

— Heureusement, Matthew l’a dispensé de cours et d’entraînement pour le laisser souffler.

À la mention de notre chef, mon cœur se serra dans ma poitrine. Un air triste devait se lire sur mon visage, car Elisabeth enchaîna avec compassion :

— Vous ne vous êtes toujours pas reparlé depuis notre retour de l’entrepôt ?

— Matthew n’arrête pas de m’éviter en ce moment. Je suis sûre que je l’ai blessé.

— Pourquoi tu l’aurais blessé ?

Je racontai alors à Elisabeth ce qui s’était passé au pied du Saint Laurent juste avant de découvrir la disparition de ma sœur. Elle ne me laissa pas continuer lorsque je lui appris que :

— Vous vous êtes embrassés !!

— Parle moins fort, voyons.

— Oh putain j’y crois pas, s’exclama-t-elle en ignorant ma demande, vous vous êtes enfin embrassés ! C’est pas trop tôt. Mais quelle idée t’as eu de lui parler de ton ex, qui en plus, est un Spyder !

— Je sais pas rétorquai-je. Bref, toujours est-il qu’il m’évite depuis ce jour, j’en suis sûre. Il était resté avec moi jusque-là parce que c’était la mission, et qu’il y avait des vies en jeu. Maintenant que c’est terminé, il ne répond pas à mes appels, ni à mes SMS. Quand je suis allée le voir au pôle médical juste avant de partir, il ne voulait pas parler de ce qui s’est passé entre nous. Je crois que j’ai fait une boulette…

— Et une sacrée ! Mais t’inquiète, ça lui passera, me rassura Elisabeth.

— Tu crois ? Et s’il m’en voulait vraiment, comment je dois faire ?

— Tu stresses vraiment pour rien, Lucy ! Laisse passer, il te pardonnera bien un jour.

— Pourquoi tu es si sûre de toi ?

Elle ne dit rien, elle haussa les épaules, me laissant sans réponse. Car probablement qu’elle-même n’en avait pas. Elle profita de ce moment de flottement pour changer de conversation en récupérant son sac posé sur le lit.

— Tu n’auras pas le choix que de le voir aujourd’hui de toute façon, il y a un débriefing sur le nouveau Zacker. Maintenant que tu es arrivée, ils en cherchent d’autres pour gonfler les rangs. Ils vont nous faire un recap’ de leur mission pour récupérer ce mec ou cette meuf, et nous donner toutes les infos, qu’on soit un peu au jus quand iel arrivera.

— Et ça commence quand ?

— D’ici cinq minutes, dit-elle en regardant l’heure sur son téléphone.

Nous quittâmes notre dortoir et nous nous dirigeâmes vers la Grande salle. Nous retrouvâmes tous les Zackers que j’avais quittés deux semaines auparavant. Tout le monde était réuni pour entendre nos chefs faire leur discours. Malheureusement, certains Zackers ne m’avaient pas manqué.

Alyson était avec Jimmy et Thibault. Ils avaient l’air de s’engueuler, pour changer.

— C’est inacceptable ! pesta-t-elle. Comment toi, un sale petit con pervers, peut devenir un Expert après une mission foirée à laquelle tu n’étais pas attribué ?! C’est de la discrimination positive, tu ne le mérites pas !

— T’as juste les boules que j’aie atteint ce grade et pas toi. Tu ne le mérites pas, c’est tout. T’es un vrai danger public, alors maintenant laisse faire les pros et retourne à tes lancers de fouet ! lui balança Jimmy avec arrogance.

— C’est pas parce que t’es pote avec notre Chef que ça te permet de prendre du galon comme ça ! J’te préviens, ça ne va pas se passer comme ça !

Avant qu’Elisabeth ne fonce vers eux pour protéger nos amis, Alyson ne donna pas suite à la dispute et s’éloigna du groupe de façon théâtrale. Nous rejoignîmes les garçons.

— Elle vient encore vous emmerder, celle-là.

— T’inquiète, elle n’a pas le courage d’aller plus loin depuis que Lucy lui a donné une bonne raclée, dit Thibault en me désignant et en me faisant la bise.

— C’est surtout qu’elle a les boules qu’on se soit battus et pas elle. Plein de Zackers nous demandent des détails de la bataille, ils nous envient.

