Meurtres en batterie - Pat Cartier - E-Book

Meurtres en batterie E-Book

Pat Cartier

0,0

Beschreibung

La tranquillité d'une charmante vallée d'Alsace est perturbée par la prochaine exploitation d'une mine de lithium. Pierre Burnhaupt, le leader de l'association militant activement pour bloquer cette implantation, découvre en rentrant un soir chez lui les cadavres de sa compagne et de la fille de celle-ci. Il fait immédiatement appel à Léa Koenig, une avocate de Colmar, pour le défendre. Elle-même contacte le fameux détective Tom Randal pour tenter de l'aider à innocenter (éventuellement...?) Pierre Burnhaupt. Dans son enquête qui déclenche d'autres assassinats, Tom Randal, prenant des risques personnels, doit aussi collaborer avec la gendarmerie de Sélestat qui déroule son savoir-faire ( enquêtes de voisinage poussées, police scientifique, prélèvements techniques,...) Les habitants de la Vallée sont sous la pression des rumeurs et des soupçons. Dans cette ambiance délétère les dirigeants de la société minière, qui sentent visés, cherchent aussi à se dédouaner. Tom Randal réussira-t-il à traverser indemne ce champ de mines?

Sie lesen das E-Book in den Legimi-Apps auf:

Android
iOS
von Legimi
zertifizierten E-Readern
Kindle™-E-Readern
(für ausgewählte Pakete)

Seitenzahl: 197

Veröffentlichungsjahr: 2025

Das E-Book (TTS) können Sie hören im Abo „Legimi Premium” in Legimi-Apps auf:

Android
iOS
Bewertungen
0,0
0
0
0
0
0
Mehr Informationen
Mehr Informationen
Legimi prüft nicht, ob Rezensionen von Nutzern stammen, die den betreffenden Titel tatsächlich gekauft oder gelesen/gehört haben. Wir entfernen aber gefälschte Rezensionen.



Du même auteur :

Tirez sans sommation !

Rouge Baltic

Mirage Fatal

Biscarrosse

www.patcartier.fr

Tous les personnages et toutes les situations de ce roman relèvent de la seule imagination de l’auteur. Toute ressemblance avec une personne vivante ou ayant vécu serait purement fortuite.

Sommaire

Samedi 18 septembre

1

2

3

4

Dimanche 19 septembre

5

6

Lundi 20 septembre

7

8

9

Mardi 21 septembre

10

11

12

13

14

Mercredi 22 septembre

15

16

17

18

19

20

21

22

23

24

25

Jeudi 23 septembre

26

27

Vendredi 24 septembre

28

Personnages

Samedi 18 septembre

1

La vibration intempestive de son smartphone réveille Léa Koenig à 2 heures du matin !

Elle allume sa lampe de chevet et découvre à ses côtés un individu qui ronfle, elle met un moment à reconstituer son emploi du temps de la soirée arrosée. Elle croit reconnaitre un des types avec qui elle a flirté dans la boite de nuit, elle aurait dû le virer.

Elle saisit son smartphone qui s’épuise à vrombir et décroche :

— Oui ? baille-t-elle.

— Léa ? je… désolé de te réveiller, c’est Pierre, Pierre Burnhaupt, chuchote ce dernier.

— Mais tu es malade de m’appeler à cette heure, ce n’est pas parce qu’on a baisé une fois que…

— Non, euh…deux fois, je crois, Léa !

— Dans tes rêves, oui, qu’est-ce que tu me veux ? lui demande-t-elle, un peu inquiétée par le ton de sa voix.

— Léa, je t’en supplie, écoute-moi : je viens de rentrer chez moi, je venais de ma réunion, tu sais, mon association ; et là j’ai…enfin je… dans le salon… Claudia et Laura mortes, assassinées, avoue Pierre en pleurant.

Interloquée, Léa réfléchit, elle aperçoit alors le jeune type à côté d’elle dans le lit, qui s’est assis, encore ensommeillé. Elle se rappelle qu’il n’était quand même pas si mal mais ce n’est plus le sujet :

— C’est quoi déjà ton nom ? lui dit-elle.

— Euh… ben Arthur, tu sais bien.

— C’est qui Arthur ? pleurniche Pierre à l’autre bout du téléphone.

— Bon, Arthur, casse-toi en vitesse, j’ai du travail, allez !

La situation se décante, Arthur s’est habillé, il lui fait un petit signe et file par le couloir jusqu’à la porte d’entrée qu’il claque.

