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Victory Storm

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Beschreibung


LUCAS. Il y a quatre ans, Kira est partie, m'abandonnant au seuil du pire moment de ma vie. Je ne le lui pardonnerai jamais. Maintenant elle est de retour et toute la haine accumulée en moi me tient éloigné d'elle. Pourtant, chaque fois qu'elle me regarde, je suis troublé, perdu et effrayé. Cependant je ne dois jamais oublier ce que je suis : de la viande avariée que nul n'aimera jamais fréquenter.

KIRA. Après quatre années d'éloignement et de désespoir face à cette séparation forcée, je suis finalement retournée auprès de Lucas. Mais maintenant les choses ont changé et je me retrouve victime de ses brimades. Qui est ce garçon qui ne connaît que la violence et ne se sert des filles que pour les mettre dans son lit ? Je ne sais pas ce qui s'est passé mais je ferai tout mon possible pour effacer la haine que je lis dans ses yeux et qui le tient éloigné de moi.

Ouvrages de la même série :

  • Love Hurricane
  • Transgression
  • Touch Me
  • Dare Me

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Veröffentlichungsjahr: 2023

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Victory Storm

Love Hurricane

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table des matières

LOVE HURRICANE

Première partie

LUCAS

KIRA

ADAM

RELATIONS

Deuxième partie

RETOUR

COURS

BAISER

ENGAGEMENT

FRONTIÈRE

PASSION

PHOTOGRAPHIES

TCHAT

AVERTISSEMENT

PROPOSITION

LETTRE

À L’AIDE

CRISE

CONFIANCE

VÉRITÉ

AMOUR

NEW YORK

EXCLUSION

AGRESSION

NOËL

ÉPILOGUE

REMERCIEMENTS

LOVE STORM SERIES

LOVE HURRICANE

VICTORY STORM

LOVE

HURRICANE

Victory Storm

Traduction de LariusTrans

LOVE STORM SERIES

©2022 Victory Storm

Email : [email protected]

Site web : www.victorystorm.com

Traducteur : LariusTrans

Couverture : Project de Victory Storm

Tous droits réservés.

Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal .

Ce roman est une œuvre de fiction. Les personnages et les situations décrits dans ce livre sont purement imaginaires : toute ressemblance avec des personnages ou des événements existants ou ayant existé ne serait que pure coincidence.

Synopsis

LUCAS. Il y a quatre ans, Kira est partie, m'abandonnant au seuil du pire moment de ma vie. Je ne le lui pardonnerai jamais. Maintenant elle est de retour et toute la haine accumulée en moi me tient éloigné d'elle. Pourtant, chaque fois qu'elle me regarde, je suis troublé, perdu et effrayé. Cependant je ne dois jamais oublier ce que je suis : de la viande avariée que nul n'aimera jamais fréquenter.

KIRA. Après quatre années d'éloignement et de désespoir face à cette séparation forcée, je suis finalement retournée auprès de Lucas. Mais maintenant les choses ont changé et je me retrouve victime de ses brimades. Qui est ce garçon qui ne connaît que la violence et ne se sert des filles que pour les mettre dans son lit ? Je ne sais pas ce qui s'est passé mais je ferai tout mon possible pour effacer la haine que je lis dans ses yeux et qui le tient éloigné de moi.

Ouvrages de la même série :

Transgression

touch me

Première partie

2010 - 2017

LUCAS

Princeton, Kentucky - 28.09.2010

Un ouragan.

C’est ce qui vint à l’esprit de Lucas devant la crânerie de l’inconnue qui s’était interposée entre son père et lui.

“ Essaie de le frapper une seule fois encore et je te dénonce !” hurla cette tornade en furie, faisant sursauter Lucas lui‑même dont la main était appuyée sur sa joue rouge gonflée par la gifle qu’il venait de recevoir.

L’homme eut un rire sonore face à une menace aussi ridicule.

Cette sonorité rauque et si mordante fit frissonner l’échine de Lucas, le poussant à s’abriter lâchement derrière le dos plus haut de sa sauveuse ; apparemment, celle‑ci ne semblait pas le moins du monde effrayée par l’attitude faussement amusée de son père.

Cependant Lucas ne connaissait que trop bien son père et il savait ce qui allait suivre après ce ricanement digne d’un baryton, à plus forte raison après de telles menaces à peines voilées.

Dans un élan de courage il saisit le sac à dos de sa sauveuse, s’efforçant de l’entraîner au loin avant que son père sorte de ses gonds et lève la main sur elle ou, pis encore, qu’il emploie la ceinture de ses pantalons.

“ Fais bien attention à ce que tu dis morveuse”, la prévint l’homme, redevenu subitement sérieux tout en s’approchant.

De nouveau, la fillette le brava de sa petite voix tendre mais en même temps forte, déterminée à ne pas se laisser impressionner par ce parasite : “C’est à toi de bien faire attention à ce que tu fais ou je vais le dire à ma mère et elle t’enverra tenir compagnie en prison à tous ces parents violents qui battent leurs enfants.”