Nos exploits à l’entrepôt avaient fait le tour des couloirs d’Interkan et chacun y allait de son commentaire. Mais la plupart des Zackers, les Intermédiaires surtout, auraient aussi aimé participer au combat. Même si on leur avait précisé la dangerosité du terrain, tout ce qu’ils retenaient était notre réussite et notre notoriété.

Jimmy me dit bonjour.

— Ça fait cher1 plaisir de te voir.

— Moi aussi ça me fait plaisir. Mais… je savais pas que tu étais passé Expert ! C’est depuis l’attaque de l’entrepôt ?

— Ouais, c’est arrivé quand tu n’étais pas là, je voulais te faire la surprise et qu’on fête ça tous ensemble. J’ai passé l’examen et l’entretien final avec tous les Chefs de groupe et Dan. Ce sont les étapes nécessaires pour devenir officiellement un Expert. Et ils ont accepté ! s’écria-t-il, heureux. Je t’avoue que Matt m’a beaucoup poussé, sans lui je n’aurais jamais eu le courage de le faire. Mais la manipulation des champs de force a été beaucoup plus simple que je n’aurais pensé.

— Je t’avais dit que tu étais trop fort, mon pote, lui dit Thibault avec un clin d’œil.

— C’est pas vrai ! Tu m’as toujours rabaissé en me taillant !

— C’est ce que font les amis entre eux.

Jimmy capitula, il allait devoir se contenter de ce genre d’encouragement de la part de Thibault.

— En tout cas, bravo à toi, tu le mérites. Mais ça veut dire que tu vas quitter Interkan ?

— Non, pas forcément. Je peux rester ici, pour vous entraîner, je peux même prétendre à un poste de chef, mais ça m’intéresse pas. Je vais superviser un peu, faire partie des murs, comme on dit. Et en profiter pour avoir un toit sur la tête en attendant de me reconstruire à l’extérieur. Trouver un appart, un job, toutes ces conneries.

— Tu vas surtout en profiter pour te trouver une copine, avoue.

— Ça, ça risque d’être aussi compliqué que de trouver un boulot, plaisanta Elisabeth. Au fait, où est Nabyll ?

— Il ne doit pas être loin, supposa Thibault.

Soudain, la porte de la Grande salle s’ouvrit et laissa entrer Dan, Matthew, et quelques autres Chefs d’Interkan. Dan se plaça au milieu de l’estrade qui bordait la salle, pour être vu et entendu de tous. Matt se mit juste derrière lui, il nous aperçut au loin et nous fit un signe de tête.

— Bonjour à tous, déclara Dan. Vous êtes tous réunis ici car, comme vous le savez, nous sommes à la recherche d’un nouvel Infecté. J’ai récemment détecté les traces de sa Capacité mais il est très difficile à localiser. Tout ce que nous savons c’est qu’il s’agit d’un homme d’une bonne trentaine d’années. Impossible de connaître son nom, nous ne le trouvons sur aucune base informatique, nous ne connaissons pas non plus la vraie nature de sa Capacité. Mais nous savons qu’il se déplace à grande vitesse, un peu comme de la téléportation. Malgré nos nombreuses tentatives pour entrer en contact avec lui, il nous échappe toujours, j’ignore si c’est volontaire ou non. C’est pourquoi je vais partir en mission avec Matthew, chef des Intermédiaires, pour le rencontrer et lui proposer d’intégrer Interkan.

Je me penchai à l’oreille d’Elisabeth, intriguée.

— Et s’il ne veut pas nous rejoindre ?

— Il a le choix, dit-elle en haussant les épaules. Il n’est pas obligé de venir ici, mais on se doit de le prévenir du danger des Spyders. Et nous on se doit de s’assurer que c’en est pas un.

— J’ai trop envie de savoir ce qu’est sa Capacité ! s’exclama Jimmy. Si ça se trouve c’en est une qu’on n’a jamais vu, ce serait l’éclate !

1 Argot lyonnais signifiant « trop ».

CHAPITRE 3 : Le bug. Part-Dieu.

