Glitter Season - Victory Storm - E-Book

Glitter Season E-Book

Victory Storm

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Beschreibung

Une saison seulement peut parfois changer ta vie. Une saison étincelante née d’une amitié qui changera ton destin pour toujours.

Entre la trahison de son fiancé et son licenciement imminent du poste de ses rêves, la vie de Rachel n’allait pas dans la bonne direction. Emma vivait dans une cage dorée, entourée de l’affection de sa famille, mais elle rêvait de liberté et d’amour, avec un A majuscule. Abigail cherchait sa place dans le monde mais son manque d’assurance l’empêchait de s’exprimer pleinement.Un jour, Rachel, Emma et Abigail se rencontrent et deviennent amies. Une amitié qui rend leur vie pétillante, poussant Rachel à gravir les échelons du succès, Emma à trouver l’amour de sa vie et Abigail à devenir indépendante. Mais comme dans tout changement, il y aussi de la pagaille et tout ne va pas toujours comme elles veulent. Entre intrigues, aventures amusantes, soirées glamour et rencontres savoureuses, Rachel, Emma et Abigail réussiront-elles à conquérir le monde et à vivre leur Glitter Season ?

L’auteure utilise un style joyeux et fluide sans fioritures inutiles qui en gâcheraient la vivacité.Le livre se lit si facilement que toutes les émotions sont vécues en même temps que les protagonistes.(Dreamage Magazine)

On vit avec elles leurs tourments, amours, espoirs et rêves, l’évolution de leur vie personnelle et professionnelle.(In the world of books)

Personnellement, j’ai trouvé ce livre savoureux. Trois protagonistes très différentes qui ont en commun l’amour des livres, et créent un mix parfait. Impossible de choisir ma préférée. (Love4Romances)

« Glitter Season » de Victory Storm est une histoire qui nous raconte comment une amitié naît et évolue. Comment trois jeunes femmes affrontent leurs faiblesses et les transforment en force.(Notting Hill Books)

« Glitter Season » est un roman frais et pétillant qui se laisse lire rapidement, qui ne raconte pas une histoire mais bien trois, parce que chaque protagoniste a la sienne et une évolution personnelle à affronter.(Paper Purrr)

Le style de Victory Storm est pétillant, vivant et fluide. J’ai aimé la façon dont elle m’a fait percevoir le lien profond qui unit trois femmes très différentes. Je pense qu’on peut considérer l’amitié comme la quatrième protagoniste, silencieuse mais importante.(Rivendell Katy Booklover)

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Victory Storm

Glitter Season

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Ce livre a été créé avec StreetLib Write (http://write.streetlib.com).

table des matières

Glitter Season

Ce que pensent les blogueurs

PREMIÈRE PARTIE

1

2

3

4

5

SECONDE PARTIE

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Glitter Season

Victory Storm

Copyright ©2020 Victory Storm

Traducteur (ita --> fr): Pascale Leblon

Cover: https://123rf.com | Projet graphique de Victory Storm

Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal.

GLITTER SEASON

Une saison seulement peut parfois changer ta vie. Une saison étincelante née d’une amitié qui changera ton destin pour toujours.

Entre la trahison de son fiancé et son licenciement imminent du poste de ses rêves, la vie de Rachel n’allait pas dans la bonne direction. Emma vivait dans une cage dorée, entourée de l’affection de sa famille, mais elle rêvait de liberté et d’amour, avec un A majuscule. Abigail cherchait sa place dans le monde mais son manque d’assurance l’empêchait de s’exprimer pleinement.

Un jour, Rachel, Emma et Abigail se rencontrent et deviennent amies. Une amitié qui rend leur vie pétillante, poussant Rachel à gravir les échelons du succès, Emma à trouver l’amour de sa vie et Abigail à devenir indépendante. Mais comme dans tout changement, il y aussi de la pagaille et tout ne va pas toujours comme elles veulent. Entre intrigues, aventures amusantes, soirées glamour et rencontres savoureuses, Rachel, Emma et Abigail réussiront-elle à conquérir le monde et à vivre leur Glitter Season ?

Ce que pensent les blogueurs

Quand j’ai commencé à lire ce roman, j’ai été captivée dès le début, tenue en haleine jusqu’à la fin.

Victory a très bien entremêlé les histoires de ces trois jeunes femmes. Page après page j’ai pleuré, j’ai ri et j’ai été très émue.

Coccole tra i libri

L’auteure utilise un style joyeux et fluide sans fioritures inutiles qui en gâcheraient la vivacité.

Le livre se lit si facilement que toutes les émotions sont vécues en même temps que les protagonistes.

Dreamage Magazine

Que tu sois une riche héritière ou une jeune femme peu sûre d’elle, la bonne personne existe pour toutes (et est souvent plus proche qu’on ne le pense).

I libri dell’Andre

Je conseille la lecture à ceux qui croient aux valeurs de l’amitié et de l’amour, très hautes dans ce roman.

Il mio mondo di libri

Les histoires qui s’entremêlent sont intéressantes, s’imbriquent parfaitement, et te pousseront à tourner rapidement la page pour savoir ce qu’il va se passer chapitre après chapitre. Amour, secrets et intrigues ne manqueront pas dans la vie de ces personnages.

Il mondo delle sognatrici

On vit avec elles leurs tourments, amours, espoirs et rêves, l’évolution de leur vie personnelle et professionnelle.

In the world of books

PREMIÈRE PARTIE

Rencontres

1

« Respire et reprends le contrôle ! » ordonna Rachel à son reflet dans le miroir, cherchant à réfréner les larmes qui montaient sans relâche.

« Je ne peux pas pleurer ! Pas pour un connard comme Matt ! Et pas dans les toilettes du bureau ! » pensa-t-elle furieuse, rattrapant la première larme qui risquait de ravager son maquillage.

Elle respira à fond et tenta de penser à autre chose, mais ce jour-là, rien ne semblait vouloir fonctionner comme il fallait.

C’était son dernier jour de travail et personne aux Ressources Humaines ne l’avait contactée pour discuter d’un renouvellement de contrat ou autre. Elle en était bouleversée, ayant travaillé d’arrache-pied pendant des mois, se partageant entre une fonction d’éditrice et une de secrétaire à temps partiel pour Norman Carter, le fondateur de Carter House, la plus grande maison d’édition de non-fiction de Portland.

Elle était convaincue d’avoir créé un lien solide avec son patron. Ils avaient beaucoup discuté de l’avenir et du monde éditorial. Norman lui avait confié que les derniers trimestres avaient été désastreux comparés à sept ans auparavant.

Elle lui avait proposé d’élargir son lectorat en introduisant une collection de romans, mais Norman s’y était immédiatement opposé, les romanciers n’étant pas de vrais écrivains selon lui.

Il était d’avis que l’écriture était un talent que peu possédaient, et dont le but était éducatif ou informatif. Les romans, surtout commerciaux, étaient de catégorie C, même s’il n’avait rien à dire sur le chiffre d’affaires généré par les œuvres de ces “pseudo-écrivains”, comme il les appelait.

Ces derniers mois, Rachel avait toutefois ressenti une certaine affinité avec son patron, surtout depuis qu’il lui avait demandé si elle pouvait remplacer sa secrétaire malade, qui ne pouvait par conséquent travailler que quelques heures. Jusqu’à la fin de son cycle de chimiothérapie du moins.