“ Qu’est‑ce que tu racontes ?”, s’emporta l’homme en se penchant vers la fillette, laquelle fit la grimace devant son haleine chargée d’alcool.

Puis arriva le soupir de son père. Ce soupir que Lucas ne connaissait que trop bien : ce sifflement vibrant et tendu qui précédait un geste violent contre ce qui se trouvait dans les parages.

D’un coup d’œil furtif il scruta le visage fier et parfait de cette fillette qui n’avait pas bougé d’un pouce, continuant à le protéger et à l’abriter derrière ses épaules qui ployaient légèrement sous le poids du cartable chargé de livres.

Ses yeux s’arrêtèrent sur ses joues roses et si parfaites, sur sa petite bouche en forme de cœur qui ne portait nulle cicatrice, aucune trace de violence.

Elle avait des traits un peu étranges, d’après lui, mais en même temps curieux et il souhaita pouvoir mieux la dévisager mais la respiration essoufflée et tremblante de son père eut le dessus.

Dissimulant sa peur et les plaintes de douleur qui allaient échapper, incontrôlables, de sa bouche, il prit son courage à deux mains et, avec une force dont il ne se serait pas cru capable, il parvint à pousser de côté sa sauveuse juste à temps avant que la main de son père ne frappe sans pitié les joues de la fillette.

“ Laisse‑la tranquille !”, s’écria le petit garçon dans un cri de désespoir. Il savait qu’il ne pouvait rien faire contre son père mais il se jura à lui‑même qu’il ferait l’impossible pour protéger cette innocente qui avait commis l’erreur d’affronter le puissant et irascible Darren Scott.

Le saisissant par le collet son père se fâcha : “Tu n’as pas d’ordre à me donner, compris ? Tu n’es qu’un gamin stupide qui fera la même fin que ta ratée de mère !”

Quelques mois s’étaient écoulés depuis le jour où il avait découvert sa mère endormie dans la baignoire.

Surpris initialement de trouver sa mère tout habillée dans la baignoire, la chose avait pris une tout autre tournure lorsqu’était arrivé son père.

Même à présent il avait du mal à remettre de l’ordre dans ses souvenirs. Il se remémorait par bribes les exclamations de douleur et de colère de son père pendant qu’il sortait sa femme de l’eau, et de la domestique Rosalinda qui pleurait et criait que cette maison était maudite tandis qu’elle appelait une ambulance.

Puis tout était devenu flou jusqu’aux funérailles de sa mère.

Il ne se souvenait pas s’il avait pleuré mais se rappelait que le soir‑même, de retour du cimetière, son père avait bu plus qu’à l’accoutumée et avait commencé à l’invectiver en disant qu’il n’était qu’un raté comme sa mère, lâche au point d’en arriver au suicide, le laissant seul pour s’occuper d’un fils dont il n’avait jamais voulu ; un fils qui ne pouvait être qu’un bâtard eu égard au passé scabreux et dépravé de cette vipère qu’il avait épousée dix ans auparavant.

La nuit‑même, enfermé dans sa chambre et caché sous les couvertures, il avait commencé à trembler et appeler sa mère dans l’espoir vain qu’elle accourût à son secours.

Malheureusement son rêve ne s’était pas réalisé tout comme, du reste, cela ne s’était jamais produit du vivant de sa mère, et il ne lui restait plus qu’à pleurer, jusqu’à en ressentir des douleurs au ventre et à la tête.

En cet instant les mots de son père le frappèrent avec la même violence que cette nuit‑là.

Il se mordit les lèvres pour ne pas pleurer mais, à la fin les larmes, s’écoulèrent abondamment.

“ Ne lui fais de mal papa, je t’en prie”, le supplia‑t‑il en sanglotant et dissimulant son visage derrière la manche de son veston pour se cacher de cette fillette qui était plus courageuse que lui.

“ Mon fils qui chiale pour une fille ! C’est nouveau ! Tu n’es qu’une lavette. Tu sais quoi ? Tu vas rentrer tout seul à la maison, ça t’apprendra à me désobéir et à t’opposer à moi !” décréta son père qui tourna les talons et se dirigea vers sa voiture, d’un pas mal assuré à cause des consommations qu’il avait ingurgitées au cours l’après‑midi.

Effrayé à l’idée de rentrer tout seul à la maison, Lucas tenta de l’arrêter : “Attends‑moi papa”. Mais son père était déjà arrivé à la portière et, sans le daigner d’un regard, monta à bord de la voiture et partit, laissant son fils âgé de neuf ans, tremblant et en larmes sur le bas‑côté de la route.

“ Ne t’inquiète pas. Ma maman va te raccompagner chez toi en voiture”, s’efforça de l’apaiser la fillette qui, tout en restant à l’écart, avait observé toute la scène.

La douceur et la gentillesse de sa voix réussirent à apaiser les souffrances de Lucas qui cessa de pleurer.