Matthew

La ville des Lumières était plongée dans l’obscurité précoce de cette soirée d’hiver. Dan et moi remontions le boulevard Vivier Merle puis longeâmes les rues attenantes dont les lampadaires éclairaient nos pas. Il avait eu vent d’une perturbation de l’activité informatique et électrique dans un local commercial à la Part-Dieu. Naturellement, il m’avait demandé de le suivre dans cette nouvelle mission, convaincu que cette perturbation était liée à l’Infecté, repéré peu de temps avant dans le secteur.

Une chance qu’il soit dans le coin.

Je nous téléportai à la sortie des bureaux, en toute discrétion, puis nous nous appropriâmes les lieux et commençâmes à chercher l'Infecté

— Tu crois qu’il est encore là ? demandai-je. Il sait peut-être qu’on l’a repéré.

— Et peut-être aussi qu’il est en fuite perpétuelle et qu’il n’est même pas au courant qu’on le cherche, ironisa-t-il. Allez, avançons !

J’entrai dans un open space avec, accrochés au mur, des tableaux blancs couverts de graphiques et statistiques pour concurrencer un marché et faire grimper le chiffre d’affaires de la boîte. Tout un tas de conneries du genre. Je pouffai.

— C’est d’un superflu tous ces trucs. Tant d’efforts dépensés pour si peu.

— C’est pour ce genre de « trucs » que nous nous battons, Matthew. Pour que notre société perdure et que tout le monde puisse continuer à vivre dans l’ignorance de l’existence des Capacités, mais surtout de celle des Spyders.

— Mais ce travail n’a pas de vrai impact sur notre monde, insistai-je en soulevant des dossiers laissés en pagaille sur un bureau. Nous, nous faisons des choses vraiment utiles.

— Là, tu es dans le jugement de valeur. Tu es resté trop longtemps sous terre, je pense. Un peu de sociabilité te ferait le plus grand bien. Sortir, boire un verre avec tes amis…

Je me stoppai net et le regardai.

— Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de mon patron ? me moquai-je.

Il eut un sourire serré, mais reprit son sérieux.

— Je suis sévère par moments, mais je sais aussi quand il faut lever le pied sur le travail. C’est souvent à ce moment-là qu’on n’est plus objectif, n’est-ce pas ?

— Tu as sûrement raison, marmonnai-je en me penchant vers un ordinateur. Je ne suis pas complètement remis de ma blessure.

— Je pense plutôt que tu en veux à quelqu’un.

Mon cœur s’arrêta une seconde, surpris de sa remarque.

— Je croyais que tu ne lisais plus dans mes pensées ?

— Je n’en ai pas besoin, ça se voit sur ton visage. Alors, qu’est-ce qu’il se passe ?

Je soupirai et préférai me confier en toute honnêteté auprès de mon chef et ami.

— Je sais que tu me l’avais fortement déconseillé, mais je n’ai pas pu m’en empêcher… Lucy m’attire, et je lui ai dit ce que je ressentais. Mais c’était trop tôt pour elle.

Dan soupira.

— Tu ne peux pas te permettre d’avoir ce genre de relation avec tes élèves.

— Mais…

— Je ne veux pas de justification.

Je connaissais déjà son point de vue, Dan m'avait assez fait la morale pour savoir à quoi m'en tenir. L’écart que j’avais eu avec mon élève m’avait au moins permis d’ouvrir les yeux sur un détail qui me rongeait depuis plusieurs jours.

— De toute façon, j’ai l’impression qu’elle se joue de moi, avouai-je enfin. Pourtant ce n’est pas son genre. Je ne sais pas comment je dois agir, je suis perdu avec les filles. Alors je préfère me concentrer sur les choses que je maîtrise : les missions.

— Tu ne maîtrises absolument rien, elle t’empêche de te concentrer sur le plus important. Et ça pourrait t’être fatal.

— N’exagère pas non plus, soupirai-je.

— Alors tu peux m’expliquer pourquoi je ressens la présence de l’Infecté depuis cinq bonnes minutes, et pas toi ?

Je tiquai puis observai les alentours. De l’électricité statique parcourait l’air tout autour de nous. C’était une sorte d’énergie chargée, lourde, unique.

— Il nous écoute, même, complétai-je pour ne pas perdre la face devant mon chef.