Léa soupire, se lève toute nue et marche jusqu’à sa grande baie vitrée qui donne sur la Lauch s’écoulant doucement dans la nuit entre les maisons, elle frissonne car la fenêtre est entrouverte, mais cette vue la calme. Puis elle reprend la conversation avec Pierre Burnhaupt, qu’elle appelle parfois « Burn » pour l’énerver, mais ce n’est peut-être pas le moment ce soir :

— Bon, alors, c’est toi qui les as tuées ?

— Mais tu es folle !

— Alors raconte-moi plutôt ce qui s’est passé, Pierre.

— Pas maintenant, je ne peux pas, je deviens fou, j’ai la tête qui va éclater, je veux que tu me défendes, tu es la meilleure avocate de Colmar.

— Mais si tu n’as rien fait, pourquoi te défendre ?

— Dis-moi quand je peux te voir, s’énerve Pierre, c’est très urgent, Léa.

— Je ne comprends pas grand-chose à ton histoire, mais si tu veux, disons ce matin 7 heures au bistrot en bas de chez moi, que tu connais.

— Oui, merci, je ne touche à rien, mais si je sors de chez moi, on va croire que je m’enfuis, non ?

— Arrête ton cinéma, je t’attends dans … dans 5 heures.

Elle raccroche sans autre formule de politesse.

Léa trouve que Pierre n’est visiblement pas dans son assiette, d’habitude c’est plutôt un fonceur, assez peu diplomate d’ailleurs, elle se demande s’il a peut-être des ennemis.

Elle ne l’a plus vu depuis un bon moment, mais se souvient d’un gaillard plutôt grand, début quarantaine, avec une voix forte qui lui sert dans les discussions pour en imposer. Il est aussi légèrement enveloppé car il aime la bonne chère, et en Alsace cela ne pardonne pas, mais où est-il encore allé se fourrer ?

Il y a une dizaine d’années, ce célibataire joyeux a croisé Claudia Mangano, une magnifique Italienne aux longs cheveux noirs qui cherchait à s’installer à Colmar avec sa fille de 10 ans Laura. Fasciné par Claudia, il a réussi à les attirer dans le Val de Villé pour habiter avec lui dans sa jolie maison alsacienne et son architecture de colombages et de grès rose.

Le Val de Villé est une belle vallée entourée de montagnes, un endroit plutôt enchanteur, situé à l’ouest de Sélestat, au nord de Colmar.

Léa, elle, avait croisé Pierre il y a plus de dix ans, lors d’un cocktail organisé par la Chambre de Commerce de Colmar. Lui travaillait déjà comme directeur commercial d’une usine d’électronique située en zone industrielle.

Mais le centre d’intérêt de Pierre, c’est le Val de Villé, appelé par les habitants « la Vallée ».

Il est adepte d’une vie sportive, le tennis avec Claudia, les balades avec elle et Laura dans les Vosges sur les crêtes ou vers les châteaux qui surveillent la vallée.

Cette histoire de double meurtre est assez incroyable pour Léa car la Vallée est calme, il y a eu quand même trois disparitions, tout récemment dans l’année, non élucidées, ce qui a créé chez les habitants une tension palpable n’ayant jamais existé auparavant.

Une enquête avait été diligentée concernant ces disparitions, le dossier avait été curieusement vite refermé…elle n’en sait pas plus.

2

Il est 7 heures passé et Pierre n’est toujours pas là. Léa, attablée à la terrasse de son bistrot, entame déjà son troisième café longo accompagné de sa troisième cigarette, elle ne fume presque plus…

Comme elle ne va pas rester à son étude, ni plaider au tribunal ce matin, elle a enfilé une tenue simple, chemisier fin et pantalon de toile, avec un blouson de cuir fin, tenue facile à porter car elle sent que la journée ne va pas être simple.

Elle s’impatiente ! doit-elle aller directement dans la Vallée au domicile de Pierre ? ou bien plutôt…

Appel de Pierre :

— Léa, c’est foutu !

— Mais quoi ? que se passe-t-il ?

— Deux véhicules se sont arrêtés devant chez moi, il y a déjà plus de deux ou trois heures, ce sont les gendarmes appelés surement par mes voisins, ils les interrogent, tous regardent vers ma maison. Je ne peux pas sortir. J’étais assis par terre dans le salon, un gendarme qui est passé m’a fait sortir dans l’entrée, je n’ai rien dit, lui ne m’a rien demandé…c’est foutu, je suis foutu, Léa !