Il sentit la main chaude et douce de la fillette qui, sans un mot, prit la sienne, froide et tremblante.

La vue encore embuée par les larmes il se laissa entraîner vers la fontaine de la cour de récréation déserte de l’école.

Il la vit extraire de son tablier rose un mouchoir Hello Kitty et le tremper sous le jet d’eau de la petite fontaine.

Puis, avec une délicatesse qui lui était inconnue, il sentit qu’elle lui passait le tissu humide et frais sur les joues et les yeux.

“ Ma mère me fait toujours rincer les yeux après avoir pleuré pour qu’ils ne soient pas rouges et gonflés”, lui expliqua‑t‑elle avec douceur, continuant à lui mouiller les yeux avec le tissu imbibé d’eau.

Lorsque la fillette jugea satisfaisant ce débarbouillage, elle prit un autre mouchoir, propre et repassé, de son sac, qu’elle déplia et s’en servit pour lui essuyer délicatement le visage.

Étourdi et content de ces attentions inattendues et reposantes, il se laissa faire, immobile comme une poupée.

Le vent piquant de l’automne soufflait avec force cet après‑midi mais Lucas retrouva le sourire, heureux de cette ultime caresse dont le ciel avait daigné le gratifier.

Rasséréné comme il ne l’était plus depuis des mois, il ouvrit les yeux et finalement réussit à regarder sa sauveuse en face, cet ouragan qui, avec des gestes gentils et délicats, s’était transformé à l’instant en légère brise printanière.

Il la regarda longuement jusqu’à ce que sa mémoire lui rappelle le nom de la fillette : Kira. C’était la nouvelle de la classe et elle était assise au troisième rang, derrière lui.

“ Tu as un visage curieux”, observa Lucas, parcourant la fillette du regard, laquelle le dépassait d’une bonne dizaine de centimètres. Même si elle était mince et plutôt grande, elle avait un visage large et rond qui surmontait ce corps fluet courbé sous le poids du cartable.

Sa peau était très claire, les joues rougies par le froid, sa petite bouche en forme de cœur était serrée et tendue par la concentration qu’elle mettait à replier ses deux mouchoirs

Lucas s’arrêta avec curiosité sur ses lèvres si petites et charnues, se demandant si elle parvenait à avaler quelque chose de plus gros qu’une miette.

Mais ses yeux, à demi‑fermés et avec un pli en forme d’amande, le fascinaient davantage. Bien qu’ils fûssent cachés par sa frange noire, droite et un peu trop longue, il réussit à apercevoir deux yeux marrons éclatants aux reflets d’un vert sombre qui lui rappelaient les bois de Westurian Lake, là où son père avait une maison pour l’été et où ils s’étaient rendus pour la dernière fois deux ans plus tôt.

Avec un mouvement d’ennui, la fillette rejeta d’un souffle sa frange vers l’arrière et le regarda d’un air vexé.

“ Et toi tu es bien court sur pattes pour être un garçon”, répliqua‑t‑elle en croisant les bras.

S’empêtrant dans les mots, Lucas tenta une explication : “Tu n’as pas l’air américaine”,.

“ Excuse‑moi mais où étais‑tu ce matin lorsque la maîtresse m’a présentée à la classe ?”

Lucas n’osa pas lui avouer qu’il s’était endormi parce que les bougonnements d’ivrogne de son père l’avaient tenu éveillé la nuit précédente.

Les mains sur les hanches, dans un geste de défi la fillette prit une grande inspiration et recommença sa présentation du matin‑même avec l’espoir de la graver au fer rouge dans le cerveau de son nouveau camarade de classe.

“ Je m’appelle Kira Yoshida. J’ai neuf ans. Mon père est japonais et travaille pour l’armée tandis que ma mère, américaine, est assistante sociale.

Content, Lucas s’exclama : “Voici la raison pour laquelle tu as un visage bizarre. Tu es japonaise.”

“ Je n’ai pas un visage bizarre ! Maman me dit que j’ai les traits du visage de mon père et que je possède les yeux et le caractère de ma mère. Comme je disais, je suis moitié japonaise et moitié américaine. Je m’exprime aussi bien en japonais qu’en anglais et j’ai fréquenté l’école internationale de Tokyo. Puis on a muté mon père ici pour quatre ans afin d’entraîner les nouvelles recrues à la surveillance des ambassades américaines dans le monde. Maman ne voulait pas demeurer seule à Tokyo et c’est pourquoi nous avons déménagé avec papa même si, en réalité, il n’est pratiquement jamais là. Je suis plutôt douée à l’école même si je me débrouille mieux dans l’écriture des idéogrammes japonais qu’avec votre écriture ; mais maman dit que j’apprends vite et j’ai déjà décidé que, lorsque je serai grande, je serai assistante sociale moi aussi. Je faisais partie du club de basket à Tokyo bien qu’en réalité ce sport ne m’ait jamais plu. Je déteste les sports et j’adore regarder des dessins animés et lire des mangas.”

