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Retrouve mon fils... et tue-le ! Karl a disparu et Marcus se retrouve seul face à la volonté farouche de son père de le tuer. Pourquoi un tel acharnement ? Quels secrets cache-t-il encore ? Cela aurait-il un rapport avec une vieille prophétie ? Et quelles informations contient cette mystérieuse clé en possession de Charlotte ? Une chose est sûre : Marcus fera tout pour secourir son ami... tout pour tenir la promesse qu'il s'est faite. Mais, seul, pourra-t-il y parvenir ?...
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Seitenzahl: 482
Veröffentlichungsjahr: 2022
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À mon père, qui aurait dû connaître cette histoire…
Esther et Evan… n’oubliez jamais que la véritable amitié pousse toujours à aller plus loin et à donner le meilleur de soi-même.
Nous avons besoin de ponts entre les gens, pour que naissent les civilisations.
Anonyme
La destinée naturelle de toutes les civilisations est de grandir, de dégénérer, et de s’évanouir en poussière.
Alexis Carrel
Chaud… il fait chaud… trop chaud… Il règne ici une fournaise permanente et une moiteur collante.
Mes yeux peinent à percer les ténèbres environnantes. J’essaie de bouger les membres. J’y parviens, mais mes mouvements sont entravés. Je suis attaché.
Il y a une sale odeur dans l’air, une odeur reconnaissable, immédiatement identifiable… une odeur mêlée de sueur et de sang… une odeur de peur et de mort imprègne les lieux.
Et puis il y a ces bruits… ces raclements, ces frottements, ces crissements de lames que l’on aiguise sur la pierre.
Ça y est… je sais… je sais où je suis…
La mémoire me revient d’un coup. Je me rappelle la traque dans le parc. Je revois le karzaï, foncer, gueule béante sur Marcus… mais aussi le passage du vortex.
Un mouvement d’air sur ma gauche… Je sens des effluves de musc, de sueur acide et un ricanement sadique.
Une autre odeur devant moi, plus subtile, plus agréable, imprégnée de parfums délicats.
— Heureux… de te revoir… KaïJi.
Cette voix sifflante et essoufflée. C’est lui. Il est toujours en vie. Je n’ai plus aucun espoir…
— Il est temps de commencer, assez perdu de temps, fait une autre voix, dure et tranchante comme l’acier que je reconnais… Ennox.
Oui, je sais où je suis, plus de doute possible… et seuls la souffrance et le désespoir m’attendent…
LA CELLULE
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
Chapitre 21
Chapitre 22
Chapitre 23
Chapitre 24
HÉLIOS
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
Chapitre 5
Chapitre 6
Chapitre 7
Chapitre 8
Chapitre 9
Chapitre 10
Chapitre 11
Chapitre 12
Chapitre 13
Chapitre 14
Chapitre 15
Chapitre 16
Chapitre 17
Chapitre 18
Chapitre 19
Chapitre 20
ÉPILOGUE
Après la tempête
Le karzaï est mort… Karl a disparu, enlevé par mon père… il ne reste que Charlotte et moi. Nous prenons la direction de l’entrée du parc. Nous sommes hagards. Il nous faut chercher de l’aide.
Un vent léger s’est levé, mais il n’est pas parvenu à dissiper mes inquiétudes et mes remords. Plus je m’éloigne du parc, plus j’ai le sentiment d’abandonner mon ami. Je l’imagine dans quelques recoins boisés, maintenu au sol, bâillonné, incapable de bouger ou de crier, nous voyant passer et disparaître. Je songe à faire demi-tour pour le chercher, mais la main de Charlotte dans la mienne me ramène à la réalité : Karl n’est probablement plus sur Terre à cette heure.
Nous marchons depuis un moment en silence, lorsque Borélis et ma mère nous trouvent sur la route qui mène au collège. Elle saute de la voiture pour me prendre dans ses bras. Elle est blême. Je grimace lorsqu’elle me tâte pour savoir comment je vais. Elle comprend que je ne suis pas au mieux de ma forme. Mon œil est gonflé, mon visage griffé, mon épaule tout juste remise, ma jambe saigne et me fait un mal de chien, je boite… bref, ce n’est pas l’extase.
Charlotte pleure lorsque son père la serre contre lui. Je ne l’ai jamais vu ainsi. Lui qui m’était apparu comme un tueur, un exécuteur implacable, obéissant aux ordres sans broncher, montre un visage rongé par l’angoisse. La tristesse et la joie mêlées tranchent avec son masque du parfait petit soldat. Il est humain après tout… Il est père simplement.
Père… voilà un concept qui me devient de plus en plus étranger. Mes expériences dans ce domaine ne sont pas des plus concluantes. Celui que je considère comme mon père sans qu’il le soit est mort trop tôt, tandis que celui que je ne reconnais pas comme tel, bien qu’il le soit en réalité, veut ma mort. Si avec ça je ne finis pas chez un psy pour désordre affectif, j’aurai de la chance.
Lorsque Borélis découvre les marques sur le cou de sa fille, son visage change, passant du soulagement à la colère la plus profonde. Il l’interroge avec avidité pour savoir s’ils lui ont fait autre chose, s’ils l’ont touché, s’ils ont abusé d’elle. Ses questions sont sèches et le ton dur. Je vois Charlotte fléchir sous la pression paternelle. Elle tente de le rassurer, mais il n’entend pas, prisonnier de sa haine naissante. Il la harcèle de nouveau, la questionne sur le moindre détail de ses agresseurs, ce qu’elle a pu voir, entendre, par où ils sont partis…
— Arrêtez ça !
Je viens de crier. C’est sorti tout seul. Borélis braque des yeux de rapace sur moi. Il lâche sa fille et se jette sur moi pour m’assaillir de questions à mon tour. Ma mère est obligée d’intervenir pour le ramener à la raison.
Ils se disputent vivement, tandis que je me rapproche de Charlotte.
Finalement, Borélis se calme et m’écoute patiemment. Je raconte tout. L’un et l’autre n’en reviennent pas que je puisse être venu à bout d’un karzaï sans y laisser la vie. Je garde secrète la présence du Puschnail , que je laisse bien au fond de ma poche. Borélis me remercie muettement d’avoir sauvé sa fille. À la fin de mon récit, il empoigne son portable.
Moins de dix minutes plus tard, une camionnette semblable à celle qui m’avait cueilli le jour de ma première attaque, apparaît. Borélis grimpe à bord et nous laisse tous les deux avec ma mère. L’utilitaire prend la direction du parc. Ils ont des traces à effacer et d’autres à suivre. Je vois mal la population accepter l’existence d’un monstre comme le karzaï sans se poser de questions, déjà qu’un fait-divers en fait plus ou moins mention…
Je me tape le front. La mère de famille et ses enfants…
Je les ai oubliés. J’en avise la mienne qui appelle immédiatement Borélis. Je ne vois pas comment ils vont faire pour la retrouver avant qu’elle ne décide d’en parler à quelqu’un.
Le retour à la maison se passe dans un calme étonnant. Ma mère dépose Charlotte chez elle. Madame Borélis, les larmes aux yeux, l’attendait avec angoisse. Je vois que deux hommes en noir guettent à l’intérieur.
Une fois chez nous, ma mère m’oblige à m’asseoir dans le salon. Elle prend son portable et passe un rapide appel. Quelques minutes plus tard, un homme se présente. Il n’est pas seul. Deux malabars l’accompagnent.