— Bon, dans l’immédiat si tu te fais arrêter ne réponds pas à leurs questions et attends que j’arrive, fais-moi savoir, dès que tu pourras, où ils t’auront emmené.

— Sans doute à la gendarmerie de Villé, c’est tout près…

— La seule chose que tu puisses dire c’est que tu attends ton avocate, c’est clair ?

— Ouais, bafouille Pierre.

— Mais dis-moi en deux mots pourquoi tu t’affoles ainsi, es-tu coupable de quelque chose ?

— Euh…oui et non.

— C’est très clair !

— Non, Léa, pas maintenant, n’insiste plus. Il raccroche.

Une heure s’est écoulée, Pierre n’a pas rappelé, la cause est entendue, il s’est fait coffrer.

Elle abandonne son troisième café, écrase sa cigarette et rejoint son étude, dans la maison qui jouxte le bistrot. Comment faire ? elle ne veut pas attendre l’enquête des gendarmes en laissant Pierre se décomposer dans une cellule.

Elle se souvient alors de son amie Madeleine, secrétaire à Paris de ce détective privé, Tom Randal, dont les enquêtes ont plusieurs fois défrayé la chronique, elle n’hésite pas :

— Allo, Madeleine ?

— Qui est à l’appareil ?

— C’est Léa Koenig, tu te souviens de moi ? je suis avocate à Colmar, on s’est…

— Oui, oui, j’y suis, Léa, dis donc, cela fait un bail ! quelles parties de rigolade on a eu toutes les deux, mais je n’étais pas encore mariée, j’étais en stage un an au Tribunal de Colmar…enfin, bref, mais tu sais, ici, mon patron, Tom Randal, m’appelle Twiggy, du coup tout le monde, les clients, même la police de Saint Sulpice, tout le monde m’appelle Twiggy, c’est pour cela que je n’ai pas réagi à mon vrai nom de Madeleine.

— Ok, va pour Twiggy. J’aurais besoin des services de ton patron, comment dois-je procéder ?

— Il n’est pas encore au bureau, dis-moi de quoi s’agit-il.

— J’ai un client, Pierre Burnhaupt, enfin un copain que je connais de longue date, directeur commercial dans une boite ici à Colmar, qui vient de m’appeler au secours cette nuit vers 2 heures pour me dire qu’il vient de découvrir, enfin dit-il, en rentrant chez lui les corps sans vie de sa compagne et de la fille de sa compagne. Je devais le rencontrer ce matin à Colmar mais il vient de me faire savoir qu’il est bloqué chez lui, sa maison est cernée par les gendarmes et depuis il ne répond plus au téléphone.

— C’est…c’est peu clair…mais tu voudrais quoi de Tom ?

— Euh…si possible qu’il vienne ici d’urgence mener son enquête sur Pierre, en parallèle des démarches des gendarmes. C’est un cas grave, deux meurtres, je dois m’en occuper absolument, mais j’ai aussi des plaidoiries programmées à la cour d’appel de Colmar, je suis coincée.

— Et où se passerait l’enquête de Tom, à Colmar ?

— Non, pas du tout, toute l’affaire se déroule dans le Bas-Rhin, dans le canton de Villé, c’est une vallée relativement plate mais entourée des petites montagnes.

— Mais Colmar, c’est bien dans le Haut-Rhin ?

— Oui, mais l’enquête se passera essentiellement à Villé. C’est une chance car la brigade de gendarmerie de Villé dépend de la Compagnie de Sélestat, dont le commandant, Laurent Durban, est une bonne connaissance, je lui ai rendu déjà des services lors de récentes enquêtes.

— Ah bon, je lui transmets ta demande et tes commentaires dès qu’il arrive au bureau et il te rappellera luimême.

— C’est gentil, Twiggy.

— Et toi, de ton côté, tout va bien ?

— Oui, je suis installée comme avocate ici, j’étais en couple avec un autre avocat pendant cinq ans, mais il devenait vraiment trop pénible, alors je l’ai largué il y a un an.

— Cela te fait quel âge maintenant ?

— 36 ans quand même, il faudrait que je m’assagisse.

— Tu as le temps, Léa. Cela me fait plaisir d’avoir de tes nouvelles, alors à bientôt

— Si tu veux découvrir l’Alsace, accompagne Tom, propose Léa.

Twiggy éclate de rire, « tu ne connais pas Tom ! ».