“ Qu’est‑ce que c’est qu’un manga ?”

“ Des bandes dessinées”, expliqua Kira que l’ignorance de Lucas contrariait.

“ Moi aussi j’aime bien les bandes dessinées !” se réjouit le garçonnet.

“ Alors je t’en prêterai.”

“ Vraiment ?” Lucas fut surpris car nul ne voulait avoir à faire avec lui et encore moins avec son père.

“ Pourquoi pas ? Nous sommes amis, n’est‑ce pas ?”

Amis.

Ces paroles firent à Lucas l’effet d’un coup au cœur.

Il n’avait pas d’amis.

Aucun enfant ne s’était jamais approché de lui, de crainte de tomber sur le puissant et mauvais Darren Scott. Même si tous les parents et les enseignants étaient intimidés en présence de son père, il avait bien compris que nul ne serait jamais son ami. Ni maintenant ni jamais.

Et voilà que ce jour l’ouragan Kira était entré dans sa vie. Il ne se rappelait plus son nom de famille, trop difficile à prononcer.

“ Oh mon Dieu Kira ! J’arrive ! Pardon, excuse‑moi !” s’exclama une femme à bout de souffle qui courait vers eux.

“ Maman !”, s’exclama Kira, heureuse, courant vers elle pour l’embrasser.

Voir une telle scène fit venir les larmes aux yeux de Lucas qui n’avait jamais joui de l’affection maternelle : lorsqu’elle était encore en vie, sa mère partageait son existence entre un cocktail et une pilule pour dormir, quand elle n’était pas agressée par les délires de jalousie de son mari.

“ Mon trésor, excuse‑moi si j’arrive en retard ton premier jour de classe mais j’ai été embauchée ce matin et j’ai dû traiter certaines affaires qu’il m’a fallu apporter au Tribunal des mineurs avant de venir te rejoindre. J’ai été prise dans les embouteillages et j’ai fait aussi vite que possible. Excuse‑moi.”

“ C’est sans importance, toutefois il faut que nous conduisions Lucas à la maison. Son père l’a frappé avant de l’abandonner ici”, lui répondit sa fille avec une sincérité naturelle mais sans pitié qui, telle un gifle, frappa autant Lucas que sa mère.

“ Kira, c’est une accusation grave”, l’avertit sa mère qui passait la majeure partie de sa vie professionnelle à combattre la maltraitance ou des problèmes familiaux difficiles à résoudre sans l’aide d’une assistante sociale.

“ Tu dois porter plainte contre lui, obtenir un mandat d’arrêt et l’envoyer derrière les barreaux”, s’échauffa la fillette, répétant dans les moindres détails ce qu’elle avait entendu la veille à la télévision.

Sa mère comprit : “La prochaine fois évite de regarder Law and Order avec moi” Puis elle s’appprocha de Lucas : “Et toi tu dois être Lucas, n’est‑ce pas ? Je m’appelle Elizabeth Madis et je suis la maman de Kira.”

Lucas acquiesça timidement devant cette femme souriante aux yeux verts, au regard doux et courageux. Kira avait raison : elle avait les yeux de sa mère mais, ceci mis à part, elles ne se ressemblaient guère. Les cheveux noirs de jais et brillants de Kira contrastaient avec ceux ondulés et couleur caramel de sa mère.

“ Kira dit que ton papa t’a frappé. Est‑ce vrai ?” lui demanda‑t‑elle avec gentillesse.

“ Oui c’est vrai. Sa joue était rouge”, s’ingéra Kira, à laquelle sa mère décocha un regard noir.

“ Cela arrive”, chuchota Lucas mal à l’aise. Il n’osait même pas imaginer ce qu’aurait dit son père s’il était informé de cette conversation.

“ Je comprends. Et où est‑il à présent ?”

“ À la maison. Il était fâché.”

“ Et ta mère ?”

Lucas mit plusieurs secondes pour répondre : “Elle n’est plus là.”

Elizabeth le réconforta immédiatement en lui caressant le visage : “Je suis désolée mon chéri. Connais‑tu l’adresse de ta maison ? Si tu veux, nous te raccompagnons. Ma voiture est garée à l’extérieur, devant la grille.”

Lucas sourit avec reconnaissance. Quelqu’un était enfin venu à son secours.

Il regarda encore la femme qui lui parut ressembler à un ange.

“ Ce cartable doit être très lourd, Lucas. Donne‑le moi et je vais le poser sur le siège arrière”, proposa‑t‑elle.

Le petit garçon se retourna et Elizabeth réussit à libérer ses épaules du cartable. Mais en faisant ainsi, elle tira également la veste et sa chemise vers le haut.

“ Oh, le cartable s’est pris dans tes vêtements. Attends, je vais te libérer”, mentit Elizabeth qui s’abaissa vers l’enfant, lequel était ignare d’avoir mis en évidence une longue trace violette qui courait d’un côté à l’autre de son dos, souvenir des coups de ceinture reçus trois jours auparavant.