Il s’agit d’un médecin. Il m’ausculte, panse mes plaies et vérifie mon épaule. Le diagnostic semble bon, car il ne s’éternise pas. Il salue ma mère et quitte la maison. Les deux molosses, eux, restent sur place.
Ma mère m’autorise enfin à quitter le salon pour regagner ma chambre. Je me vautre sur mon lit, Karl occupant toutes mes pensées. Je me torture l’esprit en pensant à lui, à ce qu’il doit endurer, aux souffrances physiques et morales que mon père doit lui infliger.
Je ne parviens pas à me calmer. Je désire plus que tout trouver le sommeil pour récupérer, avant de chercher une solution pour mon ami. Malheureusement, celui-ci se refuse à moi.
Ce n’est qu’en pensant à Charlotte, la douce Charlotte que je parviens à m’endormir.
L’attaque
Lorsque je rouvre les yeux, je suis brinquebalé dans tous les sens. Le temps que je comprenne que je me trouve dans une camionnette, j’ai recouvré mes esprits.
Je me redresse lentement. La tête me tourne. Je reconnais Borélis au volant. Nous sommes seuls.
— Où est ma mère ?
— Elle a fait un rapide crochet pour déposer ta sœur chez moi, avec ma femme et Charlotte. Elle va nous rejoindre.
Je suis rassuré.
— C’est vous qui m’avez embarqué pendant que je dormais ?
Borélis hoche la tête.
— Et où on va ?
— À l’hôpital.
Je tique.
— Pourquoi ?
— Tu as dormi quatorze heures d’affilée Marcus. Ta mère a essayé de te réveiller à plusieurs reprises. Elle a peur que tu aies un traumatisme crânien.
— Mais je vais bien, juste de la fatigue. Le doc est passé à la maison et il a dit que tout allait bien.
— Il a pu se tromper. Un examen plus poussé le dira.
Nous finissons la route en silence. Nous attendons depuis cinq minutes, quand ma mère nous rejoint. Elle montre sa carte et l’on vient rapidement me chercher. On me mène à une petite pièce et on me place sur une table que l’on fait glisser dans un tube.
Le scanner cérébral se passe vite et bien. Après quelques minutes, je retrouve ma mère et Borélis.
— On devrait avoir les résultats rapidement, déclara-t-elle en regardant sa montre.
Je l’ai rarement vu comme ça. Elle est inquiète et en colère. Son esprit se partage les deux émotions, et je suis convaincu qu’elle ne veut garder de la colère que contre mon père.
Il m’apparaît alors inutile d’essayer de la rassurer sur mon état. Seuls le médecin et l’imagerie cérébrale pourront le faire.
C’est ce qu’il se passe au bout de vingt minutes. Un petit homme au regard renfrogné vient rapidement à notre rencontre. Il a une grande enveloppe avec lui. Il ne semble pas avoir très envie d’être là avec nous.
— Votre fils va bien. Il n’a aucun traumatisme crânien. Inutile de pousser plus loin. Par mesure de précaution, surveillez-le cette nuit.
Ma mère le remercie.
— Je ne vous dois plus rien à présent, lâche-t-il. Considérez ma dette comme payée. Je ne vous retiens pas, d’autres patients m’attendent.
— Je suis d’accord, confirme-t-elle.
Je monte en voiture avec ma mère, laissant Borélis rentrer chez lui directement.
— Tu as usé de ton influence pour que je sois examiné plus vite maman ?
— Oui. Ce petit docteur me devait un service. C’est réglé à présent.
— Inutile de te demander quel service ?
— Oui, inutile.
Je sens qu’elle fulmine intérieurement. Elle s’en veut sûrement beaucoup. Elle doit estimer ne pas avoir su me protéger et s’être fait avoir par mon père, se focalisant sur la mauvaise cible : moi.
Nous restons silencieux un moment, puis alors que nous attendons à un feu, elle essaie de me sourire. Je m’apprête à lui rendre le sien quand mes yeux accrochent dans le rétroviseur les phares d’un camion lancé à pleine vitesse. J’ai juste le temps de croiser le regard affolé de ma mère qui comprend l’inéluctable choc. Le camion nous heurte à l’arrière avec une violence inouïe et nous envoie valser à plusieurs mètres devant nous, en plein milieu du trafic routier. D’autres véhicules nous percutent sur les côtés. Je sens la voiture rebondir dans tous les sens. Je suis balancé comme un pantin, percutant ma mère et l’habitacle.
Du verre explose contre ma figure. Des éclats volent partout.
Puis tout s’arrête.
La tête me tourne. Mes oreilles sifflent. Des images floues dansent devant mes yeux. Un liquide chaud et poisseux coule le long de mon visage.
Du sang.
Je tâte prudemment et découvre une plaie sur la tempe. Il y a des fumées alentour et des lumières clignotantes qui me vrillent le crâne. Dehors, les bruits de klaxons, d’alarmes de voitures et les cris crèvent peu à peu le silence. Je tourne la tête vers ma mère. Elle saigne de la bouche. Elle se dégage vivement et plante ses yeux dans les miens. J’y lis une froide détermination.
— Est-ce que ça va ? me demande-t-elle précipitamment.
J’acquiesce muettement.
— Reste là ! Ne bouge pas ! ordonne-t-elle.
Je ne l’ai jamais vu dans cet état. Elle empoigne une arme dans la boîte à gants et sort en trombe de la voiture. Je me détache à mon tour et me retourne sur mon siège. L’arrière de la berline est complètement enfoncé, jusqu’à la banquette. La vitre a volé en éclats et il y a du verre partout. Je vois le camion qui nous a percutés. Tout l’avant est défoncé et fumant. La portière, côté conducteur, est ouverte et il n’y a personne derrière le volant…
Je cherche ma mère du regard. Je ne la vois pas. J’entends des gens crier de toutes parts. Il doit y avoir des blessés. Je décide de sortir de la voiture pour aller aider.
Une fois dehors, je dois m’agripper à la portière. Mes jambes flageolent. L’effet du choc. Je fais quelques pas maladroits, avant de me stabiliser. Je regarde autour de moi. Il y a plusieurs voitures enchevêtrées les unes dans les autres. Les gens, perdus, sont sortis de leur véhicule et regardent la scène, hébétés, comme moi. Certains ont déjà leur portable à la main, sans doute pour prévenir les secours. Je vois aussi des crétins au sourire niais faire des vidéos ou faire des selfies avec le chaos en arrière-plan.
Je cherche de nouveau ma mère des yeux. Je la vois à proximité du camion. Elle s’approche de la porte du conducteur avec l’arme au poing. Mais que fait-elle ?
La vérité se fait jour en moi avec violence au moment où un homme habillé en haillons saute sur le toit de la voiture avec l’agilité d’un chat. Il plante ses yeux de braise dans les miens. Un éclat de lumière accroche l’arme qu’il tient dans la main. Il est là pour tuer… me tuer.
Je fais un pas en arrière, trop tard. L’homme bondit en même temps qu’un coup de feu déchire le voile de la nuit.
L’instant d’après, le tueur me tombe dessus. Je m’effondre sous son poids. J’en ai le souffle coupé. Je me débats pour me dégager de cette masse inerte. Ma mère arrive au moment où je fais rouler sur le côté, le corps sans vie de mon assaillant.
— Est-ce que ça va, mon chéri ? demande-t-elle d’une voix anxieuse tandis qu’elle me tend la main pour me relever.