Travailler auprès d’un personnage si important du monde de l’édition avait été un honneur, même si elle n’avait jamais été attirée par la fonction de secrétaire. Elle s’était donnée du mal pour être toujours irréprochable et Norman avait souvent manifesté son approbation par des sourires merveilleux et séduisants qui faisaient battre le cœur de toutes les employées.

“Il pourrait être ton père” se répéta Rachel en songeant à quel point elle restait toujours bouche bée devant le charisme et le charme de cet homme.

Était-il possible qu’une personne toujours gentille et charmante comme Norman Carter se soit juste moquée d’elle ?

Était-il possible qu’en un mois, elle se soit fait rouler par deux hommes et leurs fausses promesses ?

Matt aussi lui avait toujours donné le sentiment d’être spéciale durant leurs trois ans de relation.

Lui non plus n’avait jamais exprimé un seul reproche ou manifesté de mécontentement envers ses horaires de travail éreintants. Et pourtant, trois semaines auparavant, elle l’avait trouvé au lit – leur lit – avec une de ses clientes.

Il n’avait même pas essayé de s’excuser ou d’inventer une justification. Rien.

Il s’était borné à lui dire qu’il déménagerait rapidement.

Quand elle rentra du travail le jour suivant, ses affaires avaient disparu.

Pas un petit mot, pas un message.

Il ne lui avait laissé que le loyer à payer.

Et maintenant, elle n’avait même plus d’emploi pour subvenir à ses besoins.

“Qu’est-ce que je vais faire ?” pensa-t-elle en éclatant en sanglots, les mains sur les yeux pour ne pas se voir dans le miroir.

Ces dernières semaines, elle avait noyé ses malheurs dans la nourriture et pris quatre kilos.

Le matin-même, elle avait eu du mal à entrer dans sa jupe crayon noire Dior à la coupe asymétrique, qu’elle adorait, et avait à grand-peine réussi à fermer les boutons de son chemisier de soie blanche de chez Caractère aux poignets évasés.

« Tout va bien ? » demanda une voix féminine derrière elle, la faisant sursauter.

Elle essuya rapidement ses larmes et se retourna.

Abigail lui faisait face, la stagiaire que tous appelaient “la fille de la photocopieuse”.

Elle était là depuis deux mois mais elles ne s’étaient jamais adressé la parole, à part pour un bref salut.

Elle avait souvent eu l’impression qu’Abigail l’évitait ou la craignait.

Elle avait aussi la sensation de l’avoir déjà vue : blonde, aux immenses yeux bleus, haute d’à peine un mètre et demi, toujours vêtue dans un style décalé, avec des coupes françaises vintage.

Certains affirmaient qu’elle était mineure mais elle avait vingt-et-un ans, bien que l’usage immodéré de ballerines plates, de pantalons trois-quarts et de pulls col bateau lui donnent l’air d’une gamine. Surtout quand elle tressait ses cheveux ou portait un serre-tête rouge comme celui de Blanche-Neige.

« Tout va bien. Juste un moment d’abattement, mais c’est déjà fini, s’empressa de minimiser Rachel, extrêmement gênée d’avoir été surprise en larmes par une inconnue.

— Ça m’arrive à moi aussi, tu sais ? essaya de la consoler Abigail de sa voix fluette d’oiseau. Sans compter que c’est la Saint-Valentin aujourd’hui… Mon copain m’a quittée hier. Toi aussi tu passes la Saint-Valentin seule ?

— Oui. Mon ex et moi nous sommes quittés il y a des semaines. Il m’a trompée et est parti. Et maintenant, après trois semaines de silence, il réapparaît pour me faire ses vœux de Saint-Valentin.

— Comment retourner le couteau dans la plaie, hein ? s’indigna Abigail fâchée.

— Il l’a fait exprès juste pour me blesser. Je ne vois pas pourquoi il m’enverrait un tel message si ce n’est pas pour cette raison, hasarda Rachel. Elle se souvint que lire ce message l’avait déstabilisée au point d’aller se cacher dans les toilettes pour tenter de retenir ses larmes. Se laisser aller à montrer ses émotions n’était pas son genre, mais il y avait beaucoup de changements en cours en cette période, et elle craignait de ne pas pouvoir tout affronter seule.

— Il espérait peut-être que tu lui coures derrière et que tu lui pardonnes.

— Je n’y pense même pas !

— Les hommes sont parfois égoïstes.

— Je sais, mais je peux te jurer que c’est la dernière fois que je verse une larme pour un homme. Je n’ai plus envie qu’on se moque de moi et de souffrir. Je suis mieux seule, se promit Rachel. Je dois juste me trouver un appartement moins cher, parce que je ne peux pas payer toutes les charges seules, et Carter House n’a pas renouvelé mon contrat.

— Bizarre. Tout le monde dit que Norman Carter t’adore.

— Oui, mais je voudrais devenir éditrice senior, pouvoir faire carrière, et convaincre Norman de créer une collection de romans… Malheureusement, le poste vacant d’éditeur sera sans doute donné à Mara Herdex et jusqu’à présent, il n’y a aucune perspective d’ouverture vers les romans.

— Petit un : Mara ne vaut pas la moitié de toi. Je parle sérieusement.

— Merci.

— Petit deux : qui mieux que toi pourrait faire venir de nouveaux auteurs dans cette maison d’édition ?

— En réalité, je ne suis personne. Et je n’ai jamais travaillé comme directrice de collection de toute ma vie. Je n’ai pas l’expérience nécessaire, la freina Rachel, rougissant sous ces compliments inattendus mais sincères.

— Tu es la fondatrice du blog Rêves de Papier ! Il n’y a pas un aspirant écrivain qui n’y est pas allé pour te demander des conseils ou chercher des informations pour devenir un écrivain aguerri. Sans compter tes recommandations !

— Tu connais mon blog ? lui demanda Rachel surprise.

Abigail hésita un instant, comme si elle craignait de trop se dévoiler, puis décida de lâcher prise et de dire la vérité. Elle n’avait du reste jamais été capable de mentir, et ne voulait pas commencer avec Rachel Moses, le gourou des débutants.

— Tu ne te souviens pas de moi, pas vrai ? demanda-t-elle timidement.

— Ton visage m’est familier mais je ne sais plus où je t’ai déjà vue, admit Rachel.

— On s’est rencontrées il y a trois mois à la librairie de Liza Bennett, au Club du Livre qu’elle organise chaque mercredi soir.

Rachel se souvint enfin d’elle. Elle n’était allée que quelques fois au Club du Livre de la librairie Liza’s Books, mais l’expérience avait toujours été agréable.

— Si mes souvenirs sont justes, tu m’avais demandé si je pouvais lire un de tes récits, se rappela Rachel. — Oui.

— Il m’avait plu ? Rachel avait complètement oublié.

— Je dirais que non. Tu m’as envoyé un email dans lequel tu as détricoté toute mon histoire, critiqué les personnalités superficielles des personnages, le rythme trop décousu et la fin prévisible… J’ai pleuré de déception pendant trois jours.

— Oh. Je suis désolée, tenta de s’excuser Rachel. À la vérité, quand il s’agissait de juger un manuscrit, elle n’y allait jamais à la légère et ne se laissait pas influencer par les rapports d’amitié ou autres. Cette attitude froide et professionnelle lui avait fait perdre beaucoup d’amis mais lui avait apporté en échange l’admiration des écrivains qui voulaient s’améliorer ou comprendre pourquoi les maisons d’édition refusaient leurs écrits.