Les yeux à demi‑fermés et les lèvres contractées au point de blanchir, firent reculer Kira qui savait que cette attitude était l’annonce d’une réprimande terrible. Mais quand sa mère se redressa, elle était de nouveau souriante, ce qui confondit sa fille.

Elle s’exclama : “Allons à la maison. Entre temps que diriez‑vous d’une bonne glace ou d’une part de gâteau au Chocoly ?” Ce qui fit sauter de joie Kira qui avait connu cet endroit le jour de leur arrivée, quand sa mère lui avait offert la plus grosse glace du monde, pleine de bonbons et de biscuits.

Lucas le connaissait aussi mais il n’y avait jamais mis les pieds.

Dès qu’ils furent en voiture, Elizabeth se dirigea vers l’établissement où elle laissa les enfants se jeter sur les douceurs et se gaver de bonbons, biscuits, muffins et crème, tandis qu’elle se retirait dans le lieu le plus discret du bar afin de passer quelques appels téléphoniques urgents, relatifs à ce qu’elle avait vu sur le dos du petit garçon.

Lucas mangea au point d’exploser sous le regard attendri et souriant d’Elizabeth qui lui reprochait d’être trop petit et trop maigre pour son âge.

Quand vint l’heure de rentrer, Lucas s’assit à contre‑cœur dans la voiture et donna l’adresse de son domicile à Elizabeth qui l’inséra dans son GPS, étant donné qu’elle ne connaissait pas encore les rues de Princeton.

“ Et ton père croyait que tu allais faire huit kilomètres à pied tout seul ?”, s’exclama Elizabeth, passablement irritée par les indications que lui fournissait le navigateur.

Lucas se tut ; il se demanda si huit kilomètres représentaient quelque chose de lointain.

Heureusement, Kira était là et parvint à le distraire durant le trajet jusqu’à son domicile.

Malheureusement lorsque l’énorme villa de son père apparut au travers des vitres de la voiture, tout sourire disparut de son visage.

Quand le portail s’ouvrit, l’enfant se mit à trembler en se demandant quelle serait la réaction de son père face à ce qu’il venait de faire.

“ Les enfants attendez‑moi ici !” dit Elizabeth. Elle sortit de la voiture et se dirigea vers la porte d’entrée qui venait de s’ouvrir en grand pour laisser passer la figure imposante de Darren Scott.

“ Monsieur Scott, je présume.”

“ Oui. Et vous, qui êtes‑vous ?”

“ Je m’appelle Elizabeth Madis. J’ai rencontré votre fils abandonné devant l’école, en dehors des horaires scolaires normaux. J’ai pris Lucas et je l’ai reconduit à la maison.”

“ Bien, et maintenant allez‑vous en.”

“ Non !”

“ Non ? Que voulez‑vous ? De l’argent ? Je ne vous ai pas demandé de le ramener ici ! Il pouvait rentrer à pied en ce qui me concerne !”

“ Mais vous n’avez pas honte ! Il y a près de huit kilomètres ! Comment pouvez‑vous imaginer qu’un enfant de neuf ans effectue une aussi longue marche à pied, qui plus est tout seul !”

“ Et vous, qui êtes‑vous pour vous permettre de me dire ce que je peux et ne peux pas faire avec mon fils ?”

“ Je suis assistante sociale et je vous préviens que tous les éléments pour vous ôter la garde de votre fils sont réunis : abandon de mineur, violences physiques et très probablement psychologiques, ensuite votre enfant semble sous‑alimenté... et cependant je n’ai pas l’impression que vous soyez dans la misère !”

“ Comment osez‑vous venir chez moi pour m’insulter ?” explosa Darren Scott, se précipitant vers la femme, puis s’arrêtant à quelques centimètres de son visage.

“ Vous êtes ivre”, remarqua Elizabeth à partir des relents d’haleine qui lui parvenaient au visage.

Il la menaça : “Partez d’ici ou j’appelle la police et je vous fais perdre votre emploi. Je vous ferai chasser pour toujours de cette ville.”

Inperturbable Elizabeth poursuivit, décidée à remporter la partie : “Vous ne me faites pas peur. Et sachez que dans les prochains jours vous subirez un contrôle sanitaire et un de mes collègues viendra vérifier qu’il n’y a pas d’autre signe de violence sur le corps de Lucas. Autrement je vous envoie derrière les barreaux, me suis‑je bien faite comprendre ?”

“ Sortez de chez moi !” hurla‑t‑il, effrayant Lucas par la même occasion, lequel prit son cartable et sortit précipitamment de la voiture avant de courir à l’intérieur de la villa pour que cette dispute prenne fin.

“ À bientôt monsieur Scott”, le salua Elizabeth, une nuance de menace dans la voix, avant de remonter en voiture et de partir.

Après que la voiture fût sortie de l’immense propriété, Darren rentra chez lui où il trouva son fils effrayé et en larmes.

“ Tu as conduit une assistante sociale chez moi, sale bâtard !” explosa l’homme, furieux contre son fils.