Je sentis du mouvement dans mon dos accompagné d’un son furtif, je me téléportai pour contrer la source du bruit et parer une potentielle attaque. Personne.

— Ce n’est plus la peine de te cacher, on sait que tu es là ! On ne te veut aucun mal ! déclara Dan.

Soudain, derrière moi, un écran d’ordinateur s’alluma dans un bruit de neige informatique et me fit sursauter. Un brouillard numérique illumina l'écran et se refléta tout autour de nous, plongeant la pièce dans une lueur bleue et entrecoupée. L'atmosphère en devint pesante.

Dan et moi étions intrigués.

— Il contrôle l’électricité ? demandai-je.

— Non, c’est plus que ça.

Dan s’approcha de l’écran et tendit son bras. Il se concentra pour ressentir l’énergie de l’Infecté. Quelques secondes lui suffirent pour le trouver, il était dans l’ordinateur. Dan le maîtrisa mentalement.

— Tu es un véritable bug dans la matrice, Axel.

Tout à coup, la lumière hachée s'estompa et disparut totalement pour laisser la place à un écran noir. À la place, des lignes de code apparurent dans le coin supérieur gauche.

[0100010101101110011011100110010101101101011010010010 000000111111]2

— Comment tu sais qu’il s’appelle Axel ? lui chuchotai-je.

— Son esprit n’est pas aussi imperméable qu’il le pense, me répondit Dan, puis s’adressant de nouveau à Axel : désolé de te contrarier, mais on ne parle pas le binaire.

Une nouvelle série de chiffres défila :

[01001110011011110110111101100010]3

Puis elle disparut l’instant d’après. L’ordinateur s’éteignit et une décharge blanche sortit de la machine pour aller se balader dans les fils électriques. La lueur finit sa course dans une enceinte Google Home posée au coin d'un bureau. Le bruit caractéristique à l’allumage de l’appareil retentit et de petites lumières apparurent en même temps qu’une voix robotique nous disait :

« Que puis-je faire pour vous ? »

Dan répondit à la machine en se rapprochant.

— Je m’appelle Dan et voici Matthew. Nous souhaitions te rencontrer pour t’expliquer ce qu’il t’arrive. Même si, je pense, que tu t’es déjà bien renseigné sur le sujet.

« En effet »

Sa Capacité de manipulation technologique était impressionnante. Pouvoir se balader d’un appareil à l’autre était troublant. Je comprenais mieux pourquoi Dan avait confondu avec une forme de téléportation. D’ailleurs ce dernier ne semblait pas perturbé le moins du monde.

— Bien, Axel, allons droit au but. Nous sommes des Infectés, tout comme toi, et nous faisons partie d’une organisation appelée Interkan. De nombreux Infectés s’y regroupent pour apprendre à manipuler leur Capacité et la perfectionner. Nous souhaiterions que tu nous rejoignes, car tu as un grand potentiel.

« Je sais déjà tout ça. Votre système de sécurité informatique n’est pas des plus perfectionnés. »

— Alors si tu sais tout de nous, tu sais que nous ne te ferons rien. Tu pourrais éventuellement équilibrer la balance et te présenter, non ? Qu’on sache à qui on a affaire.

— Dan, tu es sûr qu’il n’est pas dangereux ? m’inquiétai-je.

En guise de réponse, un éclat sortit de l’appareil électronique et prit une forme humanoïde entourée d’effets de grésillements. Un homme finit par se matérialiser devant nous. Il était maigre comme un clou, avait des cheveux noirs lui descendant jusqu’au bas du dos, des lunettes rondes posées sur son nez droit comme la justice et un long manteau, également noir, traînant au sol.

— Comment vous m’avez trouvé ? demanda-t-il d’une voix enrouée.

— Je peux lire dans l’esprit des gens et deviner la Capacité de chaque Infecté. Il faut savoir qu’elle laisse des traces derrière elle quand on s’en sert.

Axel semblait contrarié. Il s’était fait avoir par sa propre Capacité.

— Moi qui efface toujours mon historique… commenta-t-il.

— Mais on n’est pas dans un ordinateur, n’est-ce pas ?

— Je sais pourquoi vous me cherchez. Ce n’est pas pour mon « grand potentiel à perfectionner », clama Axel, en gigotant les bras. Gardez ça pour les mioches que vous embobinez. Non, ce que vous voulez vraiment, c’est savoir si je suis un danger pour vous.