— Je n’ai rien écrit pendant deux mois. Puis, j’ai repensé à tes paroles et j’ai commencé à suivre tes conseils. Je me suis appliquée et l’an dernier, je t’ai demandé de lire un autre de mes récits. Tu as accepté et tu m’as complimentée pour l’absence d’erreurs et la fluidité du texte. Mais il n’était pas encore prêt à être publié selon toi.

— Je suis désolée… Je reçois beaucoup de textes à lire et parfois, je ne me rends pas compte que…

— Ne t’inquiète pas. Je ne suis pas en colère. Au contraire ! Je suis contente parce que tu m’as énormément aidée, mais je sais que la route est encore longue. Si j’écris un jour un roman digne de ce nom, je voudrais que ce soit toi qui le publies, la rassura Abigail avec un grand sourire de gratitude.

— J’en serais honorée, lui sourit Rachel. Elle comprenait enfin la réticence d’Abigail ces derniers mois, et elle était soulagée qu’elle ne la déteste pas. En général, beaucoup d’écrivains la couvraient d’insultes quand elle n’était pas convaincue de la qualité de leur manuscrit.

— C’est pour ça que j’espère de tout cœur que tu vas continuer à travailler ici. Moi aussi je rêve d’être éditrice, ou une auteure à succès, au lieu de la “fille de la photocopieuse”, comme ils m’appellent ici. Mais je me rends compte que tu es bien plus douée que moi et tu mérites cette promotion que Norman te donnera bientôt.

— Oui, mais Mara…

— Mara est une vipère qui essaiera de t’évincer de toutes les façons parce qu’elle a compris que Norman a un faible pour toi. À ce propos, prends cette clé USB. Tu y trouveras une copie de tout le travail que tu as fait ces derniers mois, et le rapport que tu as photocopié ce matin, lui dit Abigail en lui donnant une clé Kingston.

— Merci. Ce n’était pas nécessaire.

— Peut-être mais quelque chose me dit que ton avenir ici va en dépendre, murmura la jeune femme d’un ton sibyllin avant de quitter les toilettes. Et pour ce qui est de l’amour, c’est la Saint-Valentin aujourd’hui.

— C’est un jour comme un autre, minimisa Rachel qui détestait le romantisme de cette fête.

— Oui, mais pas ici. Sache que j’ai fait un stage ici l’an dernier et je me rappelle très bien ce qu’il se passe.

— Qu’est-ce que tu veux dire ? demanda Rachel curieuse.

— C’est l’anniversaire du patron et, comme chaque année, ses fils vont venir le lui souhaiter.

— Et alors ?

— Tu vois les yeux de Norman Carter ?

— Oui, soupira Rachel, éprise. Son patron avait des yeux magnifiques, des aimants à femmes. Il était impossible de rester indifférente à ce regard magnétique vert mousse, d’une teinte claire, qui tirait vers le gris.

— Bien… Ses cinq fils ont tous les mêmes. Même couleur et attraction. Tu verras, tu vas perdre la tête !

— Non, pas moi, assura-t-elle. Elle venait à peine de se promettre de fermer son cœur à tous les hommes, et elle n’avait pas l’intention de faire marche arrière.

La seule chose à laquelle elle était disposée était de rencontrer Richard Wayne, un écrivain en herbe avec lequel elle entretenait une relation amicale depuis presque un an.

Ils avaient enfin décidé de se voir et, étant tous deux seuls ce soir-là, avaient pensé fêter la Saint-Valentin ensemble. Rien de plus.

— On parie ? Celle qui perd offre un repas chez Powell’s et autant en bons d’achat pour des livres dans la librairie.

— Je suis ! »

2

« Rachel, tu m’as apporté le rapport que je t’ai demandé ? C’est important. Je veux le relire avant de le faxer. J’ai du temps jusqu’à ce soir. Et apporte-moi aussi les dernières factures dont nous avons parlé cette semaine, grésilla la voix de Norman Carter dans l’interphone.

— J’arrive tout de suite ! » s’exclama Rachel, réunissant rapidement les documents demandés.

Par chance, elle était méthodique et avait toujours un coup d’avance sur son patron. De cette façon, elle ne devait jamais faire attendre Norman.

Elle prit les dossiers et courut vers la porte pour se rendre dans le bureau de son chef.

Malheureusement, dans l’urgence, elle ne vit pas la personne qui se tenait devant sa porte et lui rentra littéralement dedans.

Dans la collision, tous ses documents tombèrent et s’éparpillèrent en désordre sur le sol.

« Mais bon D… » allait-elle lâcher quand elle se figea à la vue de l’homme posté devant elle.

Durant une bonne poignée de secondes, elle ne fut plus capable de penser.

La beauté de cet homme la frappa avec la violence d’un tsunami.

Il était grand, fort, avec des muscles si développés qu’ils semblaient vouloir faire éclater l’uniforme bleu qu’il portait, frappé de l’insigne des pompiers de Portland.

Sa peau était plus foncée que celle couleur caramel de Rachel, ses cheveux bouclés étaient très courts, et ses yeux verts brillaient, contrastant avec sa peau sombre.

C’était très rare de rencontrer un homme de couleur aux yeux vert clair.

Rachel en avait le souffle coupé.

« Excusez-moi. Je… s’empressa de dire l’homme en se baissant pour ramasser les feuilles.

— Non, c’est de ma faute. Je ne vous ai pas vu et… J’aurais dû faire plus attention. Excusez-moi » bredouilla Rachel, les hormones en ébullition, en se penchant elle aussi pour prendre les documents.

Il lui sourit, dévoilant une dentition parfaite et éclatante.

Rachel dut se mordre les lèvres pour étouffer le gémissement de plaisir qui montait dans sa gorge.

« Darius ! s’écria soudainement Norman dans leur dos, les faisant sursauter tous les deux.

— Papa ! Bon anniversaire ! » le salua l’homme en se relevant pour embrasser son père sous le regard choqué de Rachel.

Cet homme super sexy était le fils de Norman ?!

Se sentant rougir, et sans se faire remarquer, Rachel se dirigea en vitesse vers le bureau de son patron, posa les dossiers et courut se cacher dans son box pour calmer ses ardeurs.

Elle comprenait la certitude d’Abigail quand elle l’avait défiée.

Darius Carter était beau comme un dieu et avait des yeux identiques à ceux de son père, même si tout le reste était complètement différent.

Elle reprenait ses esprits quand on frappa à la porte.

Sans attendre la permission, un jeune homme blanc aux cheveux châtain clair et aux yeux verts de Norman entra.

« Tu es le fils de Norman je présume.

— Oui, je suis Justin. Papa est là ? lui demanda-t-il dans un sourire aussi séduisant qu’innocent, propre à l’attendrir et l’enchanter.

— Il est avec ton frère Darius. Ils sont peut-être allés prendre un café.

— Ok, merci » se limita-t-il à répondre en sortant.

Rachel repensa à cette rencontre.