L’enfant murmura faiblement : “Je n’en savais rien”, prêt à en payer les conséquences.

“ Cette pute croit vraiment pouvoir me défier et me menacer... Dans ma ville qui plus est !? Elle me le paiera ! En ce qui te concerne je ne pourrai pas te frapper au cours des prochains jours mais tu peux être sûr que tu paieras pour ce que tu as fait ! Et maintenant file dans ta chambre ! Tu peux oublier le dîner ce soir, ça t’apprendra à ramener cette racaille à la maison.”

Lucas ne se le fit pas dire deux fois.

Il fila comme une flèche dans sa chambre, remerciant de tout son cœur Kira et sa mère pour le goûter gourmand qu’elles lui avaient offert. Son estomac était encore plein et, avec soulagement, il plongea sous les couvertures, faisant le vœu que le matin arrive vite.

Il voulait revoir Kira, son amie spéciale, cet ouragan à la bouche en forme de cœur, aux yeux d’un vert profond, qui venait de révolutionner sa journée et dont, au fond de lui‑même, il était convaincu qu’elle changerait sa vie.

KIRA

Princeton, Kentucky - 12.07.2014

Enfermée dans son bureau, Elizabeth Madis hurlait au téléphone : “Je n’en peux plus de cette situation ! Je me fiche pas mal que Darren Scott soit le maître de la ville ! J’ai compris... Oui... Oui... Absolument pas ! Je n’ai aucune intention de laisser tomber... Peu importe si cette guerre dure depuis quatre ans ! Je suis lasse de permettre à ce monstre de détruire l’enfance d’un petit garçon ! Je suis au courant qu’il a déjà essayé de me faire renvoyer... Cela fait plusieurs années qu’il essaie mais je suis suffisamment efficace dans mon travail pour avoir le feu vert du maire... J’ai compris... Oui... D’accord. Mais je n’arrive plus à gérer cette situation ! Lucas, de nouveau blessé, est dans ma cuisine et ma fille est en train de le soigner ! Le mois dernier il avait eu une blessure à la lèvre, aujourd’hui il a une entaille profonde au niveau du sourcil gauche !” Elle était convaincue que les deux enfants ne l’entendaient pas depuis la cuisine mais malheureusement, sa colère et sa frustration traversaient les murs. Depuis des années elle discutait avec son chef des mesures à prendre à l’encontre du puissant Darren Scott. Mais il semblait que tous les habitants de Princeton eussent au moins un membre de leur famille employé par lui ou fussent locataires de l’un de ses appartements en ruine : tous en craignaient les conséquences. Même le chef de la police.

Elizabeth, cependant, réputée pour obtenir dans son travail d’excellents résultats et grâce à son incroyable sixième sens à détecter ce qui n’allait pas dans les familles, ne s’était jamais avouée vaincue. À quatre années de distance elle s’efforçait toujours de rendre justice à cet enfant innocent qu’elle était souvent amenée à héberger et à soigner avec sa fille Kira laquelle, depuis qu’elle le connaissait, ne quittait plus Lucas.

Quoiqu’encore très jeune, Kira avait pris en charge les problèmes de son meilleur ami et, en cet instant précis, elle était trop occupée à rechercher un bandage pour écouter le coup de téléphone de sa mère dont elle connaissait le contenu par cœur.

“ Peut‑être que la cicatrice restera visible. Assieds‑toi et continue d’appuyer sur la gaze”, intima‑t‑elle à Lucas, contrariée et énervée de n’avoir pu empêcher cet enième accès de violence sur le garçon.

“ Ça fait mal !” gémit Lucas, s’asseyant sur un tabouret au comptoir de la cuisine, comptoir sur lequel était déversée toute une floppée de médicaments, de la gaze, du coton et du sparadrap.

“ Tiens le coup et ne bouge pas ! Je n’y arrive pas”, poursuivit Kira, soufflant en s’efforçant de poser sur son sourcil ouvert le plus grand pansement qu’elle eût trouvé.

“ Ce n’est pas de ma faute si tu es petite”, la taquina Lucas, amusé par le regard menaçant de Kira qui, lorsqu’elle serrait les yeux, paraissait sortir d’un manga japonais.

Kira voulut clarifier le point : “Tu ne fais que trois centimètres de plus que moi et j’aimerais te rappeler que, jusqu’à l’année dernière, tu n’étais pas plus haut que trois pommes”. Elle s’était rendue compte à quel point tous ses camarades de classe avaient grandi alors qu’elle‑même, autrefois la plus grande de la classe, était désormais la plus petite. Même ses deux meilleures amies, Jane et Roxanne, la dépassaient à présent, ne fût‑ce que de quelques centimètres.

“ Peut‑être devrais‑je reprendre le basket”, songea‑t‑elle, contrariée du fait qu’elle n’avait pas crû d’un millimètre ces deux dernières années.