— Oui maman. Ça va. J’ai eu peur.
— C’est terminé. Il était seul.
Je regarde le corps gisant sur le sol sombre. Je reconnais sans peine l’accoutrement des hommes de mon père. Que vient-il de se passer ?
Ma mère me tire de ma léthargie.
— Ne restons pas là, partons.
Je lui lance un regard médusé.
— Mais maman, il y a des blessés. On ne peut pas partir comme ça !
— Ne t’inquiète pas, les secours sont en route. Ils seront là dans quelques minutes.
— Mais tu sais bien que les premières minutes sont essentielles…
— Ne discute pas ! Monte dans la voiture !
Ma mère me fait peur. Je m’exécute en contournant le cadavre. Ma mère est déjà installée et tente de faire redémarrer la voiture.
— Et le corps, on en fait quoi ? On le laisse là ?
— Borélis arrive. Il sera là avant les secours.
— Mais des gens t’ont vu flinguer ce mec maman !
— Cela fait partie de mon métier Marcus. Je dois te rappeler pour qui je travaille ?
Inutile. J’ai bien compris qu’elle appartenait aux services du renseignement. Elle est habilitée et couverte pour ce type d’action.
La voiture démarre au bout de quatre essais. L’essieu arrière a été sévèrement touché, mais malgré son piteux état, elle roule. Ma mère avance lentement. L’auto cahote un peu, mais c’est supportable. Après quelques minutes, ne reconnaissant pas le chemin de la maison, je me hasarde à questionner ma mère.
— On va où maman ?
— Changement de programme. Vu ce qu’il vient encore de se passer, inutile de prendre des risques. On va directement à la Cellule. Tu y seras en sécurité.
— Tu vas m’enfermer pour me protéger ? je demande ironiquement.
— Oui, et il n’y a rien à ajouter.
Je me renfrogne et m’enfonce dans mon siège. Lorsque nous arrivons en vue du parking souterrain, je reconnais l’entrée où nous avions suivi ma mère, Karl et moi.
La voiture semble au plus mal, mais elle tient bon. Après avoir passé la porte camouflée dans le mur du parking, une plateforme descend sur plusieurs dizaines de mètres avant de se stabiliser dans un sifflement. Deux hommes viennent nous accueillir. Je récupère mon sac et nous descendons de la voiture, du moins ce qu’il en reste. Les deux hommes s’éloignent avec.
— Suis-moi, ordonne ma mère.
La dernière fois que je suis venu ici, les choses s’étaient très mal passées. Mais cette fois, tout est différent. Je rentre par la grande porte. Pas de cagoule et de menottes, pas de soldats m’appuyant le canon de leur fusil dans les reins. J’espère ne pas avoir droit à la salle d’interrogatoire ni à un tortionnaire qui tentera de m’arracher des aveux…
Ma gorge se serre. Il n’y a pas de Karl non plus…
Nous arrivons devant une porte d’ascenseurs. Des agents nous attendent et saluent ma mère.
Ils nous invitent à entrer et appuient sur un bouton. La cabine file sous terre. Après quelques secondes, les portes s’ouvrent sur un couloir unique très éclairé. Mon sac sur le dos, je la suis dans l’un d’eux. D’autres coursives, plus petites, partent à angle droit. Je crois reconnaître l’une d’elles menant aux salles d’interrogatoires dont elle m’avait fait sortir.
Nous croisons quelques personnes qui ne m’accordent qu’un regard distant, visiblement trop happés par leur travail. Des hommes en tenue de combat – les mêmes que ceux nous ayant escorté Karl et moi la première fois avec une douceur si prononcée – nous croisent au pas de course. Je me raidis. Ils passent sans s’arrêter.
— Nous sommes en état d’alerte 3 sur 5, m’explique ma mère.
Je la regarde en levant les sourcils.
— Votre agression à toi et Charlotte dans le parc et celle de ce soir. Tout le monde est déjà au courant… Nous sommes tous sur les dents après ce coup. Nous nous préparons à autre chose de la part de ton père.
— Comme quoi ?
Pas de réponse. Je n’en saurai pas davantage. Au bout de quelques minutes, nous arrivons devant une salle de réunion.
Vide.
Ma mère me demande de l’attendre. Elle revient quelques minutes plus tard accompagnée de deux hommes à la mine froide comme un iceberg.
— J’ai un rapport à faire. Suis ces hommes pour le moment.
Je grimace, mais j’obtempère. Nous empruntons des escaliers pour changer de niveau et ils me conduisent dans une petite pièce. Je reste sur le pas de la porte à comprendre que je contemple mes nouveaux quartiers. L’exiguïté des lieux me saute à la gorge. Je me tourne vivement, mais ils me poussent durement et ferment la porte derrière moi. Je laisse tomber mon sac et m’assieds par terre.
Ma mère me rejoint deux heures plus tard. Elle ne remarque même pas que je fais la tête.
Un homme l’accompagne. Il porte la tenue militaire, mais il a une blouse blanche par-dessus. Il tient une petite sacoche à la main.
— Marcus, voici le docteur Guilbaud. Il va rapidement t’ausculter pour s’assurer que le choc dans la voiture n’a pas eu de conséquence.
Je laisse le médecin faire son analyse et patiente. Il prend mon pouls, ma tension, vérifie la dilatation de mes pupilles en passant une torche devant mes yeux. Pour finir, il nettoie ma plaie à la tête et me fait deux points de suture avec une agrafe. Je grimace lorsqu’il les pose. Il doit avoir l’habitude de faire ce genre de choses à des militaires coriaces, car il ne me ménage pas.
Il range son matériel et hoche la tête en direction de ma mère qui vient de revenir. Je semble bon pour le service…
À peine est-il sorti, qu’elle se retourne vers moi :
— Viens avec moi, nous avons du nouveau sur l’attaque de ce soir.
Je laisse ma mauvaise humeur de côté et je la suis.
Elle m’entraîne de nouveau dans les couloirs. Nous revenons dans la salle de réunion. Borélis est là, debout dans un coin de la pièce. Un autre homme, demeuré assis, est présent également. C’est Artegan. Il me salue timidement. Il me tend un petit disque en métal.
— Nous avons trouvé cet objet sur le corps de l’homme que ta mère a abattu ce soir, m’explique-t-il. Il contient un enregistrement. Nous en avons fait une copie.
Sans attendre de réponse de ma part, la pièce est plongée dans le noir et l’on passe le message enregistré.
Il est de bonne qualité. On y voit un homme donner une directive simple. Il est froid, déterminé et malveillant. Je reconnais mon père très distinctement. Il est habillé comme lors de l’attaque dans le parc. Il semble furieux.
Je crois deviner un mouvement sur sa droite. Est-ce Karl ? C’est trop rapide. Je jette un œil aux personnes qui sont présentes dans la pièce. Personne n’a réagi. Peut-être un effet de mon esprit.
La bande ne dure pas plus de dix secondes. Mais ces secondes sont lourdes de conséquences. Je vois les visages fermés de ceux qui se tiennent à mes côtés. Je m’efforce de ne rien laisser paraître de mon trouble. Je regarde une fois encore ce message contenu sur ce simple disque de deux centimètres de diamètre…
Le message est court et sans équivoque :
Retrouve mon fils Marcus… et tue-le !
La Cellule
Le visionnage du message vidéo m’a laissé sans voix. Les deux hommes quittent la pièce me laissant avec ma mère. Elle se rapproche de moi, mais je lui fais comprendre que je préfère rester seule.