Justin était sûrement plus jeune que Darius, et qu’elle aussi, mais il ressemblait trait pour trait à son père. Oui, il était beau à se damner et cet air un peu naïf le rendait encore plus attirant que Norman. Décidée à reprendre le contrôle de ses émotions et à faire une pause, elle profita du moment de détente de son patron pour aller prendre un café à la machine de la salle de repos, dans l’espoir de rencontrer Abigail. Elle avait mille questions à lui poser.

Elle attendait que le café tombe dans son gobelet quand elle entendit une voix dans son dos.

« Excusez-moi, vous êtes Rachel ? »

Rachel se retourna, prête à répondre, mais ce qu’elle vit la fit tressaillir si fort que le premier bouton de son chemisier, déjà étroit, sauta littéralement, laissant apparaître un décolleté généreux qui adhérait au tissu.

Deux hommes identiques lui faisaient face : yeux verts, grands et d’une beauté capable d’abattre ses défenses en béton armé, typiques d’une femme suffisamment blessée pour ne pas vouloir retomber dans le piège de l’amour.

Troublée, elle se dit qu’elle avait des hallucinations, sinon que l’élégant costume couleur crème de l’un contrastait avec le look plus agressif de motard de l’autre.

Même si ses yeux ne voulaient pas se détacher de cette double vision, sa main droite fut assez rapide pour cacher sa poitrine découverte.

« Je… Oh mon Dieu, je suis mortifiée, se reprit-elle au bout de quelques secondes, en essayant de fermer sa chemise et de cacher son soutien-gorge de dentelle blanche.

— Trésor, tu es délicieusement généreuse, mais je crois que c’est mieux si tu mets ceci, lui vint en aide l’homme élégamment vêtu. Il retira de son cou un foulard rouge de chez Hermès qu’il passa autour du sien de façon à ce que la soie lui caresse les épaules et retombe en plis sur sa poitrine.

— Merci, se limita à répondre Rachel, les joues enflammées de honte.

— Le rouge te va bien, tu sais ? Tu es splendide et ça casse la rigidité du contraste entre blanc et noir, tu ne trouves pas ?

— Je… Oui… Je ne sais pas » bégaya timidement Rachel tandis que les mains expertes de l’homme remettaient son chemisier et une boucle de cheveux en place.

En général, elle n’autorisait pas ce genre de contact ou d’intrusion mais cet homme semblait inoffensif et plus intéressé par sa tenue que par ce qu’elle avait montré.

On ne pouvait pas dire pareil de son jumeau, encore figé sur place à fixer sa poitrine avec une expression qui la fit se sentir terriblement exposée.

« À propos, je m’appelle Jean-Louis et lui, c’est mon frère, Jean-Luc. Luc pour les amis. On cherche notre père et une dame nous a dit de te poser la question. C’est toi la nouvelle secrétaire de notre père, pas vrai ? se présenta l’homme avec un sourire capable d’enchanter n’importe qui.

— Oui. Votre père est dans son bureau.

— Non, il n’y est pas. On en vient. »

Rachel abandonna son café et se dirigea en vitesse vers son petit bureau, où elle trouva un message de Norman : “Je vais au Moka’s Bar prendre un café avec mes fils. N.”

« Votre père est au Moka’s Bar avec Darius et Justin, leur dit-elle.

— Où se trouve ce bar ? demanda Jean-Luc avec un fort accent français qui frappa Rachel dans une vague de désir.

— À droite en sortant d’ici, réussit-elle à dire bien que son esprit soit déjà ailleurs, dans un lit, sous les draps de soie, avec… Luc ? Jean-Louis ? Justin ? Ou Darius ?

— Ok, merci, la saluèrent les deux frères.

— Et le foulard ?

— Un petit cadeau de Saint-Valentin ou, si tu préfères, une petite compensation pour avoir supporté notre père ces derniers mois, répondit Jean-Louis.

— Merci. » Même Matt ne lui avait jamais offert quelque chose d’aussi coûteux. Rachel raffolait des vêtements griffés, surtout des collections de Max Mara, Armani, Dior, Prada et Tom Ford. Quand les deux frères furent partis, Rachel se rendit compte qu’il y avait un autre post-it dans la pile.

Il était d’Abigail : “Qui a gagné le pari ?”

Rachel rit. Elle savait qu’elle mentirait si elle affirmait être restée de marbre devant ces quatre hommes.

Mais ce soir-là, elle sortit de Carter House le cœur en morceaux.

Norman n’était pas revenu au bureau et elle n’avait reçu aucun appel de dernière minute pour la prévenir que ce n’était pas son dernier jour de travail.

Désespérée et soucieuse, elle rentra chez elle et décida d’évacuer le stress en finissant de repeindre la salle à manger. Matt avait commencé un mois avant mais avait arrêté, trop fatigué par les heures supplémentaires qu’il faisait comme courtier.

“Ou à cause de toutes les baises qu’il s’est tapées dans mon dos” rumina Rachel en donnant un coup de rouleau tellement fort sur le mur qu’elle s’éclaboussa de peinture.

Par chance, elle portait de vieux vêtements Disney qu’elle jetterait volontiers après le dernier coup de peinture.

Elle finissait le second mur quand son portable sonna.

Elle courut répondre et, l’émotion jaillissant de tous ses pores, vit le nom de son patron sur l’écran.

« Rachel, mais où es-tu ? se fâcha Norman sans même la saluer.

— À la maison. Elle regarda l’heure. Il était six heures du soir et elle finissait à quatre heures, bien qu’elle ait attendu son retour jusqu’à cinq.

— Je t’avais demandé le rapport.

— Il est sur le bureau.

— Non, il n’y est pas ! Je t’avais dit que c’était urgent. Je dois tout envoyer à la typographie dans moins d’une heure. Tu sais que je ne supporte pas de ne pas respecter ma parole.

Rachel repensa à cette journée.

Était-elle sûre d’avoir apporté les documents demandés ? Ou Darius l’avait distraite et elle avait oublié ?

— J’arrive tout de suite » se borna-t-elle à répondre avant de raccrocher.

Le temps pressait.

Sans se changer, elle fila chez Carter House et se faufila dans son bureau.

Elle chercha le rapport imprimé, sans le trouver nulle part.

Exaspérée et sous pression, elle alluma son ordinateur, décidée à en faire une nouvelle copie.

« Mais qu’est-ce que… ? » lâcha-t-elle choquée en voyant le desktop de son PC complètement vide.

Où diable étaient passés tous ses dossiers, comptes-rendus… Tout ce qu’elle avait fait pendant des mois de travail ?

La panique la submergea subitement.

À cette heure-là, les techniciens informatiques étaient déjà partis et elle était complètement seule avec Norman dans la pièce à côté qui attendait anxieusement les documents demandés.

Désespérée, elle se mit à chercher le rapport partout, même dans son sac Prada.

Elle allait renoncer et abandonner quand elle vit la petite clé USB qu’Abigail lui avait donnée quelques heures plus tôt.

Ne sachant quoi faire d’autre, elle la brancha à l’ordinateur.

Tous ses dossiers apparurent immédiatement sur son desktop.

Abigail avait sauvegardé tout son travail !

Elle repensa à ce qu’elles s’étaient dit et aux soupçons quant au fait que Mara Herdex ferait tout pour éliminer la concurrence et devenir la nouvelle éditrice senior.

De fait, ce genre d’incident était déjà arrivé et Mara était toujours apparue avec la solution en main.