Aussitôt après elle lui ordonna : “Ôte ton maillot, il est taché de sang”. Elle repensa à la quantité de sang qui était sortie de sa blessure lorsqu’elle lui avait rendu visite dans l’après‑midi de ce jour de fête. Elle avait dû faire un gros effort sur elle‑même pour ne pas vomir après s’être défoulée sur le père de Lucas, le traitant de “boucher alcoolique” et de “Jack l’éventreur”. L’intervention de sa mère avait, seule, permis de les emmener en sécurité loin de la colère funeste de cet homme complètement imbibé d’alcool.

“ Et qu’est‑ce que je vais me mettre ?”, s’inquiéta Lucas, gêné de montrer sa poitrine dénudée sur laquelle étaient encore visibles au niveau des omoplates les signes des dernières violences de son père.

“ Hier maman et moi‑même t’avons acheté un nouveau maillot au marché. Maman voulait te l’offrir pour la rentrée prochaine mais moi je vais te la donner tout de suite ! C’est moi qui l’ai choisi !” s’exclama Kira avec enthousiasme, faisant rougir Lucas jusqu’aux oreilles. Mais elle l’ignora et l’entraîna par la main, comme elle faisait toujours, dans la chambre de ses parents où sa mère avait caché le cadeau emballé dans le tiroir des chaussettes de son mari.

Parvenus dans la chambre, Kira et Lucas s’enfermèrent à l’intérieur.

Rassuré par l’intimité du lieu, il ôta le maillot sali et Kira se précipita sur le paquet coloré qu’elle tendit à son ami.

“ C’est pour toi !”

Ému, il ouvrit le paquet et murmura : “Merci.”

À l’intérieur se trouvait un maillot de couleur bleue sur lequel trônait le champignon de Super Mario de la console Nintendo de Kira ; en dessous était imprimé son nom, Lucas.

“ J’ai pensé à toi dès que je l’ai vu parce que, quand nous passons le dimanche ensemble, nous jouons sur les consoles. Tu adores Super Mario Bros et sauter sur les champignons du jeu.”

“ Moi je saute par dessus tandis que toi tu leur rentre dedans et tu te fais descendre”, lui remémora Lucas qui considérait Kira comme un génie à l’école mais une nullité en matière de jeux vidéos.

Pour toute réponse Kira tira la langue ; satisfait, il lui sourit.

“ Alors de quoi ai‑je l’air ?”, lui demanda‑t‑il en détournant la conversation avant qu’elle ne lui dresse la liste de tous les domaines dans lesquels elle le dépassait sans difficulté.

Elle détestait donner des jugements précipités ou non pondérés donc, avec son air de supériorité coutumière, les mains sur les hanches, elle l’observa attentivement.

Le maillot lui allait parfaitement bien et la musculature de Lucas, qu’il n’avait pas quelques années plus tôt, ne lui avait pas échappé. Elle n’avait jamais rien dit à son propos mais elle s’était rendue compte qu’elle perdait désormais dans les batailles de polochons, quand ils se poussaient sur le divan ou lorsqu’ils jouaient au basket dans la cour. Même s’il était plutôt mince, il ne restait plus grand chose de l’enfant de neuf ans qu’elle avait connu quatre années auparavant.

Le temps avait passé et Lucas devenait robuste, grandissait et devenait plus courageux et effronté. Il ne craignait plus les coups de son père qu’il avait appris à encaisser sans verser une larme.

Kira le regarda longuement et comme toujours, elle fut subjuguée par ce visage qu’elle avait appris à aimer, malgré son aspect changeant à cause des coups reçus par son père.

Ses yeux noisette brillaient toujours sous cette tignasse de cheveux châtains en désordre, malgré ce voile de mélancolie que Kira percevait si souvent dans son regard.

Savoir que son ami souffrait l’indisposait et, tout le temps qu’ils passaient ensemble, elle s’efforçait toujours de le mettre à l’aise et de le rendre heureux.

Une nuit elle avait atterri en larmes dans les bras de sa mère en pensant à Lucas.

“ Tu es encore trop jeune pour assumer un poids aussi lourd mais, vu que tu es suffisamment mûre pour t’en être rendue compte, alors fais de ton mieux pour le faire sourire ! Kira, si tu veux aider Lucas, tu ne dois pas pleurer mais au contraire être forte pour lui !”, lui avait dit sa mère en cette occasion. À l’époque elle n’avait pas compris la signification de ces paroles mais, depuis ce jour, elle s’efforçait de se montrer toujours heureuse et de protéger son meilleur ami.

Et maintenant, quelques années plus tard, elle avait face à elle un Lucas plus grand, plus robuste et beaucoup plus beau.

“ Alors ?”, l’exhorta Lucas inquiet. Il n’était certes pas habitué au silence de Kira, la personne au jugement le plus cinglant de toute l’école

Grâce à elle, nul ne s’était jamais avisé de se moquer de lui, pas même lorsqu’il était apparu que ses difficultés scolaires étaient dûes à une légère dyslexie. Une chose que ni l’orthophoniste ni le psychologue scolaire n’avaient pu certifier à cause de son père qui avait étouffé la chose dès qu’il fut question d’enseignant de soutien et d’examens adaptés pour aider son fils à surmonter son handicap.