Je n’aimais pas du tout le ton qu’employait cet Infecté. Pour qui se prenait-il ? Sur la défensive, je me plaçai devant Dan, prêt à attaquer au moindre faux pas.

— Est-ce qu’on a des raisons de s’inquiéter ? demandai-je d’un ton ferme.

— J’ai pas attendu que vous veniez me chercher pour comprendre ce qui m’arrivait. J’me suis fait tout seul, j’ai besoin ni de vous, ni des Spyders.

— Donc tu connais les Spyders, conclut Dan.

— Ils sont venus me voir il y a quelques semaines, avoua-t-il.

Je me crispai et fermai le poing, prêt à entendre la suite. Au vu de la tension montante, Axel nuança :

— Je ne leur ai rien dit sur vous, je n’suis pas une balance. Ils voulaient me prendre dans leurs rangs, ce que j’ai refusé. Ils ont insisté mais comme je leur échappais à chaque fois, ils ont vite laissé tomber. Depuis, silence radio.

— Est-ce que tu peux au moins nous expliquer précisément ce dont tu es capable ? demandai-je, intrigué.

— Comme tu l’as compris tout à l’heure, je manipule la technologie. Je peux me glisser dans un ordinateur, un téléphone portable, une tablette et tout ce qui est électronique. Je peux consulter les fichiers, retrouver des données personnelles, passer au travers des sécurités informatiques.

— Ouais, t’es un hacker amélioré, quoi !

— On peut dire ça, dit-il avec un haussement d’épaules. Ça fait plus de dix ans que je fais ça, et ça s’est toujours bien passé. Alors vous arrivez un peu tard, messieurs.

— Tu es solitaire, je vois, répliqua Dan. Je suis désolé qu’on n’ait pas pu te trouver plus tôt. Mais tu as réussi à te construire tout seul, c’est le plus important. Sache tout de même que notre porte restera ouverte si tu as besoin d’aide ou simplement de réponses à tes questions. Je tiens juste à te demander une faveur : ne révèle rien aux Spyders quand ils reviendront. Car ne les sous-estime jamais, ils reviendront.

Il assura Dan qu’il garderait le silence et disparut à travers les câbles de la fibre pour retourner chez lui. Probablement. Toutes les veilleuses et appareils électroniques qui s'étaient allumés, le temps de la présence d'Axel, s'éteignirent instantanément au moment de son départ, replongeant la pièce dans une ambiance sombre. Très étrange cet Infecté… Pourvu qu’il reste ce loup solitaire comme le décrivait Dan et que les Spyders ne mettent pas le grappin dessus. Car s’ils l’amadouaient, sa Capacité pourrait faire beaucoup de mal à notre monde dépendant de la technologie. On serait mal… très mal…

2 « Ennemi ? » en binaire.

3 « Noob » en binaire.

CHAPITRE 4 : L’interprétation. Interkan.

Lucy

— Mets-toi plus sur tes appuis… Voilà, comme ça.

Matthew était concentré sur l’entraînement au combat qu’il donnait au reste du groupe des Intermédiaires. Ou faisait-il exprès de ne pas regarder dans ma direction ? Ma paranoïa avait repris le dessus, je devais absolument lui parler. Il avait été indulgent lorsque j’étais allée le voir au pôle médical.

À la fin du cours, je m’approchai de lui, mais à peine étais-je arrivée à sa hauteur qu’il me prétexta :

— J’ai une réu’ qui s’enchaîne derrière, j’peux pas traîner. On se voit plus tard, si tu veux bien.

— Ça fait des jours que tu me dis qu’on se verra plus tard, et on ne se voit pas. S’il te plaît, juste deux minutes…

— Oui oui je sais, mais là c’est vraiment important, on se capte après.

Il me fit un signe de la main et partit avant même ses propres élèves. Elisabeth arriva dans mon dos, les bras croisés.

— « On se capte » ? Alors là, pour parler comme ça, c’est qu’il sait plus quoi dire.

— Qu’est-ce que je peux faire ? Tu le vois bien, il refuse de me parler.