Elle rejoint à contrecœur ses collègues qui patientent dehors. Je dois digérer ce que je viens de voir. Les pensées se bousculent dans ma tête. Je n’arrive pas à saisir pourquoi cet homme veut ma mort. Que lui ai-je donc fait ?
Que l’on veuille vous tuer est déjà quelque chose de terrible, mais en plus que votre père en soit responsable est tout simplement horrible. J’essaie de me rassurer en me disant que cet homme ne représente rien pour moi. Il n’est que mon père biologique. Je n’ai rien à voir avec lui.
Je sais que ma mère, Borélis et Artegan vont revenir sous peu. Je dois avoir repris le dessus. Je dois comprendre ce qui motive un tel geste, une telle haine. J’étais une gêne dans le parc après qu’il eut récupéré Karl. Il ne voulait pas prendre le risque que j’aille chercher de l’aide. Pourtant, il lui suffisait de m’assommer ou de me ligoter, pas besoin de me tuer.
Alors pourquoi ? Et ce soir, pour la seconde fois, il a essayé avec ce dingue qui nous a foncés dessus ma mère et moi. Je ne compte pas la fois où un géant a traversé ma maison comme un bulldozer. Avec le recul, je crois effectivement que « mon père » avait besoin de moi pour atteindre Karl. Me tuer trop tôt aurait ruiné ses chances d’y parvenir.
La porte de la salle s’ouvre et ma mère rentre, précédée de Borélis et d’Artegan. Ils prennent une chaise et se placent à mes côtés.
— Comment te sens-tu, mon garçon ? demande Artegan en joignant les mains.
Il est nerveux. Ma mère avait raison. Ils sont anxieux. Je jette un œil à Borélis. Il ne semble pas serein, d’autant que c’est lui le chef de la sécurité maintenant, plus le sadique de Bartoli. Ma mère semble ne pas décolérer, mais ses yeux trahissent une grande angoisse.
— Aussi bien que possible, merci… je réponds.
— Bien. Comme tu t’en doutes, ce qu’il s’est passé ce soir est particulièrement grave, ton…
— Navré de vous couper Monsieur, mais les faits graves ne datent pas de ce soir ! Je vous rappelle quand même que ce type… mon père… a commencé par envoyer un colosse m’enlever dans le but de faire pression pour récupérer Karl. Comme ça n’a pas marché, il a envoyé une bête immonde dans les rues de la ville pour m’enlever une nouvelle fois. Il y a même eu un mort ! Je me suis alors retrouvé dans une maison avec plusieurs assaillants ; il a fait incendier mon collège et enlever la fille de Borélis, pour me forcer à lui amener Karl qui s’est gentiment sacrifié pour que nous nous en sortions elle et moi !
J’ai crié les derniers mots, jetant un silence de plomb dans la salle. Je m’aperçois également que je me suis levé pour dire tout cela. Je me rassois. Artegan esquisse un sourire nerveux. Borélis fulmine intérieurement. Je le vois. Le fait d’avoir évoqué l’enlèvement de sa fille a fait remonter en lui toute sa colère. Ma mère est éprouvée à l’écoute de ce résumé.
— Je suis désolé Marcus, reprend Artegan. Je n’ai pas voulu minimiser ce qu’il t’est arrivé. L’attaque de ce soir montre la détermination de ton père à vouloir ta mort.
— Sans rire… je grommelle.
— Hmm… je veux dire que bien qu’il ait obtenu ce qu’il voulait, il continue à vouloir t’éliminer. C’est pour cela que c’est grave. Nous avons la conviction qu’il ne s’arrêtera pas là. Ton père a focalisé toute l’attention sur toi et nous sommes tombés dans le panneau. Je le reconnais, il nous a bernés durant tout ce temps. Il a fait preuve de patience et de détermination pour se rapprocher de Karl, n’hésitant pas à mettre ta vie en jeu. Donc, s’il veut ta mort, il fera tout pour l’obtenir.
— Pourquoi ne pas traverser pour aller l’arrêter sur place ?
— Traverser quoi ? demande Artegan incrédule.
— Cessez de me prendre pour un imbécile ! Je connais toute la vérité du plan Nouveau Monde.
Artegan se retourne vers ma mère qui reste imperturbable.
— Karl m’a tout expliqué avant son enlèvement, je complète pour sauver ma mère. Mais j’avais déjà quelques doutes avec l’existence du karzaï.
Le chef de service se retourne vers moi. Il réfléchit…
— Admettons… ta proposition serait tentante, mais elle se heurte à plusieurs problèmes. Le président et nos partenaires n’approuveraient pas une opération de ce type. Cela s’appelle une ingérence en territoire étranger. Les échanges entre les deux mondes pourraient reprendre depuis que ton père est au pouvoir, les ponts pourraient rouvrir.
— Conneries que tout ça…
— Marcus ! gronde ma mère. Surveille ton langage.
— Ce n’est rien, tempère Artegan. Il est sous le coup de l’émotion, je comprends. Il faut que tu comprennes que c’est toujours la politique qui l’emporte. Personne ne voudra prendre le risque d’avaliser une opération clandestine qui mettrait à mal les profits économiques et techniques qui découleraient d’une nouvelle entente.
— En d’autres termes, ils s’en foutent.
— C’est ça, conclut Artegan.
— Et Karl ? Envisage-t-on de le récupérer, ou cela risque-t-il d’empêcher certaines personnes bien placées de s’en mettre plein les poches ?
— Je suis désolé, mais Karl ne fait plus partie de l’équation. Ce n’est pas une priorité… pour les raisons que tu as citées.
— C’est dégueulasse. Karl est mon ami. Mais merde, dis-je en me tournant vers Borélis. Il s’est sacrifié pour votre fille ! Ce n’est pas rien ça !
Le nouveau chef de la sécurité tourne la tête, visiblement incapable de soutenir mon regard. Je suis désespéré. Je me tourne vers ma mère. Je la supplie.
— Maman ?
Ses yeux s’embuent.
— Je suis désolé mon chéri, Artegan a raison. Cela ne dépend pas de nous. Nous ne pouvons rien faire sans l’aval des gouvernements en charge du projet. Toute action isolée pourrait être interprétée comme un acte de guerre et déclencher une suite d’événements incontrôlables.
J’enrage intérieurement. Ils ne vont rien faire. Ils vont laisser Karl aux mains de mon père. Ils vont le laisser crever sans lever le petit doigt.
L’entretien terminé, on me reconduit dans ma chambre. J’y rentre sans faire d’histoire. Je ne me sens pas bien. La nausée m’envahit. J’ai abandonné mon ami aux mains d’un cinglé. Il me manque. Son analyse, implacable, résolue, objective me manque. Qu’est-il en train de lui arriver en ce moment ? Mon père le torture-t-il pour lui tirer des informations ou pour lui faire payer sa fuite ?
Une terrible pensée m’effleure l’esprit aussi soudainement que violemment. Et si Karl avait joué la comédie ? S’il avait feint depuis le début pour obtenir des informations précises pour mon père ?
Serait-ce possible ?
Non ! Je ne peux me résoudre à y croire. L’envisager est déjà une faiblesse dans laquelle je refuse de m’abandonner. Je ne dois pas perdre de vue qu’il a agi pour nous sauver, pour nous laisser le temps à Charlotte et à moi de fuir. C’est lui aussi qui m’a donné de quoi tuer le karzaï. Le Puschnail . Sans lui, cette horrible chose serait en train de nous digérer.