Une avalanche d’injures sur les lèvres, Rachel imprima tout et courut chez son chef.

Elle frappa et Norman lui ordonna d’entrer.

Mais une fois à l’intérieur, Rachel se rendit compte qu’il n’était pas seul.

Un homme et une petite fille étaient avec lui.

Essayant de ne pas se faire remarquer, Rachel posa rapidement le rapport sur le bureau et se dirigea vers la sortie. Mais la petite vint se planter devant elle.

« Tu n’es pas trop vieille pour porter le pull des sept nains de Blanche-Neige ? Pourquoi tu as de la peinture partout ? l’apostropha l’enfant, la fixant de ses magnifiques yeux verts en faisant ondoyer sa petite queue de cheval châtain foncé.

— Sophie, ne dérange pas les gens, la reprit son père, un homme avec les mêmes yeux que Norman mais aux cheveux plus sombres et au visage couvert d’une barbe épaisse légèrement broussailleuse qui cachait ses traits. Il faut l’excuser. Ma fille a tendance à dire les mauvaises choses au mauvais moment et aux mauvaises personnes, la justifia l’homme d’un ton faussement fâché.

— Ça n’a pas d’importance, répondit Rachel en esquissant un sourire.

— Rachel, tu connais déjà mon fils Rufus ? intervint Norman.

— Pas du tout, admit-elle.

— Apprends à bien le connaître si tu veux continuer à travailler ici, parce qu’un jour, cette activité lui reviendra.

— Papa… souffla le fils irrité.

— Je sais mais tu devras tôt ou tard te ranger. Ou tu veux continuer à gâcher ta vie ? s’énerva le père.

— Il est tard. Je dois y aller, coupa l’homme très embarrassé par les déclarations de son père devant une inconnue.

— Ok, vas-y et laisse-moi Sophie. Ça fait longtemps que je ne passe pas un peu de temps avec ma petite-fille adorée. »

Rufus accepta et quitta la pièce pressé et furieux, après des derniers au revoir et recommandations à la petite.

« J’y vais aussi. Bonne soirée, dit Rachel en prenant congé, se sentant de trop.

— Non, attends. Nous n’avons pas encore discuté de la prolongation de ton contrat.

— Je pensais que vous ne vouliez plus de moi ici.

— Tu es trop indispensable pour que je me passe de toi. Cependant, j’ai attendu longtemps avant de t’en parler parce que je suis très partagé. J’ai encore besoin de toi comme secrétaire mais je me rends compte que ton travail est celui d’éditrice, et je voudrais que tu aies le poste vacant. Tu en es capable et tu as l’expérience. Je suis disposé à te promouvoir éditrice senior et à t’augmenter, si tu me promets que tu resteras ici avec nous. En plus, j’ai jeté un œil sur ton blog Rêves de Papier. Tu connais beaucoup de choses et certains de tes articles sont confirmés par la tendance éditoriale. Tu m’as fait comprendre que tu as vraiment l’étoffe d’un leader et, après nos dernières conversations, j’ai commencé à réfléchir sérieusement à l’idée de créer une collection de romans.

— Ce serait fantastique ! s’enthousiasma Rachel encore incrédule.

— Prouve-moi que tu es aussi compétente que je le crois et je te mettrai à la tête de la collection. Mais je te préviens que ce ne sera pas facile parce que, pour le moment, je n’ai ni les ressources, ni le personnel qualifié pour mettre une vraie équipe sur pied. Mais si les résultats sont à la hauteur, je te donnerai carte blanche et un budget trimestriel que tu géreras comme tu veux. Ça te convient ?

— Je suis prête et je vous promets que je ne vous décevrai pas ! » s’exclama la jeune femme au septième ciel. Son rêve devenait réalité ! Elle n’aurait rien pu souhaiter de plus !

Quand elle sortit de Carter House, elle était si heureuse que rien ne pouvait effacer son sourire et le bonheur qu’elle éprouvait. Pas même son correspondant, qui ne se présenta pas au restaurant pour leur premier rendez-vous.

“Je n’ai pas eu le courage. Pardonne-moi. Richard” lui écrivit-il par email le soir-même pour s’excuser de l’avoir laissée en plan.

“Il semble que le destin me dit de me concentrer sur ma carrière et pas sur les hommes” pensa Rachel avec une pointe de déception. Tout au fond, elle était convaincue que quelque chose de plus pouvait naître de son amitié avec Richard. Ils s’étaient écrit pendant un an et elle l’avait suivi en tant que consultante éditoriale durant des mois, l’aidant à émerger comme écrivain. Ils étaient devenus amis et avaient enfin décidé de se dévoiler à l’autre, face à face, car ils ne s’étaient jamais vus jusqu’à présent. Pas même en photo.

3

« Tu m’as sauvé la vie, Abigail, commença Rachel à peine arrivée chez Powell’s pour un déjeuner rapide le jour suivant.

— Je sais » gloussa Abigail heureuse d’avoir fait quelque chose de bien. Elle avait de l’estime pour Rachel en tant que professionnelle et personne parce qu’elle était toujours honnête, correcte et responsable, même si elle manquait souvent de tact, mais elle ne le faisait pas exprès. Elle était ainsi. Ces deniers mois, elle l’avait tenue à distance, mais avait appris à la connaître et à l’apprécier.

Elle avait eu envie d’aller lui parler et se présenter des centaines de fois, mais la peur avait pris le dessus et elle n’avait jamais osé l’approcher.

Toutefois, quand elle avait entendu, lors d’une conversation, Mara Herdex admettre qu’elle sabotait le travail de Rachel, elle s’était décidée à faire quelque chose.

Chaque jour, durant la pause de midi, elle s’était rendue dans le bureau de Rachel pour copier son travail sur la clé USB, sachant que tôt ou tard ce serait utile. Et elle ne s’était pas trompée !

Elle l’avait fait pour Rachel parce qu’elle ne méritait pas ces coups bas, pour elle-même qui ne supportait plus les humiliations de Mara et pour Carter House qui vivait une période difficile, et que certaines vengeances et méchancetés ne feraient que dégrader davantage.

« Et je suis tombée amoureuse ! s’exclama Rachel en riant.

— J’en étais sûre ! De qui ?

— De tous. Norman inclus.

— Dommage qu’ils soient tous off limits.

— Tous les six ?

— En effet.

— Même Norman ? Je sais qu’il est célibataire.

— Oui, mais il a cinquante-six ans ! Il pourrait être notre père !

Rachel resta silencieuse, parce qu’elle savait que c’était vrai. Elle se le répétait toujours.

Trente-deux ans de différence, ce n’était pas une promenade de santé.

— Qu’est-ce que tu peux me dire sur ses fils ? Et pourquoi sont-ils tous off limits ? retenta Rachel.

— Je sais tout ! Demande-moi tout ce que tu veux.

— On parle de Darius ?

— Darius… Oh mon Dieu, rien que penser à lui me donne envie de plonger dans du chocolat chaud. Et ces yeux ! Tu dois savoir que Darius est le fils de Norman et d’une Nigérienne, activiste pour les droits civiques. Carter House a publié deux livres de cette femme. On dit que Norman est parti au Nigeria pour la rencontrer et lui proposer un contrat d’édition, mais qu’il est tombé amoureux. Ils ont été mariés quelques années. Darius est né il y a trente-deux ans, mais ils se sont quittés. Darius est resté avec sa mère, même s’il a un excellent rapport avec ses deux parents. Norman espérait lui léguer Carter House, mais Darius a choisi de devenir pompier ici, à Portland. Et il y a deux ans, il a épousé une sorcière qui s’en sert comme objet à exhiber. Elle ne vient ici que pour demander de l’argent à son beau-père, depuis que son centre d’esthétique a fait faillite.