3

Rapport du samedi 18 septembre

Le Major Jacques Delerme, OPJ, Brigade de Villé à Commandant Laurent Durban Compagnie de Gendarmerie de Sélestat

La brigade de Villé a reçu plusieurs appels ce matin entre 2 heures 30 et 4 heures concernant un ou des coups de feu tirés depuis la maison de monsieur Pierre Burnhaupt, habitant à Villé rue du Soleil.

Ayant été informé à 3 heures, je me suis rendu avec trois gendarmes sur place.

Des voisins étaient dans la rue, j’ai fait relever leurs identités par mon adjoint en vue de prendre leur déposition.

Je suis allé devant la maison de Burnhaupt. Il y avait de la lumière dans une grande pièce du rez-de-chaussée. J’ai sonné, pas de réponse, la porte n’étant pas verrouillée, je suis entré.

Dans le salon j’ai découvert un individu affalé contre un mur, l’air hébété, sans réaction à mon arrivée. Il tremblait un peu, il avait un peu de sang sur son blouson et son pantalon. Il doit s’agir de Pierre Burnhaupt.

A côté de lui, à 2 mètres un fusil, par terre, et un peu plus loin, le corps sans vie d’une personne, allongée à plat ventre, les mains attachées dans le dos. Il semblerait qu’elle ait été étranglée, de plus les doigts de ses mains étaient comme mangés par de l’acide. Sa tête reposait au sol sur la joue droite, la figure était dévastée, l’œil gauche crevé, le front comme enfoncé avec un marteau, la personne est méconnaissable.

Contre le mur opposé, une autre personne qui devait être assise par terre a reçu un coup de fusil dans la bouche, il y a des morceaux de la cervelle collés au mur ainsi que du sang au mur et par terre. Cette seconde victime a aussi les mains attachées dans le dos. Elle s’est affaissée sur le côté droit. Les chevilles sont aussi liées et des ficelles pendent, comme coupées.

Je fais sortir Pierre Burnhaupt du salon avec les précautions d’usage et l’installe sur un siège dans l’entrée. Je fais mettre les scellés sur la porte du salon pour sécuriser la scène de crime.

J’envoie à la BR (Brigade de recherche) de Sélestat un message pour demander une intervention immédiate.

Je vais procéder à une enquête de voisinage.

4h00 Major J.Delerme

4

Rapport du samedi 18 septembre

Le Major Jacques Delerme, OPJ, Brigade de Villé à Commandant Laurent Durban Compagnie de Gendarmerie de Sélestat

J’ai pris l’initiative de récolter les dépositions des quatre voisins présents immédiatement pour éviter que leurs souvenirs ne se dissipent.

Il s’agit de trois couples et d’un homme seul, un veuf.

Le couple 1 (les détails complets des relevés d’identité figurent en annexe A) déclare avoir été réveillé à 2 heures par un coup de feu tout proche. Le couple s’est levé, a constaté que le salon chez Burnhaupt était éclairé, mais n’a vu personne.

Le couple 2 a fait une déclaration semblable, mais situe le coup de feu vers 1 heure 50, et déclare avoir vu une silhouette bouger dans le salon, se baisser, se redresser, se rebaisser, mais c’était « fugace »…

Le couple 3 croit avoir entendu deux coups de feu, mais n’a pas vu de mouvement dans le salon, il cite la même heure de 2 heures.

Le veuf déclare avoir entendu une voiture se garer devant la maison vers 22 heures 30 et repartir quelques minutes plus tard, puis encore une voiture vers 23 heures 30, cette fois-là il s’est levé, a vu deux silhouettes entrer et sortir. Énervé, il a décidé de prendre un somnifère, il n’a entendu ensuite aucun coup de feu, pas plus que l’arrivée de Burnhaupt à 2 heures. Pour la première voiture il déclare qu’elle s’est garée devant chez Burnhaupt mais ne s’est pas levé pour vérifier que c’était bien cela…

J’envoie un de mes hommes faire le tour du quartier pour sonner à chaque porte, à partir de 8 heures, pour recueillir éventuellement d’autres informations.

5h30 Major J.Delerme

Dimanche 19 septembre

5

Le TGV de Tom Randal entre en gare de Colmar, à peine un peu plus de 2 heures ont suffi pour rallier la ville du Haut-Rhin depuis Paris.

Les paysages de Champagne et de Lorraine étaient sans relief, mais c’est l’arrivée en plaine d’Alsace qui a attiré l’attention de Tom, les contreforts des Vosges, les magnifiques vignobles, les villages aux maisons à colombages, de couleurs vives, et jusqu’à la cathédrale de Strasbourg qui s’apercevait de très loin, dominant la ville.