J’ai tellement honte d’avoir eu une telle pensée que je file dans le coin toilettes pour vomir toute mon impuissance et mon dégoût.
Alors que des pensées noires obscurcissent encore mon esprit, une petite lumière apparaît lentement. C’est Charlotte. Si seulement elle était là, si je l’avais auprès de moi… Si je pouvais ne serait-ce que lui parler, entendre sa douce voix. Malheureusement, ce n’est sûrement pas possible. Borélis n’acceptera jamais que je puisse revoir ou parler à sa fille pour le moment. Je suis presque certain qu’il a déjà fait ce qu’il fallait pour l’envoyer à l’autre bout de la France pour la protéger.
Je le lui demanderai quand même.
Quant à Karl, ma décision est prise depuis l’attaque du parc… Je vais tout mettre en œuvre pour le retrouver. Mais pour cela, il faudrait que je puisse passer cette foutue porte. Si je n’arrive pas à sortir de cette chambre, je ne vois pas comment je pourrais espérer arriver jusqu’à lui.
Enfermé
Ma claustration me semble durer une éternité. Mes pensées s’entrechoquent. J’enrage de devoir rester là sans pouvoir agir. Ma mère me force à l’inaction, au non-agir et cela me rend fou. J’ai beau tambouriner contre la porte, à la réclamer, elle, Borélis ou Artegan, je m’époumone en vain.
J’ai essayé d’enfoncer la porte. Je n’ai récolté qu’une douleur cuisante à l’épaule.
Le temps s’égraine avec lenteur, simplement ponctué par les repas que l’on m’apporte. Ma porte est verrouillée en continu. Je suis prisonnier.
Trois jours après mon installation, je reçois une visite inattendue. Je ne suis pas de bonne humeur, mais je peux essayer d’en profiter. J’ai de nouveau mal dormi et la veille, j’ai encore passé deux heures à cogner pour qu’on me laisse sortir.
On toque brutalement contre la paroi en métal. Sans doute l’un des deux gardes postés. Ce sont eux qui me donnent mes repas.
Je maugrée, mais me lève tout de même. Ma nuque est lourde et douloureuse. Je fais la grimace.
— Qui est là ?
Une voix résonne derrière le montant en acier.
— C’est votre mère qui m’envoie.
— Vous ne répondez pas à ma…
La porte s’ouvre à la volée sur l’une de mes deux nounous . Comme à son habitude, le soldat ne sourit pas. Il s’écarte et un homme se campe devant moi, la main tendue. Le colosse reste en retrait. Je ne pourrais pas tenter une sortie…
— Bonjour Marcus.
Sur le coup, je reste sans un mot devant lui. J’ignore de qui il s’agit, mais en plus, je trouve qu’il cadre mal avec le reste des personnes présentes sur le site. Même si je ne me suis pas encore baladé dans les couloirs, j’ai pu remarquer, en arrivant, que les types qui les arpentent sont pour la plupart des militaires en uniforme. Les autres, ceux qui ressemblent à des civils, sont habillés sobrement, mais correctement. L’homme qui me fait face doit avoir l’âge de ma mère. Il est débraillé, avec une chemise froissée et un pantalon déchiré. Il tient une tasse à café d’une main et une vieille sacoche en cuir de l’autre.
— Je peux entrer ? s’enquiert-il en me tendant plus franchement sa main.
— Vous êtes qui ? je demande plein de défiance.
— N’aie crainte, je ne mords pas.
— Je ne vous connais pas, laissez-moi être seul juge de cette affirmation.
Je le vois avoir un sourire grimaçant. Je l’ai mis mal à l’aise.
— Tu as raison… Je suis ton professeur particulier.
Je suis dubitatif. Je croise les bras en signe de méfiance.
— Avec l’incendie du collège, plusieurs de tes camarades ont été dispatchés dans les autres établissements du secteur. Pour éviter que cela occasionne des classes trop chargées, ceux qui le pouvaient ont été invités à rester chez eux. Des professeurs viennent à leur rencontre pour poursuivre le programme, ou proposent un travail en distanciel.
— Et vous en faites partie ?
— On ne peut rien te cacher !
— Foutaises !
L’homme fronce les sourcils.
— Que veux-tu dire ?
— Je veux bien croire que vous êtes au courant de l’incendie du collège, mais c’est le réfectoire qui a brûlé, pas les salles de classe. En admettant que quelques-unes aient été touchées, je pense que le collège doit pouvoir gérer en se serrant un peu. Ensuite, n’allez pas me faire croire que le responsable de ce lieu hyper secret laisserait rentrer un prof en son sein, un civil.
Il pose sa mallette au sol et esquisse un sourire.
— Ta mère m’avait prévenu. Tu es un petit futé… C’est exact, je ne suis pas plus enseignant que toi. Mais si je suis ici, c’est bien pour te faire la classe. Ta mère ne veut pas que tu prennes de retard durant cette période indéfinie. De plus, cela t’occupera l’esprit.
— Admettons… Pourquoi vous, puisque vous n’êtes pas enseignant ?
— J’ai dit ne pas l’être, mais avant d’être recruté pour devenir agent, j’ai fait des études pour devenir prof de lettres. J’ai dû laisser tomber, tu t’en doutes. Ensuite, pour aller sur le terrain, j’ai dû me mettre sérieusement à niveau en maths, en sciences, en histoire, en géo et en langues. Je suis donc polyvalent.
Je le regarde un bon moment. Finalement, je me résigne. Ce type ne me lâchera pas.
— Votre look est nul. On dirait un instit d’une autre époque. Vous auriez pu trouver mieux…
— Mais… je m’habille comme ça tous les jours ! s’indigne le prof.
— Ah ? Faudrait voir à changer alors, je rétorque en lui tournant le dos et en retenant un sourire.
Il grommelle, mais entre et referme derrière lui.
— Comme vous le voyez, c’est exigu. Je ne sais pas comment nous allons travailler.
— Ne t’inquiète pas, rétorque-t-il. Aujourd’hui, nous faisons connaissance. Ensuite, ce devrait être dans un lieu plus adapté que nous nous verrons.
— Très bien. Je vous écoute.
Il boit une rasade de café et attrape sa sacoche. Il sort plusieurs papiers.
— Je vais te laisser ces quelques feuilles. Il s’agit pour toi de noter les points du programme que tu as déjà vu, ceux que tu n’as pas bien compris et tes goûts. Avec ça, je devrais pouvoir essayer de construire des séances de travail plus adaptées à ton niveau et à tes envies. Est-ce que cela te convient ?
— On verra bien, dis-je sans grande conviction en prenant les feuilles étalées devant moi sur le lit.
— Je reviens demain, cela te laisse le temps de t’en occuper.
J’opine du chef.
Il se lève et se dirige vers la porte. Je l’arrête avant qu’il ne sorte.
— Vous allez faire votre rapport à ma mère, n’est-ce pas ?
— On ne peut rien te cacher.
— J’attends qu’elle vienne me voir depuis trois jours. Pourriez-vous le lui dire ?
— Je vais essayer, termine-t-il en passant la porte. Celle-ci se referme immédiatement à clé.
Essayer… voilà à quoi je dois me raccrocher… un essai.