— J’ai compris : Darius est off limits, mais Justin ? Il est trop mignon avec son air coquin.

— Justin a quatorze ans Rachel, l’arrêta Abigail.

— J’ai fantasmé sexuellement sur un mineur. Je suis une perverse ! réalisa Rachel, les joues enflammées de honte. Je lui en donnais dix-huit, se justifia la jeune femme.

— Tu n’es pas la seule à le penser, mais je peux t’assurer que Justin n’est qu’un adolescent. Norman et la mère de Justin se sont quittés l’année dernière. Elle est Bulgare et on raconte qu’elle a embobiné Norman juste pour obtenir une carte verte. Je ne sais pas si c’est vrai mais Norman est parti à la Foire Internationale du Livre à Sofia et il est revenu aux États-Unis avec elle. C’est tout ce que je sais, et qu’après la naissance de Justin, les choses ont empiré jusqu’à la séparation.

— Mais les jumeaux sont adultes non ? réessaya Rachel, encore secouée par l’âge de Justin.

— Oui, ils ont vingt-sept ans. De mère Française, styliste à Paris. Bien que dans ce cas, le voyage à Paris a été fatal à Norman. Leur mariage a duré presqu’une dizaine d’années, mais elle est retournée en France avec les enfants et ils se sont quittés. Jean-Louis est devenu styliste comme sa mère, et a ouvert son atelier ici à Portland. Luc est pilote de rallye et vit à Monaco.

— Mais ils sont célibataires ?

— Oui, mais Jean-Louis est gay et Luc vit à plus de cinq mille miles de distance. Il n’a pas une bonne relation avec son père et les autres frères, il vient donc rarement en Amérique.

— Il ne me reste que Rufus en somme, souffla Rachel contrariée.

— Laisse tomber aussi ! Il a trente ans, est débauché et divorcé. J’en sais peu sur lui, à part que Norman a connu sa mère à New York, dans une galerie d’art où elle exposait ses tableaux. Ce fut une folie d’une nuit mais elle est tombée enceinte. Il lui a proposé de l’épouser mais elle a refusé et six mois plus tard, après avoir accouché, elle est partie. Elle a abandonné son fils à Norman et a littéralement disparu. Elle a coupé tout contact avec Norman et son fils, qui n’a jamais connu sa mère en fin de compte. On soutient que Norman en est ressorti dévasté, mais qu’il voulait tellement donner une mère à son fils qu’il a épousé la mère de Jean-Louis et Jean-Luc à la va-vite. Mais il semblerait que Rufus n’ait jamais été le bienvenu dans la famille, bien qu’il soit le meilleur et était un vrai génie à l’école. Rufus est le seul à être diplômé et à avoir suivi les traces de son père. Malgré ça, durant sa dernière année d’université, il a mis une fille enceinte et la situation a décliné. Il n’a pas pu se spécialiser, a commencé à se consacrer à sa fille à temps plein, vu que sa compagne était devenue mannequin entretemps et vivait à Londres. Il l’a suivie. Ils se sont mariés mais, apparemment, elle aimait trop s’amuser pour se caser et elle l’a quitté finalement. Il est rentré à Portland depuis peu, avec sa fille à charge, sans travail et le cœur en miettes.

— Le pauvre…

— Oui. Et maintenant, il se fait pousser la barbe comme s’il voulait se cacher. Un jour, j’ai entendu Norman dire que Rufus s’était fermé à tout le monde et qu’il était devenu méfiant envers n’importe qui. Il ne laisse plus personne s’approcher. J’ai toujours pensé que le jour où je le reverrais sans barbe serait celui où il aurait compris qu’il était prêt à recommencer à vivre.

— Il le mérite après tout ce qu’il a vécu. »

Abigail et Rachel parlaient encore des fils de Norman quand une jeune femme aux cheveux roux et aux yeux gris-verts s’approcha d’elles.

« Abby ? » s’exclama-t-elle, attirant l’attention des deux jeunes femmes assises et occupées à manger.

Abigail se retourna immédiatement. Tout le monde l’appelait Abby hors du bureau.

« Emma ! Abigail la reconnut à l’instant où elle la vit. Ça fait longtemps qu’on ne s’est pas vues.

— Depuis que Liza’s Books a fermé et que le Club du Livre a cessé ses activités. C’est pour ça que je viens ici, chez Powell’s, pour acheter des livres.

— Tu connais peut-être Rachel. Elle venait aussi au Club du Livre, la présenta Abigail.

— C’est possible. Tellement de monde fréquentait le Club de Liza, répondit Emma hésitante.

En réalité, elle pensait ne l’avoir jamais vue.

— Je ne pense pas. Je ne suis allée que quelques fois aux réunions, ajouta Rachel, certaine qu’elle se serait souvenue d’elle. Elle était émerveillée par l’élégance et la grâce de cette jeune femme qui devait avoir son âge. Tout en elle dégageait féminité et classe. De sa façon de marcher au chignon parfait qui retenait sa chevelure rousse, de son tailleur en tweed vert émeraude Chanel à son manteau Burberry crème.

— Emma est designer d’intérieur mais elle est passionnée par les livres et adore écrire des histoires, la présenta Abigail d’un ton pompeux qui fit rougir la peau claire couverte de taches de rousseur d’Emma. Elle corrigea les propos d’Abigail.

— Je suis diplômée en architecture depuis peu, avec une spécialisation en design d’intérieur, mais rien de plus. J’adore lire et je n’écris que pour passer le temps.

— Heureuse de te connaître. Je m’appelle Rachel Moses, se présenta Rachel en lui serrant la main.

— Tu es la Rachel Moses de Rêves de Papier ? s’exclama Emma surprise.

— Oui.

— J’adore ton blog !

— Merci.

— C’est vraiment un plaisir de te rencontrer ! Je ne savais pas que tu étais de Portland !

— Je n’aime pas parler de moi sur les réseaux, lui expliqua Rachel qui adorait l’anonymat et avait toujours éprouvé un certain malaise à l’idée de partager sa vie avec des inconnus. Même sa photo de profil était une photo d’une librairie de Prague.

— Je te comprends. Je suis Emma Marconi.

— Marconi comme Marconi Costruzioni ? demanda Rachel stupéfaite. La famille italienne Marconi était une des plus riches de Portland et avait fait fortune dans le secteur de la construction. Tout le monde à Portland connaissait la célébrité des Marconi.

— Oui, mon grand-père est Cesare Marconi, le fondateur.

— Wow !

— Emma, pourquoi tu ne prends pas un café avec nous ? intervint Abigail.

— Je ne veux pas vous déranger.

— Ça nous ferait plaisir et je suis sûre qu’on aura un tas de choses à se raconter.

— D’accord » accepta Emma, heureuse, en s’asseyant avec elles.

Elles commandèrent un cappuccino et une tranche de red velvet chacune.