— Tu dois attirer son attention, le coincer entre quatre murs et qu’il n’ait pas d’autre choix que de te parler.

— C’est pas un peu beaucoup, là ?

— Probablement… mais tu vois ce que je veux dire.

— Bon, comment je fais ça, avoir son attention ? m’exclamai-je, les bras en l’air.

— Entre d’un coup dans la salle de réunion ou mets-toi à poil dans son lit ! Je sais pas, improvise !

J’écarquillai les yeux et éclatai de rire. Elisabeth était une fille désinhibée. Elle adorait se servir de son humour décalé pour dédramatiser les situations. Son manque naturel de tact était ce que j’aimais le plus. Elle semblait si sûre d’elle, si à l’aise, qu’on ne pouvait soupçonner un quelconque défaut de confiance. Pourtant, je l’avais déjà vue dans ses plus mauvais jours : angoissée et blessée au fond d’elle-même. Ce n’était pas beau à voir.

Finalement, elle m’avait donné une idée pour parler à Matthew.

— Je sais ce que je vais faire.

— Quoi ? Tu vas vraiment te mettre à poil ?

— Mais non ! T'es bête, ris-je, puis dans un clin d'œil j’ajoutai : tu verras bien. En tout cas merci ! Ne m'attends pas ce soir.

J’avais remarqué une habitude que Matthew avait prise à la fin de ses journées de cours. Avant de nous rejoindre dans la Grande Salle, il s’éclipsait direction sa chambre, probablement pour évacuer la pression de la journée. Je partis préparer tout ce qu’il me fallait pour pouvoir enfin discuter avec notre chef. Arrivé dans sa chambre, quelle ne fut pas la surprise de Matthew en me voyant assise sur sa chaise de bureau, à l’attendre les bras croisés. Il sursauta de surprise.

— Lucy, mais qu’est-ce que tu fais ici ?

— Tu m’as dit qu’on se verrait après, alors je suis venue. Au moins, là, je suis sûre de te voir !

— Euh… oui, bafouilla-t-il, c’est vrai, mais… tu sais j’ai pas encore mangé, alors…

— J’ai tout prévu, enchaînai-je en sortant, de sous la chaise, un sac en plastique rempli de nouilles instantanées et de bouteilles d’eau.

De quoi tenir un petit moment tous les deux. Il ne pouvait plus faire machine arrière et avoua :

— Ce n’est pas une bonne idée que tu restes dans ma chambre. Tu imagines si quelqu’un passe, qu’est-ce qu’on pourrait croire ?

— Eh bien oui, c’est vrai ça, qu’est-ce qu’on pourrait croire ? Qu’on flirte, qu’on est ensemble ? Parce que moi aussi je me pose la question. J’aimerais bien savoir ce qu’on est tous les deux, Matthew.

Il soupira, pris au piège dans sa propre chambre. Il ne pouvait pas m’ignorer éternellement, il allait devoir se heurter à moi un jour ou l’autre.

— Écoute, je t’ai fait comprendre pendant des mois que tu me plaisais, on s’est même embrassés, mais toi tu es encore accrochée à ton ex, alors…

— Quoi ? Mais pas du tout, je te rappelle qu’il a manipulé mes sentiments pendant presque un an, alors désolée si j’étais perdue à l’époque !

— Je le sais, c’est pour ça que je t’ai laissé du temps, mais maintenant… je sais même plus si ce serait une bonne idée, toi et moi.

Je perdais complètement le contrôle de la situation et de mon sang-froid.

— Ah oui, je vois… maintenant que tu as eu ce que tu voulais, je ne t’intéresse plus c’est ça ? T’as envie de passer à autre chose.

— Quoi ? Non, pas du tout ! s’écria-t-il, outré.

— Ne me prends pas pour une idiote, tu savais que ça serait compliqué entre nous, William ou pas. Tu es mon chef, ne me fais pas croire que tu n’avais pas réfléchi à ça avant.

— Si, bien sûr que si, mais…

Il n’arrivait pas à finir sa phrase. Son air gêné m’énerva et me mit hors de moi. Je terminai sa phrase vu qu’il n’avait pas le courage de le faire seul.