Je m’allonge sur mon lit. J’ai besoin de changer d’air, j’ai besoin d’exercices. Je dois évacuer la frustration et la colère qui sourdent en moi depuis que je suis dans cette cage sans barreaux.
Après quelques minutes, je m’empare des feuilles et décide d’y jeter un œil.
Ma mère se présente en fin de journée. Elle apporte deux plateaux-repas.
— Tu voulais me voir mon chéri ? demande-t-elle comme si de rien.
— Je voulais te voir ? Mais bien sûr bon sang ! J’en suis réduit à demander à un inconnu de te prévenir ! Cela ne te vient pas à l’idée que je puisse en avoir besoin ! Je suis enfermé dans un placard à balai, dans un lieu inconnu parce que mon taré de père veut ma peau ! Personne ne sait que je suis ici. Tous mes copains doivent me croire mort ! Donc oui, j’ai besoin de te voir !
Elle soupire et pose les deux plateaux sur le lit.
— Je comprends mon chéri. Si je ne suis pas venu plus tôt, c’est parce que je savais que tu ne me lâcherais pas avec Karl, que tu me demanderais encore de monter une expédition pour le retrouver.
— Et tu crois franchement que l’envie m’est passée ?
Elle croise ses mains sur ses genoux.
— Non, bien évidemment. Mais j’ai compris que je commettais une erreur en te laissant seul.
— Je te remercie. Écoute, voici ce que je te propose. Je ne parle pas de Karl pour le moment. Tu as apporté deux merveilleux repas. Il serait dommage de laisser refroidir cette délicieuse nourriture. Qu’en penses-tu ?
— Ne plaisante pas tu veux ! réplique-t-elle en souriant. C’est d’accord, mangeons.
Nous nous installons sur le lit, en tailleur, et nous mangeons face à face notre steak haché trop cuit, accompagné de haricots blancs gorgés d’eau. Nous ne laissons rien perdre de notre petit pain avec son beurre. Pour finir, nous nous régalons d’un yaourt nature et d’une compote sans sucre ajouté… un vrai régal pour les papilles.
Malgré tout, ce repas m’aura permis de passer un peu de temps avec ma mère… un temps calme, loin des menaces paternelles.
— Dès demain, tu changes de quartiers. C’était temporaire ici. Il s’agit d’une cellule, pas d’une chambre. Tu auras plus d’espace. Tu auras accès à une salle de sport et une bibliothèque. Borga pourra même te faire classe dans ta chambre si tu préfères. Tu seras dans une aile un peu isolée du complexe.
— Très bien, dois-je concéder. J’aurais encore des molosses devant la porte ?
Elle secoue la tête.
— Ce sera inutile. Tu ne pourras pas franchir les portes d’accès. Il faut des badges pour cela.
Je fronce les sourcils. C’est un ersatz de liberté. Je fais part de mon désaccord à ma mère.
— C’est le prix à payer Marcus. Tu m’as promis de ne pas parler de Karl, mais pas moi. Je sais très bien que tu tenteras l’impossible pour le retrouver, et ça je ne le permettrais pas… pas tant que nous serons bloqués sur le plan politique et diplomatique. Ton père a vraiment besoin de lui. Il ne lui fera rien.
— Et quand il aura obtenu ce qu’il veut ? Il le gardera encore en vie ? Non, mais maman, tu le connais suffisamment pour savoir qu’il le tuera dès qu’il aura eu ce qu’il veut !
— Karl est intelligent, très intelligent. Il saura faire ce qu’il faut pour rester en vie le plus longtemps possible.
Je suis furieux. Je voudrais me lever et tourner en rond pour me calmer, mais rien de tel n’est possible ici.
— Pour quelle raison ? Rester en vie le plus longtemps possible est utile quand on a la conviction que de l’aide viendra. Mais si nous ne faisons rien, il crèvera tout seul dans un trou !
Ma mère pose sa main sur les miennes.
— Je suis navrée mon chéri, mais c’est la seule option. Tu dois garder espoir.
— Tu parles d’un espoir. Du flan tout ça. Rien de plus.
Je suis dégoûté. Ma mère ne sait plus quoi dire. Elle se lève, rassemble les plateaux et me laisse seul avec mon impuissance.
Nouveaux quartiers
Le lendemain, vers 9h du matin, on vient me chercher pour me conduire vers ma nouvelle chambre. Je ne suis pas mécontent de laisser derrière moi ce placard à balais. Je constate que les molosses devant la porte ne sont plus là. C’est un jeune officier qui m’accompagne. À peine ai-je quitté les lieux, que trois individus avec masques et combinaisons me succèdent à l’intérieur avec une grosse boîte à la main.
— Ils font quoi ? je demande à l’officier.
— Après chaque occupation des cellules, il y a une fouille minutieuse et un nettoyage protocolaire très strict, m’explique mon guide.
— Une fouille ? Mais vous croyez que j’ai caché quoi ? Et pour qui ? dis-je avec ironie.
— C’est le règlement, se contente-t-il de me répondre.
Je hausse les épaules. Moins de deux minutes plus tard, je découvre une nouvelle section de la base. Nous sommes passés près de l’accélérateur de particules. C’est cet immense anneau qui permettrait de générer un portail pour Hélios. J’aimerais bien le voir en action, ainsi qu’un vortex d’ailleurs… et Hélios bien entendu.
Nous remontons un couloir puis nous arrivons sur une section qui s’ouvre avec un badge. Je découvre un couloir qui desserre plusieurs pièces. Plus loin, nous arrivons sur un espace carré. En son centre, deux salles rectangulaires se touchent. L’une est une salle de sport tout équipée pour les travaux de musculation et d’endurance. La seconde est une bibliothèque. Le couloir tourne autour de cet espace central et mène à plusieurs portes.
— Ce sont des chambres privatives, explique l’officier. Il arrivait que certains agents fassent quelques haltes ici, entre deux missions, mais plus aujourd’hui. Tu seras seul.
— Je vois. Mais de quels genres de missions parlez-vous ?
Je note d’emblée son malaise.
— Je ne suis pas habilité à répondre.
Je m’en serais douté…
— Ce n’est rien. Merci de m’avoir amené jusqu’ici.
Il me salue et fait demi-tour. Je pose mes affaires et regarde autour de moi. La pièce est plus grande. Il y a des placards de rangement, un lit double, une table et trois chaises. Il y a une salle d’eau et des toilettes. Dans un petit coin, il y a même un petit réfrigérateur, un four et un petit évier. C’est davantage un studio qu’une simple chambre.
Je vide mon sac dans un placard. Par curiosité, j’ouvre le frigo et trouve deux bouteilles d’eau. Voilà une bonne idée. Je m’en sers une grande rasade. Cela me fait un bien fou. Je trouve également quelques gâteaux et barres chocolatées dans un tiroir près de l’évier. Je souris à l’idée de croquer dans l’une d’elles. Ma joie est de courte durée, car on se racle la gorge dans mon dos.
Je me retourne et découvre un colosse en tenue militaire.
— En tenue de sport Denièvre ! C’est l’heure de ton entraînement.
— Je vous demande pardon ?
— Tu as trois minutes. Ensuite, je t’attrape par la peau du dos.
Je n’ai pas le temps de riposter qu’il a déjà fait demi-tour. Vu la taille du gaillard et son air aimable, je n’ai pas trop envie de l’énerver. Je me change rapidement et quitte ma chambre pour me rendre à la salle de sport. Le bonhomme m’y attend les yeux rivés sur sa montre.