Et comme par magie, en un instant, chacune autour de la table prit conscience d’avoir lié son destin à celui des deux autres.

4

Cette nuit-là, Emma n’avait pas fermé l’œil à cause de l’email de Rachel.

Pour la première fois, elle avait trouvé le courage de faire lire ses histoires à quelqu’un et elle était terrorisée. En outre, Abigail l’avait prévenue que leur amie était sévère et prête à mettre les manuscrits en pièces si elle ne les trouvait pas à la hauteur.

Elle fréquentait les deux jeunes femmes depuis quelques mois seulement, mais elle avait déjà compris que Rachel était une femme dure, stricte, déterminée, perfectionniste, mais prête à se mettre en quatre pour ceux qu’elle aimait. On pouvait toujours compter sur elle. Pour quoi que ce soit et à tout moment.

On ne pouvait pas dire la même chose d’Abigail qui, bien que douce, tendre et adorable, tendait à se laisser submerger par l’émotion et à devenir anxieuse, ou à se comporter comme une enfant qui a besoin de réconfort.

Elles étaient aussi différentes que le jour et la nuit, mais se complétaient l’une l’autre.

Emma repensa à l’email de Rachel.

“J’ai lu ton recueil d’histoires. Emma, tu as du talent à revendre ! Tu es née pour être écrivaine ! Je te joins mes annotations sur les plus belles histoires que tu m’as envoyées. En travaillant dessus, je pense que tu pourrais gagner des concours littéraires. Félicitations ! Sache que tu auras toujours mon soutien entier si tu veux un jour publier tes œuvres. Rachel. PS : Ne le dis pas à Abby. Elle vient de m’envoyer un de ses textes et je ne sais pas comment le rejeter sans la faire pleurer.”

Elle n’aurait jamais cru que Rachel Moses lui dirait un jour qu’elle avait du talent.

Elle en avait pleuré d’émotion et avait écrit toute la nuit.

Ce matin-là, elle aurait voulu dormir jusqu’à midi mais son grand-père l’avait appelée à huit heures pour lui dire de venir à son bureau parce qu’il avait urgemment besoin de lui parler.

Cela n’arrivait pas souvent que son grand-père la convoque au siège central de Marconi Costruzioni. Quand elle franchit les portes de l’immense bâtiment, un des premiers construits par cet homme, à l’époque où il se partageait encore entre son emploi de maçon et celui de promoteur immobilier, Emma ne put réprimer le léger émoi qui lui serrait le cœur à chaque fois.

« Bonjour mademoiselle Marconi. Votre grand-père vous attend » l’accueillit la secrétaire, qui l’accompagna dans le bureau de l’autoritaire et influent Cesare Marconi.

Un coup léger à la porte et la voix forte et ferme de l’homme invita sa petite-fille à entrer.

Passer le seuil de ce bureau était toujours un plongeon dans le passé pour Emma.

La pièce était immense. Le petit salon d’accueil avait un jour été une salle de jeux pour enfants, meublée de petites chaises colorées, de tapis avec des chiffres dessinés dessus, de cubes, de Lego, d’albums de coloriage, de puzzle et de centaines de poupées. Tout pour la petite-fille préférée du puissant Cesare Marconi.

Un homme rusé, sans scrupules, orgueilleux jusqu’à la moelle, exigent et autoritaire qui avait créé un empire dans le secteur de la construction en partant de zéro… Mais aussi un grand-père affectueux et attentionné.

Combien de fois avait-il raconté son histoire à Emma, partant de son enfance pauvre dans la banlieue romaine en Italie, pour ensuite lui parler de son adolescence sans espoirs ou ambitions, passée à se casser le dos comme maçon au lieu d’étudier, parce qu’il devait aider sa famille.

Jusqu’au jour où son cousin, Giulio Marconi, avait qui il avait partagé toute sa vie, l’avait traîné en Amérique en quête de fortune.

De maçons, ils étaient rapidement devenus de vrais promoteurs immobiliers.

En dix ans de travail acharné, ils avaient réussi à mettre Marconi Costruzioni sur pied et, autant d’années plus tard, en avaient fait une des entreprises les plus connues et demandées d’Oregon.

“Marconi. Pas uniquement un nom, mais une garantie de prestige et de solidité” comme disait le slogan de la société.

Ce furent des années durant lesquelles Cesare et Giulio Marconi créèrent un titan qui valait des millions. Jusqu’à ce que, douze ans auparavant, quelque chose de grave et de mystérieux arrive et, à dater de ce moment, les deux indissociables cousins se séparèrent sans plus jamais s’adresser la parole. Trop orgueilleux tous deux pour céder, leur querelle devint une vraie guerre de famille dans laquelle on interdit aux descendants de Cesare d’avoir affaire aux cousins éloignés, descendants de Giulio, et vice-versa.

La famille Marconi éclata et rien ne fut plus comme avant.

La seule préoccupation commune aux deux cousins était Marconi Costruzioni, qui fut divisée, donnant naissance à Marconi Immobiliare dirigée par Giulio. Mais la scission fut tellement secrète que peu de personnes savaient que les deux sociétés étaient distinctes.

« On lave son linge sale en famille » disait son grand-père, qui fit tout pour que personne ne sache ce qu’il s’était réellement passé. Du reste, le nom Marconi était et devait rester synonyme de tradition, garantie, solidité, prestige et puissance. Il serait mort plutôt que de voir le nom de sa famille traîné dans la boue.

Pour Emma toutefois, Cesare Marconi n’était qu’un homme brillant de presque quatre-vingts ans, encore attaché à son fauteuil de direction de l’entreprise, qui donnait des ordres comme un commandant.

Non, il était un père pour elle, une mère, un mentor, un refuge…

Pour Cesare, rien ne passait avant la famille et, après le décès de son épouse suite à sa quatrième grossesse, il s’était consacré corps et âme à offrir un avenir radieux à tous ses enfants et petits-enfants. Il était un vrai chef de famille. Quand il appelait, tous devaient bondir sur leurs pieds comme des soldats mais, en compensation, aucun Marconi n’avait souffert de la faim et chaque membre de la famille était impliqué dans l’entreprise, systématiquement placé dans une des nombreuses filiales de Marconi Costruzioni.

Le successeur de Cesare avait déjà été choisi : Alberto, son premier fils adoré.

Tout était parfait, jusqu’à une nuit tragique. Alberto et son épouse moururent à bord de leur voiture, laissant seule leur petite fille de trois ans, restée à la maison avec la fièvre.

Emma.

Cesare ne se permit pas de verser une seule larme sur son fils et sa belle-fille.

Il fallait penser à la fillette et, à son avis, personne n’était capable de lui servir de tuteur. Personne sauf lui.

Il prit avec lui cette enfant silencieuse et très timide.

Ce fut difficile au début pace que Cesare trouvait à redire sur chaque gouvernante, baby-sitter ou assistante, au point de licencier bien quinze personnes en trois mois.

Exaspéré, et avec une entreprise à diriger, il décidé d’emmener la petite au bureau avec lui.

Il lui réserva une partie de la pièce, lui apprit à faire des constructions, à lire et à écrire, mais surtout l’importance du silence parce que c’était un lieu de travail où on ne pouvait pas hurler, courir ou pleurer.

Emma se révéla être une enfant extrêmement accommodante et particulièrement attachée à ce grand-père qui la comblait d’affection et d’attentions.