Tom a eu la veille un long entretien avec Léa au téléphone, elle a été très persuasive, il a finalement accepté de venir dès le lendemain.

Équipé de son fidèle sac cabine, il débarque, en ce début d’après-midi, sur le quai de la gare de Colmar, toujours aussi frisé, mince et d’allure sportive, portant allègrement ses 37 ans malgré déjà près de cinq ans passés à élucider des affaires bizarres en tant que détective et ayant plusieurs fois risqué sa vie ! il fait parfois des cauchemars en rêvant à ses enquêtes de Suède ou de Libye.

Mais comment reconnaitre cette Léa Koenig ? il y a bien sûr cette fille à l’allure superbe là-bas, qui le regarde d’ailleurs. Elle lui sourit et se dirige vers lui, élégante dans son tailleur jupe crayon et petits escarpins :

— Docteur Livingstone, I presume ? lui dit-elle avec un grand sourire.

— Léa ? réplique bêtement Tom, pour une fois surpris par l’humour de l’avocate.

— Eh oui, Tom, j’ai pris mes renseignements sur toi, balance-t-elle en adoptant d’emblée le tutoiement, ce qui n’est pas pour déplaire à Tom.

— Je suis venu dès que j’ai pu, Léa, suite à ton appel d’hier à Twiggy.

— C’est parfait, allons tout de suite à mon étude pour faire le point.

Ils traversent à pied la place de cette gare, un superbe bâtiment datant du début XXème siècle, en briques rouges et grès des Vosges du nord, le tout de l’époque où l’Alsace était annexée par le Reich voisin.

Tom, après un coup d’œil admiratif à ce monument néogothique, s’intéresse du même œil admiratif à l’allure dynamique de Léa qui marche devant lui, cheveux bruns taillés court et balancement rythmé des hanches. D’ailleurs il n’est pas seul à l’admirer, d’autres voyageurs devant la gare se retournent sur son passage.

Ils s’installent dans l’Audi Q5 blanche de Léa, Tom ayant balancé son sac cabine dans le coffre. Le court trajet les fait longer un charmant parc jusqu’au centre-ville. Elle se gare sur son emplacement réservé devant son étude, Tom l’escorte dans cette maison, d’une architecture début vingtième siècle, qui abrite ses bureaux.

Léa l’invite à s’asseoir face à elle dans un des fauteuils en cuir de sa table de travail, elle soupire en pensant à l’enquête qui va être lancée, puis lui sourit :

— Je vais directement au sujet qui nous occupe, Tom, j’ai beaucoup de choses à te dire.

— Je t’en prie, je t’écoute, tu as des nouvelles de ce Pierre Burnhaupt ?

— Oui, mais mauvaises : il a donc bien été arrêté hier par les gendarmes de la brigade de Villé. Comme je l’ai dit à Twiggy, cette brigade dépend de la Compagnie de Sélestat, et il se trouve que je connais bien le commandant, en charge de l’affaire, il s’appelle Laurent Durban..

— C’est une chance, s’exclame Tom.

— Oui et non, estime Léa. Oui, car nous nous sommes vus sur différentes affaires où j’ai pu lui apporter des informations qui l’ont aidé pour ses enquêtes, de ce fait nous avons de bonnes relations. Non, car tu penses bien qu’il ne va pas me donner des détails qui relèvent du secret de l’affaire.

— Je comprends.

— Il m’a quand même dit que Pierre était mutique, absent, bizarre.

— Tu lui avais peut-être conseillé de ne parler qu’en ta présence ?

— Oui, mais il a l’air comme effaré par ce qu’il a pu voir la nuit précédente, en tout cas il ne collabore pas aux interrogatoires. À tel point que Durban, qui craint pour sa santé mentale, l’a envoyé ce matin se faire expertiser à l’hôpital psychiatrique de Stephansfeld, qui est à Brumath, un peu au nord de Strasbourg.

— Ce n’est pas exagéré ?

— Pour l’instant, j’ai senti que Durban tient clairement Pierre pour un coupable possible.

— Pourquoi donc ?

— Mais tout l’accuse ! Durban m’a juste dit, sous le sceau du secret, que les deux femmes ont été tuées, l’une d’un coup de fusil dans la tête, et l’autre par étranglement, qu’elles étaient attachées, et qu’un fusil se trouvait à côté d’elles. De plus Pierre avait même du sang sur ses vêtements…

— Aïe, cela le désigne vraiment comme coupable, que puis-je faire dans ce cas ? comment t’aider, Léa ?