— C’est bon, je suis là.
— Tu as dix secondes de retard. Commence par faire dix pompes.
— Mais ça va pas ! Pour dix secondes ? En plus, je ne suis pas échauffé.
Le colosse comble la distance qui nous sépare en deux enjambées. Je recule d’instinct. Il est immense vu de près. Je déglutis avec peine. Il plonge ses yeux noirs dans les miens.
— Écoute-moi bien Denièvre. Je n’aime pas me répéter. Ta mère veut que tu te maintiennes en forme, et c’est ce que tu vas faire.
Je fais encore un pas en arrière.
— Mais c’est incroyable, dis-je faussement outré, tout le monde fait ce que ma mère demande ici ?
— Oui, me répond-il simplement. Maintenant, exécution !
Je soupire. Finalement, être enfermé dans le placard à balais avait peut-être du bon. Je n’avais pas de coach fou !
Je me mets en position et réalise mes dix pompes sans trop de difficulté. Cela fait longtemps que je n’en ai pas fait, mais mes différents entraînements avec Philippe et mes séances en athlétisme ont laissé leurs traces.
— Bien. Je t’ai préparé un parcours d’entrée. Ce sera toujours comme ça. Un parcours pour mettre ton corps en chauffe. Ensuite, un autre pour puiser dans tes réserves et entamer ton esprit. Tu finiras par une descente, pour de la récupération.
Je décide finalement de montrer à ce géant des cavernes ce dont je suis capable. Je me mets en condition tandis qu’il m’explique les différents exercices. Contre toute attente, il ne s’agit pas de soulever comme un âne des charges trop lourdes. Non, là je dois travailler mon endurance, mon rythme cardiaque et ma force.
Je respire profondément et entame le parcours, ponctué par quelques explications ci et là. L’homme est rigoureux, efficace et précis. La séance se déroule bien. Je suis fatigué, mais c’est une bonne fatigue. Je sens tous les muscles de mon corps. Ils chauffent et je me sens bien. Mon souffle est régulier. Même si c’est temporaire, je ne pense plus à mes soucis. J’ai réussi à évacuer mes tensions. Finalement, je ne regrette rien.
— Tu peux aller te laver. Demain, nous attaquons à 8h. Sois prêt.
Il me laisse sur place et disparaît. Je retourne à ma chambre pour me laver. Une heure plus tard, mon professeur Monsieur Borga, fait son apparition. Il regarde les feuilles que j’ai remplies. Le temps de tout analyser, je dois faire des exercices d’évaluation. Je sais qu’il veut tester mon niveau lui aussi.
Nous abordons quelques notions de français et de mathématiques.
La première heure passe vite, puis il revient sur des choses que j’ai indiquées sur les feuilles qu’il m’avait données.
— Marcus, tu parles beaucoup de tes amis. Tu es inquiet pour eux, je l’ai bien senti. Tu te demandes ce qu’ils vont penser de ta disparition et de celle de Karl, d’autant que votre maison est vide pour le moment.
Je ne dis rien. J’attends de voir où il veut en venir.
— J’imagine que tu comprends parfaitement la situation.
Je garde toujours le silence. Je note qu’il ne s’agit pas d’une question, mais d’une affirmation.
— Ton père est dangereux. Je sais que tu aimerais parler et voir tes amis, mais ce serait prendre des risques inutiles. Il doit ignorer où tu te trouves.
Cet échange me fait sourire. Je sens que mon professeur attend de moi que je valide ses mises en garde, que j’adhère à ce bon sens. Mais il n’en est rien.
— Je suis navré, mais je ne suis pas d’accord avec vous.
— Vraiment ? s’interloque-t-il.
— Vous croyez franchement que mon père ignore où je suis ? Ce dingue veut ma mort, pour une raison que j’ignore encore, et il n’est pas près de renoncer. S’il ne me trouve pas chez moi, où va-t-il penser que je suis ?
— Je t’écoute, m’invite-t-il à poursuivre.
— Ici même, évidemment, dans le seul endroit vraiment sécurisé qu’il connaisse. C’est bien pour cela qu’il a envoyé son tueur dès le lendemain de l’attaque du parc. Il a supposé que je n’aurais peut-être pas encore rejoint la Cellule. C’était un acte précipité, car il sait que je suis presque intouchable ici.
— Je vois que tu as bien compris, conclut-il avec un grand sourire.
— Oui, j’ai parfaitement compris, fais-je, amer. Mais vous en revanche… rien du tout.
Il se fige sur place. Ses yeux se plissent. Il n’a pas du tout aimé mes propos.
— Je te demande pardon ? tonne-t-il entre ses dents.
— Vous pensez que je m’inquiète de ce que mes amis vont penser de notre disparition à Karl et moi, mais vous faites fausse route. Je m’inquiète pour eux, pour leur sécurité ! Mon père a montré qu’il est capable des pires folies pour obtenir ce qu’il veut, et il va recommencer. D’ici peu, il enverra des types enlever mes amis, ma sœur ou même la fille de Borélis, comme il l’a déjà fait, pour me forcer à sortir d’ici ou pour vous obliger à m’échanger contre eux. Vous comprenez mieux maintenant mes inquiétudes ?
Il me regarde intensément, puis range ses affaires et quitte précipitamment ma chambre.
— C’est assez pour aujourd’hui, prend-il juste le temps de me dire sur le pas de la porte.
Une fois de plus, je me retrouve seul, seul face à mes questions et mon désarroi.
Routine
Cela fait maintenant une semaine que je suis enfermé à la Cellule, cette section ultra secrète des services de sécurité et de renseignements du pays. Ce lieu supervise… supervisait plutôt, les échanges entre la Terre et Hélios.
Un rythme s’est installé. Je débute ma journée vers 7h. Je vais jusqu’à la porte qui délimite mon secteur et je récupère un plateau-repas pour mon petit déjeuner vers 7h30. Je mange rapidement, m’habille et rejoins le sergent Tarkief pour mon entraînement quotidien à 8h pile. Je me douche entre 10h et 10h05 et mon cours commence à 10h10. J’enchaîne ensuite jusqu’à midi dix. Ces deux heures de classe sont intenses, car je suis seul avec M. Borga.
Nous n’avons pas abordé de nouveau la conversation sur mes amis.
Je récupère mon déjeuner vers midi et demi. J’ai de nouveau deux heures de cours entre 14h et 16h. Après quoi, je suis libre. J’en profite pour aller à la bibliothèque ou la salle de sport. Le soir, je mange vers 19h.
Je fais bonne figure, mais tout ceci me pèse. Les choses ne peuvent pas rester ainsi, et je ne connais qu’une seule personne pour faire évoluer la situation : ma mère.
— Monsieur Borga, pourriez-vous, une fois encore, demander à ma mère de venir me voir ?
— Je vais essayer Marcus, je vais essayer.
— Pourquoi dites-vous que vous allez essayer ? C’est si dur que ça de lui parler ?
Il lève le nez de l’un de mes exercices qu’il est en train de corriger.
— Ta mère est une personne très importante dans la hiérarchie de cet endroit, et de surcroît, elle a beaucoup à faire. Il n’est donc pas aisé de lui parler.
— Je comprends. Je vous remercie d’essayer.
Ma mère débarque une heure plus tard. Finalement, il n’a pas été si difficile que ça de l’approcher. Elle a les traits tirés, fatigués.