— Mais ça ne te posait pas de problèmes avant de m’embrasser. Maintenant que c’est fait, maintenant que tu m’as eue, je n’ai plus d’intérêt à tes yeux. Tu as gagné. J’ai même l’air d’être un fardeau, vu comment tu m’évites.

Le visage de Matthew se ferma.

— Si c’est pour venir me dire des choses pareilles, tu peux t’en aller, cracha-t-il.

Il se décala à côté de la porte, m’invitant à sortir. Mon cœur était sur le point d’exploser mais je ne me démontai pas.

— Tu vois, tu fuis encore, lui balançai-je en partant la tête haute.

Je claquai la porte derrière moi et courus jusqu’à mon dortoir où Elisabeth m’attendait. Elle se redressa.

— Alors ?

— Les mecs, c’est tous des cons, lui répliquai-je en sanglotant.

Elle soupira et m’invita à la rejoindre sur son lit.

— Quelle chance j’ai de ne pas en être amoureuse ! Allez, raconte-moi, me dit-elle en me tapotant le dos.

Je lui racontai mon engueulade avec Matthew en confidence. Elisabeth était comme une grande sœur pour moi et je ne me rendais pas compte de tout ce qu’elle faisait, en tant que telle, pour m’aider et me soutenir. Nous décidâmes de passer la soirée ensemble loin des garçons. Je ne voulais pas créer de tension entre Matthew et les autres. Même si la distance de notre chef allait se faire sentir au sein du groupe.

CHAPITRE 5 : L’exploration. Gerland.

Axel

Cela faisait plusieurs jours que je n’avais plus entendu parler d’Interkan. Tant mieux ! Je n’ai aucune envie de revoir ces têtes de guignols ! pensai-je.

Mais après réflexion, je me demandais si je ne devrais pas porter plus d’attention à ce fameux Dan. Interkan ne m’intéressait pas, je n’avais plus besoin d’apprendre quoi que ce soit sur ma Capacité. Non, c’était surtout ce directeur qui m’intriguait. Il m’avait impressionné lors de notre rencontre en devinant mon prénom alors que j’étais dématérialisé dans un ordinateur. J’avais plutôt intérêt à ne pas l’avoir comme ennemi. Même si cela commençait mal avec sa mise en garde sur les Spyders. Comme quoi ils allaient revenir. Qu’ils essaient, tiens ! Je n’avais aucune envie de me retrouver au milieu d’un combat qui n’était pas le mien. Tout ce que je souhaitais, c’était continuer ma petite vie de geek sans que personne ne vienne m’emmerder.

Mais… je ne saurais dire pourquoi, je sentais que ça n’allait pas durer.

Pour avoir une longueur d’avance, je voulus faire des recherches sur les Spyders. Toujours connaître son ennemi, la base de la survie.

Je sortis de mon canapé clic-clac avec lequel j’étais en train de fusionner tellement il était usé. Il prenait une place monstre dans mon petit studio sombre et mal rangé. La pizza d’hier soir coulait sur la table basse.

Je me dirigeai vers mon ordinateur, mon outil de travail.

C’était une tour posée sur un immense bureau. Certes, elle n’était pas de première génération, l’écran de quinze pouces qui l’accompagnait était parsemé de taches de gras. Mais la qualité n’avait aucune importance. Tout ce dont j’avais besoin était la carte mère et le processeur à l’intérieur. Cela me suffisait pour entrer dans le système. Littéralement.

Le logo Linux Debian apparut, le processus était lancé. Le bureau d’accueil était vide, aucun logiciel n’était installé. Je ne devais laisser aucune trace de mon passage. En tant que hacker, j’avais toujours quelques clés USB bootables sous la main, mais je ne m’en étais jamais servi. Je ne me fiais qu’à moi-même et à ma Capacité. Les mains posées sur le clavier, je fixai longtemps l’écran au point que des taches dansèrent devant mes yeux. Mes doigts traversèrent le plastique, je ne faisais plus qu’un avec la machine. L’écran clignota et des dizaines de logos de logiciels apparurent en même temps que je disparaissais à l’intérieur de l’ordinateur.

Lorsque j’ouvris les yeux, des petites lignes de code se déplaçaient çà et là autour de moi, preuve que j’étais dans le système à quatre dimensions. La notion d’espace-temps n’existait pas entre ces murs virtuels.