— J’avoue que je ne sais pas…

— Les corps se trouvaient où ?

— Dans le salon de la maison de Pierre.

Tom essaie de réfléchir à cette situation bloquée. Il arrive aussi un peu trop tard car il ne peut plus accéder à la scène de crime.

— Mais le vrai problème, reprend Léa, c’est qu’un coup de fusil a retenti la nuit en question à environ 2 heures du matin quand Pierre est rentré, cette coïncidence désigne clairement Pierre comme coupable, il n’y avait personne d’autre dans la maison.

— C’est sûr qu’il n’y avait personne d’autre ? s’étonne Tom.

— Oui, confirmé par Durban lui-même. Le bruit a réveillé les voisins qui ont constaté qu’il y avait de la lumière dans le salon chez Pierre.

— Mais il y a eu un seul coup de fusil ?

— Euh…oui, Durban n’a pas donné plus de détails, regrette Léa.

— Je ne vois pas comment Pierre peut s’en sortir…je pourrais déjà questionner les voisins ?

— Oui, pourquoi pas, mais cela va être dur de sortir Pierre de ce pétrin, je n’ai pas hérité d’un cadeau avec son coup de fil...

— Par où veux-tu que je commence cette enquête ?

— Bon, alors on se reprend : d’abord je voudrais que tu ailles demain à cet hôpital de Stephansfeld, essaie de voir Pierre et de lui parler discrètement, il doit être forcément surveillé par des gendarmes. Sinon contacte au moins le directeur du centre hospitalier, je te donnerai ses coordonnées, il pourra sans doute t’en dire plus, sous couvert bien sûr du pseudo secret médical, sourit Léa.

— Cela est bien dans mes cordes, approuve Tom.

— Sinon, je te confie une grande enquête : tu sais que Pierre vit dans le fameux Val de Villé, je pense que c’est là que réside le mystère de cette affaire. Je t’ai réservé une chambre à l’hostellerie des Trois Sapins à Villé, d’où tu pourras rayonner dans la vallée…

— Mais je rayonne déjà depuis que j’ai posé le pied sur le quai de la gare, sourit Tom pour détendre l’atmosphère un peu tendue.

— OK, sacré Tom, oui c’est bien et j’espère que l’atmosphère ne va pas trop s’alourdir. Je vais commencer par te confier à une copine qui a sa maison de vacances ou plutôt de weekend dans la Vallée, je l’ai prévenue de ta visite, elle connait Pierre et tous les « gossips » de la vallée, en plus elle est psychiatre, tu vois.

— Je vais peut-être louer une voiture pour tous ces déplacements.

— Je l’ai déjà fait, elle est garée à côté de la mienne, une Renault Captur, tiens, voici les clés, tu vas me suivre, je t’emmène à Villé, aux Trois Sapins.

— Tu es organisée, Léa !

— Il faut bien, le temps joue contre nous, grimace-t-elle…visiblement il a été arrêté dans le cadre d’une enquête de flagrance.

— C’est quoi, cela ?

— C’est une procédure des gendarmes qui concerne les cas où visiblement le suspect numéro un est en possession de l’arme du crime, et est appréhendé sur les lieux du crime. Du coup, la garde à vue de Pierre peut durer sept jours, et même être reconduite une fois.

— Ce serait donc mieux de trouver une solution pour Pierre dans ce délai ?

— Oui, certainement. Le chef de la brigade de Villé, que je connais, a le grade de major et c’est un officier de police judiciaire, un OPJ. Il s’appelle Jacques Delerme, c’est lui qui a dû s’occuper du « gel des lieux », poser des scellés, débuter une enquête de voisinage, et passer le relais à la brigade de recherche de Sélestat, la BR comme ils disent, qui va sans doute procéder au relevé des empreintes, au prélèvement des traces d’ADN, et aussi prendre des photos.

— Et tu connais quelqu’un à cette BR ?

— Non, mais elle dépend directement de Laurent Durban, ceci dit cette affaire va prendre une autre dimension, on risque de nous envoyer dès aujourd’hui la section de recherche, qui dépend, je crois, du niveau départemental, donc de Strasbourg, ou même les techniciens en investigation criminelle qui sont au niveau régional, mais aussi basés à Strasbourg…

— Tu en sais des choses, Léa.

— Oui, enfin tu sais, à force de côtoyer les gendarmes…donc ensuite ils vont envoyer leurs prélèvements à l’IRCGN qui…

— Attends, c’est quoi cela ?