Pendant trois ans, Cesare ne s’éloigna pas de son bureau, déléguant chaque voyage et conférence à son cousin, car ils s’entendaient encore bien à l’époque.

Puis vinrent l’école, le collège et les vacances d’été dans la maison de la famille de Giulio sur le lac, à Deschutes County, où son épouse Renata réunissait tous les enfants de moins de quinze ans pour les faire jouer et se divertir ensemble sous sa sévère supervision.

Bien que strictes et très encadrées, les vacances au lac étaient le plus beau moment de l’année pour Emma. Il n’y avait que là qu’elle pouvait être avec ses cousins de premier, deuxième et troisième degré, et s’amuser à courir, jouer, hurler, se salir, plonger dans l’eau tout habillée… Une dizaine de jeunes Marconi animaient l’immense propriété au pied des Cascade Mountains.

Jusque douze ans plus tôt. Après, il n’y eut plus de fêtes et de rires.

Emma se souvenait encore de son treizième anniversaire.

Elle avait pleuré en cachette de son grand-père parce que la fête sur le lac avec tous ses cousins lui manquait.

Elle se rappelait encore le dernier anniversaire où ses cousins Salvatore et Aiden l’avaient enlevée dans son lit à sept heures du matin, pour la porter dans leurs bras jusqu’au lac et la jeter dans l’eau en hurlant “Bon anniversaire !”.

L’eau lui était entrée dans le nez, la bouche et les oreilles, mais rien ne l’avait empêchée de poursuivre Salvatore qui était habilement retourné à la maison, sous l’aile protectrice de sa grand-mère Renata.

Seul Aiden était resté. Il restait toujours. Près d’elle.

« Et tu comptes faire quoi ? Me tordre comme une serpillière ou me pendre quelque part pour sécher comme un drap ? lui avait demandé Emma en feignant d’être fâchée.

— Non, je veux t’embrasser » lui avait simplement répondu Aiden en s’approchant et en posant délicatement ses lèvres sur les siennes, avant de lui donner le temps de réagir.

Ce fut un baiser léger et timide, mais il avait suffi pour affoler toutes les cellules d’Emma. C’était son premier baiser et le recevoir d’Aiden était le plus beau des cadeaux.

Quand il s’était écarté d’elle, il semblait embarrassé et presque coupable, comme s’il avait osé faire quelque chose d’interdit, mais le large sourire imprimé sur le visage couvert de taches de rousseur d’Emma et ses yeux brillants et pleins d’affection qui l’avaient fixé avaient dissipé tout scrupule.

Encouragé, il avait recommencé, avec un peu plus d’assurance. Et, quand Emma avait passé ses bras autour de son cou, son cœur avait raté un battement.

Pour Emma, ce moment était un rêve qui se réalisait.

« On est ensemble maintenant, pas vrai ? lui avait demandé la jeune fille avec naïveté.

— Je ne sais pas si on peut.

— Pourquoi ?

— Tu es ma cousine.

— Oui, mais pas au premier degré. Donc je pense qu’on peut.

— Alors ça va, mais ça doit rester un secret. »

La journée s’était magnifiquement déroulée et personne ne s’était rendu compte de rien car Emma et Aiden étaient déjà connus avant pour être inséparables.

Pour Emma toutefois, cette idylle n’avait duré qu’une journée, avant de réaliser que, une fois l’été fini, elle ne reverrait pas son petit fiancé avant l’été suivant.

« En réalité, l’année prochaine je ne viendrai plus ici, lui avait répondu Aiden après avoir écouté ses soucis.

— Pourquoi ? avait demandé Emma en refoulant le poids qui commençait à peser sur son cœur.

— J’aurai seize ans l’an prochain et grand-père Giulio veut que j’aille faire un stage au siège de Seattle durant tout l’été. »

Emma avait éclaté en sanglots, désespérée, et n’avait cessé qu’après qu’Aiden lui ait promis qu’il ne manquerait pas son treizième anniversaire.

Malheureusement, deux mois plus tard, une violente dispute avait éclaté entre Cesare et Giulio, avec pour conséquence la séparation des deux branches de la famille.

Quand Emma avait essayé de demander à son grand-père d’inviter Aider à son anniversaire, il s’était mis en colère et avait menacé de la punir si elle osait encore prononcer ce nom, qui en plus n’était même pas italien.

Douze ans étaient passés depuis.

Douze ans d’anniversaires qui étaient devenus de plus en plus officiels et formels.

Douze ans durant lesquels elle n’avait croisé Aiden que rarement, à des réceptions organisées par des ignorants qui subiraient ensuite la colère de Cesare et Giulio Marconi.

Douze ans accrochée au bras de son grand-père qui la gardait proche de lui, prêt à éloigner les

“marconi avec un M minuscule” comme il disait, et à la protéger de tout prétendant ou amoureux qui aurait eu le courage de s’approcher de celle qu’il considérait plus que comme une fille, comme un morceau de son cœur.

Timide et peu sûre d’elle, Emma n’avait jamais ressenti le besoin de se libérer de ce contrôle pathologique et excessif, ou d’aller contre la volonté de son grand-père et, si d’un côté il lui imposait toute une série de limites surtout dans le domaine amoureux, de l’autre il faisait d’elle la Marconi la plus libre de la famille.

À la différence de tous ses parents, elle avait pu rester hors des affaires de l’entreprise, parce qu’elle était une femme et n’avait pas un sens entrepreneurial particulier, comme le lui rappelait parfois son grand-père.

« Avec ce charme si doux et innocent, tu deviendrais la proie favorite de tous les requins de Portland… Non, Emma, tu dois seulement penser à finir tes études et à trouver un bon mari qui prendra soin de toi » lui disait-il souvent. Sauf que cela n’avait pas été simple de finir ses études d’architecture et encore moins de se spécialiser en design d’intérieur, car Cesare détestait les architectes autant que les dentistes et les trouvait inutiles, à la différence des géomètres et des ingénieurs. En outre, il ne comprenait pas ce que signifiait étudier trois ans pour apprendre à aménager un environnement. « Tout le monde décore sa maison et personne n’a cette absurde spécialisation que seuls les architectes peuvent inventer ! Ça ne sert à rien ! »

Sans parler de chercher un mari. L’examen approfondi et l’interrogatoire auxquels il soumettait chaque prétendant de sa petite-fille ne permettait à personne d’arriver au troisième rendez-vous. Personne n’était jamais à la hauteur ! Un était trop snob, un avait des parents divorcés, un n’était pas catholique, un n’avait pas d’origines italiennes, un avait quitté l’université, un lui avait mal répondu… Et ainsi de suite indéfiniment.

Emma avait tenté de fréquenter des garçons en cachette, surtout à l’université, mais son grand-père avait des yeux et des oreilles partout.

« Je le fais pour ton bien. Un jour, tu me remercieras, ma fille » répondait-il toujours quand Emma manifestait son mécontentement.

Mais son grand-père avait toujours su regagner son affection avec un compte en banque illimité, qui lui avait permis d’acheter toutes les maisons qu’elle voulait et de les aménager, ou d’aller vivre seule. Il suffisait qu’elle ne dise pas partout qu’elle était diplômée en architecture (études qu’il n’avait jamais approuvées) et qu’elle promette de se tenir loin des arrivistes et de la vie mondaine.