— Bonjour mon chéri. Je suis désolée de ne pas être venue plus tôt. J’ai beaucoup à faire ces derniers temps. Je dois d’ailleurs être en réunion dans vingt minutes. Je t’écoute.
Elle me prend au dépourvu. Je ne pensais pas qu’elle serait si pressée. Cela veut dire qu’elle va sans doute éluder mes questions trop insistantes, de même que mes demandes. Je vais quand même tenter. Si elle est autant surchargée qu’elle le dit, je risque de ne pas la voir assez souvent pour essayer d’obtenir ce que je veux par la douceur et la persévérance.
— Merci d’être venue me voir maman. Puisque ton temps est précieux, je vais être direct. Je m’inquiète pour mes amis, pour Charlotte et pour Alice. J’ai peur que l’autre givré ne s’en prenne à eux pour me forcer à sortir d’ici, car ne soyons pas dupes, il sait où je me trouve.
— Tu as raison, ton père doit savoir que nous te gardons ici à l’abri. Mais ne t’inquiète pas pour tes amis. Cela fait plusieurs jours que c’est réglé. Nous avons déplacé les familles dans toute la région. Elles n’ont pas été très coopérantes au début, mais quand on a expliqué que l’incendie du collège était un acte terroriste orchestré par ton père biologique et qu’il risquait de s’en prendre à eux pour t’atteindre, tout a été très rapide. Je ne te dirai pas où ils se trouvent, tu t’en doutes.
— Merci maman. Je savais que je pouvais compter sur toi.
— Ne me remercie pas. C’est Borga qui m’en a parlé.
Je comprends mieux le départ précipité de mon professeur quand je lui avais fait part de mes réelles inquiétudes. Je saurai m’en souvenir.
— Je dois t’avouer ne pas avoir pensé à eux, poursuit ma mère. J’étais focalisé sur d’autres problématiques.
— Vraiment ? Lesquelles ?
— Ta sœur, Charlotte et sa mère. Ton père connaît très bien Borélis et sa famille. Ce sont des proies rêvées, comme tu as pu t’en rendre compte dans le parc.
Mon sang se glace au souvenir de Charlotte entre les mains de mon père.
— Qu’avez-vous fait ?
— Ta sœur se trouve dans une planque, sous une fausse identité. Elle n’a pas du tout aimé quitter son quartier, ses copines et ses habitudes. Mais je ne lui ai pas laissé le choix.
J’imagine ma sœur en train de se foutre en rogne parce qu’elle ne verra plus le beau Billy ou le beau Marc ; parce qu’elle n’aura plus à portée de main ses magasins préférés, dans lesquels elle errait des heures avec ses copines.
— Pourquoi ne pas l’avoir amenée ici ?
— Alice serait vite devenue ingérable entre ces murs. Là où elle est, elle peut avoir une vie proche de la sienne. Je la surveille de loin.
— Et Charlotte et sa mère ?
— Je ne sais pas. Borélis a souhaité s’en occuper personnellement. C’est mieux ainsi, pour leur protection.
Elle a raison. Si les informations se trouvent au même endroit, cela pourrait faciliter les affaires de mon père.
Je suis rassuré de voir que ma mère a fait son travail avec rigueur. Toutes mes connaissances sont en sécurité. Mon père n’a plus de prise sur moi. Pourtant, elle semble toujours contrariée. Elle ne devrait plus l’être si tout le monde est à l’abri.
— Tu sembles encore tourmentée, malgré tout ce que tu me racontes. Pourquoi ?
Elle esquisse un petit sourire en coin. J’ai vu juste.
— Tu me connais bien, mon chéri. Nous avons effectivement un autre sujet d’inquiétude. Il touche à l’ordre public. Je ne peux pas t’en dire davantage. Ce sujet-là est plus sensible.
Je n’insiste pas. Je regarde la pendule située derrière ma mère. Je sais qu’elle va bientôt partir. Elle est déjà debout et prête à partir, bien avant les vingt minutes. Je dois me lancer.
— Je dois te laisser mon chéri, on m’attend.
Elle m’envoie un baiser et disparaît. J’entends ses pas rapides dans le couloir. Je me lève d’un bond et la rattrape en courant au moment où elle passe son badge sur le socle d’identification.
— Maman ! Pourrais-je avoir un téléphone ?
— Mais enfin, tu sais bien que c’est impossible, mon chéri.
— Un portable reprogrammé, indétectable alors ?
— Mais tu en ferais quoi ? Tu ne peux pas joindre tes amis.
Mon cœur s’accélère tout à coup, rien qu’à l’idée de ce que je vais lui demander.
— J’aimerais que tu demandes à Borélis l’autorisation de parler à sa fille quelques minutes chaque jour. C’est important pour moi.
Ma mère m’embrasse tendrement sur la joue.
— Je vais essayer me promet-elle, un sourire franc sur les lèvres avant de me laisser seul.
Eh bien voilà qu’elle se met elle aussi à « vouloir essayer »… ce n’est pas gagné.
Détermination
Je sors de la douche, une serviette sur moi et les cheveux dégoulinant lorsque je tombe sur Borélis. Il est installé derrière la table de ma chambre et feuillette tranquillement le travail que je fais avec mon M. Borga.
— Tu es assez bon élève Marcus, attaque-t-il sans lever les yeux vers moi.
J’ai un mouvement de recul et je manque de perdre la serviette qui me ceint la taille. Je la rattrape de justesse et tente de me redonner une constance.
— Non, mais ça va pas ! Vous m’avez foutu la trouille. Depuis quand vous débarquez comme ça, sans prévenir ?
— Ne t’inquiète pas, j’en ai vu d’autres…
— Vous en… N’importe quoi ! C’est moi qui dois être gêné, pas vous bon sang !
— Si tu veux. Bon, habille-toi, nous devons parler.
Je fulmine. J’attrape mes affaires et retourne dans la salle de bain. Je m’habille à la hâte. Je ne décolère pas.
Au moment de sortir, je m’arrête un instant. Pourquoi est-il là ? Que me veut-il ? Cela a-t-il un rapport avec la requête auprès de ma mère ? Si ce n’est pas le cas, il faut absolument que je puisse lui en parler avant la fin de notre entretien. Je respire un grand coup et le rejoins.
Comme je reste debout, il m’invite à m’asseoir.
— Ne perdons pas de temps en bavardages Marcus. Tu sais que la situation actuelle nous oblige à toutes ces mesures de sécurité. Cela ne me plaît pas plus qu’à toi, mais c’est comme ça.
J’acquiesce muettement. À force d’entendre ce discours, j’ai fini par le comprendre…
— Ta mère est venue me voir.
Mon cœur se serre. D’ici une seconde, il va me parler de Charlotte et opposer une fin de non-recevoir à ma demande. Il laisse le silence s’installer. L’angoisse m’étreint.
— Elle m’a fait part de ton souhait, du fait que tu aimerais parler à Charlotte tous les jours.
Ma gorge est sèche. J’ai du mal à déglutir.
— Est-ce bien exact ?
— Oui Monsieur, je réussis à articuler.
— Hum… et vous parleriez de quoi ?
— Heu… je n’ai pas spécialement réfléchi. De tout et de rien.
— De choses sans importance en somme ? lâche-t-il en dardant sur moi un regard dur que je ne lui connaissais pas vraiment.
Je vois où il veut en venir.
— Sans doute Monsieur, mais pas que.
— Vraiment ? Je serais curieux de voir ça.