Ce mot de handicap avait provoqué un esclandre et l’orthophoniste s’était retrouvé à l’hopital avec la cloison nasale cassée.

En cette circonstance, le tout‑puissant Darren Scott ne s’en était pas tiré à bon compte et il avait dû débourser une belle somme d’argent pour éviter le dépôt d’une plainte officielle.

“ Tu es beau”, fut le commentaire de Kira dont les yeux étaient rivés sur le maillot.

“ Beau ?” répéta amusé et embarrassé le garçon qui n’était pas habitué à recevoir semblable compliment.

Kira regretta d’avoir employé un tel qualificatif.

“ Jane dit que tu es beau”, précisa Kira, encore plus honteuse d’avoir révélé le secret de son amie.

“ Jane ? Jane Hartwood ?”

“ Oui. J’ai l’impression qu’elle veut sortir avec toi”, dit Kira à voix basse, continuant à se traiter d’idiote en son for intérieur et à se demander la raison pour laquelle elle révélait certaines choses à Lucas.

“ Vraiment ?”, lui demanda soudain Lucas d’un air sérieux.

Ce changement de ton fâcha Kira qui subitement en fut profondément irritée et fâchée.

“ Ne me dis pas qu’elle te plaît, hein ? Lucas, ne me dis pas que tu veux sortir avec elle, que tu veux l’embrasser et...” couina‑t‑elle d’une voix stridente et délirante.

Lucas l’interrompit : “Non, non ! Je suis seulement curieux. Je ne pensais pas plaire à Jane.”

Kira allait répliquer : “Si c’est pour ça, tu plais également à Roxy”, mais l’aiguillon empoisonné de la jalousie lui fit serrer les lèvres.

“ Que se passe‑t‑il maintenant ?”, s’inquiéta Lucas qui savait ce que cachait cette petite bouche en forme de cœur lorsqu’elle rétrécissait et devenait encore plus étroite.

“ Rien.”

“ Tu es fâchée”, en conclut Lucas qui la connaissait bien.

“ Je ne suis pas fâchée !”

“ Si c’est à propos de Jane, je la trouve mignonne mais elle n’est pas faite pour moi.”

De cette dernière phrase, Kira ne retint que la parole “mignonne”.

“ Alors elle te plaît !”

“ Je t’ai dit qu’elle était mignonne, pas qu’elle me plaisait.”

Furibonde et l’esprit échauffé, Kira s’écria : “Bon, alors tu te feras offrir ton prochain maillot Super Mario par elle !” et elle sortit de la chambre en claquant la porte.

“ Kira !” appela Lucas troublé. Au cours de toutes ces années passées ensemble il n’était jamais arrivé que Kira l’abandonnât et il se sentait profondément blessé à présent, comme s’il avait été la cause de cette réaction.

Kira ne sut pas déchiffrer l’étrangeté de son propre comportement mais elle se sentait anéantie, un poids douloureux sur la poitrine.

Parvenue dans sa chambre, elle éclata en pleurs.

Triste et désorientée par de telles émotions, elle s’effondra sur son lit.

Peu après elle entendit qu’on frappait à sa porte.

Elle ne répondit pas mais la porte s’ouvrit quand même.

C’était sa mère.

“ Ma chérie, puis‑je savoir ce qui se passe ? Lucas est parti en larmes ! Cela faisait longtemps que je ne le voyais plus pleu... Kira, toi aussi ! Tu pleures ?”, s’inquiéta tout de suite Elizabeth qui n’avait pas l’habitude de voir pleurer sa fille. Kira était toujours zen et assez peu émotive, sauf quand il s’agissait de quelque injustice.

Elle sanglota le visage couvert de larmes “Je ne pleure pas !”.

“ Kira, ma chérie, que s’est‑il passé ? T’es‑tu disputée avec Lucas ?”

En pleurnichant Kira tenta de s’expliquer : “Je ne sais pas... Je... Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je lui ai donné le maillot que nous lui avons acheté hier au marché et puis... il a dit que Jane était mignonne et je... je...”

“ Serais‑tu jalouse de Jane ?”, suggéra sa mère, s’efforçant de dissimuler un sourire amusé devant ce qui avait dû être une mini‑scène de jalousie. Au fond d’elle‑même elle s’était toujours demandée ce qu’il adviendrait de cette amitié spéciale entre Kira et Lucas lorsque, passé le stade de la puberté, ils deviendraient adolescents. L’attachement manifesté par sa fille permettrait‑il la présence d’une autre fille auprès de Lucas ? Lucas parviendrait‑il jamais à se détacher de sa meilleure amie ?

Depuis des années elle avait acquis la conviction que le lien entre les deux enfants se romprait difficilement et elle avait toujours imaginé qu’un jour elle les surprendrait en train de se bécoter derrière la haie du jardin.